Chapitre 9
Malia mangeait péniblement la fin de son bol de céréales. Ouvrir la bouche lui demandait un effort considérable, et son cerveau était embrumé. Elle émit un énorme bâillement, et se retint de tomber de sa chaise.
Louisa la regardait par dessus son bouquin. La nuit des temps, de Barjavel. Malia sourit.
-Moi, j'ai lu l'Enchanteur! s'exclama t'elle d'un ton stupide en rigolant.
Louisa arqua un sourcil mais répondit tout de même:
-Oui, je l'ai lu aussi... J'ai adoré! fit elle sachant bien que Malia n'écoutait pas.
Louisa se leva, et secoua son amie.
-Le matin c'est pas ton truc,hein? Je te conseille d'aller prendre une douche froide! dit elle d'un ton moqueur. Et tombe pas, cette fois! ajouta t'elle alors que Malia se dirigeait vers la salle de bain.
Malia lui tira la langue et entra dans sa douche. Le jet lui martyrisa les épaules, et les tensions du sommeil s'évacuèrent peu à peu. Malia fut juste assez revigorée pour se diriger vers sa chambre, un essuie autour de son corps ruisselant. La traversée du couloir gelé fut une épreuve particulièrement dure, et Louisa s'empressa de rire.
Elle enfila un jean gris et un haut blanc que sa mère lui avait offert à Noël, et se fit une tresse en épis-de-blé. Sa mère lui disait que ça lui allait bien. Fallait d'ailleurs qu'elle pense à l'appeler, elle ne l'avait pas fait depuis 2 jours.
Elle rejoignit Louisa, qui était déjà fin prête.
-C'est pas trop tôt! dit celle-ci en rigolant.
Malia lui frappa l'épaule en sortant.
-AIE! T'es malade?
-Bien fait !
-Tu n'es vraiment pas mature décidément! lança Louisa, comme l'aurait fait un parent avec son enfant de 5 ans.
Malia rigola, et elles continuèrent à se lancer des piques jusque' à ce qu'elles durent se séparer.
-Salut! fit Malia.
-Au fait ? (Malia se retourna)On mange à l'appart? dit Louisa.
-Ça me va.
-Salut, alors!
Malia se dirigea vers le bâtiment où elle avait cours. Elle suivait quelques pancartes, et se réjouit de ne pas encore s'être perdue.Après avoir parcouru un dédale couloirs, Malia se retrouva bien évidemment dans ce couloir aux poissons.
-C'est pas possible! s'énerva t'elle. Pourquoi moi?
Elle revit mentalement le chemin qu'elle avait emprunté avec Liam. Un sourire éclaira son visage.
-A gauche! Bien sur! fit elle en se dirigeant vers un couloir orné de tableaux abstraits.
Elle sourit en reconnaissant les lieux.
****
-Bonjour jeunes gens! fit McThorn en entrant dans la salle. Aujourd'hui, vous allez travailler un morceau de ma composition.
Malia se rejouissait déjà de jouer.
-Zia Morel, avec Lucas Bones. Salle A. Voici les partitions.
-Pauline Marchal avec Britanny Thompson. Salle B. Tenez.
Le professeur réajusta ses lunettes.
-Dites, vous ne voudriez pas redescendre cette jupe? Elle est un peu courte,fit il à la grande blonde.
Malia étouffa un ricanement qui aurait été malpoli tandis que Britanny descendit sa jupe, le rouge aux joues.
-Malia Hernandez et Liam Collins. Salle C.
Malia sentit son cœur battre un peu plus vite mais tout de même s'avança pour prendre les partitions.
-Merci.
Elle se dirigea vers sa salle,suivi par un Liam-pour ne pas changer-souriant.
-Justine Clark et Gabriel Williams.Salle D. Je...
La porte se ferma,les coupant du monde.Le stress commençait à s'insinuer sournoisement dans les veines de Malia. Liam tapa dans ses mains.
-Génial ! On est les meilleurs.
-Tu es surtout le plus arrogant ! répliqua Malia, dans une tentative foireuse de cacher sa gène et son stress.
Liam ne le remarqua cependant pas, et s'installa sur le tabouret de droite. Il tapota le deuxième siège en souriant.
-Allez, sois pas timide! Tu es espagnole non?
Le.Plus.Grand.Cliché. Les Espagnoles n'ont pas toutes énormément confiance en elles!
-Ça n'a rien à voir! répliqua t'elle,vexée, fronçant les sourcils.
Elle alla s'asseoir, prit un porte mine, et repéra le rythme, les notes et les doigtés, ignorant totalement son partenaire.
Un rire sincère se fit entendre.
Quel culot!
-Tu sais, je pense que le piano à quatre mains est censé être un travail de groupe, fit Liam, prenant lui aussi un crayon.
Aucune réponse.
Une minute passa dans un silence complet, et Malia finit par sentir sa tresse tirer. Elle tourna la tête vers Liam.
-Qu'est ce que tu fais, encore?
-J'ai ton attention.Bien. Faisons ce travail ensemble, tu veux bien? Je suis désolée de t'avoir...vexée? fit il, hésitant.
-OK.
Ils se mirent à travailler, et Malia se détendit. Leurs doigts bougaient ensemble, et le rythme pulsait dans les doigts de Malia, l'incitant à aller plus vite. Elle se pencha en avant, ses yeux suivant la partition avec attention. Les notes se déroulaient devant ses yeux, et ses doigts jouaient avec passion. L'émotion vibrait dans son cœur et dans son âme.Elle sourit de voir sa timidité et sa peur envolées. Elle jouait comme si elle était seule. Liam sourit aussi, et deux fossettes se creusèrent dans ses joues. Ils se penchèrent au même moment, et jouèrent parfaitement coordonnés. Malia se sentit liée à Liam par la musique, et ils ne devaient plus faire attention à l'autre, comme si leurs âmes parlaient à leurs places. C'était un instant magique, et les notes s'envolaient dans l'air, flottant dans l'atmosphère. Malia se sentit incroyablement légère, et son cœur faillit exploser. Le poignet de Malia tourna délicatement vers la droite, et la note finale résonna dans l'air, douce et délicate.
Malia respira avec profondeur.
-Merci,murmura t'elle, les yeux clos.
-Pourquoi?
-Je ne pensais pas jouer comme je joue seule...
-...devant quelqu'un?
Malia hocha la tête.
-Tu es une virtuose, Malia. C'est vraiment incroyable!
-Je...
-Non vraiment, tu... tu ressembles à une cocotte minute! (Malia trouva l'expression étrange, mais ne dit rien)On dirait que tu as trop d'émotion en toi, et que ça risque d'exploser! Tu as déjà pensé à composer? Je suis sur que ce serait génial. En plus, tu devras en composer pour les cours individuels.
Il agitait ses bras dans tout les sens, et ses yeux brillaient.
-Liam...Je ne pense pas que ce soit une très bonne idée.
-Au contraire, il a raison,fit une voix grave.
Les deux étudiants se retournèrent comme un seul homme.
-Professeur?
-Tu m'as entendu. Tu composerais de magnifiques morceaux, j'en suis sur. Tu n'as pas confiance en toi, je te l'ai déjà dit hier.On passe tous par là. C'est pourquoi je t'ai donné cette clé, Malia! Tu dois jouer,jouer,jouer jusqu'à l'épuisement. C'est là que les notes naîtront en toi. Tu verras, c'est un sentiment merveilleux que de composer...
Malia était déconcertée. Hier, c'était pour la confiance, et aujourd'hui, pour composer?
-Mais je ne sais pas composer! Et de toute façon, comment pourrais-je oser composer alors que j'ai déjà du mal à jouer? Je...
-Tu verras en temps voulu. Je voulais également vous féliciter, au fait. Avec vous, le morceau est interprété exactement comme il devrait! C'était parfait! (Il réfléchit un instant)
-Je pense que vous feriez de très bons partenaires de piano! Je vais vous laisser à deux.
-Je...
-Pas un mot! Continuez, continuez!
Il sortit, laissant Malia confuse. Un silence pesant prit place pendant quelques minutes.
- T'es coincée avec moi, on dirait! dit finalement Liam, son éternel sourire aux lèvres.
Malia soupira, mais en réalité, elle était bien contente. Liam jouait divinement bien, et la jeune fille pouvait apprendre beaucoup en travaillant avec lui. Mais aussi, elle a retrouvé le sentiment qu'elle a en jouant chez elle, et ça, elle n'allait pas le laisser s'échapper.
-Bon on s'y remet ? fit Liam.
Malia opina de la tête, et ils travaillèrent en harmonie l'heure suivante. La jeune fille rigolait de temps à autres, et lui racontait même certaines anecdotes vécues à Boston.
-Moi je vivais dans le Minnesota, à Appelton. J'adorais cette ville. Toute ma famille y vit depuis un certain temps.
-Tu as des frères et sœurs? demanda Malia,curieuse.
-2 frères, et une sœur. Dave, Will et Jess. Dave est le plus grand, Will a 11 ans, et Jess 6 ans. Elle a un caractère bien trempé!
-Avec 3 frères, tu m'étonnes! rigola Malia.
Liam la regarda avec attention. Malia remarqua les petites taches dorées dans ses yeux, elle rougit.
-Et toi? Tu es enfant unique?
Malia déglutit. Les petites taches d'or étaient hypnotisantes, et l'empêchait de se concentrer.
-Oui, je vis avec ma mère à Boston.
-Et ton père?
Malia l'avait senti venir. Pourtant, son cœur se serra, et parut battre plus faiblement. Comme si la douleur l'empêchait de battre correctement. Ses yeux s'humidifièrent légèrement, et elle fut transportée à une autre époque. Les rires résonnaient dans sa tête, et la joie y régnait. Des flashs de sourires et de moments partagés qui s'étaient enfuis dans l'oubli resurgirent, rouvrant d'anciennes plaies. Des moments que jamais plus elle ne connaîtrait. Plus de petit déjeuners à trois,plus de dimanche après-midi à jouer aux cartes en buvant du thé, plus de fête des pères. Sans s'en apercevoir, Malia se mit à pleurer. Les larmes dévalèrent ses joues, et ses sanglots lui secouèrent le corps. Elle redevenait la petite fille de dix ans, assise dans le salon, sa mère pleurant à côté d'elle,venant d'apprendre la nouvelle. Malia se sentit faible, et elle se roula en boule. Elle avait refoulé,compacté,nié et enfoui ses émotions en elle depuis si longtemps, et, telle la lave d'un volcan,la tristesse jaillit en elle, se déversant dans ses veines, son cœur, son cerveau. Elle en était imprégnée. Son cœur lui faisait mal. Soudain, des bras puissants l'entourèrent, chauds et rassurants. Malia fut bercée légèrement. Des mains caressèrent ses cheveux, son dos,ses joues.Des doigts essuyèrent ses larmes. Mais sa tristesse était toujours la même, et les sanglots ne s'arrêtaient pas. Il y'a des peines qui ne s'effacent jamais vraiment.
Soudain, la chaleur se dissipa. Malia ouvrit les yeux, et la musique résonna dans ses oreilles. Liam jouait un morceau doux et triste,et ses yeux étaient clos. Ses poignets bougeaient avec lenteur, et ses doigts se mouvaient sur le clavier avec délicatesse et douceur. Malia ressentit le même sentiment qu'à la gare,quelques jours plus tôt. La musique se rependit en elle. Elle vibrait dans chacune des molécules de son corps. Elle guérissait les plaies, et Malia sourit enfin. La musique était synonyme de magie, elle en était certaine.
Le morceau finit, les deux pianistes se regardèrent.
En Malia résonnait un puissant sentiment de reconnaissance envers Liam.
En Liam résonnait un besoin presque vital de protéger Malia de toute la tristesse qu'elle renfermait.
Et derrière la porte, le professeur McThorn sourit.
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