Chapitre 32
MALIA
Cette sensation de panique était devenue si familière que la jeune fille arrivait presque à l'oublier. Presque. Malheureusement, l'échéance approchait, et toute pensée tournée sur autre chose que du piano était considérée comme futile.
Malia mangeait ses céréales, le centre noué. Dans moins de une heure, elle passerait son examen. Après le fiasco émotionnel qui a précédé l'audition de novembre, elle s'était intimé l'ordre de ne plus penser à Liam et Hugo.
A sa plus grande surprise, les deux garçons avaient cessé d'être sujet à réflexion.
-Tu vas y arriver. Reste calme.
-C'est facile à dire pour toi ! Tu es déjà passée !
-Pour le coup, j'adore mon nom, c'est clair. Je passe tout le temps dans les premiers.
Dans le but de faire rire sa colocataire, elle se mit à danser en scandant "Bakster! Bakster! ".
L'esquisse d'un sourire illumina le visage de Malia.
-Liam est passé ? fit la rousse.
-Oui. Ca a été, évidemment, rigola Malia. Pour lui, c'est la routine. Même si il était paniqué, il a réussi avec brio. Moi, j'ai peur de me paralyser. Ca m'est déjà arrivé tellement de fois !
-Tu n'as tellement pas confiance en toi que ça en devient aberrant. Cesse de douter ! Aie un peu de foi, nom de dieu!
Malia soupira.
-Tu n'es pas la première qui me le dit.
-Alors je serai la première que tu écouteras ! Profite un peu de la scène!
-J'adore faire des performances sur une scène. C'est juste le public qui me panique.
-Le jour de tes auditions, tu l'as bien fait !
-Ils étaient trois.
-Alors efface tous les autres ! objecta Louisa. Fais comme si personne d'autre existait.
-C'est compliqué.
-Plonge toi dans la musique, et tout ira bien. Ne pense qu'aux notes. D'accord ?
Malia ne répondit pas, avala le reste de son lait, et alla placer le bol et la cuillère dans l'évier.
Elle ouvrit la baie vitrée.
L'air glacial s'engouffra dans la pièce. Elle frissonna et inspira profondément. Sa peau rougit, et ses cheveux voltigèrent. Le vent soufflait avec virulence et lui balayait l'âme de ces inquiétudes pendant un cours instant. Elle pouvait le faire. Elle pouvait le faire ! Pour sa mère. Pour son père.
Malia se recula et ferma la vitre. Une détermination sans faille l'avait envahie. L'inquiétude était toujours présente, mais la pensée de son père l'avait tout à coup apaisée.
Il serait fier de moi.
Elle sourit, et alla enfiler sa belle robe rouge. Elle se l'était toujours dit. Les concert vraiment important, qui allaient marquer sa vie, il lui fallait une robe rouge. Pas étincelante, ni flashy, ni tape à l'œil. Juste rouge. Un beau rouge profond, qui dégageait presque une émotion. Malia lissa les plis de son vêtement. Ses rêves se réalisaient. Si elle avait horreur de la scène, elle adorait performer dans la même salle que des milliers d'autres musiciens. Louisa et Malia sortirent de l'appartement. Les allées avaient enfin été dégagées, et les chaussures de Malia ne subirent aucun dommage majeur. Louisa lui proposa de l'accompagner jusqu'en coulisse, mais elle refusa. Malia avait besoin de calme avant de passer sur scène. Elle se séparèrent donc, et Louisa alla vers l'entrée réservée au public. Les gens commençaient à arriver, et Malia se dit que sa mère était surement là, dans les vestiaires, ou aux toilettes.
Malia releva les épaules et corrigea son maintien. Elle allait y arriver. Ses pas se firent plus décidés, et laissèrent des empreintes dans la neige. En moins de deux, elle poussait les portes du bâtiment. Des pianistes sur les nerfs agrippaient leurs partitions en faisant les cents pas. Des professeurs tenaient des listings à la main, l'air un peu fatigués. Tout le monde était habillé comme pour un bal, et les robes colorées virevoltaient aux moindres mouvements des jeunes filles qui les portaient. Les costumes étaient impeccables, les chaussures cirées, les coupes de cheveux parfaites. Ce soir, ils étaient tous des messagers. Transmettre la musique, ne pas louper des notes, faire battre les cœurs, faire sourire. Tel était le but ultime.
Malia fit claquer ses talons dans le couloir, enleva sa veste, et s'assit sur un siège. Un professeur s'enquit de son prénom. Elle passerait dans une heure. Au fur et à mesure que les minutes s'égrenaient, le stress remontait. Il lui enserrait la gorge, et des filets de sueurs coulaient sur son front.
Son cœur accélérait, grossissait et enflait. Elle avait l'impression qu'elle allait mourir. Le regard bienveillant de son père s'afficha dans son esprit. Elle avait tord de paniquer comme ça. Mais elle avait tout à coup besoin d'air. Sa veste à nouveau enfilée, elle courut dehors sous quelques regards intrigués. Son corps entier tremblait, son cœur tressautait, le stress augmentait. La petite vague de calme avait disparut, et il ne restait rien d'autre que la panique. Si seulement il y'avait un remède ! Si seulement...
Malia resserra les pans de sa veste autour de ses hanches et ferma les yeux. Elle se concentra sur toutes les sensations pour oublier ce stress maladif qui empoisonnait chaque veine de son corps. Le vent lui caressait les joues. Le froid lui craquelait les lèvres. La neige sur le sol crissait sur ses talons. Elle inspira. Rien à faire. Comment pouvait-elle penser à autre chose ?
Comment ?
Elle chanta. Pas très fort. C'était juste un doux murmure. Elle s'adossa au mur en béton. Les notes de son morceau sortaient de sa bouche. Ses mains pianotaient sur le mur avec nervosité. Malia se concentra. Ses yeux toujours fermés étaient tournés vers le ciel, si bien que l'obscurité de ses paupières était un peu plus claire. Elle avait l'air cinglée. Mais les musiciens sont tous un peu fous à leur manière. Pourquoi subir ce stress viscéral pour cinq minutes, peut être dix de représentation? Malia se prit la tête entre ses mains, poussant un râle à peine audible.
Elle se sentait quitter son corps.
Mais soudain, la panique disparut. Deux mains s'étaient posées sur les épaules de la jeune fille. La chaleur que lui procurait ce contact se repentir dans tout son corps. Malia esquissa un demi sourire.
-Salut Liam.
-Coucou.
Elle se retourna pour le prendre dans ses bras. Elle allait peut être regretter ce geste plus tard, mais pour le moment, le soutien de Liam lui était indispensable.
-Merci.
-C'est normal que je vienne.
Malia le serra plus fort, puis se détacha de lui. Elle posa ses mains sur ses joues, puis sourit à nouveau.
-T'es le meilleur.
Le sourire de Liam fit bondir son cœur.
Malia...
Elle ne se comprenait pas. Mais alors pas du tout. Une voix lui soufflait qu'Hugo était moins... moins tout !
-Ca va ?
-Oui, je réfléchis un peu.
-C'est Hugo ?
-C'est en partie lui. Je ne suis plus trop sûre de ce que je ressens pour lui.
Difficile de louper le sourire de Liam.
-Mince ! fit-il.
Malia rigola pour se détendre.
-Je ne dis pas ça de manière méchante ou calculatrice, mais à mon avis, vous n'allez pas ensemble.
-Ah ?
-Pas trop d'alchimie des personnalités.
-La différence est parfois bénéfique.
-Oui. Mais la, je pense que vous êtes juste pas fait pour être ensemble.
-Alors avec qui je devrais être ?
Elle savait ce qu'il allait répondre. Et le pire, c'est que ça lui faisait plaisir.
-Moi.
LIAM
Bon, voilà. Maintenant, il fallait tout déballer. La feuille pleines d'idées lui revenait en mémoire, mais il n'en avait pas besoin. Liam inspira, prêt à se lancer dans LA tirade. Celle qui va peut être tout changer.
-Avant de partir en courant, s'il te plaît écoute moi. Sans m'interrompre, si possible. Sinon je vais perdre le fil, et ça va pas le faire.
Malia sourit nerveusement tandis que Liam s'adossait à ses côtés.
-Ce serait très cliché de dire ça, mais dès que je t'ai vue, ma vie a changé. Tes yeux turquoises emplis d'émotion, ton corps qui tremblait. Quand je suis rentré chez moi, je me suis dis que je voulais encore jouer pour toi. Je voulais encore voir cette si belle étincelle, celle qui anime tes iris dès que tu entends une suite de note.
J'avais deviné que tu étais à Juilliard. Je ne sais pas pourquoi. Tes rêves brillaient autour de toi. Je les voyais presque. Pendant le reste de la semaine, je me demandais ce que j'allais te dire si je te croisais. Les beaux discours pour faire de la drague, c'est pas mon truc. Qu'allais-je dire pour ne pas que tu t'enfuies en courant ? Je n'ai rien trouvé, j'y suis allé à l'improvisation.
Ta nervosité face aux relations amoureuses m'a tout de suite amusé, et je t'ai directement admiré. Ne rougis pas, c'est vrai. Ton talent au piano était admirable. Ta virtuosité était évidente.
Puis tu m'as parlé de ton père.
Et là, au fond de moi, j'ai senti que je voulais te rendre heureuse. Affreusement niais, j'en conviens. Mais c'est exactement ce que je ressentais.
Quand tu as voulu me voir, j'étais tellement content, tu n'imagines même pas. Un repas avec toi seule ? Le rêve.
Alors quand on est entrés dans le hall après avoir été mangé et que tu as couru dans les bras d'un beau jeune homme, je me suis douté que tu avais des vues sur quelqu'un d'autre.
Je n'étais pas encore amoureux de toi. Je te trouvais juste spéciale. Pas bizzare. Juste spéciale. Je ne sais pas décrire.
Au fur et à mesure que tu sortais avec Hugo, je me rendais compte que je ne le supportais pas. Il est très gentil, Hugo, mais son air un peu contrit m'a énervé. Et toi, tu étais sur un petit nuage. J'étais un peu énervé, mais tu m'avais prévenu. "Juste en amis".
Je voulais tellement plus. Et je gardais mes sentiments au plus profond de moi. J'ai fait l'idiot, j'ai utilisé une fille pour te rendre jalouse. Mais au moins, je savais que je comptais pour toi.
Un jour je t'ai fait assoir sur un banc, et je t'ai tout dit. Peut être que j'aurais pas du le faire, pour ton bien-être à toi.
Mais sur ce coup là, j'ai joué à l'égoïste.
Ca m' fait un bien fou.
Il faut que tu comprennes, Malia.
Je te trouve belle.
Belle et forte.
Je ne suis peut être pas objectif, mais je sais que tu vas affronter ta peur avec génie, tu vs éblouir les gens, et moi je serai fier.
Fier de ton talent, de tes progrès.
Il agrippa les manches de la veste de Malia.
-Tu es tellement incroyable, et tu je t'en rends même pas compte. Tu brilles, tu scintilles. Tu fais battre mon cœur, tu me fais vivre.
Je suis tellement heureux quand on a cours collectif.
Tes sourcils froncés, ta manière de tenir le crayon, ta bouche tordue dans une grimace quand tu n'y arrives pas, Ta manière de rejeter la tête en arrière quand tu rigoles.
Cesse de croire que tu es banale.
Tu ne l'es pas.
Alors si je ne t'ai pas convaincu, eh bien je m'en fiche.
Ce que tu dois retenir de tout ça, c'est que je t'aime.
Je t'aime de tout mon cœur, de toute mon âme. Je t'aime à en faire trembler les montagnes. Je t'aime à en crever.
Je suis un homme amoureux qui a confiance en ton talent.
Car à chaque fois que tu joues, je retombe amoureux. Encore plus fort.
Liam s'écarte.
-Je t'aime, finit-il dans un murmure.
Il releva la tête.
Le visage de Malia était empli de larmes.
Mais Liam ne voyait que son sourire.
Un sourire si rayonnant qu'il fait pâlir le soleil.
Il s'avança vers elle, les émotions en vrac.
-HERNANDEZ ! HERNANDEZ ! HERNANDEZ !
Malia ouvrit des yeux ronds. Liam n'avança vers elle et lui posa ses lèvres sur les siennes.
-Va enflammer la scène. Libère toi.
Pas de réponse, mais un autre sourire.
Malia partit vers le couloir, et Liam courut vers l'entrée.
Il devait la voir jouer.
Elle serait grandiose. Il le savait.
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