Chapitre 7
Finalement, Changbin n'avait pas fermé l'œil de la nuit et la pile de livres le narguait toujours autant. Elle avait certes diminué, mais il n'avait pas autant avancé qu'il l'aurait souhaité et son cerveau fonctionnait au ralenti. Il y avait beaucoup trop d'informations qui se contredisaient et il avait l'impression d'avoir perdu son temps. Il revit Chan se moquer de ses trouvailles, persuadé qu'il n'apprendrait rien dans ses ouvrages, et le fait qu'il ait eu raison le rendait grognon. Changbin rejeta la couette au bout du lit et siffla de colère quand son pied glissa sur les aventures de Dracula.
— Besoin d'aide ?
Un cri strident échappa à Changbin qui, les fesses encore au sol, leva un regard horrifié sur Chan. Le vampire lui offrait un sourire tout en canines aiguisées, une pointe d'hilarité habillant son regard bleu. Le jeune homme attrapa un livre à la volée et le lança sur son visiteur indésirable.
— Qu'est-ce que tu fous encore chez moi ? brailla Changbin.
— Je passais dans le coin.
Un chat, Chan lui faisait définitivement penser à un chat. Là où Changbin préférait une mise à mort rapide de ses cibles pour pouvoir passer à autre chose, le vampire prenait le temps de s'amuser. Or, le tueur à gages n'appréciait vraiment pas de jouer le rôle de la souris. Changbin se releva et sortit de la pièce en ne manquant pas de bousculer la créature de la nuit. S'il y avait bien une chose sur laquelle tous ces bouquins inutiles étaient d'accord, c'était qu'il n'était pas de taille à affronter physiquement Chan. Son insensibilité à la manipulation mentale était un atout, mais il n'avait pas encore trouvé comment s'en servir de manière offensive.
— Tu dis que ton objectif c'est Hyunjin, alors pourquoi est-ce que c'est moi que tu suis ? grommela l'assassin en se faisant couler un café.
Il grimaça en constatant qu'une tasse traînait déjà sur le comptoir et foudroya du regard le vampire. Ce dernier faisait décidément comme chez lui et Changbin ne savait pas dans quelle langue il devait s'exprimer pour se faire comprendre.
— Je n'ai jamais été contre lié l'utile à l'agréable, sourit malicieusement Chan.
— C'est ni l'un ni l'autre.
— Vraiment ? Pourtant j'ai trouvé la Grèce terriblement agréable.
Changbin écarquilla les yeux. Chan s'était déplacé dans son dos et l'avait coincé contre le comptoir. Il pouvait sentir son torse contre son dos et son souffle sur son oreille, exactement comme dans ce bar où il avait commis une grosse erreur. Son ventre se noua, mais Changbin ignora la sensation pour se concentrer sur la colère qui grondait en lui. Son coude percuta les côtes du vampire. L'assassin grimaça, ça avait été comme frapper un mur et il n'obtint qu'un ricanement de la part de Chan.
— Je sais que toi aussi, tu as aimé.
— T'as trouvé le côté agréable, cool pour toi, mais le côté utile ?
— J'ai pu constater que tu étais une PIMM du plus haut niveau, ce que je n'avais pas eu le temps de faire quand tu m'as tranché la gorge.
Changbin se retourna et mit une distance entre Chan et lui. Il allait peut-être boire toute la cafetière au final, ce ne serait pas de trop pour supporter l'insupportable chauve-souris.
— Parce qu'il y a des niveaux maintenant ? marmonna-t-il.
— Comme pour tout, confirma Chan en haussant les épaules. Inférieur, médium, supérieur. Une PIMM inférieure ne pourra pas être manipulée à distance, il faudra un contact physique pour lire ses pensées ou lui donner un ordre. Une PIMM de niveau médium pourra être contrôlée mais avec du temps et parfois il faut même un échange de sang.
— Et moi ? Tu dois faire quoi pour me manipuler ?
Le ton froid du tueur à gages ne parut pas déranger Chan qui poursuivit ses explications.
— Toi, t'es chiant. Je ne peux rien faire. Je t'ai touché, j'ai bu ton sang, mais tu restes toujours aussi insensible. C'est agaçant et déstabilisant.
— Mes plus grandes qualités, sourit narquoisement Changbin.
Il occulta volontairement la partie où le vampire confirmait l'avoir croqué et se concentra sur le fait qu'il ne pouvait pas pénétrer dans sa tête. Il comptait bien demander confirmation à Hyunjin avant d'être parfaitement rassuré, mais pour le moment il se raccrochait à ce qu'il avait.
— Ta plus grande qualité, mon tigre, ce serait de convaincre Hyunjin d'arrêter ses folies. Il se met en danger et son père ne pourra pas continuer à le protéger pendant très longtemps.
— Il s'est très bien débrouillé pendant des années de ce que tu m'as dit hier soir, j'imagine qu'il peut continuer comme ça.
— Parce qu'il n'empiétait pas sur notre territoire.
La voix gronda, basse et porteuse de menaces. Changbin tressaillit. Pendant un instant, il avait oublié que Chan était une créature mortellement dangereuse. Ses doigts glissèrent sous le rebord du comptoir, jusqu'à ce qu'ils butent sur la garde d'une lame incurvée. Son appartement était truffé d'armes blanches autant que d'armes à feu.
— La concurrence, ça ne vous dit vraiment rien ?
Le regard bleu le transperça de part en part et Changbin eut l'impression d'être une biche prise dans les phares d'une voiture. Il était conscient de ce qui se passait, mais ne pouvait bouger.
— Il cherche un remède au vampirisme.
L'information glissa jusqu'à Changbin avec le même impact que si Chan lui avait annoncé la météo du jour.
— C'est une insulte pour nous, ajouta le vampire devant son absence de réaction.
— Pourquoi ?
— Tu veux un remède au fait d'être un humain ?
Le reniflement dédaigneux hérissa Changbin. Sa main tira sur la garde de la lame qui quitta partiellement son fourreau dans un chuintement métallique. Le bruit, bien que discret, attira aussitôt l'attention de Chan. Les lèvres de ce dernier se retroussèrent sur ses crocs.
— Je serai beaucoup moins gentil si tu m'attaques encore une fois Changbin, je ne suis pas d'humeur à jouer.
En tout cas, il ne l'était plus. L'assassin avait remarqué sans mal son changement de comportement depuis qu'ils avaient évoqué les activités secrètes de Hyunjin et une sensation de malaise l'entourait comme un cocon désagréable. Chan se dressa devant lui en une fraction de seconde. Il s'empara de son poignet, le tourna brusquement jusqu'à ce que Changbin ne puisse maintenir sa prise sur la garde de son arme. Le couteau chuta au sol sur lequel il rebondit plusieurs fois. Les prunelles de Chan se plantèrent durement dans le regard noir de Changbin.
— Tu devrais faire attention, ce n'est pas parce que je te trouve divertissant et que tu peux m'être utile que je ne peux pas juste te briser la nuque. Tu es une facilité pour ma mission, pas un élément indispensable, souffla Chan.
— Et toi tu devrais arrêter de croire que je suis une poupée, gronda Changbin.
Le jeune homme contracta tout son corps et releva brusquement son genou. Il y avait un code d'honneur entre hommes, ils ne visaient pas les parties intimes, mais Changbin n'avait jamais aimé les règles. Son genou s'écrasa avec force entre les jambes de Chan qui blanchit et se recula, plié de douleur.
Changbin en profita pour lui donner un coup d'épaule et se dégager. Il traversa la pièce en quelques enjambées, mais une main s'enroula autour de sa cheville avant qu'il n'ait le temps d'en sortir. Le vampire était accroupi, le visage tordu en une grimace douloureuse et le regard furieux. Changbin grogna, donna un coup de pied pour se défaire de la prise, mais Chan resserra sa poigne. L'assassin siffla de douleur, c'était comme se faire broyer le pied dans un étau. Il chuta, sa main s'accrocha à un tiroir qui céda et déversa son contenu sur le sol. Les fourchettes, couteaux et autres ustensiles lui tombèrent sur le crâne, et Changbin attrapa ce qu'il pouvait pour le jeter sur le vampire.
Les dents d'une fourchette s'enfoncèrent dans la paume de sa main, la lame dentelée d'un couteau lui entailla le bout d'un doigt, mais ce n'étaient que des détails sans importance. Un craquement le fit grincer des dents et contracter la mâchoire. Sa cheville n'allait plus tenir très longtemps. Sa main attrapa le rebord d'un plat, presque aussi léger qu'une plume, et il frappa le côté du visage du vampire. Chan feula et le lâcha immédiatement. Changbin écarquilla les yeux, choqué par la trace de brûlure sur la joue du vampire.
Son regard glissa sur le plat en question, une sorte de présentoir informe à toast dont il ne se servait jamais, mais il appartenait, il fut un temps, à la petite vieille qui habitait en face de son appartement. Elle le lui avait donné, ou plutôt elle l'avait forcé à l'accepter, en lui promettant qu'un jour il lui sauverait la vie. Changbin était persuadé qu'elle ne faisait pas allusion à une créature mythique en colère ce jour-là, mais toujours était il qu'elle avait eu raison. Il se remit debout, grimaça quand sa cheville douloureuse toucha le sol, et leva le plateau. Il était prêt à s'en servir une fois de plus.
Cependant, Chan restait à distance raisonnable. Les traits de son visage n'étaient plus aussi tendus et ses crocs se cachaient derrière ses lèvres épaisses. L'assassin plissa les yeux, il n'oublierait pas une seconde fois quel genre de personne se tenait devant lui. Son estomac s'agita alors que la peau de Chan se reconstruisait à toute vitesse, il n'eut besoin que de quelques secondes avant qu'elle ne soit aussi lisse que celle d'un bébé.
— Fais un pas et je te mets un coup de plateau, gronda Changbin. Je ne sais pas si la vieille était une sorcière, mais je suis sûr que tu n'aimeras pas.
— Les sorcières n'existent pas, souffla Chan en roulant des yeux. C'est simplement de l'argent. Et puis, maintenant que je sais que tu en as...
Il se téléporta derrière Changbin et lui tordit le bras. Le plateau tomba au sol dans un bruit sourd mêlé au soupir désespéré de l'assassin, il avait la terrible sensation que ce genre de scènes allait être amené à se produire encore et encore, jusqu'à ce qu'il trouve un moyen de tenir tête à un vampire. Chan le relâcha.
— C'est plutôt simple de t'empêcher de t'en servir.
— C'est chiant.
Changbin grogna. Le bordel régnait en maître dans sa cuisine et la moitié de ses ustensiles jonchaient le sol. Suspicieux, il refusa de quitter la créature des yeux pendant qu'il ramassait le plus gros et le posait n'importe comment sur le comptoir.
— Viens ici.
— Me donne pas d'ordres, cracha l'assassin en le toisant.
— J'avais souvenir que t'aimais bien ça.
Un gémissement plaintif échappa à Changbin qui eut envie de se frapper le crâne contre le mur. Il avait fallu que ce soit avec Chan qu'il laisse tomber ses inhibitions, qu'il tente des choses qu'il ne faisait jamais, il avait fallu que ce soit avec un foutu vampire qui avait pour seule ambition de faire de sa vie un enfer.
— Tu n'as aucun souvenir du tout, gronda Changbin, tu ne sais rien du tout.
— Quel entêté, je comprends mieux pourquoi Hyunjin t'apprécie. Vous êtes aussi butés et suicidaires l'un que l'autre. Je vais te soigner, arrête de faire ta mijaurée.
Le tueur à gages haussa un sourcil et une pointe d'agacement assombrit le regard clair de Chan. Ce dernier s'approcha à nouveau et mit un genou à terre, sa main s'enroulant avec une étonnante délicatesse autour de la cheville qu'il avait lui-même blessée à peine quelques minutes auparavant. Intrigué, Changbin se mordit la langue pour retenir le flot de mots acides qui ne demandait qu'à se déverser.
Une sensation froide et piquante hérissa tous les poils de sa jambe. A l'extérieur, il ne distinguait rien de particulier, mais lorsque Chan retira sa main, il fut étonné de ne sentir plus aucune douleur. Il tapota le sol de son pied, puis appuya plus franchement.
— Les vampires ont des pouvoirs de guérison ? s'étonna Changbin.
— Cesse de gesticuler.
Chan s'empara de sa main qu'il soigna de la même manière, puis de son poignet et de son bras. A chaque fois, Changbin ressentit la morsure d'un froid intense qui semblait provenir de l'intérieur de ses membres.
— T'as un problème de dédoublement de la personnalité ?
— Où t'as été chercher ça encore ? grommela le vampire.
— Tu me frappes et tu me soignes après, donc soit t'as deux personnalités qui s'affrontent, soit t'es devenu cinglé avec ton grand âge, soit t'es le plus grand sadique que j'ai pu croiser.
— Tu m'en diras tant.
Changbin roula des yeux.
— C'est tout ce que tu vas dire ?
— Si je t'ai soigné c'est uniquement par rapport à Hyunjin, s'il te voit amoché ça compromet mes chances de lui faire entendre raison. Il éprouve une étrange affection envers toi. Ce n'est même pas sexuel... c'est vraiment affectueux.
L'assassin grimaça en retenant l'envie de se boucher les oreilles. Heureusement que son patron n'était pas sexuellement attiré par lui, il n'aurait pas pu continuer à le regarder dans les yeux et à se comporter comme il le faisait si c'était le cas. Si l'explication lui laissa partiellement un goût désagréable sur la langue, elle lui permit surtout de comprendre le changement de comportement du vampire.
— Je n'aurais pas dû t'attaquer.
— Parce que ça gêne ton plan de te servir de moi ?
— Parce que je me suis laissé déborder par mes émotions et que, pendant un instant, j'ai oublié que tu n'étais pas des nôtres. Ta foutue insensibilité me fait oublier que tu n'es qu'un humain. Tu ne connais pas mon monde, je ne devrais pas attendre de toi autre chose que le minimum.
Changbin fronça les sourcils. Était-ce normal qu'il se sente aussi insulté ? Il était un tueur d'élite, le "bras droit" de Hyunjin, personne n'attendait de lui le minimum. Il serra les dents, résistant comme il le pouvait à l'envie de provoquer un nouveau conflit. Il n'était pas prêt, pas encore, à affronter réellement Chan.
— Je sens ta colère.
L'assassin darda sur lui un regard noir. A quoi est-ce que Chan s'attendait au juste ? Qu'il saute de joie ? Changbin se retrouvait dans une situation surréaliste, il prenait sur lui pour s'adapter et suivre le rythme imposé, mais il n'était pas un robot. Il savait que ce n'était pas normal, que les différentes scènes de sa journée ne devraient pas s'emboîter ensemble. Il n'y avait pas de logique, pas de fil rouge.
Il avait tué un homme, enfin tenté de tuer un vampire, avec lequel il avait finalement passé une des meilleures nuits de sa vie. Puis il avait appris sa véritable nature, découvert que lui-même n'était pas totalement normal, que son patron ne l'était pas non plus, et qu'il pouvait servir les intérêts de Chan contre ceux de Hyunjin. Il s'était chamaillé avec Chan, ils avaient essayé de se faire du mal mutuellement, puis le vampire l'avait soigné et les voilà en train de parler comme si de rien était. Changbin avait l'impression de devenir fou.
— J'essaye, siffla Changbin, j'essaye vraiment, mais je ne comprends pas comment tu fonctionnes et ça m'énerve vraiment. Je ne peux pas te dégager de chez moi, je ne peux pas te tuer, et je n'ai aucune idée de ce que tu vas faire ensuite.
Le vampire haussa les épaules, le visage tourné vers la fenêtre. Les quelques rayons de soleil qui passaient se refletèrent dans ses orbes saphir et firent briller les courtes mèches noires. La lumière caressa la courbe de sa mâchoire d'une manière particulièrement flatteuse et Changbin détourna le regard.
— J'aime me laisser porter, tant que ça ne gêne pas mon travail. L'instinct domine mes réactions, c'est pour ça que je t'ai suivi en Grèce et que je t'ai approché de cette façon. Ce n'était pas calculé, j'en avais juste envie, et ça ne contrariait pas mes plans de base. C'est aussi pour ça que je suis là, parce que j'en ai envie.
— Donc je dois m'attendre à tout et n'importe quoi ? grogna Changbin.
Seul un sourire énigmatique lui répondit et il noya son mécontentement dans un fond de café froid.
Nda :
Bonjour, c'était un nouveau chapitre tout beau tout chaud ! J'espère que vous aimez et même si ce n'est pas le cas, n'hésitez pas à me le dire 😁
Bonne soirée !
Dalion~ Kiss :3
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