22 - Fireworks
Après une bonne douche et un bon repas constitué de riz, de tartines au beurre de cacahuète et de glace, préparé avec amour par Andrew, je farfouille dans la chambre de Duncan, à la recherche de quelque chose qui pourrait m'aider à mieux le connaitre. Il est allongé sur son lit et me regarde faire, pendant que j'ouvre ses cahiers de cours, que je découvre ses petites affaires. Il rit et m'assure que je ne vais rien trouver d'intéressant, alors je me suis mise en tête de lui donner tort.
Je suis assise devant son bureau et je tire un de ses tiroirs, j'en sors un gros cahier qui semble usé.
— Non, pas ça ! crie Duncan en bondissant hors de son lit.
Je me mets debout sur le siège du bureau et tends le cahier vers le plafond.
— Oh, on dirait bien que j'ai trouvé quelque chose d'intéressant et secret, en plus de ça, dis-je en riant.
— Charlie, rends-moi ça. S'il te plait.
Il a ajouté à sa supplication un regard qui aurait pu me faire changer d'avis en d'autres circonstances mais malheureusement pour lui, ma curiosité prend le dessus ; elle le fait toujours. J'ouvre le cahier et sur la première page, je vois un dessin. Il représente une plage, ses vagues sont presque noires et déchainées, comme si un ouragan s'apprêtait à y passer. Le ciel est gris, il semble être en colère et toute cette scène est superbement dessinée, elle parait tellement réaliste. On pourrait presque croire à une photographie. Bordel, c'est magnifique.
— Merde, Duncan ! C'est toi qui as fait ça ? demandé-je épatée.
— Ouais, répond-il en se frottant l'arrière du crâne comme s'il était gêné.
— C'est magnifique, dis-je.
Je tourne la page et cette fois, je tombe sur un dessin un peu lugubre, presque entièrement constitué de noir, des formes abstraites viennent de tous les sens, je ne comprends pas vraiment ce que ça représente ni dans quel sens je suis censée regarder ce dessin, mais il n'empêche qu'il me transporte et que je suis comme hypnotisée par ces formes secrètes et sombres. Plus je tourne les pages et plus les dessins sont beaux. Je vois des visages qui me paraissent très réalistes, des natures luxuriantes et colorées, des cieux tourmentés ou d'un bleu estival. Beaucoup de ces œuvres sont relatives à la mer ou au ciel.
Je tourne une autre page et je découvre un ciel étoilé, tout aussi réaliste que si je levais la tête vers le ciel en pleine nuit.
— Je crois que c'est mon préféré, dis-je. Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu dessinais ?
— Je ne sais pas. Je suis content que mes dessins te plaisent, mais maintenant tu dois me rendre ce cahier, dit-il en tentant de l'attraper.
— T'as des choses à cacher, Duncan ?
— Je te le demande une dernière fois, rends-moi ça ou je te choppe par les jambes, je te coince sur le lit et je récupère mon cahier de force.
— Ouh, des menaces ? demandé-je d'un air taquin. Tu sais quoi, je vais découvrir ton affreux secret maintenant et...
J'ai tourné la page en même temps que je parlais et maintenant que je vois ce nouveau dessin, je ne peux plus parler. Duncan souffle, ne tente plus de récupérer son cahier de mes mains et part s'asseoir sur son lit. C'est donc ça qu'il ne voulait pas que je voie. Je m'assieds sur le bureau et me concentre pour mieux analyser ce que je vois. Mes doigts parcourent le papier noirci par les coups de crayons, ils parcourent les zones d'ombres, les traits précis et les zones encore vierges de la feuille.
Je vois le visage d'une femme, je dois dire que c'est très réaliste. Elle a l'air en colère, ou bien totalement blasée. Elle fronce les sourcils et tire la tronche, mais ça ne la rend pas désagréable à regarder, elle a juste l'air d'une fille inaccessible, le genre dont il faut casser la coquille pour pouvoir en tirer quelque chose. Ses cheveux sont relevés sur le sommet de son crane en un chignon décoiffé, le dessin s'arrête à sa poitrine mais je discerne tout de même la capuche d'un sweat qui s'étale sur ses épaules.
— C'est moi ? demandé-je émerveillée.
— Oui.
— Pourquoi tu ne voulais pas que je voie ce dessin ?
— J'ai pensé que tu allais me prendre pour un taré.
— Duncan, je t'ai pris pour un taré la première fois que je t'ai rencontré et ça ne m'a pas empêché de t'apprécier.
Il plisse les yeux devant ma tentative ratée pour détendre l'atmosphère.
— Tu l'as dessiné quand ? demandé-je.
— Le soir même de notre rencontre.
Quand je vois le dessin, je me rends compte que je tirais une tronche pas des plus agréables et je me demande comment Duncan a pu flasher sur moi ce jour-là.
— Je ne te fais pas flipper ? demande-t-il. J'avoue que ça fait un peu psychopathe. Mais quand je t'ai vue, je me suis senti tellement inspiré.
— C'est... magnifique, je réponds. C'est la chose la plus romantique que quiconque ait fait pour moi.
Je pose son cahier et le rejoins sur son lit ; je lui prends les mains et plonge mon regard dans le sien. Il m'adresse un faible sourire, alors je pose mes lèvres sur les siennes et l'embrasse. Je n'ai pas les mots pour lui dire ce que je ressens à cet instant même, mais je pense que mes baisers pourront parler pour moi.
Quelqu'un toque à la porte, nous nous détachons subitement l'un de l'autre et la porte s'ouvre sur Andrew :
— Les gars sont en bas, dit-il avant de s'en aller en laissant la porte ouverte.
Je regarde Duncan qui ne semble pas surpris par cette annonce.
— On va faire la troisième chose de la liste, me dit-il.
J'avais presque oublié cette histoire de liste. Duncan a décidé qu'il était le maître de la liste et qu'il avait le contrôle sur tout ce qui allait se passer dans ma vie jusqu'au moment où mon corps rendra l'âme. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai décidé de lui faire confiance. Les deux premiers éléments de la liste m'ont fait rire comme jamais je n'avais ri. Je me lève donc, avec la boule au ventre ; je me demande ce que Duncan aura trouvé après le lancer de bombes à eau et le surf.
Je suis Duncan et ses amis, nous sommes désormais sur la plage, au même endroit que tout à l'heure, à la seule différence que le soleil s'est couché et qu'il fait nuit, rendant l'air plus frais et la mer plus agitée. C'est étonnement calme et je me rends compte que ça m'aurait plu d'avoir une maison en bord de mer. Le matin, je me serais posée sur la terrasse avec un café bouillant, je me serais réveillée en douceur avec cette douce drogue et la mer en paysage de fond, je me serais réveillée en observant le ressac et les joggeurs matinaux et courageux. Cette vie n'est pas pour moi, de toutes les vies que je pourrais m'imaginer, aucune n'est pour moi. Alors je profite de l'instant présent tant que je le peux.
Duncan est parti plus loin avec Cameron et Xander, il m'a dit de rester ici, alors je m'installe dans le sable en essayant de ne pas trop me poser de questions. Il est évident qu'il prépare quelque chose, probablement une surprise, mais à chaque fois que je sais que quelqu'un me prépare une surprise et que j'essaye d'y penser, je finis par trouver et tout gâcher.
Miles s'installe à côté de moi ; il plie ses genoux et pose ses bras dessus, il observe la mer en souriant.
— Est-ce que ça te dérange si le mec hyper méga bizarre s'assoit à côté de toi ? me demande-t-il, un air taquin dans la voix.
— Duncan est encore plus bizarre que toi, je réponds.
— Oh ça, tu l'as dit. Mais c'est un type bien, il n'y a pas de doute là-dessus.
Nous restons un moment sans rien dire à regarder la mer ; j'entends les voix des autres quelque part sur la plage mais je ne tourne pas la tête pour garder l'effet de surprise. J'entends le rire de Duncan, il a vraiment l'air heureux et bien à cet instant ; je me mets à penser à quand je ne serai plus là et au fait qu'il sera dévasté.
— Miles ?
Il tourne la tête vers moi et me sourit amicalement.
— Je... Il y a quelque chose que tu dois savoir.
— Ah oui ?
— Je suis malade, lâché-je.
— Tu as attrapé froid dans l'eau tout à l'heure ? Petite chochotte, ajoute-t-il avec un clin d'œil.
Je ris devant tant d'innocence, comment ne pas rire ? En même temps, la plupart du temps où quelqu'un vous annonce « Je suis malade », vous pouvez être sûr que la suite est très certainement « J'ai choppé un rhume » ou « J'ai une vilaine grippe ». Miles aussi se met à rire, fier de sa blague.
— Non Miles, en fait j'ai un cancer.
Il ne rit plus, ses sourcils sont froncés et sa bouche forme un O.
— Oh... dit-il. Est-ce que c'est... sérieux ?
— Oui. Je vais mourir d'ici quelques semaines. Ça peut être demain comme dans trois semaines, je n'en sais rien.
— T'es plutôt forte pour plomber l'ambiance, dit-il avec un rire nerveux. Je ne sais même pas quoi te dire en fait, alors... désolé d'apprendre ça. On ne se connait pas vraiment toi et moi, mais c'est triste ce qui t'arrive. Je parle trop ? Tu peux me frapper si je t'énerve. Enfin non, c'était une blague, ne me frappe pas. Tu pourrais parler, s'il te plait, parce que là je ne sais pas comment réagir et je me sens totalement con.
J'éclate de rire devant la réaction de Miles, je m'attendais à tout sauf à ça. Ses yeux sont pleins de panique et il ne sait pas où se mettre. Vous vous dites peut-être que ce mec est un enfoiré ou qu'il est méchant mais en fait, je le comprends tellement. Il a juste un gros manque de tact qui peut donner l'impression qu'il manque de compassion ; il est comme moi. La vérité, c'est qu'il aurait raison de ne pas compatir, on ne se connait pas.
— Mais attends, continue-t-il. Est-ce que Duncan est au courant ?
— Oui il l'est, c'est pour ça qu'il m'a emmenée ici, il s'est mis en tête de me faire profiter de ma vie avant que ce ne soit trop tard.
— Quand je te dis que c'est un type bien, dit-il en retournant le sable avec son pied.
— Si je te raconte tout ça, c'est parce que j'aimerais que tu fasses quelque chose pour moi. Je ne sais pas comment Duncan va réagir quand je ne serai plus là mais... il aura besoin d'un ami et d'après ce que j'ai compris, vous êtes plutôt proches tous les deux. Tu veilleras sur lui ?
Un sourire contrit apparait sur son visage, je vois de la peine dans ses yeux.
— Bien sûr, dit-il.
Je le remercie d'un mouvement de tête, je me sens rassurée de savoir que Duncan aura une épaule sur laquelle pleurer, il aura un bon pote à ses côtés pour l'aider à remonter la pente.
Je sens soudainement des mains m'agripper les épaules, ce qui me fait sursauter. Je lève la tête et vois le visage de Duncan à l'envers, et même dans ce sens il est beau. Incroyable.
Il s'assied à côté de moi et lorsque je tourne la tête vers Miles, il s'est déjà volatilisé et a rejoint les deux autres un peu plus loin sur la plage. Duncan bouge dans tous les sens et je remarque qu'il vient de nous envelopper d'une couverture, je me sens parfaitement bien, comme lovée dans un cocon.
— J'espère que t'es prête, me dit-il.
— Prête pour quoi ?
Il n'a pas le temps de me répondre, la réponse se trouve désormais au-dessus de nos têtes. Une déflagration se fait entendre et le ciel est propagé de couleurs. Du rouge, du bleu. Une autre déflagration, du rose et du blanc. Le spectacle qui se déroule dans le ciel est magnifique et je ne peux refréner les larmes qui s'écoulent de mes yeux. Je vois une succession de couleurs et de formes toutes aussi belles les unes que les autres, je sens la main de Duncan me frotter le dos, tout est parfait.
Je pourrais sincèrement mourir tout de suite, je suis la fille la plus chanceuse de cet univers. Il a allumé des feux d'artifice juste pour moi, dites-moi quel genre de garçon ferait ça ? Un garçon très amoureux.
Ma tête repose sur son épaule tandis qu'il m'étreint et que nous regardons en silence le ciel merveilleusement coloré.
Publié le 08/01/18
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