15 - Cake

DUNCAN

Flynn est un enfant assez agréable. Enfin, je n'ai jamais eu de frère, ni de petit cousin, je n'ai jamais fréquenté d'enfant, mais ça ne m'empêche pas de me dire qu'il a l'air plutôt cool. Toute cette famille m'a l'air plutôt cool, à vrai dire.

Ça fait cinq bonnes minutes que le frère de Charlie me fait visiter la cuisine de fond en comble, il a ouvert tous les placards pour me montrer ce qu'il y avait à l'intérieur. Il m'a même désigné le four en me disant « ça c'est le four, c'est dedans qu'on fait cuire la pizza et les gâteaux. C'est le plus utile ». Je dois dire que malgré son très jeune âge, il a déjà tout compris à la vie. Il a déjà sorti tous les ingrédients essentiels pour faire un gâteau. Je ne sais pas ce que Charlie fait, pourquoi n'est-elle pas descendue avec nous ? Et s'il lui était arrivé quelque chose ?

Je ne peux pas dire que je l'ai déjà assez fréquentée pour la connaitre. Mais je l'imagine bien s'enfuir par la fenêtre pour échapper à cette activité que son frère a choisie, ce qui me fait sourire. A vrai dire, ça ne fait que quelques heures qu'elle m'a laissé l'embrasser et pourtant, j'ai l'impression que nous sommes liés depuis toujours. Je n'ai pas juste flashé sur elle, ce n'est pas juste un coup de cœur ou quelque chose du genre. Je me sens lié à cette fille, même si son destin parait tragique, je sens que le mien doit être lié au sien, peu importe ce qui arrivera à mon cœur quand elle partira.

Je sais, seulement un quart d'entre vous se dirait « Oh, il est tellement mignon ! » tandis que le trois quart restant préfèrerait se crever les yeux pour ne plus avoir à lire des âneries pareilles. Mais je suis comme ça ; je ne suis pas un de ces mecs mystérieux qui font tourner toutes les filles en bourrique. Je ne suis pas vraiment du style bagarreur ou trop courageux, je ne suis pas un dragueur, je n'ai pas de moto ni même de voiture. Je sais, j'ai l'air totalement nul, comparé à tous ces mecs dans les bouquins à l'eau de rose ou dans les films qui font rêver les filles. Et peut-être que je ne suis pas un bad boy, mais j'ai un cœur et j'ai mes qualités. J'ai aussi un tas de défauts.

Charlie dévale l'escalier, un sourire radieux au visage. Je m'apprête à lui demander pourquoi elle a pris tant de temps à descendre, mais je m'abstiens, elle était peut-être occupée sur son téléphone ou avait peut-être un truc de fille à régler. Je ne veux pas être le genre de mec sur son dos, à contrôler tout ce qu'elle fait. Enfin, même si je le voulais, il vaut mieux éviter, avec un caractère comme le sien.

— Alors, ce gâteau ? demande-t-elle joyeusement à Flynn.

Nous sommes tous les trois autour de l'îlot central de la cuisine, autour d'un grand cul de poule dans lequel Flynn a versé tous les ingrédients à l'aide de sa sœur. Il essaye de mélanger la préparation avec le fouet mais ses petits bras n'ont pas assez de force. Charlie s'apprête à l'aider mais je m'empare du fouet et mélange le tout énergiquement, sous les yeux rêveurs du petit qui voit la pâte devenir peu à peu quelque chose d'appétissant. Je ne sais pas si je rêve, mais je jurerais avoir pris Charlie en flagrant délit de matage intense de mes bras, alors je fais exprès de les contracter plus que de raison, et je ne m'étais pas trompé, elle semble hypnotisée.

On pourra reprocher un tas de choses aux hommes, on pourra toujours dire que ce sont des pervers qui ne pensent qu'à reluquer les filles, mais regardez-moi ça ! Je n'ai jamais osé mater Charlie aussi intensément qu'elle est en train de le faire, ce qui me fait rire.

— Pourquoi tu ris ? me demande-t-elle.

— Je t'ai vue, lui dis-je doucement en lui souriant.

— De quoi tu parles ?

— Tu n'as pas envie de savoir...

Elle se met à rougir et détourne le regard, elle fait semblant de s'intéresser à la liste de courses accrochée à la portière du frigo.

— C'est bientôt prêt ? s'impatiente Flynn.

— Patience ! je lui réponds.

Ses petits yeux se posent sur le paquet de farine, je me demande s'il va vraiment oser faire ce que je pense qu'il va faire. Il plonge sa main dans le paquet tout en surveillant que je ne le regarde pas, alors je fais comme si je ne voyais rien. Et puis, d'une seconde à l'autre, un nuage de farine m'arrive en pleine face, il a osé ! Je pensais qu'il allait plutôt attaquer sa sœur et qu'il n'allait pas se lancer en territoire inconnu.

Je le regarde durement pour lui faire peur, je vois sa petite main en suspens dans les airs, il se met à froncer les sourcils et j'ai l'impression qu'il va pleurer. Est-ce que c'est une technique d'enfant pour attendrir les gens et ne pas se faire engueuler ? Charlie nous regarde et fronce les sourcils à son tour.

— Tu m'as jeté de la farine au visage ? demandé-je à Flynn.

— J'ai pas fait exprès..., se défend-il.

Je continue de le fixer et il a l'air inquiet.

— Tu es fâché contre moi ? demande-t-il d'une toute petite voix.

Je m'approche de lui et le regarde droit dans les yeux :

— Tu as déclaré la guerre, soufflé-je.

La seconde d'après, je lui jette de la farine à mon tour, ce qui le fait rire. Je vois Charlie reculer, les mains en avant, comme si elle pensait qu'elle allait y échapper.

— N'y pense même pas, me dit-elle.

Je m'empare d'une poignée de farine et la lui lance au visage. Elle se met à rire et elle passe à la vitesse supérieure, elle plonge sa main dans la pâte à gâteau et me l'étale sur le visage, jusque dans les cheveux. Alors je décide de faire la même chose, tandis que Flynn lui écrase un œuf dans son dos.

Je ne sais pas combien de temps nous passons à nous barbouiller de la nourriture partout et je sais bien que c'est du gâchis, mais à l'instant, je ne peux m'empêcher d'être heureux et de m'amuser. Charlie sourit, elle rit comme jamais je ne l'ai vue rire et je vois même son frère s'amuser. Il profite des derniers instants de sa sœur et je pense que ça valait bien le coup de gâcher ces ingrédients.

Alors que nous sommes totalement sales, nous décidons d'arrêter de jouer et contemplons les dégâts dans la cuisine. Il y a de la pâte à gâteau par terre et sur l'îlot, et quant à la farine, il y en a absolument partout.

Au bout d'une demi-heure passée à tout nettoyer, nous décidons de refaire un gâteau pendant que Flynn est parti se doucher. Charlie ne m'a pas directement adressé la parole depuis tout à l'heure, j'ai même presque l'impression qu'elle m'évite. J'ai enfourné la préparation et je la regarde qui se triture les cheveux, elle retire la pâte qui s'y est incrustée. Je me plante en face d'elle, elle m'adresse un regard timide.

— Tout va bien ? lui demandé-je.

— Ouais, super, répond-elle mal assurée.

— Charlie...

— OK, dit-elle finalement. Duncan, j'ai besoin de savoir une chose. Pourquoi tu tiens tant à rester avec moi alors que... tu sais.

J'attrape son menton entre mes doigts pour la forcer à bloquer son regard dans le mien.

— Eh bien, il se trouve que je suis amoureux de toi.

Elle me regarde dans les yeux et son expression a changé et semble passer par mille émotions à la fois. Ses yeux brillent d'une lueur, la même qu'un gosse à qui on annonce une virée à Disneyland, un sourire timide se forme sur ses lèvres et puis ensuite, elle a l'air triste, en colère, triste, puis heureuse. J'ai l'impression qu'elle débloque.

— Tu vas dire quelque chose ? demandé-je.

— Je... Tu ne peux pas...Enfin... Tu vois, quoi.

— Non, je ne vois pas.

Bien sûr que je vois. Elle me refait une de ses crises, elle doit penser qu'elle me fait du mal ou quelque chose du genre. Mais je suis prêt à endurer ce mal, c'est trop tard de toute façon, ce n'est pas comme si mon cœur m'en laissait le choix.

— Où est passée la Charlie sans tact qui a toujours un truc à répondre, qui lance des répliques assassines et qui n'a peur de rien, pas même de faire croire à un mec qu'elle part en Alaska ?

— Elle est devant toi, me répond-elle.

— Non, je ne la vois pas.

— Duncan, arrête ça ! s'énerve-t-elle.

— Alors tu fais semblant d'être devenue soudainement timide ? la taquiné-je.

— Je ne suis pas timide, OK ? Et je ne souffre pas d'un dédoublement de la personnalité, il n'y a qu'une seule et unique Charlie et elle se tient devant toi, alors si tu n'es pas content, tu sais où est la porte !

Hallucinant. J'ai compris sa tactique, créer une dispute pour s'éloigner du sujet initial. Mais elle ne gagnera pas à ce petit jeu.

— Je suis amoureux de toi, répété-je.

— J'avais entendu la première fois. Tu devrais apprendre à la fermer.

— Je suis vraiment amoureux de toi.

— C'est une très mauvaise idée, dit-elle.

— Tu étais d'accord tout à l'heure, pourtant. Tu sais, quand on s'embrassait...

— Et justement, on ne faisait que s'embrasser, là tu es en train de tout rendre officiel, tu es sûr que c'est ce que tu veux Duncan ? Tu veux que je sois ta petite-amie ? Tu veux une copine qui va bientôt mourir ?

— Je veux une copine que j'aime. Et je t'aime.

Elle me fixe un long moment, ses sourcils se froncent, se défroncent, un sourire apparait sur son visage puis disparait. Elle a vraiment l'air en plein conflit interne et je sais qu'elle partage mes sentiments. Elle a juste peur parce que si elle fait ce pas, il n'y aura plus de retour en arrière possible.

— T'es vraiment sûr ? demande-t-elle calmement.

Je ris à sa question, je m'attendais à ce qu'elle me hurle dessus ou qu'elle trouve une autre échappatoire.

— Oui.

Elle m'adresse un sourire adorable et s'approche de moi pour m'embrasser. J'avais presque oublié à quel point je suis sale, jusqu'à ce que je sente l'odeur de la pâte à gâteau sur son visage. Elle tente de m'embrasser, je la laisse s'approcher et au dernier moment, je la repousse. Elle écarquille les yeux et semble choquée par mon geste.

— Je veux entendre le mot magique.

— S'il te plait ? tente-t-elle.

Je secoue la tête et croise mes bras sur mon torse. Charlie ferme les yeux et souffle.

— Je ne peux pas. Parce que si je te le dis, tu vas y repenser quand je ne serai plus là, tu n'auras plus que ça en tête, ces mots et ma voix.

— J'en aurai bien besoin. Et ensuite je vais pleurer, je vais probablement casser des choses, hurler, ne pas manger pendant des jours. Je vais probablement te téléphoner pour entendre ta voix sur ton répondeur et je serai anéanti. Mais c'est dans l'ordre des choses. Est-ce que tu ressens la même chose que moi ? lui demandé-je.

Elle hoche la tête, et son regard se fait maintenant fuyant.

— Alors dis-le.

Elle plante subitement son regard dans le mien et j'y lis de la peur.

— Je t'aime, dit-elle enfin.

— T'es vraiment sûre ? demandé-je pour imiter sa question de tout à l'heure.

— Oui, je suis amoureuse de toi.

Je lui donne le baiser qu'elle attendait et je ne peux pas m'empêcher d'être heureux, même si j'ai aussi terriblement peur. 

Publié le 04/12/17

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