Chapitre 3


Lunettes de soleil sur le nez, sac à dos perché sur l'épaule, Changbin sortit du taxi. Il avait profité du passage à son appartement pour informer Hyunjin de la réussite de sa mission et donc de son départ immédiat pour les deux prochaines semaines. En retour, il avait reçu l'ordre de fournir le rapport de l'assassinat sous vingt-quatre heures et un généreux virement sur un compte secrètement localisé aux îles Caïmans.

Il n'eut aucun mal à se frayer un chemin parmi les nombreuses personnes qui se déplaçaient dans l'aéroport et se dirigea vers le plus imposant des guichets. Laissant tomber ses lunettes de soleil, il adressa son sourire le plus séduisant à l'agent.

— Bonjour, comment je peux vous aider ?

— Je cherche un avion qui part rapidement vers une destination chaude, qu'est-ce que vous avez à me proposer ?

Le jeune homme l'observa avec étonnement, les doigts en attente à quelques millimètres des touches de son clavier.

— Rapidement ? Vous avez des bagages à enregistrer ?

— Juste mon sac, répondit Changbin en pointant son épaule. Si vous en avez un dans l'heure, ce serait parfait.

L'agent d'accueil hocha la tête et commença à pianoter, son front plissé par la concentration. Il s'écoula une minute ou deux, Changbin commençait à s'impatienter, quand il reprit la parole.

— Il me reste des places sur un vol pour Bora Bora, il reste encore vingt minutes avant la fin de l'embarquement. J'ai aussi une place, uniquement en classe affaires, pour la Grèce. L'avion vous fait atterrir à Athènes, mais il y a le ferry qui permet de rejoindre les îles Cyclades. C'est idéal pour la détente.

— Temps de vol ?

— Dix-sept heures, il y a une escale à Doha de deux heures. L'embarquement est en cours, il ferme dans dix minutes.

Changbin réfléchit une seconde avant de hocher la tête et de prendre le billet en direction de l'Europe. Bora Bora était une super destination, mais il y était déjà allé l'année dernière, il avait envie de changement. Il donna ses papiers et sa carte, tous faux, mais incroyablement réalistes, puis fut autorisé à rejoindre ses camarades de vol. Un sourire satisfait s'étendit sur son visage alors qu'il prenait place dans la classe affaires. Voilà longtemps qu'il n'y avait pas été, les sièges larges et inclinables lui avaient manqué.

Confortablement installé, Changbin lança un film en acceptant le verre de vin qui lui était proposé. Le rapport de Hyunjin attendrait. De trop longues heures dans le ciel se profilaient, il allait bien se motiver à un moment donné pour se rendre à l'espace de travail spécialement mis à disposition de sa classe et pour écrire son compte-rendu.





Le soleil d'Athènes lui caressa le visage dès qu'il mit un pied en dehors de l'aéroport et l'assassin souffla de bonheur. Ces petites vacances promettaient d'être délicieuses. Il loua une chambre d'hôtel, mais n'y resta que le temps de récupérer la clé de sa chambre. Il avait passé trop de temps à ne rien faire, il ressentait le besoin de se dégourdir les jambes et de partir à la découverte de son nouveau terrain de jeu.

La location d'une voiture se passa sans aucun problème et il se rendit à Santorin. Il avait entendu parler de la beauté des villages blancs de cette partie du pays et ne demandait qu'à les voir de ses propres yeux. Il ne fut pas déçu. L'image qui s'imprima dans sa rétine était inoubliable.

Il ne s'attarda pas dans les ruelles étroites, pourtant typiques de la région, et leur préféra les grands axes touristiques. Déformation professionnelle, il ne voulait pas être pris au piège, même si personne ne le connaissait ici. De plus, hormis son patron et quelques collègues, les rares personnes pouvant assimiler son visage à son métier n'étaient plus là pour en parler. Il s'arrêta sur la pointe d'une falaise qui surplombait une mer délicieusement bleue. Presque aussi bleue que les yeux de Chan.

Le coucher de soleil ponctua l'horizon d'une palette de couleurs incroyable alors qu'il profitait simplement, les jambes étendues sur la roche. Ce fut la sonnerie de son téléphone qui mit fin à son moment de contemplation. Changbin décrocha aussitôt sans prendre la peine de regarder le nom affiché. Il avait changé de carte Sim, il n'y avait que Hyunjin pour avoir son nouveau numéro et Seungmin. Le dernier n'avait aucune raison pour essayer de le contacter.

— Salut patron, qu'est-ce qui ne va pas avec mon rapport ? Je te l'ai envoyé dans les temps.

 Ton appartement a été fouillé, Seungmin a reçu une alerte.

Changbin se figea, le front plissé et la mâchoire serrée. Il ne savait pas sur quelle information se concentrer en premier. Il avait été cambriolé. Seungmin le surveillait. Il mit le second point de côté.

— Je ne suis parti que depuis une journée. Personne ne sait où je vis. À part Seungmin et toi, visiblement.

 Je garde toujours un œil sur mes hommes, Changbin, susurra dangereusement Hyunjin, et Seungmin m'y aide. Rien n'a été volé, ton coffre est intact. J'ai mis Jeongin sur le coup, si ton identité a été compromise, je veux savoir jusqu'où ils ont pu remonter et ce qu'ils ont contre nous.

Changbin serra le poing. Il y avait une menace sous-jacente dans la voix de son employeur. Si toute l'entreprise de ce dernier se retrouvait en danger à cause de lui, il n'allait pas tarder à avoir ses propres collègues à ses trousses.

— Je suis toujours prudent, patron, je ne laisse jamais rien derrière moi.

 Je sais, j'ai veillé à ce que tu sois formé correctement, rappela Hyunjin. Ce qui rend cette intrusion d'autant plus bizarre. Il ne s'est rien passé d'étrange pendant ta dernière mission ?

— À part que le type était calme ? Non, je lui ai tranché la gorge et perforé le thorax à plusieurs reprises. Il ne peut pas être plus mort que ça et je n'ai croisé personne d'autre. Le seul au courant de ma venue c'est Felix, l'étudiant qui a nettoyé la chambre après mon passage.

 Je connais Felix, il a déjà été utile. J'envoie Jeongin investiguer, Seungmin te tiendra au courant de ce que nous découvrirons. Ne te fais pas remarquer.

Changbin pressa rageusement le téléphone entre ses doigts. Il haïssait se savoir surveillé, il détestait qu'on remette en doute ses compétences, et plus que tout, il avait en horreur d'apprendre que Jeongin, le nouveau, allait enquêter pour lui. Le coucher de soleil de Santorin avait clairement perdu en éclat depuis son appel et Changbin n'éprouva qu'une vague amertume en voyant la boule rougeoyante disparaître derrière l'horizon. Ses vacances étaient gâchées.

Il fit demi-tour rageusement, sa vitesse dépassant largement celle autorisée sans que cela ne l'inquiète. Il n'avait pas la tête à ça, il ne cessait de repenser à ses dernières affaires. Il ne voyait pas où il avait pu laisser des traces, ça le rendait fou. Il faisait ce métier depuis quinze ans, il était bon, il était même fait pour ça. Croire qu'il avait fait une erreur ayant pu mener à la révélation de son identité ou celle de son employeur le rendait malade.

Il était de retour à sa chambre d'hôtel depuis moins d'une heure quand son téléphone sonna et afficha un numéro qu'il ne connaissait pas.

— Quoi ? aboya Changbin.

 Mords pas le messager, je viens te faire un rapport à la demande du grand patron.

Changbin serra les dents, il avait reconnu la voix particulière de Jeongin dès les premiers mots et son irritation grimpa en flèche. Dire que c'était ce gamin qui était chargé de passer derrière lui, il était tombé bien bas.

— Balance ce que tu as à dire.

 J'ai une question d'abord, t'es sûr que ta cible était seule ?

— S'il y avait eu quelqu'un d'autre dans cette chambre je l'aurais remarqué, tu ne penses pas ? grinça Changbin.

 Autre question que tu vas trouver stupide alors, t'es sûr de l'avoir eue ?

Le tueur à gages roula des yeux et son poing tapa sèchement contre une des cloisons fines de la chambre. Voilà déjà la seconde fois en peu de temps qu'on remettait son travail en doute.

— Comme je l'ai indiqué dans mon rapport, je lui ai tranché la gorge et l'ai poignardé au thorax à plusieurs reprises. Personne ne survit à ça ou à la quantité de sang qu'il a perdu. C'est quoi l'embrouille ?

Il y eut un silence et la patience de Changbin s'effondra. Un grognement mourut sur ses lèvres.

 Il n'y avait pas de corps.

— Quoi ?

 J'ai retrouvé l'étudiant, Felix, et on a eu une petite discussion tous les deux. Le corps n'était plus dans la chambre quand il y est allé, moins de trente minutes après ton départ. Il a trouvé du sang, beaucoup, mais aucune trace du cadavre ou de ses affaires.

— Tu te fous de moi ?

 C'est pas tout, continua Jeongin. Le temps qu'il y aille, le registre de l'accueil a été effacé. Il n'y a plus aucune trace de ta cible, pas même un faux nom, et personne n'en a entendu parler depuis. Elle s'est évaporée.

Changbin se laissa tomber sur le rebord du lit qui grinça et les ressorts lui rentrèrent dans les fesses. La literie était médiocre pour le prix qu'il avait déboursé.

— C'est une blague ?

Il passa une main sur son visage et se pinça la joue pour être certain de ne pas nager en plein cauchemar.

— Le patron a dit quelque chose ?

– Il s'est enfermé dans son bureau après mon rapport, mais il a marmonné un truc bizarre.

— Balance.

 Un truc comme quoi ce n'était pas de ta faute, mais qu'il fallait le tenter, mais je suis pas sûr que ce soit ça. C'est trop bizarre.

Ce n'était pas plus bizarre que d'avoir une conversation civilisée avec une personne qu'il méprisait. Changbin poussa un profond soupir. Il n'était pas plus avancé, bien au contraire. Il ne pouvait pas croire aveuglément aux paroles de Jeongin, mais son instinct le mettait en garde : Hyunjin en savait peut-être plus sur cette histoire qu'il ne voulait bien l'admettre.

— Mes vacances sont foutues.

 Pour l'instant il n'a rien dit donc j'imagine que tu peux rester là-bas. J'apprécie quand tu es à l'autre bout du monde.

Changbin raccrocha pour ne pas avoir à en entendre davantage. Même s'il n'en avait pas encore reçu l'ordre, ce n'était qu'une question de jours voire d'heures. Un cadavre envolé, ses affaires et son identité avec lui, ce n'était pas courant. Habituellement, ça l'arrangeait de faire disparaître sa victime. Le problème, c'était que cette fois il n'y était pour rien et que personne n'avait d'informations.

L'assassin se laissa tomber sur le dos. Il s'enfonça dans le matelas en grognant, le lit était tellement inconfortable, mais il n'avait pas envie de payer une nouvelle chambre. Il restait attaché à son argent.

De la musique provenant de l'extérieur attira son attention. Changbin se glissa sur le petit balcon et son regard dériva sur le contrebas. La terrasse d'un café faisait face à l'hôtel où il résidait et de nombreux touristes avaient pris possession des petites tables blanches pour siroter un cocktail bien frais. Les rires, les bruits de conversation, et l'entrainante mélodie typique de la région s'harmonisaient étonnamment bien. Changbin fronça les sourcils, une ligne soucieuse s'imposant sur son front. Ce ne serait pas raisonnable de se mêler à la foule. Pourtant, il n'avait aucune envie de passer la soirée à ressasser et à chercher où il avait pu se planter.

L'assassin grommela et, peut-être pour se donner un simulacre de bonne conscience, il réserva un billet d'avion direction Séoul pour le lendemain en début de soirée. Il aurait ainsi tout le trajet pour se remettre de la cuite monumentale qu'il comptait s'infliger et pour découvrir ce qui avait été différent entre sa dernière mission et toutes celles qu'il avait eues avant.

Il se changea pour une tenue de vacancier et ajouta une chemise à fleurs, ouverte, sur son tee-shirt blanc. Un couteau à cran d'arrêt élut domicile dans la poche de la chemise. Il ne pouvait pas sortir en étant aussi armé qu'à son habitude, d'autant plus que la majorité de son matériel se trouvait en Corée, mais il refusait de se mêler à la foule sans une mesure de protection. Il savait se battre à mains nues, mais les armes blanches avaient sa préférence.

Changbin s'éloigna un peu de son hôtel, ses réflexes lui suggéraient de ne jamais rester à proximité de son cocon, même s'il n'était que temporaire. Cette pensée le mit de mauvaise humeur. Son appartement avait été visité, son intimité bafouée. Il n'avait pas beaucoup de choses personnelles, il aimait avoir les choses dernier cri et d'une certaine valeur, mais il n'y était pas sentimentalement attaché. Ce qui le dérangeait, c'était que quelqu'un l'avait trouvé. Quelqu'un savait qui il était.

La dégradation de son humeur, qui n'était déjà pas au beau fixe, lui fit pousser la porte d'un bar enfoncé dans une ruelle plus sombre que les autres. Changbin ne perdit pas une seconde pour se rendre au comptoir et pour s'installer sur un des hauts tabourets. Il ne prit même pas la peine de regarder la carte et commanda une vodka pomme. Ce n'était pas comme s'il allait pouvoir trouver de l'alcool de son pays ici et il avait grand besoin d'une dose corsée pour se changer les idées.

Au fur et à mesure que la soirée débutait puis avançait, le bar se remplit. Principalement de locaux qui sortaient du travail, mais également de quelques groupes de jeunes touristes. Le barman semblait ne pas accorder beaucoup d'attention à l'âge de ses clients et Changbin sourit dans son verre. Les jeunes vacanciers ne devaient pas en être à leur première visite.

Il commanda un nouveau verre, qu'il régla aussitôt. Son regard se perdit un instant dans le liquide à peine ambré dont émanaient de forts effluves d'alcool. Il se sentait bien plus détendu à présent, mais il s'ennuyait. Malheureusement il n'avait pas trouvé la moindre personne à son goût parmi les clients du bar et il n'avait pas envie de perdre son temps à changer d'endroit.

Changbin secoua un pan de sa chemise pour se faire un peu d'air. La vodka lui tenait chaud et le bar à présent plein à craquer ne l'aidait pas à se rafraîchir. Plusieurs personnes étaient venues tenter leur chance auprès de lui, il avait conscience que son corps musclé comme celui d'un athlète et son regard sombre attisaient les envies, mais aucune n'avait réussi à réveiller le moindre désir en lui. Il commençait à s'inquiéter du fonctionnement de son propre corps, il n'était quand même pas difficile sur les gens à mettre dans son lit, quand l'étincelle s'embrasa.

Le tueur à gages échangeait avec le barman dans un anglais très correct, quand une présence se manifesta dans son dos, comme une ombre dévorante. Changbin ressentit le poids de ce regard sur sa nuque, son dos et ses fesses, et ses lèvres s'étirèrent en un petit sourire en coin. Cette personne le dévorait des yeux et l'assumait parfaitement, mieux encore, il était certain qu'elle faisait exprès pour qu'il la remarque. Les entrailles de Changbin chauffèrent agréablement. C'était pile ce qui lui manquait pour pimenter sa soirée morose.

Il voulut se retourner, mais un pied bloqua le tour de son tabouret. Changbin haussa un sourcil et baissa les yeux. Au moins, il savait à présent qu'il s'agissait d'un prétendant ou alors la demoiselle devait avoir du mal à trouver chaussure à son pied. Un torse dur se colla à son dos et deux bras, dont la musculature faisait concurrence à la sienne, s'appuyèrent sur le comptoir de chaque côté de son propre corps.

— Si je te propose un verre, est-ce que je vais être accusé de tenter de profiter de toi ?

Un accent, assez léger, ronronna presque à son oreille. Changbin sourit plus franchement, il aimait beaucoup le ton et les mots choisis par l'homme.

— T'as du cran pour penser pouvoir profiter de moi, rétorqua-t-il en prenant une gorgée de sa boisson.

— Je connais surtout mes capacités, mais oublions le verre. Ce n'est pas ce qui m'intéresse le plus, soyons honnêtes.

De plus en plus titillé, Changbin termina sa boisson d'une traite et son dos appuya davantage contre le torse de l'homme derrière lui.

— Si tu me disais plutôt ce que tu veux au lieu de jouer au mystérieux.

Un rire grave et chaud frôla son oreille. Les pectoraux appuyèrent contre ses muscles dorsaux alors que les mains de l'inconnu quittaient le comptoir pour venir enserrer sa taille. Les doigts s'enfoncèrent dans ses hanches sans douceur. Une décharge électrique le traversa, mais ce ne fut rien comparé au frisson qui le transcenda à l'aveu brutalement sexy. 

— J'ai terriblement envie de te baiser. 







Nda : 

Bonjour, c'était le chapitre du lundi sur My Immortal, j'espère que vous aimez cette histoire ! Dites le moi en commentaires ou en lâchant une petite étoile ;) On se retrouve la semaine prochaine pour la suite de la fiction, prenez soin de vous !

Dalion~ Kiss :3

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top