Épreuve

Le lendemain, on a eu du mal à se lever, on était crevé mais on s'est forcé et on est allé à nos occupations. Idriss était de mauvaise humeur car il était en retard et il détestait ça mais à quand même pris le temps de vérifier que j'avais de l'essence dans la voiture, que j'avais des sous pour manger, que je me sentais bien et que je ne manquais de rien. Il a ensuite dit au revoir au bébé en lui faisant des tonnes de bisous et m'a ensuite embrassée fougueusement. Comme chaque matin, il m'a dit que j'étais magnifique et qu'il m'aimait. La journée commençait toujours bien avec Idriss.

Cette semaine j'étais encore en stage. Les filles et moi on travaillait dans un centre pour enfants mal traités mal nourris ou qui ont eu un traumatisme psychologiques. C'était très lourd comme stage mais vraiment enrichissant. J'ai direct su que je voulais travailler dans ce genre de milieu quand j'aurai mon diplôme InchAllah.

C'était la pause déjeuner alors avec Julie et Kenza, on est allé manger dans un petit chinois halal. Ça les dérangeait pas d'aller manger dans des lieux halal pour moi, au contraire elles préféraient parce qu'en général elles trouvaient que c'était meilleur et moins cher que dans les restos normaux.

On était en terrasse comme il faisait beau, on était déjà en mai après tout, évidemment j'étais concentrée sur ma bouffe. Puis on est sorti, on marchait jusqu'au centre. On rigolait toujours bien à 3, elles étaient très ouvertes d'esprit comme moi d'ailleurs. On partageait pleins de principes alors qu'elle n'avait pas du tout la même religion que moi.

Voix: et la blondasse t'aurais pas un numéro ?

Moi je me suis pas retournée, je savais pas à qui il parlait je suis pas blonde moi.

Voix: oh je te parle

On s'est toutes les 3 arrêté de parler et on s'est retourné.

Julie: à qui tu parles toi?

Voix: à ta copine alors t'aurai pas un petit 06?

Vous voyez le genre de gars en jogging sale avec sa casquette jusque par terre là? Qui a une clope sur l'oreille? Bah c'était ce genre de gars qui me draguait. Sérieux j'étais dégoûtée... Je me faisais draguer par un de ces clochards.. Je suis si moche que ça? :'(

J'ai pas répondu et j'ai commencé à avancer avec les filles. Mais le gars, il avait trop le seum je venais de lui mettre le plus gros vent de l'histoire devant ses potes.

Il m'a pris par le bras et m'a poussé.

Le mec: ah ça fait les princesses devant ses copines hein

Moi: me touche pas gros clochard

Là il a encore plus rager et m'a poussée encore plus fort que la première fois. Il m'a fait tomber au sol cette fois. Mais là, le cauchemar a commencé. J'ai commencé à avoir une très grosse douleur au bas du ventre, comme si on me donnait de multiples coups de couteau. Je me tordais de douleur par terre. Julie et Kenza étaient au courant que j'étais enceinte. Elles ont direct appelé l'ambulance. Le type il comprenait pas, il arrêtait pas de crier que je faisais du cinéma. Julie a gueulé pour lui dire de la fermer que j'étais enceinte. Le type a fait une de ces têtes et s'est approchée de moi pour m'aider à me relever mais je pouvais pas bouger j'avais tellement mal. Je pleurais comme un bébé. Le sang a ensuite coule à flot, on aurait dit un robinet sans manivelle pour le fermer. Mon pantalon était recouvert de sang, j'étais couchée dans mon propre sang. Les gens s'approchaient de moi pour m'aider mais je calculais rien, la douleur était trop forte puis j'ai commencé à fermer les yeux petits à petits et je me suis endormie...

Je me suis réveillée doucement, je n'avais pas la moindre force dans mon corps. J'arrivais à peine à soulever mes paupières. J'ai vu Idriss à mes côtés, il pleurait. Oui, il pleurait. C'est l'image la plus atroce que j'ai jamais vu. Mon mari, cet homme fort, courageux, brave et viril pleurer devant moi. Je n'arrivais pas à sortir un mot de ma bouche, c'était impossible. J'étais tellement faible, j'avais l'impression que j'allais mourir d'une minute à l'autre. Puis, Idriss a enfin porté un regard sur moi. Il avait vu que j'avais les yeux à moitié ouverts et a couru appelé le personnel hospitalier.  Il avait de grosses cernes qui creusaient son visage, lui qui prenait toujours soin de lui avait la barbe négligée, les cheveux qui avaient fort poussés et était vêtu d'un survet.

Je n'ai pas eu le temps de le voir revenir que je m'étais déjà endormie. Quelques heures plus tard, je me suis à nouveau réveillée, je me sentais déjà mieux que tout à l'heure. Je n'avais toujours pas la force pour parler ni bouger mais mes yeux étaient capables de s'ouvrir correctement et de rester ouvert plus de 2 minutes sans s'endormir. Ma chambre était remplie cette fois. Il y avait mes parents, tous mes frères, les frères et le père d'Idriss ainsi que Dounia, Shéra, Julie et Kenza. On était au complet là, tous mes proches étaient présents dans cette chambre. On pouvait plus accueillir quelqu'un d'autre là, on était trop.

Dès qu'ils m'ont vu me réveiller, ils ont commencé à venir me faire des bisous tour à tour. Ils me récitaient des sourates dans l'oreille et faisaient des douhas pour moi. Je n'avais pas la force de faire des liens donc je comprenais rien à ce qu'il passait mais je n'avais pas envie de comprendre. Au fond de moi, j'avais ce pressentiment et je voulais le chasser de mon esprit. Je ne voulais pas y croire, je me voilais la face.

Idriss était debout près de la porte. Je regardais que lui, je voulais lire en lui ce qui se passait mais il ne faisait que baisser la tête. Il avait toujours cette tête que je n'avais jamais vu auparavant, la tristesse, la douleur, la peine. Je voyais que ça faisait bien des jours qu'il n'avait pas fermé l'œil. Il est ensuite sorti doucement de la chambre sans que personne s'en aperçoive sauf moi bien sûre.
Mon père me récitait une sourate dans l'oreille en me tenant les mains. Miskin lui non plus je ne l'avais jamais vu aussi contrarié.

Je me suis ensuite rendormie. C'est l'infirmière qui m'a réveillée pour changer mes perfusions. Idriss était toujours là, il me regardait yeux dans les yeux sans m'avoir adressée un mot depuis que je m'étais réveillée.

Dès que l'infirmière est partie, Idriss s'est approché de moi. Il m'a regardé avec pitié et s'est penché pour déposer un bisous sur mon front. J'avais compris qu'il allait enfin me dire ce que je redoutais.
Il m'a glissé dans l'oreille la phrase la plus douloureuse que je n'ai jamais entendu de ma vie. Celle qui a jamais autant brisé mon coeur.

Idriss: Souleyman est avec Allah

On avait prévu de l'appeler comme ça si c'était un petit bonhomme. On n'a jamais su c'était une fille ou un garçon Allahu Ahlem.

J'ai fermé les yeux et moi qui me pensait incapable de pleurer vu le manque de force que je ressentais j'ai commencé à verser un torrent de larmes. Idriss essuyait chaque larme qui roulait sur mes joues mais en me voyant comme ça il a surement laissé ses émotions prendre le dessus. Il a versé une larme puis une deuxième puis il a enfui sa tête sur ma poitrine. On était tous les 2 anéantis. Le plus beau cadeau qu'on avait eu dans cette vie, Allah venait de nous le retirer avant même nous l'avoir offert. Je pleurais toujours autant et Idriss n'avait pas la force de soulager ma tristesse et c'était bien la première fois. Ça a toujours été le premier à guérir mes peines mais là il n'en avait pas non plus la force.

La machine à laquelle j'étais reliée à commencer à biper et je me suis rendormie.

Quand je me suis réveillée, Idriss était la tête dans les mains assis en face de mon lit sur la table. Il en pouvait plus. En le voyant comme ça, je me suis rappelée de ce qu'il m'avait annoncée et j'ai recommencé à pleurer sans faire de bruit. Idriss a fini par entendre mes pleurs et est venu passer ses mains autour de moi pour me réconforter comme il pouvait. Il me récitait des sourates pour m'apaiser.

Quelques heures plus tard, je m'étais à nouveau endormie. J'étais capable que de ça de toute façon.

Je me suis réveillée le lendemain. Idriss était toujours là sur la chaise à côté de mon lit. Il avait l'air tellement fatigué, j'avais l'impression que c'était la première fois qu'il fermait les yeux depuis que je suis sur ce lit.

Je regardais par la fenêtre et je faisais des douhas. Je me sentais déjà mieux physiquement mais psychologiquement c'était toujours l'agonie dans ma tête. Je devais confier mes souffrances à Allah, il n'y a que lui qui pouvait les comprendre.

L'infirmière est venue pour changer mes perfusions etc. Elle m'a expliqué que ça faisait 3 semaines que j'étais dans un coma. J'avais fais une grossesse extra utérine, et d'être tombée par terre a accéléré l'hémorragie qui était pas pour tout de suite.

Croyez le ou non, ce type qui m'a poussée à sauver ma vie. Sans lui, j'aurai pas survécu car on avait pas remarqué l'anomalie de grossesse avant. Ce genre de grossesse engendre une très grande hémorragie et est très dangereuse pour la femme, le bébé lui ne survit pas. Elle m'a dit que j'avais eu beaucoup de chance et que maintenant tout allait bien. Il fallait juste du repos et du soutien de mes proches parce que c'est une épreuve pas facile évidemment. Elle m'a conseillée de me faire suivre par un spécialiste ainsi que mon mari. Elle m'a confié qu'Idriss n'avait jamais quitté cette pièce en 3 semaines. Il dormait, mangeait, se lavait ici. Il n'était pas autorisé à rester ici toute la journée et encore moins à dormir ici. Les heures de visites c'était l'après midi entre 13h et 16h mais lui ne voulait pas bouger. Elle m'a dit qu'il passait sa journée à me regarder en chuchotant qu'il m'aimait et qu'il voulait que je me réveille.

J'ai pleuré quand elle m'a dit ça, ce qui a réveillé Idriss. Il a sursauté et s'est levé pour voir ce que j'avais. Je l'ai regardé et il a compris dans mon regard que je voulais qu'il me prenne dans ses bras, ce qu'il a fait. L'infirmière nous a laissé seul et Idriss m'a embrassé le front en me caressant les joues pour me faire arrêter de pleurer. C'est ce jour que j'ai compris que le mariage, c'était pour le meilleur et pour le pire. Il avait été là pour moi. J'avais tellement peur qu'il m'en veuille, qu'il soit fâché contre moi mais il me chuchotait que c'était le mektoub, qu'on appartenait à Allah et que c'était une épreuve. On allait la surmonter ensemble. Dans ma tête, je remerciais Allah de m'avoir donné ce magnifique homme.

Moi: je t'aime

J'avais galéré à sortir ces mots de ma bouche. C'était les premiers que je prononçais depuis que je m'étais réveillée. Il a eu les larmes aux yeux.

Idriss: je t'aime

On était très touché. On en pouvait plus.

Je suis restée encore 2 semaines à l'hôpital. Toutes ma famille et mes amies venaient me voir tous les jours sans faute. Ils étaient très important pour moi durant cette période. Ils ne pouvaient pas faire revenir mon bébé mais pouvait faire revenir les sourires sur mon visage. Ils ont tout fait pour me rassurer, me mettre en confiance et essuyer mes larmes quand je craquais. Je ne remercierais jamais assez les gens qui m'entourent pour tout ce qu'ils ont fait pour moi durant cette dure période. Ça été très difficile de faire face à cet accident mais je m'en remettais pas à pas. J'avais forcé Idriss à retourner au travail. Je voulais qu'il continue à vivre. Le pire était passé. Julie et Kenza avaient prévenus le secrétariat de la fac qui m'avait dispensé de stage, j'étais donc couverte jusqu'aux examens de juin. Ils ont quand même insisté sur le fait que je serai également interrogé sur la même matière que les autres mais que pour le stage ils ne le comptabiliseront pas forcément.

C'était vendredi que je sortais. Je me sentais beaucoup mieux physiquement. Je n'avais aucune douleur aucune égratignure. Même les cicatrices de mon opération étaient invisibles. La médecine à tellement évolué.

On est rentré à la maison avec Idriss. Il était très fatigué miskine mais comme d'habitude il s'occupait très bien de moi. On est allé dormir tour de suite. Le lendemain, on a dormi tous les 2 jusque 15h au moins. Quand j'ai commencé à ouvrir les yeux, il dormait profondément. Il avait besoin de ce sommeil pour rattraper tous le retard qu'il avait pris ces dernières semaines. Il était à moitié couché sur moi, il avait toute sa jambe sur moi et avait ses mains qui m'entouraient. Je ne pouvais pas bouger. Je pense que ça lui avait manqué de pas m'avoir dans ses bras et à moi aussi d'ailleurs. Je pourrais passer ma vie dans cette position à ne pas bouger.

Je lui ai caressé le dos doucement avec le bout de mes doigts. Je savais que nous 2 c'était pour la vie. On avait traversé une sale épreuve et ça nous avait pas même pas un peu éloigné au contraire ça nous a encore plus raccroché qu'on l'était déjà.

Je l'ai serré fort contre moi en entourant sa tête pour la coller au maximum sur mon coeur. Indirectement, je voulais qu'il entende les battements de mon coeur qui s'accéléraient en sa présence.

Il s'est réveillé et à directement lui aussi resserré ses bras autour de moi. On était collé l'un à l'autre comme 2 aimants. Il a ensuite relevé sa tête pour me regarder. Il a mis les mèches de mes cheveux derrière mes oreilles et m'a embrassé. On ne s'était pas embrassé depuis que je m'étais réveillée du coma. Il me faisait que des bisous sur le front comme pour montrer qu'il me protégeait. Il n'avait pas eu l'idée de me déposer juste un bisou pour me montrer son amour mais ça y est il l'avait enfin fait. J'ai évidemment répondu à son magnifique baiser. Et puis tout s'est fait naturellement.

Je voulais lui crier que je l'aimais, qu'il était ma vie entière mais ça n'aurait toujours pas représenté un seul % de l'amour que je lui portais. Alors comment montrer à son homme qu'on l'aime comme une folle? En lui faisant l'amour tout simplement. On dit souvent que c'est l'homme qui fait l'amour à la femme mais là non c'était moi. Je voulais lui montrer tout ce que j'avais sur le coeur. C'était magique. Je voyais qu'il aimait ça et qu'il était réceptif à ce que je  lui donnais, réceptif à mon amour du coup.

On avait besoin tous les 2 de ce moment d'intimité pour nous prouver que rien ne pourrait nous séparer. Que notre amour était plus fort que toutes les épreuves qu'Allah pouvait nous imposer. Il a ensuite lui aussi voulu montrer à quel point il tenait à moi et ce fut la fois la plus extraordinaire qu'on avait jamais fait.

Cette partie à été très difficile à écrire donc je ne suis pas allée dans les détails. Je veux pas rouvrir une plaie qui a cicatrisé à présent. Mais sachez juste que je ne souhaite à personne de perdre son bébé.. C'est une épreuve d'Allah certes mais c'est très dur.

À bientôt 💋

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