17 - Home

L'appartement de Duncan est plutôt chaleureux. Bien que simple et meublé de manière minimaliste, il est assez joli. Je vois qu'à part le tapis de poils noirs qui trône sous la table basse du salon, la décoration n'est pas une priorité ici. Duncan jette ses clés sur le bar de la cuisine tandis que mon regard fait le tour du salon.

L'entrée mène directement au salon. A gauche, il y a la cuisine américaine équipée de son bar et d'un tas d'autres choses ; en face, il y a le salon avec un canapé, une télévision, une table basse et une bibliothèque noire et fine remplie seulement qu'à moitié de livres — l'autre partie est occupée par des bibelots en tous genres. J'avance vers les fenêtres du salon, c'est quelque chose que je fais toujours lorsque je visite un nouveau lieu ; je me dirige vers ses fenêtres et observe la vue pour me rendre compte d'où nous nous situons exactement et aussi parce que ça me détend.

Je vois un taxi rouler, un homme traverser alors que ce n'est pas au tour du piéton ; le taxi klaxonne, le piéton semble s'énerver, le taxi klaxonne de nouveau et l'homme s'en va en faisant un tas de signes obscènes avec ses mains. Vous comprenez pourquoi j'aime regarder dehors ? Il se passe toujours un tas de choses.

Je rejoins Duncan qui attendait que je reporte mon attention vers lui afin de me faire visiter son appartement. Il me montre brièvement la salle de bain et ensuite, il se plante devant une porte et semble gêné ou angoissé. Il me fait un sourire étrange et se frotte la nuque, ce qui fait ressortir son biceps et ce qui par la même occasion, lève légèrement son tee-shirt, dévoilant le bas de son torse.

— Quoi ? demandé-je, décontenancée par sa gêne subite.

— Ça, c'est ma chambre, dit-il.

Je tourne la tête vers la porte blanche fermée. Je ne comprends pas très bien où il veut en venir.

— Non ça, c'est une porte, je réponds.

— Ouais, enfin derrière, c'est ma chambre, tu vois. Je veux bien ouvrir la porte pour que tu puisses la voir, mais je trouvais ça étrange. Je te fais visiter mon appartement et puis ensuite, je te montre ma chambre, quoi qu'il arrive, la phrase « Voici ma chambre » est bien trop bizarre. Tu pourrais mal l'interpréter alors qu'il n'y a aucune raison, c'est juste une pièce comme une autre, c'est une pièce basique dans laquelle on a mis un lit.

— Et... ?

— Et si jamais tu interprètes la chose comme je pense que tu pourrais le faire, eh bien ça me ferait passer pour le genre de mec que je ne suis pas, donc je voulais d'abord mettre les choses au clair pour ne pas te faire fuir.

— Tu devrais surtout arrêter de parler tout de suite si tu ne veux pas que je fuie, dis-je avec un sourire moqueur.

Il se passe une main dans les cheveux et je jurerais que ses pommettes ont pris une teinte plus rosée qu'à leur habitude. Ce qui est étrange chez lui, c'est qu'il peut se montrer entreprenant et sûr de lui, mais il a aussi un petit côté timide qui je dois l'avouer, me fait plutôt craquer.

J'ouvre la porte de la chambre, et je remarque qu'elle est impeccablement rangée, chaque chose est à sa place, chaque meuble semble avoir été lustré, même les vitres rutilent. Comment est-ce possible ?

— Serais-tu maniaque ? demandé-je pour le taquiner.

— Non, je suis normal, c'est juste que ton point de vue est altéré par le fait que tu sois totalement bordélique.

— Et susceptible en plus de ça, ajouté-je.

Un grand lit noir aux draps gris soigneusement faits est collé à la fenêtre. Il y a un dressing, noir lui aussi et dont le miroir de la porte brille. Quelques étagères en bois sont disposées les unes au-dessus des autres, je m'y dirige pour observer les grigris de Duncan. Sur une étagère, je vois une pile de CDs, un casque sans fil, des bouquins. Sur celle d'en dessous, je vois une sorte de cahier duquel dépassent des photographies. J'en tire une pour voir et je vois un petit garçon brun devant un stand de limonade ; il adresse un sourire angélique au photographe.

— C'est toi ? demandé-je.

— Ouais, j'avais huit ans. Je participais à tous ces trucs de vente de cookies, de limonades et de chocolats pour financer les sorties scolaires.

— Tu étais ce genre d'élève.

— Quel genre ? demande-t-il les sourcils froncés.

— Un petit fayot, je réponds avec un sourire moqueur.

Il fronce les sourcils.

— J'en connais une qui était détestée de tous ses professeurs, répond-il avec un sourire encore plus moqueur que le mien.

— Quoi ?

— Bah tu sais, quand on se fait qualifier d'intello ou de fayot, c'est toujours par des jaloux persécutés par les professeurs. C'est pas grave Charlie, je compatis.

J'écarquille les yeux devant l'humour de Duncan et je finis par exploser de rire. Le pire dans tout ça, c'est qu'il a totalement raison. Je ne me faisais pas remarquer en cours, j'ai toujours eu des résultats passables, je respectais mes professeurs. Mais malgré ça, je ne réussissais pas à gagner leur amour. Enfin, sauf celui de Madame Hamilton, elle disait que je ressemblais comme deux gouttes d'eau à sa petite-fille ; il y a deux ans, elle m'a même tricoté un bonnet. On ne pouvait pas en dire autant d'Emily et de Blake qui se faisaient remarquer ; alors par assimilation avec notre amitié, on me mettait dans le même sac.

Je prends une autre photographie et sur celle-ci, il y a deux garçons. Un blond foncé qui parait presque châtain, il porte une combinaison noire qui lui arrive jusqu'en haut du cou. Ses cheveux sont mouillés et lui tombent devant les yeux, il fait un large sourire et semble heureux d'être là. Le deuxième garçon est un brun aux cheveux tout aussi mouillés que le premier, il fait un demi-sourire dévoilant des dents blanches, et tient dans sa main gauche une planche de surf bleue et blanche dont la queue repose sur le sable. Le haut de sa combinaison est ouvert et noué à sa taille, dévoilant son torse finement musclé. Je vous ai dit que le brun est en fait Duncan ? Non. Pardonnez-moi, cette photo pourrait me faire oublier mon propre prénom.

— Tu ne m'as pas dit que tu faisais du surf, remarqué-je.

— Depuis que j'ai dix ans. Mon père aime beaucoup ce sport et comme sa maison à Newport est en bord de mer, il m'y a initié très tôt.

— Tu fais ça juste pour t'amuser ou c'est sérieux pour toi ?

— Les deux. C'est sérieux et ça m'amuse. Mais je n'y vois aucun objectif professionnel, si c'est ce que tu veux savoir.

— Pourquoi ?

— Je respecte toutes ces personnes, mais pour moi, une passion ne devrait pas devenir un enjeu professionnel. Quand je surfe, je suis en communion avec l'eau...

Duncan s'arrête de parler en m'entendant rire. Je ne me moque pas de lui mais il y a tellement de choses que j'ignore à son sujet. Et d'accord, sa manière de parler me fait un petit peu rire.

— Charlie, quand tu restes dans ta chambre en bordel, devant Netflix et avec un pot de glace, tu te sens bien ?

— Oui, je réponds automatiquement. Je me sens...

— En communion avec ta crasse, me coupe-t-il.

Il me regarde sérieusement tandis que je sens mes sourcils se froncer. Je repense aussitôt aux paroles de maman « Arrête de faire ça, la ride du lion n'a rien de sexy chez une femme ! » et je m'empresse de les défroncer. Duncan reste sérieux et impassible, et je me demande s'il a mal pris mon humour. Je ris de tout, pas spécifiquement de lui et il devrait l'avoir compris désormais. Il ne peut se contenir plus longtemps et finit par exploser de rire, je le rejoins rapidement.

— Donc je disais que je me sens en communion avec l'eau, continue-t-il. Et cette sensation est tout simplement magique, ce mélange d'adrénaline, de peur et de bonheur, c'est comme une drogue. J'ai déjà participé à des compétitions, pour m'évaluer et rigoler. Il s'avère que je ne suis pas si mal que ça.

— Susceptible et narcissique, j'ai vraiment décroché le gros lot !

Il rit et secoue la tête tandis que je reporte mon attention sur la photo que je tiens entre les mains.

— C'est ton ami ? Il est resté à Newport ? demandé-je en désignant le blond.

— Oui, il s'appelle Miles. C'est mon meilleur pote, mais on est toute une bande. Tu vas les rencontrer de toute façon.

— Quoi ? dis-je en riant à moitié.

— Tu as oublié que tu viens avec moi à Newport demain ? On passera voir ma mère mais on restera chez mon père. Et ça fait un mois que je n'ai pas surfé. En plus, je vais pouvoir tester mes compétences en tant que professeur.

— Attend, tu veux m'apprendre à surfer ? demandé-je sérieusement.

— Non, je vais t'apprendre à surfer.

— Tu sais Duncan, l'équilibre et moi, on n'est pas trop amis.

Il me prend la photo des mains, la range dans le cahier qu'il repose sur l'étagère et m'emmène m'asseoir sur son lit.

— Tu te sentiras assez bien ? me demande-t-il l'air soudainement inquiet. Tu as mal actuellement ?

— Ça va aller. Et je vais bien.

— Mais hier, tu m'as dit la même chose et pourtant, ça n'allait pas.

— Ecoute, je suis désolée pour ça, OK ? C'est pas facile pour moi, c'est pas facile de vous voir inquiets.

— Arrête de te cacher derrière cette excuse, elle ne fonctionne pas avec moi.

— Quelle excuse ? m'indigné-je.

— Quand tu dis que tu ne veux pas inquiéter tout le monde. Ce n'est absolument pas valable, joue à ça avec qui tu veux mais pas avec moi. Je dois être inquiet quand il le faut, est-ce que tu comprends ça ?

Je baisse le regard, ni mon père ni ma mère ne m'ont parlé comme ça, ils prennent des pincettes, ils font ce que je leur demande de peur de me froisser. Duncan n'est pas dupe, il sait que même si je veux éviter à tout prix que tout le monde s'inquiète, même si je veux simplement préserver leur cœur, il y a une part de moi qui est effrayée d'en parler. Je préfère en rire ou contourner le sujet.

Duncan attrape mon menton de ses doigts et le lève pour planter son regard dans le mien.

— Est-ce que c'est compris ? me demande-t-il durement.

— À une condition.

Pour toute réponse, il hausse un sourcil interrogateur et lâche mon menton.

— Quoi que je te raconte, quoi qu'il m'arrive, tu ne paniques pas, tu n'en fais pas tout un plat, tu ne pleures pas et tu ne t'occupes pas de moi comme si j'étais en porcelaine. Accepte et je ferai ce que tu me demandes.

Son regard se fait plus pénétrant, plus dur, je m'attends à tout moment qu'il refuse.

— Marché conclu, dit-il en me tendant la main.

Je glisse ma main dans la sienne, il la caresse tendrement et son regard s'adoucit. C'est le genre de moment vraiment merveilleux mais qui me met mal à l'aise et qui me donne envie de faire l'imbécile pour le casser.

— Et sinon, t'as déjà vu des requins ? J'ai lu un article qui parlait d'un surfeur et...

— Charlie, tu parles trop parfois, me coupe-t-il.

— Ma question était tout à fait sérieuse.

Il ne prend même pas la peine de me répondre, il s'approche de moi et a entrelacé ses doigts aux miens, je sens sa main chaude dans la mienne et j'espère qu'il ne va pas être dégoûté par la mienne qui est toute moite — comme celles de Flynn. De toute façon, il ne peut pas être dégoûté, c'est de sa faute si mon corps fait n'importe quoi. Duncan va m'embrasser, ça se voit, je ne vais pas jouer à la fille qui ne comprend pas, encore une fois. Mais j'ai un peu peur. Nous nous sommes déjà embrassés, ce n'est pas la première fois, mais il y a des fois qui me paraissent plus sérieuses que d'autres, comme celle-ci.

— Tu es conscient que si tu fais ce que je pense que tu vas faire, alors j'aurais raison de penser que tu m'as volontairement emmenée dans ta chambre et que tu m'as piégée ? demandé-je.

— Tant pis, répond-il trop hypnotisé par ma bouche qu'il fixe avec envie.

Quand ses lèvres entrent en contact avec les miennes, je ne réfléchis plus, je me laisse transporter par l'instant, je me laisse faire par Duncan qui m'embrase par ses baisers. Quand il fait ça, tous mes doutent s'envolent, toute ma panique retourne d'où elle vient, tout mon corps se sent libéré d'un poids, je me sens mieux et parfois, je me sens tellement bien que je me demande si tout ceci est réel.

Publié le 18/12/17

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