30 - Arrow

L'intérieur du salon de tatouages est plutôt agréable à regarder. Plutôt bien décoré, il y a des photographies de tatouages ou de piercings sur les murs, des dessins de modèles. Nous nous trouvons dans une salle d'attente qui est totalement vide et l'éclairage paraît faible à cause des murs peints en noirs. Quelques fauteuils sont répartis dans la salle et au milieu, il y a une table basse sur laquelle sont posés différents classeurs répertoriant pas mal de tatouages. Nous les observons et j'ai l'impression de faire quelque chose de totalement illégal, mon ventre se tord d'excitation tant cette nouvelle expérience m'impressionne.

Entre temps, le tatoueur est venu nous accueillir et nous a informés qu'en temps normal, la préparation d'un tatouage se passe en plusieurs rendez-vous ; nous lui avons certifié que nous savons ce que nous faisons et qu'il n'est donc pas nécessaire de passer par plusieurs rendez-vous. « Si c'est ce que vous voulez... », a-t-il marmonné. Il nous a montré ses plus belles créations ; aucun doute là-dessus, cet homme sait ce qu'il fait. Malgré tous les jolis motifs qu'il nous montre, Duncan et moi avons l'impression que rien n'est assez bien. Nous voulons un tatouage qui nous lie et nous représente. Il finit par s'en aller pour nous laisser réfléchir. C'est comme si rien n'allait, soit c'était trop original, soit c'était kitsch.

— J'ai une idée ! s'exclame Duncan. On peut se tatouer nos prénoms, tu prends Duncan, je prends Charlie.

— C'est vraiment très basique, tu es sûr de toi ?

— On pourrait les écrire nous-même, c'est déjà un peu plus personnel. Tu n'aimes pas ?

— Duncan, j'aime bien l'idée et à vrai dire, je pourrais même me tatouer un perroquet sur la fesse parce que je vais mourir, mais toi, tu vas devoir garder mon prénom écrit avec mon écriture sur toi, tu vas le voir tous les jours, tu es sûr que c'est une bonne idée ?

Il m'attrape les mains et plonge son regard doux dans le mien, comme il le fait si bien.

— J'en suis certain, dit-il.

— OK.

Un large sourire égaye son visage et j'aime vraiment ça. On appelle le tatoueur et lui explique notre idée ; il acquiesce et nous tend une feuille pour qu'on écrive dessus. Une fois que c'est fait, il nous demande où est-ce qu'on veut se faire tatouer, je choisis la côte et Duncan l'intérieur de l'avant-bras. Nous avons aussi décidé de souligner nos prénoms d'une fine flèche agrémentée d'un petit cœur en son plein centre. Je sais, vous nous trouvez probablement à vomir, mais je vous l'ai déjà dit ; l'amour nous fait faire des choses insensées, ridicules et gerbantes.

Après toutes ses manipulations diverses et variées, le tatoueur m'indique en un regard qu'il va y aller. Je frissonne légèrement, je ne sais pas si c'est dû à la peur qui m'envahit soudainement ou au froid que je ressens à cause de mon tee-shirt que j'ai dû retirer. Duncan me tend la main, mais je refuse de la prendre, ce serait comme accepter que j'ai peur et que j'ai besoin de son réconfort.

Devant mon entêtement, il explose de rire et recule. Le tatoueur commence son travail et je ne sais pas ce qui est le pire entre la douleur et le bruit de la machine à tatouer. Je sens ses gants en latex sur ma peau, ce qui contraste avec la sensation de picotement que je ressens. Un goût métallique se répand dans ma bouche ; je me suis mordu la joue. J'ai mal, mais je crois que j'ai trop de fierté pour l'avouer à Duncan. Et puis, la douleur est vraiment trop forte, je craque :

— OK, prends ma main !

Il rit et me tend sa main dans laquelle je m'empresse de planter mes ongles.

Lorsque nous sortons de chez le tatoueur, nos tatouages sont entourés de cellophane. Duncan, lui, n'a même pas cillé lors du sien, il est resté calme du début à la fin. C'est d'ailleurs pour ça qu'il me charrie depuis dix minutes, évidemment, il a gagné le pari.

— Mes parents vont me tuer, dis-je en riant.

— Ils ne sont pas obligés de le savoir, insinue Duncan. Et puis en vue des circonstances, je suis sûr qu'ils ne diront rien, t'es juste en train de vivre ta vie, tu ne fais rien de mal.

— T'as raison. Mais je ne vais rien leur dire pour la simple et bonne raison que je veux que ce soit notre secret.

— Comme tu voudras, répond-il avec un sourire charmeur.

Nous continuons de nous balader tranquillement ; l'euphorie du tatouage s'est dissipée mais mon bonheur ne fait que s'accroitre.

— T'as faim ? me demande Duncan.

— Je suis affamée !

— Ça tombe bien, on est arrivés.

Arrivés où ? Je n'ai pas le temps de poser la question, je lève les yeux et remarque que nous sommes devant une sorte de petit dinner dont la devanture est rouge et crème. J'ai dû passer un bon millier de fois devant, je n'y suis jamais entrée. Emily et Blake préféraient à chaque fois qu'on se pose au Starbuck's, je les suivais sans rechigner. Je me disais que tant qu'il y avait du café et des choses grasses à ingurgiter, j'irais n'importe où.

Duncan m'ouvre la porte et une musique entraînante assez ancienne s'échappe des enceintes dissimulées au plafond. Je vois une fille devant le juke-box, c'est elle qui vient de choisir la piste, le sourire aux lèvres et sous le regard bienveillant de sa famille. Le dinner n'est pas vraiment rempli ; j'y vois un couple, une famille, un vieil homme seul qui trempe ses frites dans du ketchup. J'aime déjà cet endroit, il a l'air convivial et la bonne odeur qui flotte m'ouvre l'appétit. Nous trouvons une place dans le fond, nous nous installons chacun sur une banquette, l'un en face de l'autre.

Une serveuse qui porte une robe rayée rouge et blanche et qui arbore une coiffure rétro plutôt travaillée vient nous apporter la carte ; son sourire coloré de rouge à lèvres d'un rouge pétant s'élargit. Lorsque je lis la carte, tout me fait envie. Des frites aux burgers, en passant par les beignets.

— Duncan, tu m'as emmenée ici pour me montrer à quel point ma vie est merdique ?

Il rit à ma remarque et me prend la carte des mains.

— On va prendre le plus gros dessert que tu n'as jamais mangé.

— J'aimerais bien voir ça, dis-je en riant.

Il fait signe à la serveuse qui arrive, un calepin et un stylo à la main. Je me demande vraiment ce qu'il va prendre, parce que tout ce qui est gras à l'extrême est proscrit de mon alimentation.

— On va prendre deux coupes de glace, dit-il.

— Je vous écoute, dit la serveuse — Kitty d'après son badge.

— Dix boules vanille avec du coulis de caramel, de la chantilly et des brisures de cookies.

— Eh bien, ça fait vraiment beaucoup de glace, remarque-t-elle en riant.

J'ai comme une impression de déjà-vu et Duncan s'en rend compte. Il me perce du regard et répond sans me quitter des yeux :

— Oui, j'aime vraiment ça.

Je me sens projetée dans le passé. Moi qui viens d'apprendre que j'ai une maladie incurable et qui décide de passer le reste de mon temps à m'empiffrer de glace devant des séries. Je revois Duncan, ce garçon que j'ai pris pour un psychopathe au premier abord, lui que j'ai essayé de fuir et d'éloigner de moi. J'essayais de le protéger, mais il en a décidé autrement. Il a décidé de rendre la fin de ma vie magnifique au péril de la sienne.

Je ne peux m'empêcher de sourire, je crois qu'en ces quelques semaines, j'ai souri plus de fois que dans toute ma vie. Il faut croire que Duncan a cette chose en plus que personne n'a jamais eue à mes yeux et je ne saurais expliquer quoi. Kitty arrive très rapidement avec nos deux énormes coupes dans les mains. Elle les pose sur la table et nous souhaite un bon appétit.

— Wow !

— Tu l'as dit, dit Duncan en enfournant une cuillère de glace dans sa bouche.

Nous mangeons tranquillement et en discutant. Nous rions de temps à autres, nous apprenons encore des choses l'un sur l'autre et cet instant est parfait. J'en profite un maximum, les médecins ont été très clairs ; il me reste moins d'une semaine. J'ai eu quelques douleurs dans la journée et je sais que j'aurais dû le dire à Duncan, mais je n'ai pas pu. Je n'ai pas voulu entacher sa bonne humeur.

Vous savez, quand un instant est parfait mais que vous avez une mauvaise nouvelle à annoncer, vous retardez ce moment le plus possible. Duncan sait que de manière générale je me sens mal. Il le sait, je n'ai pas besoin de l'inquiéter plus alors qu'il se démène un peu plus chaque jours pour me construire des merveilleux souvenirs. Je ne suis pas une menteuse. Je ne suis pas égoïste. J'essaye simplement de le protéger, même si je l'ai entraîné avec moi dans cette vie, même si son cœur va être en miettes quoi qu'il arrive.

***

Hey !

Je sais qu'en ce moment, MLW est assez déprimante, mais j'espère que ça vous plaît tout de même !

Comme vous l'avez remarqué, on n'est pas dimanche / lundi et j'ai déjà posté samedi, mais je poste aujourd'hui. Comme c'est les vacances, je poste un peu plus et sachant que les trois derniers chapitres arriveront en même temps (ils se suivent dans l'action et je ne veux pas vous faire attendre des jours entre chacun, c'est pas cool), vous aurez donc très bientôt la fin de cette histoire.

Sachez aussi que j'ai quelque chose pour vous... Une romance ! Ça arrivera juste après que j'ai fini de poster MLW, donc j'espère vous y retrouver ! :D

Je vous dis à samedi pour un nouveau chapitre :)

Publié le 21/02/18

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