Chapitre 13: Head Over Heels
Décembre 1957
La lumière solaire passe au travers des stores de ma fenêtre, la luminosité m'éclaire violemment la face et me réveille par la même occasion.
Aujourd'hui est un jour spécial. Aujourd'hui c'est mon anniversaire et oui. Nous sommes un jour de semaine ce qui se pose là dans la pourritude absolue.
Vous pensez qu'on nous laisserait sécher aujourd'hui pour pouvoir profiter de cette journée si spéciale ? Que nenni !
À vrai dire, usse été un week-end qu'on en aurait pas profité de toute manière.
Je dis "on" pas parce que je me la pète tout à coup mais parce que ça concerne aussi Roman. Vous savez, frère jumeau tout ça tout ça. Du coup ça implique qu'il soit né le même jour quand on fait preuve d'un minimum de logique.
Je paresse un long moment dans mon lit. En général les anniversaires ça me déprime.
Je veux dire, surtout que nous sommes un vendredi.
Genre ça pouvait pas tomber demain comme ça pas de cours de merde qui me font prodigieusement chier ?
Nope ma gueule.
M'enfin comme je le disais donc, j'en suis là. Affalée dans mon lit telle une étoile de mer jusqu'à ce que mon très cher frère vienne troubler ma tranquillité sans vergogne. Le goujat.
- Salutation ma très chère sœur , comment allez-vous en cette si belle journée d'hiver ? qu'il me fait avec bonne humeur.
Vous vous souvenez du temps où j'aimais nos échanges pseudo mélodramatiques et semi-pedantiques ? Ben ça m'est passé.
Qu'il soit de bonne humeur à chaque anniversaire en soi ça me dépasse mais alors un jour de semaine ? Je pige encore moins.
- J'en suis venue à réaliser que la vie c'était de la merde et que j'aurais aimé m'être faite étouffée par mon oreiller cette nuit plutôt que d'avoir à affronter une foutue matinée de plus.
Je plaçais une main sur mon front démontrant de par ce geste toute l'étendue de mon spleen d'anniversaire.
- Ah. Est-ce que la nouvelle que tu n'es plus punie, courtoisie de notre chère mère en guise de cadeau d'anniversaire, parviendrait à te rendre d'humeur un tant soit peu meilleure ?
Plaît-il ?
J'esquisse à ces mots l'ombre d'un sourire.
Bref contact visuel entre nous deux, petit clin d'œil de sa part et il s'en va.
Je me lève. Parce qu'il le faut bien. Surtout qu'être dépunie pour être repunie dans la foulée ce serait contre-productif.
Je me rend dans la salle de bain histoire de me rendre un tant soit peu présentable, ensuite je m'habille et je descend les escaliers jusqu'au rez-de-chaussée. A part mon frère il n'y a personne. Peut-être que la journée ne se présente pas si mal après tout...
Ce type bizarre bouffe encore des cornichons à même le pot. Je lui lance un regard de dégoût, il se sent obligé de justifier sa conduite déviante.
- Vois-tu, c'est bon pour la santé. Il y a même une mamie la dernière fois qui m'a dit qu'apparemment boire le jus des cornichons c'était bon pour le corps aussi. Mais bon, pour le moment ça me dit trop rien. Peut-être qu'un jour je tenterais l'expérience.
Je suis d'autant moins convaincue.
Sans commentaire de ma part, je me verse des corn-flakes dans un bol. Je me prend un verre de lait à côté et j'entreprend de me sustenter.
- Tu es bien silencieuse ce matin Kat...
- Effectivement.
Je n'ajoute rien. Je sais pas pourquoi, j'ai juste rien à dire du tout. Je suis pas vénère, je lui reproche rien du tout, j'ai juste rien à dire. D'humeur morose.
Le reste du petit-déjeuner se passe dans un silence malaisant.
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Nous sommes dehors, Richard nous a rejoint. Décidément je me ferai jamais à son surnom débile. Il tape la discute avec mon cher frérot en fond pendant un petit moment. Comme à mon habitude je suis en tête de file.
A mon grand étonnement, il se tape un petit sprint vite fait pour me rejoindre, sans grande énergie mais tout de même. C'est bien la première fois que je le vois courir à cette larve.
- Hiya. How are you doin' today love ? * Salut. Comment ça va aujourd'hui ?* qu'il me fait avec un petit sourire.
- Hum I'm doing fine, thank you... *Hum bien merci...* , je répond un peu con. How about you ? *De ton côté ?*
Il jette un regard hésitant à mon frère qui n'a toujours pas rattrapé la distance qui nous sépare. On dirait qu'il parle à la méchante sorcière de l'Ouest ! Je vais pas te becter les miches mon coco, soit sans craintes.
- Splendid ta. Heard it's yer birthday today innit ? *Merveilleusement merci. J'ai entendu dire que c'était ton anniversaire aujourd'hui ?*
La con de sa race. J'aurais espéré que personne ne l'apprenne je dois dire. Les "joyeux anniversaires" répétés en boucle par une bande d'hypocrites, c'est pas vraiment mon délire en fait.
- Indeed it is*Effectivement* , confirmais-je mal à l'aise.
Alors il me tape la bise. Comme ça de nulle part. J'ai rien compris à ma vie, je reste bouche bée comme un poisson handicapé.
- S'what ye do in yer country in such occasions, right ? *C'est bien ce qu'on fait en cet occasion, non ?* se justifie-t-il alors aussi peu à l'aise que moi.
Pas vraiment, on fait ça au nouvel an... Mais j'ai pas le cœur à le contredire le pauvre alors j'acquiesce et je lui tapote brièvement l'épaule.
- Cheers mate ! *Merci vieux !* le remerciais-je.
Rien que pour le grand sourire rayonnant qu'il me retourne je suis heureuse de ne pas l'avoir corrigé.
Puis en y repensant, c'était pas si désagréable que ça qu'il me fasse la bise...
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- Tonight, we celebrate ! *Ce soir, nous festoyons !* s'exclame le Lennon alors que j'arrive à peine à son niveau.
Chagasse.
Il me prend par les épaules comme il a beaucoup trop l'habitude de faire, puis me prend à part alors que j'ai pas encore eu l'occasion de saluer le reste de la troupe. McCaca lui lance un regard outré, comme si il lui avait coupé l'herbe sous le pied ou un truc du genre. Je le vois qui se met légèrement sur la pointe des pieds, on dirait qu'il essaye de nous espionner ce con. Il ressemble à une mangouste, ridicule à souhait le petit chou. Je lui lance un clin d'œil sans aucune raison, juste pour qu'il croit qu'il se passe quelque chose alors qu'en fait rien ne se passe. Ça fait sens ce que je dis là ? Juste j'aime bien l'emmerder le pauvre.
- So birthday gurl, thought ye could fool me ? Lennon here knows everythin' see. Hence tonight, yer arse is to come to my house and dance to good ol' rock'n'roll little thing. *Alors ma grande, tu as cru pouvoir me rouler ? Lennon sait absolument tout vois-tu. Du coup ce soir, tes fesses sont invitées à se rendre chez moi et à se trémousser sur du bon vieux rock'n'roll petite chose.*
Je vois bien qu'il ne sert à rien de protester, totalement inutile.
- Happy Birthday by the way love. *Joyeux anniversaire par ailleurs ma belle.*
Il me sert vigoureusement dans ses bras puis me tape la bise.
Mais on se tape pas la bise aux annifs ! A moins qu'on ne le fasse et en fait c'est moi qui savait pas...
-Thanks Lennon *Merci Lennon* , fais-je en retour.
Sourire pervers en retour, pour changer.
On retourne vers le groupe, c'est au tour de McCaca de me prendre à part. Il me tape à son tour la bise mais genre vraiment de loin, comme si j'avais de l'herpès ou un truc du genre. Bon soit tu fais la bise soit tu la fais pas gros lard. On dirait ses mamies pédantes et bcbg qui se font la bise dans le 16ème arrondissement. C'est d'un ridicule.
- Happy Birthday. *Joyeux anniversaire.*
Puis il se casse.
Okay.
Et toute la journée j'ai le droit à ça. Je sais pas qui est l'agent infiltré qui a décidé de donner des leçons bidons de nos us et coutumes à tout ce petit peuple mais je le maudis. Se faire baver dessus toute la journée c'est pas un truc qui me botte particulièrement putain.
En fin de journée, je croise ce cher Olaf. Ça faisait longtemps.
A croire que c'est un ninja le type, genre je le croise que quand il accepte d'être vu en fait.
Je pense que c'est un agent de l'ombre, autrement c'est pas normal.
- Gratulerer med dagen, me lance-t-il.
- Tusen takk, que je répond.
Il semble surprit, il a raté son effet.
- You thought I wouldn't understand am I right ? *Tu pensais que j'aurais rien compris n'est-ce pas ?*
- I thought so indeed. *Effectivement.*
Il s'éclaircit la gorge. J'ai précisé qu'on était tout les deux plantés au milieu du couloir ?
Il me pousse ensuite la chansonnette. Que quelqu'un me vienne en aide !
- Hurra for deg som fyller ditt år!
Il chante faux.
Ja, deg vil vi gratulere!
Cette homme n'a honte de rien ...
Alle i ring omkring deg vi står,
Elle dure quand même longtemps cette chanson non ?
og se, nå vil vi marsjere,
C'est peut-être moi...
bukke, nikke, neie, snu oss omkring,
Non en fait elle dure une plombe, le malaise est palpable.
danse for deg med hopp og sprett og spring,
Le gars n'en démord pas.
ønske deg av hjertet alle gode ting!
Il est décidé à la chanter jusqu'à la fin cette foutue chanson.
Og si meg så, hva vil du mere?
Au final c'est pas si horrible que ça... S'en serait presque mignon.
Gratulere!
Dieu merci il a fini !
Il m'adresse un sourire de beau-gosse, me prend dans ses bras puis me relâche. Pas de bises ce qui joue en sa faveur. Ensuite il disparaît à nouveau.
J'arriverais décidément jamais à le cerner ce mec.
Mais il m'a rendue affreusement de bonne humeur. Elle était mignonne sa chanson, même chantée fausse par une grande asperge telle que ce bonhomme.
A la sortie du lycée je retrouvais mon frère.
Et Richard.
- Bon, situation de crise.
Je vois que j'ai toute l'attention de Roman, Slow guy lui pige que dalle.
- Lennon réquisitionne ma présence à sa fête ce soir. Je pouvais pas dire non.
- Tu peux dire non en l'occurrence, je veux dire c'est une possibilité non négligeable que t'offre le don de langage. Et même si tu étais dans l'incapacité de prononcer un mot, tu aurais pu tout aussi bien lui signifier ton refus par ce geste universel...
Il appuya son propos en hochant horizontalement la tête de gauche à droite.
- Ou bien par celui-ci.
Il me fit non avec l'index.
- Ou encore...
Cette fois il fit une croix avec ses avants-bras face à son torse. L'enculé.
- T'as fini de faire de l'esprit ou tu m'aides ?
Il semblait satisfait de son effet le bougre.
- J'en ai pas souvent l'occasion alors tu m'excuseras d'avoir saisi une telle opportunité chérie.
Il enchaîne.
- Les parents sont pas à la maison, ils sont partis en week-end tout les deux.
Pourquoi on m'a rien dit ? Pourquoi on me dit jamais rien ? Et c'est quoi ce deus ex-machina à deux francs six sous ?
Après ils ont la fâcheuse tendance à ne pas être présents durant nos anniversaires. Un jour qu'ils regrettent amèrement peut-être ?
- Fort bien, que je répond un peu con.
- Du coup faut bien t'arranger une fois à la maison et ensuite on va s'ambiancer bien comme il faut ma petite !!
Il me saisit par les épaules, à la Lennon et nous nous mettons joyeusement en route. Slow guy trottine presque pour rester à notre niveau. Je nous fais ralentir parce qu'il me fait de la peine miskin.
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Je sais pas du tout quoi mettre. Très sincèrement ça me fout la pression cette histoire, je peux arriver habiller en clodo comme d'habitude ?
Laurel et Hardy croient alors bon de débarquer dans ma chambre. Comme ça, tranquille. Je vous ai pas invités à ma connaissance.
- Hello... fait Richard tout timide.
Bon, je vais pas m'énerver contre eux pour une fois. Ils ont rien fait de mal après réflexion.
- Je me doutais que tu séchais, étant donné que c'est pas dans tes habitudes de te vêtir d'autre chose que de guenilles.
- Merci bien connard.
- Je disais donc, continue-t-il comme si je n'étais jamais intervenue. Avec ce cher Ringo, on s'est dit qu'on allait te relooker. Comme tu l'as fait pour moi la dernière fois. A charge de revanche t'as vu.
Facepalm.
- What he says *Ce qu'il dit*, fais Richard.
Des fois le silence est la meilleure des réponses mon petit chou. Alors quand tu sais pas quoi dire ou qu'on t'a pas sonné, à l'avenir ferme la. Puis rappelez-moi de plus jamais rendre service à l'autre nazi de mes boules.
J'ai pas particulièrement envie de collaborer pour le coup. Puis pourquoi je me fringuerai bien d'ailleurs ? C'est mon annif non ? En vrai si j'ai envie d'y aller à poil avec la tête de Churchill tatouée sur le cul c'est mon affaire il me semble !
- I won't take no for an answer *Je n'accepterai aucun refus*, achève mon cher frère.
Tout à l'heure il me saoule avec le concept de la négation et maintenant il refuse que je refuse ! Quelle ironie ! Quelle hypocrisie !
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Une demi-heure plus tard, on m'a foutue dans un robe de ma mère. Une espèce de robe sans manches à la Audrey Hepburn, vert sauge et noire. J'ai un gros cul et j'ai pas de seins, donc pas super sexy comme rendu.
On m'a maquillée. Bizarrement je ressemble pas à un acteur interprétant une fille dans une pièce de l'époque Shakespearienne donc c'est déjà ça. Mais c'est pas très probant non plus.
Mes cheveux ont perdus tout leur volume. On m'a fait un chignon et lissé ma frange. On m'a volé mes lunettes !!
En fait ce "on" c'est mon frère. Ce bon vieux Richard s'est contenté de valider ou non à la romaine, c'est à dire avec son pouce.
Devant le résultat final il fait feux des deux pouces. Menteur.
S'ensuit l'issue des chaussures. M'en fous vous allez pas me voler toute mon essence bande de bâtards ! J'enfile mes bottes devant le regard outré de mon jumeau.
- We're good to go, come on. *On est bons, allons-y.*
Je prend une grosse veste, parce que mine de rien je vais me les cailler dehors. Et une fois au rez-de-chaussée où Roman tente toujours de me faire changer d'avis niveau chaussures, nous sortons de chez moi.
Souhaitez-moi bonne chance, nous sommes en route pour la petite sauterie de Lennon.
Fin du chapitre.
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