Épilogue


La neige tombait dru.

Depuis la plus haute tour du château de Canterlot, Célestia contemplait la ville écrasée de blanc.

— Notre monde s'arrête, ma sœur. Chaque jour, la lune devient plus difficile à mouvoir, et je pense qu'il en est de même pour le soleil.

L'alicorne blanche soupira.

— Il ne faut pas perdre espoir, Luna, répondit-elle avec un sourire triste. Twilight et ses amies peuvent encore sauver la situation.
— Tu veux dire « Harlock et son vaisseau », 'tia ?
— Aussi.

Luna fit quelques pas nerveux. Célestia ne pouvait pas lui en vouloir. Le froid était sans cesse plus mordant, les nuits plus longues, les journées plus ternes. Équestria se mourait sous leurs yeux impuissants, et leur sort dépendait d'un étranger à leur monde.

— Comment sais-tu qu'il reviendra ?
— J'ai confiance en lui, affirma Célestia. Et j'ai confiance en Twilight.

La princesse solaire croisa le regard de sa sœur. L'alicorne de la nuit ne cachait pas son scepticisme.

— Rien de tout cela ne serait arrivé si tu n'avais pas donné ce grimoire à ton élève. La magie ancienne est dangereuse, 'tia. Tu devrais pourtant le savoir.
— Je nourris de grandes aspirations pour Twilight. Son expérience la rendra plus forte.
— Et ton erreur te rendra-t-elle plus prudente ?

Célestia soupira à nouveau.

— Un jour viendra où ce monde devra tourner sans moi. Des épreuves comme celle-ci aident à s'y préparer.
— La mort par la glace ? renifla Luna d'un ton amer.
— La compréhension du fonctionnement d'Équestria, corrigea Célestia. Notre planète est unique et ses secrets difficiles à appréhender.

L'alicorne ferma les yeux. L'étude de la cosmogonie était merveilleuse... à ceci près qu'Équestria n'y entrait pas. Les questions qui en résultaient étaient innombrables.

— Penses-tu vraiment que toutes les autres planètes renferment un couple de dragons en leur sein, Luna ? ajouta-t-elle. Et crois-tu que les humains soient obligés, comme nous, de forcer le mouvement de leur soleil ?
— Je n'ai que faire des humains, 'tia, cracha Luna. Pour l'instant, seule la survie de mon peuple m'importe.
— Oui, je comprends...

Célestia ramena son attention vers la fenêtre. Dehors, les poneys affrontaient ce qui n'était encore qu'un hiver exceptionnellement rigoureux. Mais les températures continuaient à baisser et bientôt, tout le calfeutrage, toutes les couches de vêtements supplémentaires ne suffiraient plus.

Célestia détourna le regard. Combien de temps tiendraient-ils ? Quelques jours, sûrement. Mais pas beaucoup plus.

                                                   —————

Lorsque l'Arcadia émergea du warp, Équestria s'afficha sur les écrans sous la forme d'une boule uniformément grisâtre.

— Toujours autant de nuages, ici, commenta Tochiro.

Twilight ne perdait pas une miette du spectacle. Elle n'avait pas eu le temps d'en profiter à l'aller, aussi avait-elle bien l'intention de ne pas rater le retour.

— Et... C'est quoi, cette lueur en limite d'atmosphère ? demanda-t-elle.
— Ce que vous appelez votre soleil, a priori, répondit l'ingénieur.
— Mais... Ce n'est pas ce que j'ai lu ! protesta la licorne. Ce devrait être une boule de feu gigantesque à plusieurs centaines de milliers de kilomètres de notre planète !
— Ben de toute évidence, non, rétorqua Tochiro. Structure artificielle, comme tu vois. Il a l'air un peu faiblard, d'ailleurs...
— Tu ne devrais pas lui balancer ça de but en blanc, Tochiro, intervint Harlock. C'est son premier voyage extra-planétaire, laisse-lui le temps de digérer les informations nouvelles petit à petit.

Harlock arborait une expression indéfinissable, comme d'habitude quand il n'était pas en train de se plaindre qu'il était en pleine forme et non je n'ai pas besoin d'aller voir le docteur. On pouvait cependant presque penser qu'il s'excusait.

— ... surtout quand ça concerne l'origine de son monde, termina-t-il.

Peut-être allait-il finir par se montrer sociable, espéra Twilight. Peut-être la force de la magie de l'Amitié l'avait-elle touché, en fin de compte.

La licorne lança au capitaine pirate un regard en coin. Il n'était pas totalement irrécupérable, se dit-elle. L'amitié qui le liait à Tochiro était solide, elle l'avait constaté.

Elle se secoua. Elle s'interrogerait sur l'origine d'Équestria et sur l'amitié chez les pirates plus tard. Pour le moment, il restait une tâche plus importante à accomplir.

— On vous livre où ? demandait Harlock.
— Canterlot, répondit-elle sans hésiter. La princesse Célestia doit nous y attendre.

                                                   —————

L'Arcadia surgit du blizzard à quelques encablures seulement des tours de Canterlot. Dès l'instant où elle reconnut à la fois la forme du vaisseau humain et celle du dragon planétaire qu'il lui manquait, Célestia ne perdit pas la moindre seconde.

— Vite Luna ! s'exclama-t-elle, entraînant d'autorité sa sœur vers l'extérieur du château. L'incantation de confinement !

En parfaite synchronisation, les deux alicornes générèrent une bulle de magie et s'élevèrent dans le ciel d'Équestria, se jouant des bourrasques et des flocons glacés. Leur puissance combinée se matérialisa en un tourbillon de lumière qui se scinda en deux et sinua entre les nuages tel un long serpent bicéphale.

Célestia se concentra sur le dragon clair, Luna sur le sombre. La double décharge lumineuse atteignit les dragons simultanément, puis sembla se replier sur elle-même. Un battement de cils plus tard, les dragons avaient disparu, renvoyés d'où ils venaient, scellés dans le cœur d'Équestria à l'aide d'une formule ancestrale.

Le vent se calma instantanément.

Quelques minutes plus tard, les nuages s'écartaient pour laisser passer un rayon de soleil.

                                                   —————

— Euh, monsieur ? Capitaine ?

Son chargement largué à Canterlot, l'Arcadia était ensuite revenu se poser à Ponyville. Les humains ne s'étaient pas mêlés aux festivités qui avaient suivi la fin de l'hiver planétaire. Tout au plus Harlock avait-il consenti à se rendre à Canterlot, accompagné d'une délégation réduite, afin de recevoir les félicitations officielles des princesses lors d'une cérémonie rapide.

Cet événement excepté, aucun pirate n'avait tenté la moindre prise de contact avec un poney. De l'avis de Rainbow Dash, c'était regrettable. Bon, d'accord, tout n'était pas cool chez les humains, mais leurs expériences différentes pouvaient malgré tout leur permettre de vivre de formidables aventures ensemble, non ?

L'imagination de Dash s'emballa. Elle appren­drait à mieux piloter une navette, elle emmènerait Harlock visiter Cloudsdale, peut-être pourraient-ils même aller frimer chez les griffons ?

— Vous partez ?

C'était Twilight qui avait lâché la nouvelle (« l'Arcadia décolle aujourd'hui, c'est ce qu'Harlock a dit à Célestia »), comme s'il ne s'agissait que d'une information de moindre importance. Pour la licorne, les adieux avaient eu lieu à Canterlot, mais Rainbow Dash ne s'en était pas satisfaite.

La pégase avait donc rejoint la vallée aux abords de Ponyville que l'Arcadia avait choisie pour atterrir, et elle avait trouvé Harlock au sommet d'une colline surplombant son vaisseau, assis sur une souche à peine libérée par le dégel. Le regard du capitaine pirate se perdait dans le paysage.

— Équestria est magnifique, pas vrai ? fit-elle. Vous devriez voir cet endroit au printemps, quand tout est couvert de fleurs !

Harlock lui adressa un demi-sourire.

— Oh, c'est toi, répondit-il. Ne te fatigue pas, je ne compte pas rester.
— Vous n'avez pas envie de prendre quelques jours de vacances ? insista Dash.

Le capitaine secoua la tête.

— Plus longtemps je reste, et plus je risque d'attirer l'attention sur ta planète. Vous vous maintenez à l'écart de nos guerres, je ne voudrais pas que vous y soyez impliqués par ma faute.

Un silence.

— Ce serait dommage, tu ne crois pas ?
— Oh... D'accord.

Ce n'était pas juste ! songea Dash. Ils avaient à peine eu le temps d'apprendre à se connaître ! Maintenant qu'ils ne risquaient plus de mourir des suites de leurs blessures, d'être ensevelis sous des tonnes de neige, atrocement torturés par des soldats hostiles, tués par une arme technologique surpuissante ou écrasés dans une navette en perdition, ils méritaient bien de partager ensemble quelques instants de quiétude !

La pégase arc-en-ciel soupira de déception. Elle n'avait pas côtoyé Harlock très longtemps, mais assez pour savoir qu'il ne reviendrait pas sur sa décision.

— Merci... de m'avoir sauvé la vie, souffla-t-elle.

Harlock resta silencieux une poignée de secondes, la fixant de son regard insondable. Il sembla hésiter, peut-être embarrassé d'être remercié pour une action qui devait lui apparaître profondément banale, puis finit par hausser les épaules.

— Pareil, répondit-il simplement.

Dash se sentit rougir. Non, elle n'avait aucun mérite, elle n'avait pas cessé d'être paniquée et n'avait agi que par instinct, alors qu'Harlock avait conservé son calme de bout en bout. C'était elle qui lui était redevable, pas l'inverse...

Son malaise provoqua un levé de sourcil amusé.

— En général, l'aventure c'est un travail d'équipe, reprit l'humain. Tu ne t'en serais pas tirée toute seule, et moi non plus.

Le capitaine pirate se mit debout, coupant court à leur échange.

— Il faut que j'y aille, à présent, annonça-t-il. Mais avant cela...

Il sortit de sa poche un petit appareil métallique de la grosseur d'une pomme, surmonté d'une antenne et orné d'un simple bouton.

— ... je te confie ceci, poursuivit-il. C'est une balise de détresse. Pour l'activer, tu n'as qu'à presser ici. Si jamais vous devez faire face à une invasion d'ennemis sanguinaires, une catastrophe naturelle ou un autre cataclysme planétaire et que vous avez besoin d'aide...

Il la gratifia du plus beau sourire qu'elle lui ait vu faire.

— ... alors appelle-moi.

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