Chapitre 29
Changbin serra les poings à s'en faire blanchir les phalanges. Les mots de Jisung se frayaient lentement un chemin à travers la brume rouge de son esprit et, lorsqu'ils l'atteignirent enfin, il recula d'un pas comme s'il avait été frappé. Il déglutit, usant de toutes ses capacités de contrôle pour rester calme et concentré. Changbin prit une profonde inspiration.
— C'est un vampire, c'est pas comme si c'était grave pour vous.
— Normalement non, mais dans son état actuel... ça ne lui sera certainement pas fatal, ajouta précipitamment le blond, mais il doit être très affaibli. Il ne pourra jamais se libérer de ma mère comme ça et Minho...
Les larmes débordèrent sur les joues de Jisung, provoquant le recul immédiat de Changbin. Il se détourna de la scène, mal à l'aise, pour se concentrer uniquement sur Hyunjin. Son employeur, le seul à être présent alors qu'il était la cible principale. Quelque chose ne collait pas. Il devait comprendre quoi.
— Pas que je suis pas heureux de te voir en un seul morceau patron, mais comment tu t'en es tiré ?
Hyunjin haussa un sourcil, un sourire froid étirant tout juste ses lèvres. Il lui fit signe de le suivre dans la petite cuisine, toujours bloquée au siècle dernier, et ils s'assirent chacun d'un côté de la table. Jeongin ne les suivit pas, préférant réconforter Jisung qui n'avait pas bougé de l'entrée. Changbin accepta la tasse de café qui fut posée devant lui. Il avait mis ça de côté, mais son corps commençait à manifester des signes évidents de fatigue et des crampes menaçaient d'éclater dans ses mollets. Il avait grand besoin d'une pause.
Il repoussa dans un coin de sa tête le fait que Chan n'avait certainement pas le même temps devant lui, même si l'effort lui coûta une grimace.
— Tu vas bien, patron ?
Le regard fatigué qui fit écho à sa question se chargea de lui fournir une réponse.
— Je suis vivant et libre, donc j'imagine que ça va, marmonna Hyunjin. Par contre, j'aime pas vraiment l'idée d'avoir été chassé de chez moi par une bande de petits sacs à merde trop ambitieux pour leur bien.
Changbin vit ses poings se serrer au point que les doigts fins de l'hybride creusèrent des marques sur le rebord de la table.
— Comment est-ce que tu as pu t'en sortir ? Et pourquoi les deux autres ne sont plus là ? Ils n'ont aucun intérêt pour les Han, je ne comprends pas pourquoi ils ne les ont pas juste tués. Ils s'encombrent inutilement avec des otages, ils devraient savoir que tu ne négocies pas.
La question lui causa une désagréable sensation à la poitrine, mais il se devait de la poser. Avoir Chan et le sale matou ne leur servait à rien. Alors, pourquoi les emmener avec eux plutôt que de les abattre sur place ? Hyunjin soupira lourdement et se laissa glisser dans le fond de son siège. Il semblait bien moins impressionnant ainsi, il semblait plutôt lessivé et sur le point de tomber de fatigue.
— C'est grâce à Jeongin que je m'en suis sorti, avoua son sauveur. En rentrant plus tôt de votre sortie, il a senti une utilisation de charme dans le périmètre de la planque. Les Han s'en sont servis pour faire évacuer les lieux à la majorité des humains pour s'assurer d'avoir le champ libre et peu de témoins gênants. Ils n'ont pas dû vouloir prendre le risque d'impliquer les chasseurs dans l'histoire en s'en prenant à des humains.
De la même manière qu'il avait lui-même détecté les multiples tentatives de Chan pour pénétrer dans son esprit, Jeongin avait dû comprendre que quelque chose se tramait mais n'avait pas été affecté. Sa formation de tueur l'ayant entrainé à garder son calme, il avait dû pouvoir agir rapidement et de la manière la plus adaptée à la situation. Changbin se mordit la langue. C'était du beau travail, Jeongin avait assuré sur ce coup-là alors que lui avait été trop occupé à se disputer avec Jisung pour se montrer efficace et professionnel. Il avait été moins compétent que son cadet. Cette information lui restait en travers de la gorge, pourtant il ne pouvait pas la réfuter.
— Je ne me souviens pas de grand-chose pour être honnête avant son arrivée, souffla Hyunjin. C'était comme avoir la tête dans du coton. Je sentais que quelque chose était bizarre, Chan l'a remarqué avant moi et il a dit quelque chose, mais je n'ai aucune idée de ce que c'était. J'étais incapable de bouger.
Les traits du visage de l'hybride se durcirent, Changbin sentait sa colère. Elle exsudait par chaque pore de sa peau, un peu comme la sienne.
— Lorsque Jeongin m'a attrapé et m'a tiré avec lui, c'est comme si je remontais à la surface après une longue période d'apnée. Je pouvais à nouveau bouger. Chan nous a dit de partir, qu'ils allaient les retenir aussi longtemps que possible et qu'ils nous retrouveraient après. La suite, tu la connais. Je suis venu ici et Jeongin faisait un tour des environs quand vous l'avez trouvé.
La gorge de Changbin se noua.
— On était dehors avant même qu'ils n'arrivent devant le bâtiment, soupira Hyunjin en se massant les tempes.
— L'immunité de Jeongin a déteint sur toi, c'est pour ça que tu as pu échapper au contrôle mental de ma mère tout en étant un hybride. Même Chan a dû en baver pour lui résister, souffla Jisung en les rejoignant, et c'est aussi pour ça qu'elle ne savait pas que tu n'étais plus dans le bâtiment lorsqu'elle est arrivée. Jeongin a agi comme une cape protectrice sur toi.
Hyunjin hocha sobrement la tête, le regard sombre. Changbin le comprenait, ils étaient pareils sur ce point-là. Le rôle de la princesse en détresse n'était pas fait pour eux. Ils avaient l'habitude de dominer le monde, alors lorsque les rôles s'inversaient c'était toujours difficile à avaler.
Changbin se frotta les mains contre le visage. Ses nerfs étaient à fleur de peau. Il allait exploser.
— Pourquoi personne répond à ma putain de question depuis tout à l'heure ? grogna-t-il.
— Laquelle ? s'immisça Jeongin.
— Pourquoi le sale matou et Chan sont avec eux ? siffla Changbin.
— Aucune idée.
Ce n'était pas étonnant, mais la question ne lui était pas adressée alors Changbin ne prit même pas la peine de lui répondre. À la place, il fit alterner son regard entre les deux hybrides. Un silence de mort pesait sur leurs épaules. Hyunjin finit par capituler le premier, un lourd soupir s'échappant d'entre ses lèvres charnues.
— J'ai pas les réponses que tu veux, Changbin. Tout ce que je sais, ce sont des choses dont je me souviens alors que j'étais encore là-bas.
L'assassin comprit qu'il faisait référence aux vampires, sa famille biologique.
— Chan connaissait déjà mon père avant ma naissance, mais je ne sais pas trop quelle est leur relation au final. Je t'ai dit que Chan était comme un bras droit pour mon père, mais ce n'est pas totalement vrai. Ils sont en affaires ensemble, ils se respectent et je pensais que Chan travaillait pour mon père, mais il y a une phrase qui m'a toujours fait douter. Un jour, mon père a dit à Chan que personne ne devait jamais savoir pour lui, pas tant qu'il n'était pas prêt et qu'il n'était pas sûr de ce qu'il voulait. Je... je sais pas pourquoi, je me suis dit que peut-être... peut-être Chan était aussi son fils. Peut-être que les Han veulent s'en servir pour faire pression sur mon père pour obtenir quelque chose de lui, ou de moi s'ils pensent que c'est mon frère.
La mâchoire de Changbin manqua de se décrocher. Il s'était attendu à plusieurs choses, mais certainement pas à ça. Son patron et son amant, frères ? Une toux légère mit fin au silence et Jisung s'avança. Il avait les yeux rouges et gonflés d'avoir pleuré, le teint blafard, mais il se tenait aussi vaillamment que possible.
— Chan n'est pas ton frère, avoua-t-il du bout des lèvres. Si tu veux tout savoir, vous n'avez même aucun lien de parenté. C'est juste que... alors qu'il n'avait plus rien, plus de famille ni d'endroit où aller, ton père lui a tendu la main. Il l'a recueilli, l'a soigné, a pris soin de lui le temps qu'il grandisse et l'a soutenu. Chan respecte énormément ton père, c'est pour ça qu'il a accepté de venir veiller sur toi et que ton père a osé lui demander.
— Oh, s'étonna Hyunjin. J'imagine que c'est mieux comme ça, au moins mon père ne m'a pas caché un frère, mais je ne comprends pas pourquoi il m'a laissé le croire...
— Parce que c'était moins risqué pour toi de croire à un frère issu d'une autre union que de savoir que vous cachiez le seul survivant de la famille royale, chuchota Jisung sans oser les regarder. Ton père ne voulait pas te mettre en danger, mais il ne pouvait pas laisser la famille à laquelle il était loyal perdre son dernier membre.
L'aveu tomba comme un couperet.
Tous les regards convergèrent vers le blond qui s'obstinait à observer ses pieds. Changbin déglutit difficilement. Chan était un prince ? Un roi ? C'était de lui qu'il était question dans l'histoire de la chute des vampires, pourquoi n'avait-il pas été capable de faire le lien tout seul ? C'était d'une évidence insolente. La rage s'empara à nouveau de lui, dirigée contre lui-même cette fois, et contre le vampire qui lui avait caché cette information.
— Alors quoi ? cracha Changbin. Pourquoi ne pas juste finir le travail et l'achever sur place ?
— Chan est la dernière personne à pouvoir leur donner ce qu'ils veulent, balbutia Jisung. Le sérum est une chose, c'est une manière de se faire de l'argent ou d'avoir le pouvoir, mais ce n'est qu'un bonus comparé à Chan. Ils veulent de lui le pouvoir qu'ils n'ont pas pu obtenir de sa famille.
— Et Minho ?
La voix de Hyunjin s'imposa calmement alors Changbin tremblait, à deux doigts d'exploser. Les yeux de Jisung s'emplirent à nouveau de larmes.
— C'est vrai, insista Jeongin. Je comprends pour Chan avec les explications, mais pourquoi Minho ?
— C'est compliqué, je...
— Putain, arrête avec tes conneries, s'emporta l'assassin. J'en ai plus qu'assez de vos secrets de merde. Regarde où on en est aujourd'hui, tu crois vraiment que ça sert encore à quelque chose ? Vous me gonflez depuis le début pour qu'on soit une équipe, et au final quoi ? Ça me flingue de l'admettre, mais le seul à être honnête ici c'est lui !
Il pointa Jeongin d'un doigt rageur, hors de lui. Tous, ils mentaient ou cachaient tous des informations depuis le début. Chan, Minho, Hyunjin et même Jisung. Certainement Yeji aussi. Il ne pouvait croire personne.
— Changbin, calme-toi, le mit en garde Hyunjin.
— Que je me calme de quoi ? rugit l'assassin.
— C'est inutile de se mettre dans un état pareil pour pas grand-chose.
Interloqué, Changbin s'arrêta le temps de dévisager son sauveur. Ce dernier l'observa en retour, aucune expression lisible sur ses traits. Un bref rire, cynique, secoua le tueur à gages.
— Pas grand-chose ? répéta-t-il.
Hyunjin soupira avant de combler la distance qui les séparait. Ses prunelles rougeoyantes plongèrent dans celles de Hyunjin qui frissonna. Elles étaient glaciales, porteuses d'une promesse mortelle.
— C'est exactement ce que j'ai dit. C'était leur job de me protéger, ils étaient là pour ça. Pas de chance, ils sont tombés aux mains de l'ennemi, mais c'est tout. On s'arrête là. Je vais engager d'autres gardes du corps le temps que cette histoire se termine, mais il n'y a aucune raison pour s'enflammer.
Le sang dans les veines de Changbin se mit à bouillir dangereusement. Pour la première fois, l'envie de se jeter sur son sauveur le prit à la gorge, menaçant de l'étouffer.
— Ce qui m'amène à une dernière chose, Changbin, reprit l'hybride. Tu es à moi, ce sont mes ordres auxquels tu dois obéir. Je t'ai laissé t'amuser avec Chan, mais je ne t'ai jamais autorisé à me désobéir ou à regarder ailleurs. Ne l'oublie, n'oublie jamais pour qui tu travailles et tes priorités.
Elle était là la limite, celle que Changbin avait dépassée sans même s'en apercevoir. Un frisson dévala son échine alors qu'il reculait d'un pas. C'était son ultimatum. Hyunjin ou Chan. Un choix qui lui semblait évident quelques semaines plus tôt, mais qui ne l'était plus tant que ça à présent que son cœur lui hurlait d'aller récupérer son vampire.
— Est-ce que tu as bien compris ce que je viens de dire ?
L'assassin tressaillit sans répondre. La grande main de Hyunjin se referma silencieusement sur sa gorge alors que ses lèvres s'approchaient de l'oreille de Changbin.
— Est-ce que tu as compris ? articula-t-il lentement.
Il ne voulait pas faire ce choix, pourtant il était inévitable. Le jeune homme ferma les yeux, le larynx comprimé juste assez pour que ce soit douloureux à chaque inspiration.
— Je te dois la vie, patron, et je veux tenir ma promesse de toujours veiller sur toi. Sauf que... je peux pas l'abandonner non plus. Je lui dois la vie à lui aussi, je peux pas lui tourner le dos alors que pour une fois nos rôles sont inversés.
Il ne pouvait pas choisir.
Nda :
Hello ! Le chapitre de cette semaine est un peu plus court, mais j'espère que vous l'avez quand même apprécié et que les nouvelles infos étaient cool à apprendre :)
Dalion~ Kiss :3
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