Chapitre 23
PAULINE J-6
AUX ALENTOURS DE MINUIT
La blonde lâcha son plateau de cookies avec violence sur la table. Encore une fournée cramée. Elle allait encore être obliger de les jeter.
-MERDE !
Cette technique de détente ne marchait pas, elle aurait du s'en douter. Et maintenant, la moitié de sa fortune d'étudiante avait été dilapidée dans diverses expériences culinaires.
-Quel gâchis.
Elle avait envie de tout casser. Sa prof particulière n'avait que de mauvais conseils à la bouche.
"Cuisine pour te détendre ! Si tu ne fais que du piano, tu finiras par être complètement dégoûtée ! "lui avait-elle dit.
Pauline perdait son temps. La cuisine l'énervait. Elle saisit sa veste et son portefeuille, et ses clés.
Elle avait besoin de jazz, là, maintenant.
20 minutes plus tard, elle et Jo bougeaient la tête en rythme, deux assiettes de spaghetti fumantes devant elle.
-Tu chantes mieux, fit Pauline.
-Je sais. Elle me remplace pour l'instant, je dois bosser sur un projet.
Pauline hocha distraitement la tête et se laissa emplir par la musique.
Oublié, le piano. Oublié, le concours. Oublié, le stress maladif.
Le jazz était la clé. Pas la cuisine.
ZIA J-5
7 HEURES DU MATIN
L'air glacé lui giflait le visage. Son bonnet étaient enfoncé sur son crâne, son écharpe rouge enroulait son cou, et des gants usés ne la protégeait pas du froid. Mais Zia se sentait merveilleusement bien. Elle observait un petit écureuil depuis quelques minutes. Il courait dans les arbres. Si discret qu'elle devait par fois se concentrer pour le voir.
Les feuilles étaient d'un rouge éclatant, c'était magnifique. La magnifique palette de couleur que lui offrait la nature l'apaisait de plus haut point. Elle ferma les yeux pour profiter des sensations de l'extérieur. Elle était restée terrée à l'intérieur pendant un mois, à s'épuiser les mains, les bras, les yeux, les jambes. L'air froid était comme une libération. Un autre monde existait en dehors du piano, et il fallait de temps en temps s'en rappeler, sinon on devenait fou. Elle inspira une dernière fois, et se remit en route vers le campus.
Il ne fallait pas perdre trop de temps non plus.
LIAM J-4
COURS COMMUN, 15 HEURES
La dernière note s'échappa de l'instrument avec lenteur. Liam se tourna vers McThorn.
-Parfait, Liam. Très bien. Je suis épaté. Ta technique s'est vraiment améliorée, tu fais attention aux silences, tu anticipes, tu contrôles ta main gauche. Je n'ai presque rien à dire. Tu as insufflé ta passion dans le morceau, c'était très parlant. Tu dois faire attention au tempo à certains moments.
-Oui je sais, c'est mon principal problème sur ce morceau.
-Fais également attention à ta position. Tes poignets ne bougent pas assez, et le son est un peu sec. Etonnament, cela n'arrive qu'à la deuxième page. Règle ça avant le concours.
McThorn lui montra rapidement la technique, et Liam hocha la tête. Le professeur sourit.
-Mais sinon, c'est très bien. Tu as toutes tes chances pour accéder au deuxième tour. Mais ne relâche pas le rythme. La concurrence est dure, ne te voile pas la face, ne sois pas trop sur de toi. Si tu es trop confiant, ça te perdra.
Le professeur jeta un coup d'oeil à ses notes.
-Ce sera tout. Va chercher Lucas.
Liam sortit de la pièce , le regard flamboyant. Le stress venait de diminuer imperceptiblement, mais quand même. Son professeur pensait qu'il pouvait y'arriver. Il tapa dans la main levée de Malia et s'approcha de son oreille.
-C'est grâce à toi que mon morceau ressemble à quelque chose. Merci.
Elle lui sourit, mais Liam voyait dans ces yeux que l'inquiétude la rongeait.
-Ne t'inquiète pas. Tu vas y'arriver.
Encore un sourire, mais celui-ci était plus franc.
-Merci, Liam.
Son cœur battit douloureusement.
Je t'aime encore, quoi que tu m'ais dit, Malia.
LOUISA J-3
6 HEURES DU MATIN
Louisa n'était jamais stressée. Elle essayait de toute ses forces, elle se forçait, mais l'appréhension ne s'emparait jamais de son estomac avec violence. Mais quand à 6 heures du matin, son téléphone se lança dans une mélodie censée la réveiller et qu'elle vit la date, son cœur s'affola comme un moustique sous une ampoule.C'était une chose de savoir que l'échéance se rapprochait, mais de voir la date, sur l'écran trop lumineux de son smartphone, en était une autre. La rousse se leva d'un bond, s'habilla à la vitesse de la lumière et rejoignit les locaux à disposition des élèves. On pourrait croire qu'ils seraient vides. Au contraire, une vingtaine d'étudiants entraient et sortaient des pièces, l'air complètement surmené. Ces spécimens avaient dû rester là toute la nuit.
Quelle bande de cinglés !
Louisa trouva enfin une pièce libre, meublée d'un unique piano droit. Elle mit le verrou, et s'assit. Elle attacha sa masse de cheveux en un chignon approximatif, et plaça ses mains pâles sur les touches. Pas de partition, elle le connaissait par cœur, à présent.
C'est parti !
HUGO J-2
COURS PARTICULIER, 10 HEURES
Hugo ne s'était toujours pas excusé. Il avait trop d'amertume dans le coeur. Il voulait vraiment lui présenter ses plus plates excuses. Mais le jeune homme voulait que Malia comprenne un peu sa position. Elle ne faisait que voir Liam et jouer au piano. Quelle personne censée resterait de marbre quand sa copine passe son temps avec son soi-disant ami au lieu de lui ? Personne. Des qu'il y repensait, sa colère enflait. Il devait absolument faire subir à Malia comment il s'était senti. Elle le comprendrait mieux.
Il réfléchit cinq secondes avant qu'une idée lui vienne en tête. Mais il ne pouvait pas faire ça ! C'était...
-Hugo, arrête de rêvasser, reprend la mesure !
Le jeune homme secoua la tête, se concentra, et le concours prit à nouveau toute la place dans son esprit. Techniquement, il s'en fichait complètement, de ce concours.Depuis qu'il avait repris le violon, il se rendait compte que le piano ne lui suffisait pas du tout. La seule raison pour laquelle il participait concernait sa chère mère, qui le forçait pas très subtilement à jouer.
" Tu avances pour le concours ? Ton père serait si fier de toi, mon garçon ! "
Certains jours, elle lui tapait sur le système. Il n'était pas son père, il ne l'égalerait jamais.
Mais il devait avouer qu'il adorait la compétition. Tous les challenges du monde étaient bons pour lui. Hugo détestait perdre, et adorait gagner.
C'était dans sa nature.
En y réfléchissant, le piano n'était pas si horrible que ça. Ca restait de la musique. Il repoussa le violon de ses pensées, et se concentra sur ces mains qui voltigeait entre les notes. C'était quand même joli.
Le piano, c'était quand même suffisant. Ça n'égalisait pas le violon, mais pour l'instant, ça ferait l'affaire.
MALIA J-1
1 HEURE DU MATIN
Malia était prête. Elle tremblait de la tête aux pieds, mais elle était prête. Elle connaissait son morceau, elle connaissait son morceau, elle le CONNAISSAIT. Elle se pria de dormir.
La jeune fille se roula en boule dans son lit, le ventre noué, les membres tremblants.
Tu vas y'arriver !
Elle respira longuement, et s'endormit d'un coup.
J-J
Malia visualisa la salle de concert. Elle visualisa les trois juges. Leurs visages étaient gris d'ennui. Ils tenaient des cartons:
0
0
0
-Vous avez raté, fit l'un des juges.
Son visage tourna au noir.
-Vous êtes une incapable. Pas digne de Juilliard. Qu'est ce que vous faites-ici, au beau milieu de prodiges? Vous êtes incapable. INCAPABLE !
Les deux autres juges se levèrent.
INCAPABLEINCAPABLEINCAPABLEINCAPABLEINCAPABLE...
Leur litanie la tuait à petit feu. Elle se boucha les oreilles, et hurla de toute ses forces.
Malia était trempée de sueur. Elle n'avait jamais fait de cauchemar avant une audition, et cela l'inquiéta. Elle se leva, et croisa Louisa. Elle aussi passait aujourd'hui.
En fait, toute la bande passait le même jour. Chance ? Ou malchance ? Ils jouaient tous aussi bien que les autres. La sensation à présent familière du stress la prit aux tripes. Malia était un paradoxe. D'un côté, elle avait envie d'impressionner, mais de l'autre, elle avait envie de se terrer dans un trou.
-Salut Malia.
-Salut.
La panique la gagnait, lui serrait la gorge, lui brûlait les poumons. Ses mains tremblèrent. Elle n'y arriverait jamais.
-Arrête d'envoyer des ondes négatives. J'ai déjà les miennes, pas besoin d'en rajouter.
-Je veux vraiment gagner, Louisa.
-Je sais. Calme-toi, sinon tu n'y arriveras pas.
Elle souffla.
-Pas besoin de me le rappeler.
Louisa sourit, et elles sortirent de l'appartement dix minutes plus tard. Malia ne passait que dans trois bonnes heures, mais elle voulait soutenir ses amies.
***
-Ballister, Nathaly !
La concernée sauta de sa chaise, et se dirigea vers la scène, ses longs cheveux noir tressés dans son dos. Son air supérieur était inssuportable. Ses joues étaient trop roses, sa peau trop pâle.
-Je passe après, fit Louisa d'une petite voix.
-Ça va aller. Calme-toi, fit Malia.
-Tu as un talent, d'accord ? dit Zia.
-Respire calmement, ajouta Pauline.
-ARRETEZ DE ME PARLER !
La tension s'évacuait différemment de chaque individu. Malia se contenta de serrer la main de son amie dans la sienne. Son propre stress la consumait de l'intérieur.
Les heures passèrent sans qu'elle s'en rende réellement compte. Les gens défilaient les uns après les autres, et Malia pianotait sur sa jambe. La mélodie résonnait dans sa tête avec violence, si bien qu'un mal de crâne précoce s'était emparée d'elle.
Soudain, elle sentit la présence d'Hugo. Elle releva sa tête, et l'aperçut à l'autre bout de la pièce, en train de rire avec une fille blonde . Ils étaient très proches, et la blonde avait une main sur son torse.
Son estomac se noua tandis qu'Hugo donnait un baiser sur la joue de la fille.
A quoi il joue ?
Elle avait plus ou moins déterminé que leur couple était en sorte de pause, mais c'est pas pour ça qu'elle allait voir ailleurs!
-Malia Hernandez! A vous !
La concernée sauta de sa chaise. L'image des deux autres en train de flirter tournoyait dans sa tête.
Elle arriva sur la scène et salua. Le tabouret racla le sol quand la jeune fille le bougea. Elle s'assit. Le rire de la fille résonnait dans sa tête.
Ses doigts se mirent à bouger tout seuls. Aucune émotion, rien. Malia était tellement bouleversée par la vision qu'elle venait d'avoir. Ses sentiments semblaient anesthésiés. Les notes s'envolaient dans l'air, vides de sens. Elle voulait en finir avec ce morceau. Elle accéléra. La jeune fille n'osa même pas écouter comment son morceau rendait. Sa mâchoire se crispa. Elle devait aller étriper Hugo. Sa concentration s'était évaporée, et quand Malia essaya de penser à son morceau, elle se rendit compte qu'elle venait de le finir.
Malia se leva et salua à nouveau. Les juges étaient impassibles. Elle avait été médiocre, elle le savait, elle le devinait.
Et tout ce que la pianiste ressentait c'était de la colère.
Elle n'était qu'un tourbillon de frustration quand elle atteint les coulisses. Malia se planta devant Hugo, et lui flanqua une gifle magistrale.
-Tu n'es qu'un connard égoïste.
Elle s'en alla en courant, un sourire immense scotché aux lèvres.
-Attends !
-Tu peux toujours rêver ! hurla t'elle, folle de joie, ou folle de rage. Elle ne savait plus.
Ses émotions étaient tellement emmêlées, tellement complexes. Elle n'y comprenait rien du tout.
Il allait falloir qu'elle règle ça, et vite.
Un bras la saisit aux hanches. Elle se heurta aux yeux turquoise d'Hugo.
-Il faut qu'on parle. Maintenant.
Elle n'en avait pas la force. Elle était sacrément remontée contre lui.
Son avenir lui filait sous les doigts. Il voulait parler.
La rage bouillonnait, enflait, noircissait dans son corps. Son visage se crispa.
La discussion s'annonçait envenimée.
-Parlons, dans ce cas. je n'ai pas que ça à faire.
Il soupira longuement, en se passant une main sur le visage. Même dans ce moment ou l colère crépitait en elle, Malia le trouvait beau à se damner.
Elle devait vraiment se faire soigner.
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