Black and white (Will)
Niveau d'angst : 3/10
Eleven ne trouva personne du premier coup d'œil. La pièce était mal éclairée, et la scène était montrée sous un aspect étrange.
Puis il y eut un mouvement similaire à une caméra qui s'incline pour trouver un meilleur angle de vue, et la jeune fille aperçut Will. Elle eut immédiatement beaucoup de peine pour le garçon, et sentit une sorte de culpabilité involontaire la ronger.
Même si elle ne contrôlait rien, elle savait à quel point Will était quelqu'un d'introverti et de secret, et l'idée d'assister au déballage vulgaire de sa vie privée la chagrinait beaucoup.
Le garçon était faiblement éclairé par une lumière jaune et tamisée. Il se trouvait dans sa chambre, une large feuille de papier à dessin posée sur les genoux, une trousse de crayons renversée à côté de lui.
Will, assis au bord de son lit, dessinait. Il traçait des lignes et des courbes, égratignait la feuille, changeait de couleur sans même regarder quel crayon il prenait, repassait jusqu'à dix fois sur un même trait, appuyait avec tant de nervosité qu'on aurait dit qu'il voulait trouer le papier.
Son visage était grave et crispé, en proie à une concentration si extrême qu'un coup de feu aurait retenti qu'il ne l'aurait pas entendu. Ses sourcils froncés, ses mains si raides et si agiles en même temps. Elles virevoltaient d'un bout à l'autre de la page, assombrissant et traçant des formes vaporeuses.
On aurait dit un chef d'orchestre qui donnait tout pour le grand final. Un chevalier qui jetait ses dernières forces dans un combat épique. Un noyé qui luttait pour remonter à la surface.
Il mettait son âme dans son tableau.
Puis, d'un mouvement à l'autre, Will s'arrêta. Il relâcha toute la pression de ses épaules et détendit sa mâchoire contractée pour pousser un petit soupir mélancolique.
L'adolescent prit la feuille entre ses deux mains et tendit les bras pour l'observer avec du recul, et El eut enfin accès à l'œuvre. Elle fut immédiatement prise d'un inexplicable sentiment de gêne, un malaise assez mystérieux.
C'était Mike.
En fait, c'était le plus beau portrait qu'El ait jamais vu de sa vie. Il était à la fois brillant de réalisme, les moindres détails étaient travaillés à l'extrême, et éblouissant de charme et de mystère.
El en avait le souffle coupé. Ce fut en remarquant les progrès fabuleux de Will en dessin qu'elle se rendit compte qu'il ne lui avait plus montré ses peintures depuis un certain temps.
Et bien en tout cas, elle était loin de se douter que Will pouvait peindre d'aussi belles choses.
Mike était merveilleux sur le papier. Et c'était peut-être la partie dérangeante qui émanait du portrait. Parce qu'on aurait pu tomber amoureux de lui rien qu'en regardant le visage que Will avait dessiné. Parce que Will n'avait pas dessiné Mike, son meilleur ami, il avait dessiné une version bien plus profonde et intime de lui.
Il y avait quelque chose de presque suggestif dans le visage du garçon. Dans ses boucles noir corbeau qui encadraient délicatement son visage. Dans la pâleur de sa peau, un blanc laiteux et sucré, clair comme du marbre froid. Dans la manière dont Mike penchait la tête légèrement en arrière, courbant doucement le dos, seulement visible de trois quarts. Dans ses lèvres entrouvertes, rouge sanguin, brillantes, charnues, douces et belles, laissant apparaître une rangée de dents fraîches et blanches. Dans ses yeux noirs et intenses, qui semblaient vous scruter avec gravité, qui donnaient au garçon un air impénétrable, magnétique et vulnérable à la fois. Dans l'ossature de ses joues, creuses et glacées, envoûtantes.
Et c'était exactement ce qui n'aurait pas eu lieu d'être. Parce qu'on ne pouvait pas peindre quelque chose d'aussi beau sans y avoir mis un peu de son âme.
Will fixa son chef-d'œuvre avec une sorte de tristesse inexplicable puis se leva du lit. Il sortit de sa chambre et pénétra dans une petite dépendance de la maison dans laquelle El se rendit compte ne jamais être allée.
L'intérieur était exigu mais si caricatural qu'El pouvait presque sentir l'odeur du vieux bois un peu moisi.
Will alluma la lumière et sa demi-sœur resta bouche bée.
La pièce était recouverte de dessins. De Mike.
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Will tendit les bras pour accrocher son dernier portrait entre deux autres, meublant le dernier espace de vide qui tâchait le mur.
Et comme à chaque fois qu'il dessinait Mike, il ressentit tout d'abord un grand soulagement et une satisfaction presque divine, puis tressaillit au contrecoup de la culpabilité.
Il effleura rêveusement le visage figé de Mike sur le papier tout en se mordant la lèvre inférieure.
Il n'aurait pas dû le peindre. Chaque dessin de lui enfonçait un peu plus le couteau dans son cœur, renforçait son admiration malsaine.
Mais il ne pouvait pas s'empêcher de représenter Mike. Il ne pouvait pas s'empêcher de penser à Mike, ç'aurait été comme lui demander d'arrêter de respirer.
Alors il dessinait, il dessinait ce qu'il avait sur le cœur, ce qu'il n'osait pas lui dire, ce qui lui brûlait la gorge, ce pourquoi il pleurait dans son lit chaque soir, ce qui l'animait et le détruisait en même temps.
Il aimait Mike bien plus qu'un ami, bien plus que tout en fin de compte. Il ne passait pas une seconde sans penser à combien il donnerait pour pouvoir l'embrasser, ou le serrer dans ses bras sans risquer de tout gâcher.
Il détestait Mike pour lui infliger ça et il l'aimait trop pour lui en vouloir. Il était sans cesse bouillonnant d'un sucré salé d'émotions confuses.
Will s'assit sur le bureau et renversa la tête en arrière, la gorge nouée.
.
El ne voulait pas en voir plus. Et même si elle sentait monter en elle une sorte de colère envers le garçon, elle savait combien il serait gêné et affolé s'il apprenait qu'elle connaissait son secret, et par respect pour lui, elle parvint à détourner le regard.
Aussitôt, les vignes s'accrochèrent à son menton et le firent dériver vers la scène. La voix gutturale s'éleva d'un ton moqueur :
-Oh, tu ne veux plus regarder ? Mais tu vas rater la meilleure partie !
.
Deux coups frappés contre le bois.
Will se redressa immédiatement, et avant qu'il n'ait pu prononcer un seul mot pour dissuader le visiteur d'entrer, la porte s'ouvrit.
Il n'y avait qu'une personne que Will redoutait par-dessus tout qu'elle fut celle qui entrait. Une seule.
-Salut Will, j'ai demandé à Joyce où je pouvais te trouver et elle m'a dit de...
-S... Salut Mike, Je suis... um... en fait, je suis super occupé là tout de suite, est-ce que tu peux juste... juste revenir plus tard, je... non, s'il te plaît, n'entre pas, s'il te plaît, Mike !
Trop tard. Mike s'était engagé dans la pièce exigüe et n'écoutait même plus son interlocuteur, trop abasourdi pour se concentrer sur quoi que ce fut d'autre que les peintures qui décoraient les murs.
Ses yeux noirs et écarquillés voltigeaient de tableaux en tableaux dans un vertigineux tourbillon. Sa bouche était entrouverte d'incrédulité.
Will pouvait presque sentir son cœur s'arrêter de battre et le temps s'allonger. Il tentait désespérément de faire barrage à sa vue en interposant son corps entre Mike et ses œuvres, mais le garçon l'écarta doucement pour accéder à son dernier dessin.
Mike observa longuement la feuille de papier sans dire un mot, les yeux voilés et le visage impénétrable.
Will pensa brièvement que s'il mourrait là, maintenant, tout de suite, Mike lui pardonnerait peut-être un jour.
Il voulait parler, lancer une blague pour détendre l'atmosphère, prendre les devants et inventer des excuses, mais la honte le pétrifiait.
Alors il se tordait nerveusement les mains et laissait couler des larmes silencieuses sur ses joues. Il baissait la tête. Il avait tellement peur.
Tellement peur.
Au bout d'une interminable éternité et demie, Mike tourna la tête vers Will, et demanda simplement :
-C'est toi qui a peint ça ?
Will avait toujours été un terrible menteur. A quoi bon faire semblant.
-Oui, murmura-t-il sans oser croiser son regard, la voix étouffée par les sanglots.
-Oh, Will, ne pleure pas, supplia tendrement l'autre garçon. Tu pleures ? Tu ne devrais pas, tu sais, c'est le meilleur portrait de moi que j'ai jamais vu... !
-Tu... Will releva timidement la tête en essuyant distraitement quelques larmes. Tu le penses vraiment ?
-Ouais ! s'exclama Mike en souriant. Ouais, totalement ! Mais... wow, sérieusement ? Je ne suis pas aussi mignon en vrai !
-Oh, oui tu l'es. Je t'ai peint juste comme je te vois. Je le jure.
C'était sorti tout seul. Son cœur était sorti par sa bouche sans passer par son cerveau. Mais il ne pouvait pas laisser Mike penser qu'il n'était pas joli. C'était une erreur si insupportable qu'il n'avait pas pu s'empêcher d'intervenir.
Mike cligna lentement des yeux. Will aurait juré apercevoir une trace rouge saupoudrer ses joues blêmes.
-Merci, esquissa-t-il du bout des lèvres.
Ses lèvres. Oh mon Dieu ses lèvres. Il allait devenir fou.
Un silence confortable s'était installé dans l'atelier. Mike s'avança d'un pas vers le garçon.
Will sentait tous ses membres fourmiller d'une excitation nouvelle et délicieuse. Il ne bougea pas d'un millimètre, laissant Mike franchir la distance qui les séparait.
Son ami s'arrêta à quelques fractions d'espace de lui. Il l'envoutait de son regard sombre. Il aurait pu lui demander absolument n'importe quoi, Will l'aurait fait.
Il était malade. Malade d'amour.
-Mike...
-Shh...
Mike déposa ses lèvres contre les siennes avec une lenteur et une précaution étourdissantes.
Will ferma les yeux et lui rendit son baiser avec toute la passion qu'il avait accumulé depuis qu'il était un jour tombé amoureux de Michael Wheeler.
.
El contemplait, ravagée, folle de rage, brûlante d'un brasier de colère qu'un océan ne ferait qu'attiser, la scène qui se déroulait sous ses yeux.
Ses yeux étaient bien trop secs pour pleurer, mais ses veines pulsaient du sang à travers tout son corps avec un rythme cadencé.
La voix l'avait abandonnée à son désespoir et à sa fureur. Elle ne pouvait pas bouger, pas parler, pas pleurer.
Alors elle poussa un long hurlement de rage et de souffrance. Elle s'époumona de toutes ses forces, elle déversait sa haine et sa déception envers Will.
Elle le détestait. Elle le détestait. Elle le...
Elle voulait le tuer.
Vraiment.
Elle voulait le tuer pour lui avoir arraché celui qui comptait le plus à ses yeux.
Mike.
.
En plein milieu de leur baiser, la langue de Mike franchit la barrière de ses dents, forçant les deux garçons à se rapprocher encore plus.
Will dégustait lentement un bonheur nouveau et jusqu'ici inégalé. Mike le guida lentement avec la tête et l'autre se laissa faire, aussi docile qu'une poupée de chiffon, vers là où son ami voudrait l'emmener.
Mike le pressa contre le bureau, et ses mains touchèrent ses côtes. Il descendit doucement en frottant ses hanches. Will avait les mains agrippées à ses épaules, et sentait son cœur battre bien plus vite qu'il ne l'avait imaginé.
Rien ne se passait comme ce qu'il avait joué dans sa tête des heures durant dans l'espoir de ce scénario, et c'était délicieusement parfait.
A une exception.
Will frissonna lorsque les mains glissèrent sous sa chemise.
Elles étaient glacées.
Anormalement, terriblement glacées.
He likes it cold...
Ça lui fit l'effet d'une décharge électrique : il ouvrit les yeux sur-le-champ, se détacha de leur étreinte et repoussa violemment le garçon.
Mike ramena ses bras sur son torse et fronça les sourcils, soucieux :
-Ais-je fais quelque chose de mal ? Est-ce que je... je t'ai fait mal ?
Le garçon ne répondait pas, luttant pour ordonner ses pensées et ses mots. Mike fit un pas en avant et son ami recula presque aussitôt. Mike n'insista pas et présenta les paumes de ses mains en signe de paix.
-Tu vas bien ? s'inquiéta-t-il.
-Qui... qu'est-ce que tu es ?
Ce fut tout ce que parvint à balbutier Will, acculé contre le mur. Mike resta un moment stupéfait, puis il laissa échapper un rire nerveux.
-Wow, Will, sérieusement ? C'est moi, Mike, Michael, tu sais ? Ton meilleur ami, tu te souv...
-Non, Will secoua la tête. Ça, c'est ce à quoi tu ressembles. Qu'es-tu vraiment ?
Mike écarquilla les yeux, sidéré. Il planta son regard perdu dans celui de Will, et c'est ce qui le fit vaciller, une seconde.
Son regard criait de sincérité.
Mais Will le sentait maintenant, que quelque chose était faux dans tout ça. Trop aveuglé par son bonheur et sa crainte d'être rejeté, il ne s'était pas rendu compte que tout sonnait comme une stupide mise en scène.
Et la chair sur sa nuque se hérissait de terreur, ce signe ne mentait pas.
Mik... L'autre tordit la bouche et grimaça :
-Okay, maintenant, tu me fais peur. Es-tu malade ou quelque chose comme ça ? Parce que je...
-Tu n'es pas Mike, répéta Will en se serrant un peu plus contre le mur. Ne t'approche pas de moi ! Ne t'approche pas !
-Will, je te jure, je te promets que je suis Mike ! P... P... Pourquoi est-ce que tu essayes de... de... ?
-Non, tu mens, souffla Will, brûlant. Tu mens.
-Pourquoi ne serais-je pas Mike ??
-Parce que Mike... Will sentait les larmes lui monter aux yeux. Mike ne ferais jamais ça à Eleven. Jamais.
L'autre fut réduit au silence, laissant ses bras pendre le long de son corps, fixant Will la bouche entrouverte sans prononcer un mot.
Il s'écoula quelques instants de pur gisement, durant lequel ni l'un ni l'autre ne se décrochaient du regard ni ne se remettait à parler. L'abominable supercherie avait cessé de se défendre.
Soudain elle baissa la tête et la releva d'un coup. Ses yeux avaient changé de lueur, ils brillaient d'une lumière noire et feutrée. Son sourire n'avait plus rien de doux, il était cruel. Et ses mains n'avaient plus leur tendresse, elles étaient tranchantes. Will suffoqua quand il s'approcha.
-Oh Will... murmura la créature d'un ton moqueur. Will, comment as-tu fait ? Sérieusement, je me serais trompé moi-même ! Mais ça ne change rien...
Il s'approcha encore et l'embrassa encore. Exactement de la même façon que cette première et merveilleuse fois. Alors pourquoi ses lèvres semblaient-elles à présent empoisonnées ?
Will le repoussa avec violence et s'étrangla :
-Pourquoi as-tu fais ça ??!
-Parce que tu le voulais.
-Non ! s'insurgea-t-il. Non je ne voulais pas !!
-Oh, si tu le voulais, s'esclaffa l'imposteur. Tu crois que je n'ai pas vu la façon dont tu l'as pris il y a cinq minutes ? Tu étais là : "Ooh, oui, Mike, je t'aime teeellement !"
Le garçon rougit malgré lui. L'autre continua :
-Alors bien sûr que tu as aimé ça. Et je peux le refaire. Pourquoi veux-tu tout gâcher ?
-Tu n'es pas Mike, bredouilla Will au bord des larmes. Qu'est-ce que tu lui as fait ? Si tu l'as touché je te tue, quoi que tu sois.
-J'ai simplement pris son corps, répondit l'autre sans pudeur. Il est inconscient, il ne saura jamais. Tu peux le prendre Will. Je t'aime.
Mon Dieu comme ces mots sonnaient bien lorsqu'ils sortaient de sa bouche. Comme ils lui faisaient mal. Il poussa un sifflement désespéré et n'eut plus la force de repousser l'intrus qui enroulait ses mains froides autour de ses poignets. Le plus grand répéta, bien conscient du pouvoir de ses mots :
-Je t'aime, Will. Je suis Mike et je t'aime. Je veux être à toi.
-Tu... Tu n'es pas... protesta faiblement Will, mais sa voix n'était plus guère qu'un filet mince et décharné.
-Chut. S'il te plaît. J'ai besoin de toi.
Il ferma les yeux et rapprocha ses lèvres de lui.
Will sentait sa volonté vaciller au fur et à mesure que Mike (pas Mike, non, le monstre, la créature odieuse qui profitait de Mike et de lui-même, il ne pouvait pas commencer à considérer que c'était Mike ou il était perdu) semblait sur le point de l'embrasser.
Il n'avait plus que quelques miettes de secondes pour prendre une décision. Tout son être lui hurlait de le repousser tant qu'il était encore temps, tant qu'il pouvait encore les sauver tous les deux, avant qu'il ne prenne goût à ses baisers, avant qu'il ne veuille plus reculer.
Mais...
Juste un baiser. C'est juste un dernier baiser. Un petit baiser.
Will laissa l'intrus venir à lui. Il laissa leurs lèvres se toucher, fébrilement, presque pas, s'effleurant, comme le battement d'aile d'un papillon.
Il fut pris d'un frisson et posa sa main sur le front du garçon pour empêcher son visage d'aller plus loin. Il pleurait maintenant, tellement avide d'amour.
-Pourquoi est-ce tu me fais ça ? murmura-t-il d'une voix douloureuse.
-Parce que tu es important, répond l'autre en caressant doucement sa joue. Parce que j'ai su, depuis l'instant où j'ai vu ce petit garçon fragile entrer dans mon royaume il y a deux ans, que tu aurais un rôle crucial dans tout cela. Et contrairement à ce que tu penses, tu es fort, Will Byers. Et tu es toujours debout, malgré tout ce que tu as vécu. C'est admirable ! Mais...
Il planta son regard opaque dans le sien. Ses pupilles étaient si dilatées qu'on ne les distinguait plus de l'iris, et ils étaient empreints d'une sorte de cruauté animée et joyeuse. Ses lèvres étaient tordues en un rictus glaçant. Il ricana :
- ... Tu es près de t'effondrer. Je le sens. Parce que tu as peur d'être rejeté. Et tu as tant d'amour à donner, tant d'amour pour un simple garçon. C'est mignon. Mais c'est une terrible erreur. L'amour est un point faible. Je peux sentir ta volonté s'effondrer. Un jour, tu tomberas, Will. Et tu le feras en toute connaissance de cause...
Will ne retenait plus ses pleurs à présent. Il sentait l'air rafraîchir ses joues sillonnées de larmes. Il tressaillit lorsque l'autre posa délicatement ses lèvres contre son cou, pressant son corps contre le sien.
Il sentit un petit sifflement à son oreille.
-... Parce que je suis tout ce que tu as toujours voulu.
.
En une seconde, tout avait basculé. L'intrus se trouvait en position de faiblesse, exposé. Will s'était dérobé si rapidement sous lui qu'il n'avait rien vu venir. Il sentait un tiraillement dans son dos, et ses bras étaient tordus en arrière, complètement immobilisés. Il rua brutalement sans pouvoir rien y faire. L'enveloppe charnelle qu'il possédait était trop faible pour se battre.
Il grogna :
-Will !! Qu'est-ce que tu fais ??! Laisse-moi partir !!
Will ne sourcilla pas, resserrant sa poigne autour des bras de la contrefaçon, inclinant ses bras dans un angle un peu plus douloureux. Mike gémit, empêtré et vulnérable.
Will approcha sa bouche de l'oreille du vaincu et dit d'une voix tremblante, mais sereine :
-Tu as raison. J'aime Mike. Et c'est pourquoi je ne profiterai pas de lui. Parce que je ne lui ferais jamais de mal.
L'autre voulut répliquer, mais le garçon enfonça son poing dans son ventre, lui coupant la respiration.
-Je vais le sauver et je t'interdis de le toucher de nouveau. Rends-moi mon ami.
Will bascula vers l'avant et écrasa le monstre contre le radiateur. Aussitôt, celui-ci se débattit si fort que Will appuya de toutes ses forces sur son corps pour le maintenir en place.
-Will, laisse-moi partir, c'est chaud ! Sérieusement, je brûle !! C'est tellement chaud, je... je peux pas !! Will !! Will, je ne veux pas mourir, je ne veux pas mourir !! Wiiiill !!
Il hurlait son nom dans des tons de plus en plus aigus. Le garçon ferma les yeux pour empêcher ses sentiments de l'arrêter.
Petit à petit, des traînées de poudre noire semblaient remonter dans les veines du garçon. Puis le débit s'intensifia, et bientôt une gerbe de fumée calcinée s'échappa de la bouche du garçon qui convulsait sous Will.
Il laissa échapper un hoquet de surprise, et bientôt des nuées entières de fumée coulaient depuis tous les orifices de son visage, fuyant son corps par sa bouche, ses narines et même ses yeux écarquillés et emplis de larmes.
Will monta le chauffage tout en marmonnant compulsivement
Oh Mike pardon, pardon, pardon, pardon, pardon, pardon, pardon...
Mike hurla, un cri si strident et si rauque que toutes les fondations tremblèrent. Puis un dernier souffle de fumée s'échappa de ses poumons, se faufilant entre les planches de la cabane et s'évapora.
Will lâcha immédiatement son ami, encore terrifié de ce qu'il venait de faire. Le garçon s'écroula par terre.
-Mike je suis désolé ! sanglota Will en passant sa main derrière son corps flasque. Tu es blessé ?? Réveille-toi, réveille-toi, parle-moi !
Il gifla doucement ses deux joues pour lui faire reprendre conscience.
Et ses yeux s'ouvrirent doucement. Will s'étouffa de bonheur.
C'était lui, pas de doute. C'était ses yeux doux et sincères. Il l'avait sauvé. Will rayonnait derrière ses larmes.
-W... Will ? murmura Mike, la voix pâteuse et abîmée par les cris. Qu'est-ce qui s'est passé ? Où est-ce que je suis et... et... ooh...
-Shh, shh, tout va bien, murmurait Will en frottant son dos avec douceur.
-Will, j'ai froid et... et je peux pas respirer ! Je peux pas respirer Will, Will, j'ai peur !
Mike resserra ses mains sur les omoplates de Will, paniqué. Le garçon ne pouvait que trop comprendre l'état d'affolement dans lequel se trouvait son ami, en ayant lui-même déjà fait la terrible expérience. Alors il passa une main dans les cheveux de Mike, l'autre main autour de sa taille, et appuya le garçon contre lui pour le stabiliser et contenir ses tremblements.
Petit à petit, Mike cessa d'haleter désespérément à la recherche d'air pour ses poumons, et son rythme cardiaque trouva une cadence décente. Ses joues regagnèrent de la couleur et il cessa de trembler. Mais il ne lâcha pas pour autant le corps de Will, encore trop perturbé pour rester seul. Il fermait les yeux et sa tête reposait fragilement contre le torse de Will. Blotti contre lui, il sentait un apaisant sentiment de sécurité l'envelopper.
-Ton coeur bat vraiment vite, tu sais, fredonna Mike sans rouvrir les yeux.
Will sentit ses joues brûler. Il avait espéré que Mike ne s'en rendrait pas compte, trop confus pour réaliser son propre trouble. Il bafouilla :
-Oh, euum... Ouais, Je suis encore un peu sous le choc...
-Merci de m'avoir sauvé, Will.
Le garçon ne répondit pas, bien trop ému pour répondre quoi que ce soit.
Mais Mike se laissait doucement couler dans le sommeil, épuisé par un épisode de sa vie que personne ne devrait jamais avoir à vivre, et sa joue reposait contre son épaule.
Will sourit.
Il mentirait à Mike sur tout ce que le monstre lui avait fait dire.
Et même si ses paroles étaient vraies, ça ne le dérangeait pas pour le moment.
Mike était dans ses bras.
Et ça lui suffisait.
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