23 - Sunday
Vous aimez probablement vous réveiller en douceur. Comme le dimanche matin, vous n'avez pas à aller au lycée ou au travail, vous n'avez aucune obligation pour la journée, vous pouvez traîner et rêvasser au lit. Vous pouvez rester étalé comme une souche pendant une demi-heure, une heure ou même deux. Personne ne dira rien, tout le monde dort. La lueur du soleil filtre à travers vos volets, créant une pénombre assez matinale dans votre chambre ; il ne fait ni nuit, ni totalement jour. Tout est calme, aucun bruit ne vient vous déranger dans votre moment de pure détente ; peut-être entendrez-vous les oiseaux piailler ou le bruit des feuilles dans l'arbre de votre jardin que le vent agite. Peut-être que vous entendrez le doux son de la tondeuse à gazon du voisin, ce son ni énervant ni agréable, il est spécial et relaxant ; il rappelle qu'on est bien dimanche et qu'on peut rester au lit toute la journée.
Moi aussi, j'ai toujours aimé tout ça. Et aujourd'hui, c'est un dimanche spécial, remplacez le piaillement des oiseaux par le chant d'une mouette, les feuillages que le vent agite par la mer dont les vagues n'ont jamais aucun répit. Retirez le bruit de la tondeuse, ajoutez celui de la respiration profonde de Duncan encore endormi.
Là, vous voyez.
Tout est parfait, c'est un dimanche comme un autre, tous les dimanches sont toujours ainsi.
Mais apparemment, pas celui-ci.
Gardez cet environnement calme et paisible. Ajoutez-y une fatigue extrême, un corps trempé de sueur, des idées noires. Rappelez-vous votre pire douleur, que vous vous soyez cassé quelque chose ou cogné le petit orteil sur le coin d'un meuble. Vous l'avez ? Multipliez-la par le nombre d'étoiles qu'il y a dans le ciel, et comprenez-moi.
Mon ventre me fait mal, mon dos m'est insupportable, j'aimerais qu'il disparaisse. J'aimerais ne plus le sentir, pareil pour ma tête qui me martèle. Mon corps se déchaîne plus fort que les vagues, toutes les douleurs possibles et imaginables s'abattent sur moi en même temps alors que tout allait si bien, alors que j'étais si paisible.
Mes douleurs me déchirent de l'intérieur, je ne me suis jamais sentie aussi mal de ma vie. Je regarde Duncan qui dort paisiblement, je capte la lumière qui filtre à travers les volets qui ne sont pas entièrement fermés.
Tout est si calme alors que tout est en colère à l'intérieur de moi, c'est insupportable. Est-ce que je suis juste en train de faire un mauvais rêve ? Est-ce que tout a l'air si réel, quand je rêve ? Pourquoi est-ce que je pleure ? Pourquoi suis-je si nauséeuse ?
Je dois me lever. Je dois atteindre la salle de bain. Je soulève le drap trempé, j'ai chaud, j'ai froid, je transpire et grelotte. Je m'assieds sur le matelas, Duncan ne se réveille pas.
Un pied par terre, le sol est bien trop froid. Mon deuxième pied est à terre, tout mon corps gèle. Je dois me lever. Une flexion, je retombe sur le matelas, les forces me manquent, je ne parviens pas à me mettre debout. Pourquoi est-ce-que la pièce tourne ? Pourquoi Duncan dort encore avec le boucan que je fais ?
Je tente à nouveau de me lever, j'halète et couine quand tous mes muscles se crispent et me font affreusement mal. Le Docteur Michaels ne m'avait pas parlé de tout ça, il avait juste parlé de fatigue, de nausées et autres problèmes intestinaux. Est-ce que je suis en train de mourir ?
Non.
Je dois juste rejoindre la salle de bain. Un pas, deux pas. Les suivants sont maladroits et je me tiens au rebord de la commode pour reprendre de l'énergie.
Allez Charlie, tu peux le faire.
J'avance, j'essaye de me dépêcher, j'atteins la porte de la chambre de Duncan. Une fois que je l'ai ouverte, je crois qu'il se réveille. Je n'en sais rien, les sons résonnent tous dans ma tête ; le plancher qui craque sous chacun de mes pas, la poignée qui fait un son métallique insupportable, la porte qui grince affreusement quand elle s'ouvre.
Une fenêtre est ouverte, j'ai froid. Le bruit des vagues est trop fort, j'ai l'impression qu'elles arrivent. Elles arrivent pour m'engloutir ; je suis une proie tellement facile. Je tâte le mur, la salle de bain n'est plus très loin. Je touche une poignée de porte froide, glacée même. Je la tourne, encore cet affreux bruit métallique.
Les toilettes sont là, elles m'attendent, je m'agenouille devant et je ne peux contrôler le flot qui s'échappe de ma bouche. C'est comme les vagues. En tout cas, je pense aux vagues. Est-ce que je reverrai la mer ? Et Duncan, est-ce qu'il s'est réveillé ?
Il doit être étalé dans le lit, à écouter les vagues, les mouettes, à savourer ce dimanche matin. Il se dit peut-être que je suis à la douche et que je vais revenir. Je me vois allongée à ses côtés, profitant ensemble de cette belle matinée, il me regarde de ses magnifiques yeux bruns, il me sourit de cette manière tellement adorable et moi, je ris comme à chaque fois qu'il fait ça.
Non, le sol de la salle de bain est froid sous mes cuisses, mon corps est bouillant, tout me fait mal, c'est comme si j'étais transpercée par des milliers de lames. Alors je ferme les yeux et je me concentre encore sur le souvenir du sourire angélique de Duncan.
Publié le 11/01/18
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