Chapitre 31

LIAM 

Ses yeux fixaient tellement la photographie sur le mur que des larmes avaient envahi ses yeux. Il ferma ses paupières sur ses yeux assechés, et se frotta ses yeux avec vigueur. Il fallait qu'il réfléchisse, pas qu'il divague sur la couleur rouge rubis de la robe de sa mère. Liam saisit la photographie. Elle paraissait tellement vieille. Sa sœur n'était pas née, et ses deux frères posaient cote à cote, leurs sourires édentés éclairant leurs visages. Ses deux parents avaient des habits tellement ringards et moches que Liam grimaça dans un rire. Le seul qui ne souriait pas était Liam. Il avait les bras croisés, et un regard de tueur en série. 

Un rire s'échappa de sa gorge.

Il se rappelait de cette journée. C'était peu après qu'il ait reçu son piano. Il passait ses journées cloîtré dans sa chambre, la main courbaturée et les fesses meurtries. On l'avait tiré de sa caverne pour aller jouer dans le jardin. "Il fait si beau ! Sors mon chéri ! " lui avait ordonné sa mère, le regard un peu alarmé. Elle sentait déjà qu'il s'éloignait des autres, obnubilé par sa passion. Alors il était sorti, de mauvaise grâce. Lui, Dave et Will avaient fait une partie de football, comme trois gosses tout à fait normaux. 

Sauf que Will était atteint de trisomie 21, et que Liam n'était qu'un asocial. Seul Dave était normal, et encore, il jouait aux poupées, ce qui posait problème à Monsieur et Madame Collins. En y repensant, Liam ne pouvait s'empêcher de se mettre en colère. Heureusement, ses parents, à coups de discours enflammés de leur fils aîné, étaient devenus plus ouverts. Mais leurs mentalités fermées avaient blessé leurs enfants sans qu'ils ne le sachent. Ils ne se sentaient pas libres de leurs actes, entravés. Liam aimaient ses parents comme un fils se devait de les aimer, mais vivre loin d'eux lui faisait du bien. Une photo de Will trônait sur son chevet. Qu'est-ce qu'il l'adorait, son frère. Il continuait à vivre malgré toutes les moqueries qu'ont lui balançait à la figure. C'était toujours Liam qui se révoltait contre les insultes. Will restait calme, posait une main apaisante sur l'avant bras, le rassurant d'un regard. Liam pensait qu'il ne comprenait juste pas se qu'il se passait, et donc laissait passer. Liam se calmait, serrait son frère dans ses bras, et le ramenait à la maison. Quelques amis étaient souvent présents. Chaque vendredi, les parents de Liam invitait des tas de personnes à la maison. Ils avaient lu quelque part que la capacité de sociabilisation des enfants atteint de trisomie 21 était énorme. De plus, leur offrir un cercle social large aidait le développement. C'était tellement vrai. D'abord, il effrayait les tout petits. Puis, il les mettaient en confiance en jouant avec eux. Les enfants finissaient par se lasser de son rythme plus lent, mais restaient à ces côtés quand même. C'était plus dur avec les adolescents, bien sur. Les enfants sont cruels, mais les adolescents encore plus. Ils le regardait avec des regards méprisants. Mais encore une fois, il s'en fichait. 

-Liam, sort de tes pensées. TOUT DE SUITE ! J'ai besoin de ton aide pour cuisiner. Et je pense que tu as besoin de mon aide aussi. On va donc se diriger vers la cuisine ça te va ? 

Liam ne réagit même pas à la déclamation d' Albéric.

-Ça va ? 

-J'étais plongé dans mes souvenirs. 

Albéric comprit instantanément. 

-Il faut penser à autre chose. Ça te rend triste. J'aime pas voir cette tête sur ton visage. Mais alors là... pas du tout ! En plus, tu dois penser à Malia. Tu sais, je suis sûre que une fois que tu l'auras séduite, elle saura te consoler mieux que moi.

Liam rigola. 

-Je ne saurai jamais la séduire, comme tu dis. C'est son cœur à elle. 

-Il y'a un moyen très efficace de la persuader que tu es son Roméo. Le LANGUAGE ! 

Albéric fit de gros yeux, pour bien montrer qu'il venait de lâcher le plus gros secret de l'histoire de l'Amérique. 

-Personne ne comprends vraiment, mais les mots, ça possède un pouvoir. 

-Je crois en la musique, moi.

-La musique ne peut pas tout résoudre ! Les mots non-plus, mais dans ce cas-ci, oui. Tu dois essayer de trouver les mots qui vont faire flancher son coeur. Tu vois, des mots du genre passion, ou flammes.

-Flammes ?

-C'est poétique. Éphémère, c'est pas mal. 

-Merci, mon pote. 

-T'as pas compris, je le sens ! cria Albéric, soudain surexité. 

Il courut hors de la chambre, et revient un instant après, un stylo vert et un cahier à spirale en main. Il posa son trophée sur les genoux de Liam, les yeux brillants. 

-Ecrit sur un papier tous les mots, émotions ou notes de musique, bref, tout ce que tu veux. Ça te remettra les idées en place. Tu as toujours su y faire avec les filles ! Fais des sourires, des clins d'œil, fais ta belle voix grave et le tour est joué ! 

-Je veux pas la charmer, Al !

-Non, mais tu peux lui ouvrir les yeux. 

Sous cette phrase emplie de poésie, il disparut en hurlant qu'il ferait ses pâtes tout seul. 

Liam s'allongea sur le lit, les sourcils froncés. Il savait ce qu'il ressentait sur Malia, mais il ne savait pas le décrire. Peu de mots seraient définir son état quand il la voyait. Il voulait être la meilleur version de lui, ne pas la décevoir. Il voulait la voir rire, pleurer, crier. Il voulait la voir vivre, l'aider à traverser tous les obstacles du monde. Il voulait voyager avec elle, sur un bateau, l'écume de mers leur fouettant le visage. Liam voulait sentir son cœur battre sous ses doigts. Il voulait ressentir pour toujours cet état de joie intense dès qu'il la voyait. 

Il était tellement niais! Si il lui disait toutes ses choses, elle fuirait en courant. Meme si elles étaient vraies. 

Mais c'était ce à quoi il pensait dès qu'il la voyait. Elle était tellement parfaite, à ces yeux. Ses défauts la rendaient parfaite. Pour lui, elle était la seule. 

Il ne savait pas comment il en était arrivé la en quatre mois et des poussières. Toute une vie s'était écoulée depuis qu'il l'avait vue, à la gare. Ce jour-là, sa mère l'avait appelé. Les cris avaient clôturé la conversation, et ils étaient sorti de l'appartement, les doigts frétillants dans l'air. Il s'était dirigé vers la gare centrale, le corps empli de colère. Il savait qu'un piano se trouvait là. Il pourrait jouer. Enfin. Il avait joué la veille, dans un bar, mais ça lui manquait déjà. Liam avait de nouveau respiré à la vue du magnifique piano. Quelqu'un était assis dessus. Une jeune femme, la trentaine, pas plus. Elle ne jouait pas particulièrement bien, mais de nombreuses personnes avaient sorti leurs téléphones. 

Liam l'avait écoutée patiemment, et dès qu'elle fut partie, s'était avancé vers le tabouret. Il avait joué un morceau énergique et triste en même temps. Il entendait les souffles se couper, et souriait, galvanisé. Il était enfiévré, heureux, à sa place. Les gens le regardaient, toujours plus nombreux. Il faisait virevolter ses doigt et la passion le faisait trembler. Ses yeux s'étaient fermés un instant, s'étaient rouverts. Ses pensées étaient inhibées. Il ne réfléchissait plus. Le monde était plongé dans le noir. Seule comptait la fin du morceau. Les allez-retours endiablés de ses mains sur le beau clavier scintillant n'en finissaient pas, un calme olympien l'avait envahi. Les notes se faisaient plus rares et espacées. Il se penchait, et le son diminuait. Les dernières notes avaient résonné dans l'air, et puis la magie rompue par les applaudissements ébahis. Liam salua dans toutes les directions, un sourire resplendissant sur le visage. Son regard fixait la foule, avide de ces étincelles qui brillaient dans les yeux de chacun. Quand soudainement, il avait croisé un regard incroyable. Des yeux verts, étincelant, légèrement embués. Des émotions fulgurantes. C'était une pianiste. Une vraie. 

Liam la fixa. Pourquoi ne venait t'elle pas ? Elle avait surement peur. 

Elle était belle. On aurait dit qu'elle vivait ailleurs. 

Dans un autre monde. 

Celui de la musique ?  

Liam secoua sa tête pour sortir de ses pensées. Il saisit son carnet, et commença à écrire. Les mots se jetaient hors du stylo, usant de plus en plus d'encre. Tous les adjectifs, tous les mots apparaissaient dans sa tête comme des évidences. 

Il avait les idées claires, et un discours fin prêt. Il lui ferait sa déclaration demain avant qu'ils jouent pour leurs examens. Il avait confiance. Peut-être trop. Mais il fallait essayer ! 

Le feu d'espoir en lui brûlait et mugissait. 

Il était plus grand que jamais. 






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