Chapitre 7

(en média c'est Mitsuki)

PDV Mitsuki :

Il devait être onze heures quand je me réveillais enfin. L'odeur des tartines grillées m'avait tiré de mon sommeil, et mon ventre, déjà en train de gargouiller, me rappelait que j'avais faim. C'était la première pensée qui m'est venue ce matin-là.

Je me levais rapidement et m'avançais vers la cuisine, où Ryo était en train de cuire du lard et des œufs. Les tartines crépitaient dans le grille-pain.

Ryo leva les yeux vers moi, sans interrompre sa cuisine, et me demanda si j'avais bien dormi. Le mensonge « Oui » franchit mes lèvres comme une routine bien rôdée. C'était notre jeu, celui que l'on jouait depuis des années. Il savait que je mentais, et moi, je savais qu'il savait. Un peu de mensonge, mais l'essentiel restait là : on se disait toute la vérité, même quand tout était compliqué.

Je m'installais à table, baillant, et réclamais mon petit-déjeuner.

« Tu me fais chier ! T'as qu'à te faire toi-même à manger ! » Ryo rétorqua sans ciller, mais il avait un sourire en coin, comme à chaque fois qu'il me taquinait.

« Nan ! Je sais pas faire ! »

Je paniquais réellement à l'idée qu'il me laisse faire à manger. Je savais que ça ne se produirait pas, après l'incident où j'avais failli mettre le feu à la cuisine. Mais la perspective de cuisiner m'effrayait toujours autant.

En parlant de cuisine, chaque fois que je la voyais, je ne pouvais m'empêcher de penser à combien notre vie était réduite à sa plus simple expression. La cuisine était minuscule, le four ne fonctionnait plus correctement, et la gazinière... ne parlons même pas de la gazinière. L'appartement tout entier était dans le même état : petit, délabré, à peine vivable. La pauvreté nous entourait comme une couverture noire, usée et trouée.

Me voyant perdu dans la contemplation de notre sublime demeure, Ryo me servit mon assiette avant de s'asseoir en face de moi.

Le repas se déroula en silence, jusqu'à ce que Ryo brise enfin la quiétude.

« On va devoir aller voir le vieux du bar cet aprèm. »

Je hochai la tête en mordant dans ma tartine, sans vraiment y réfléchir. Le vieux. Il avait été un père pour moi. Enfin, pour nous. Ryo et moi. Il nous avait donné un travail, un toit – même si ce n'était pas le luxe – et de quoi manger lorsque nos revenus ne suffisaient plus. C'était lui qui nous envoyait en mission. Avant, on travaillait au bar, un endroit tout sauf sûr. On était chanteurs et musiciens. Mais ce bar, c'était aussi le point de contact pour des contrats entre gangs, des demandes de morts, des transactions glauques qui se déroulaient sous l'œil des policiers, mais jamais sous leur attention.

À un moment donné, quelqu'un nous a remarqués, et le vieux nous a proposé un travail : donner une « correction » à un type. Pourquoi ? On n'en a jamais su grand-chose. Puis les missions se sont enchaînées, et le vieux a préféré qu'on continue. Mais aujourd'hui, on allait lui demander de nous reprendre à mi-temps. Et je savais qu'il fallait que je lui explique dans quel bordel je nous avais mis... Ça n'allait pas être facile.

Après le petit-déjeuner, je me précipitai dans ma chambre pour m'habiller rapidement. Je mis un cargo noir et un large haut blanc, qui m'arrivait à la taille. Mes longs cheveux blancs étaient un enchevêtrement de nœuds, mais je les attachai à la hâte, sans même prendre la peine de les brosser. Mes boucles d'oreilles étaient un des rares accessoires que je portais, une touche de normalité dans ce chaos.

Je sortis de la chambre pour trouver Ryo dans la cuisine, en train de se brosser les dents. Je me mis à faire la vaisselle, qu'il avait abandonnée dans l'évier.

Une heure plus tard, nous étions prêts.

Je soufflai en enfilant mes chaussures, fatiguée par l'idée de quitter l'appartement, même si j'avais une vague envie de me recoucher.

« Arrête de souffler, Mitsu. Si tu voulais pas reprendre le job au bar, fallait pas proposer un truc comme ça au boss d'un gang. » Ryo me lança un regard sévère, mais je sentais dans sa voix qu'il n'était pas vraiment en colère. Plutôt fatigué, comme si, malgré tout, il savait que c'était ce qu'on devait faire.

« Vraiment, Mitsuki... » Il secoua la tête d'un air exaspéré, mais c'était évident qu'il essayait de ne pas éclater de rire. « Tu m'avais dit que tu ne voulais plus de tout ça, et voilà que tu viens proposer un marché à un gang comme si c'était la chose la plus normale au monde. »

Je soupirai, levant les yeux au ciel. « Franchement, tu te fais chier à chaque fois que je prends une décision, hein ? »

Ryo me lança un regard lourd, le genre de regard qui signifie « on va pas y passer toute la journée».

« Je suis pas en train de faire la gueule, je suis en train de me demander pourquoi tu te mets toujours dans ces situations. T'as cru que c'était une bonne idée de proposer un marché à un gang de voyous ? »

Je me sentis soudainement comme une gamine prise en flagrant délit. Je me grattais la tête, l'air un peu perdu.

« Ben... ouais, pourquoi pas ? C'était une idée, tu sais... un genre de deal qui pourrait arranger tout le monde. »

Ryo éclata de rire, mais c'était un rire nerveux, teinté de frustration.

« Ah ouais, un deal qui va arranger tout le monde ! Mais bien sûr, t'es un génie, Mitsu ! Tu devrais être le consultant stratégique des gangs ! » Il leva les mains en l'air, exagérant complètement le côté dramatique de la situation. « "Oh, attendez, les gars, j'ai une idée géniale, allons tous vendre nos âmes pour quelques billets." »

Je croisai les bras, essayant de ne pas éclater de rire.

« Eh, au moins, c'était pas une mauvaise idée. Je pensais à l'avenir. » Je lui fis un clin d'œil, mais je savais qu'il n'allait pas lâcher l'affaire aussi facilement.

Ryo me fixa, incrédule.

« L'avenir ? L'avenir ? Mitsuki, t'as proposé un marché avec un gang qui se bat pour du pouvoir, et toi tu veux parler de l'avenir ? T'as l'intention de négocier avec Mikey en lui offrant des cookies ou quoi ? »

Je ne pus retenir un sourire.

« C'est une idée. Peut-être qu'il apprécierait un geste amical. Un paquet de cookies et on passe à autre chose. » Je me mis à imiter un sourire de vendeur de cookies, et Ryo me lança un regard exaspéré.

« Non mais sérieux, pourquoi tu fais ça, Mitsu ? T'as pas réfléchi un instant à ce que ça implique ? C'est pas juste un petit "marché" à la con, c'est jouer avec le feu. »

Il se leva et commença à faire les cent pas, visiblement énervé, mais aussi un peu désespéré.

Un sourire narquois sur le coin des lèvres, je laçais ma deuxième chaussure

« Écoute, je savais bien qu'il y aurait des conséquences. Mais tu sais, parfois on n'a pas vraiment le choix. Et j'ai réfléchi, c'est une chance pour nous. »

Ryo s'arrêta net et se tourna vers moi, les mains sur les hanches.

« Une chance ?! Tu appelles ça une chance ?! Tu veux dire qu'on est sur le point de se retrouver au milieu d'un affrontement entre gangs et toi, tu vois ça comme une chance ? T'as vu la tête du boss de Toman ? Il n'a pas l'air de quelqu'un qui apprécie vraiment les "marchés" amicaux. »

Je haussai les épaules, décontractée, en me redressant. « Ben, on va gérer, non ? »

Ryo me fixa un instant, et puis, avec un soupir exaspéré, il s'affala dans le canapé, comme si toute la situation l'épuisait.

« T'es vraiment un cas désespéré. Mais je t'aime bien, t'sais. Ça doit être ça, l'amitié, non ? Se retrouver à faire des deals avec des psychopathes et s'en sortir sans trop de séquelles. »

Je me penchai en avant, un air sérieux sur le visage.

« Hé, t'inquiète. On va gérer. Je suis un pro dans ce genre de trucs. » Je lui fis un clin d'œil et ajoutai, un peu trop vite : « Au pire, tu pourras toujours venir me sauver si ça tourne mal. »

Ryo soupira de nouveau, cette fois avec un petit sourire amusé.

« Ouais, bien sûr. Parce que c'est moi qui vais sauver ta peau. Et si ça tourne vraiment mal, je serai là pour t'administrer la dernière claque avant de t'envoyer au milieu du champ de bataille.»

Je me mis à rire. « Eh ben, t'es pas rassurant du tout. »

Ryo me lança un regard bienveillant mais ironique.

« Je crois qu'on va avoir besoin de plus qu'une claque pour s'en sortir, Mitsuki. Mais je vais essayer de tenir le coup... pour toi. »

Je souris, appréciant la touche d'humour dans ses paroles, malgré toute la gravité de la situation. « T'es un vrai pote, Ryo. Mais sérieusement, on va gérer, t'inquiète. »

Il me fixa un instant, puis il s'étira avant de se lever.

« Bon, allez, allons-y avant que tu proposes un autre marché avec un gang rival. »

Je le suivis en riant, sachant que malgré la dispute, au fond, on se soutenait toujours.

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