Chapitre 9


Il courait.

Il courait à perdre haleine, le souffle court, sans se poser de questions. Aucune pensée ne traversait son esprit. Il devait juste courir. C'était tout ce qu'il avait en tête, la seule chose dont il était certain.

Courir.

Et ne pas s'arrêter.

Sa respiration lui faisait penser à un buffle en rut. Sa vision commençait à devenir floue, s'il continuait, il allait s'évanouir, et Kagami et sa bande allait le rattraper et lui graver des lettres sur son ventre. Il ne voulait ressentir cette douleur une seconde fois, il préférait encore mourir d'épuisement.

Jin finit tout de même par s'arrêter, à la limite de l'hyperventilation. Il opta pour une marche rapide en entendant les cris lointains mais qui se rapprochaient de ses assaillants. Bien qu'il eut repris son souffle, il était toujours épuisé par son sprint, et ses yeux lui jouaient des tours. Il se prit un tronc d'arbre mort, manqua de se vautrer en butant contre une vieille racine, et atteignit un long ruisseau. Cela le rassura et l'effraya à la fois, ce ruisseau se trouvait au centre de la forêt de Derry, ce qui signifiait qu'il avait parcouru une bonne distance en relativement peu de temps, mais aussi qu'il allait avoir du mal à trouver la sortie de ladite forêt.

Jin ne se posa toujours aucune question et s'avança vers le ruisseau à grands pas mécaniques, redoutant à chaque seconde d'entendre Kagami ou un de ces extras. Son coeur battait si fort qu'il pouvait distinguer chacun de ses battements, et se concentra dessus pour éviter toute distraction extérieure qui le retarderait. Seulement, il était si concentré qu'il ne vit pas la pierre devant lui et trébucha dessus.

Jin poussa un glapissement de surprise et positionna instinctivement ses mains en avant. Ce réflexe lui protégea le visage, mais lui écorcha vigoureusement les paumes. Ses genoux ne furent pas épargnés non plus, et Jin geignit plaintivement, fatigué de la malchance qui lui collait à la peau depuis le début de la journée. Des larmes de panique et d'agacement roulèrent furieusement le long de ses joues mouillées. Sérieusement, il était maudit ou quoi ? C'était quoi son problème, à la fin ?


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Keigo Takami jeta son vélo rouillé sur la berge parsemée d'herbe et de gravier, juste à côté de celui flambant neuf de Toya. Le blond grimaça, envieux. Le brun avait toujours des affaires neuves, impeccables - du moins au début, Toya n'était pas très soigneux-, tandis que lui manquait de moyens, son argent de poche étant largement inférieur à celui de son ami. Et il ne pensait pas à réclamer quoi que ce soit à son père, surtout pas de l'argent.

-Il y a de l'herbe à puce partout, c'est dégoutant !

Keigo sortit de son monologue intérieur, et se tourna vers un Tenko écœuré par à peu près toute la végétation.

-C'est pas de l'herbe à puce, 'Ko, juste de l'herbe tout court. Arrête de faire ton parano !

-Mais ça me gratte ! se plaignit Tenko. Ça me gratte partout ! Si c'est pas l'herbe à puce qui fait ça, c'est quoi, alors ?

-T'utilise la même salle de bain que ta mère ?

Tenko grimaça à cette question et leva les yeux au ciel. Il savait très bien ce qui allait suivre.

-Oui, parfois !

-Alors t'as du attraper des morpions ! ricana Keigo, fier de lui.

-Hahaha, c'est tellement pas drôle ! beugla Tenko en imitant son rire, vexé mais habitué à ce type de blague de la part du blond.

Keigo l'ignora royalement et rejoignit Toya en trottinant joyeusement. Cela n'avait rien de romantique, ils se trouvaient quand même dans des égouts, mais il ne pouvait pas empêcher son coeur de tambouriner comme un fou dans sa poitrine au fur et à mesure qu'il se rapprochait de son ami. Mais c'était normal de ressentir ça, non ? Pour un ami très proche ?

Toya jeta un petit coup d'œil au blond à côté de lui, et les deux garçons échangèrent un regard complice avant de se tourner vers Tenko, qui était resté devant l'entrée des égouts, une mimique dégoûtée ornant son visage blême.

-Tu viens pas avec nous ? lui demanda Keigo.

-Nan. Ce sont des eaux usées !

-C'est quoi, des eaux usées ? railla le blond, légèrement irrité par le manque de coopération de son ami.

-En gros, de la merde et d'la pisse ! Vous êtes en train de patauger dans des millions de litres de pipi ! Hors de question que je patauge là dedans moi aussi ! refusa catégoriquement Tenko.

Keigo ramassa un bâton sec, le trempa dans l'eau brunâtre et le rapprocha de son nez. Tenko le regarda avec des yeux exorbités, et se retint de s'élancer vers lui pour éloigner ce bâton de son visage. Il réussit néanmoins à contenir son instinct protecteur et ne bougea pas d'un pouce, les poings serrés.

-Je trouve pas que ça sente le caca, moi ! T'es sûr ce que tu dis ?

Cette fois ci, Tenko se retint de s'élancer vers lui pour l'étrangler à deux mains.

-Eh bah moi je le sens d'ici, okay ?

-C'est sûrement ton haleine qui te revient en pleine face ! assena Keigo, un sourire narquois aux lèvres.

Tenko dut faire appel à tout son self-control pour s'empêcher de noyer Keigo dans ces eaux immondes.

-T'as jamais entendu parler de staphylocoque ? s'écria-t-il, hystérique.

-Les gars ! les coupa Toya d'une voix grave.

Les deux garçons cessèrent de se chamailler et se pivotèrent vers le brun, qui s'était enfoncé dans la cavité sombre et humide. Keigo se hâta de le rattraper, contrairement à Tenko qui resta cloué sur place, fixant l'eau boueuse qui dégageait une odeur infecte de ses grands yeux rubis, hésitant à imiter le blond et rejoindre son ami.

-Oh mon Dieu... Me dis pas que c'est. . . souffla Keigo, le corps parcouru d'un long frisson.

-Non, le démentit Toya en secouant légèrement la tête. Shoto portait des bottes de pluie.

Tenko put alors distinguer ce que Toya tenait entre ses mains, c'était une chaussure à lacets, sale et portant la même couleur que l'eau dans laquelle ils patouillaient. Un haut le coeur le saisit violemment à la gorge, et le jeune homme eut envie de vomir.

-C'est le soulier de qui, alors ? demanda-t-il.

Keigo orienta sa lampe torche à l'intérieur de la chaussure à moitié moisie, et y lut quelque chose qu'il aurait préférer ne pas lire.

-Megumi Anko, bafouilla-t-il.

Le sang de Tenko se glaça. Megumi Anko n'avait pas disparue dans la forêt, mais en pleine ville. Comment diable sa chaussure pouvait-elle se trouver ici ?

-J'aime pas ça du tout, les gars, ça devient glauque !

-Et tu crois que Megumi, elle aime ça ? Courir dans ces tunnels avec un seul soulier ! ironisa Keigo en sautillant à cloche-pied.

Un blanc accueillit sa blague de très mauvais goût, et Keigo se sentit soudainement très seul.

-Et si elle était encore là ? ânonna Tenko.

Toya lui jeta un court regard, puis s'engouffra plus profondément dans la cavité, suivi de près par Keigo.

-Aller, viens, Tenko ! le héla le blond.

-Ma mère va faire une rupture d'anévrisme si elle apprend que je suis venu ici ! C'est hors de question ! Toya ! Dis un truc, quoi !

L'appelé s'arrêta dans sa lancée, et se tourna vers son ami, le visage à moitié caché par l'obscurité. Néanmoins, Tenko put remarquer sans mal toute la peine et la frustration dans ses yeux.

-Si j'étais Megumi Anko, j'aimerais qu'on me retrouve, déclara-t-il. Shoto aussi.

-Et si moi, j'ai pas envie de les retrouver ?

Keigo ouvrit de grands yeux, choqué par ce que venait de dire son ami.

-Je veux dire, se reprit-il, le prends pas mal, Toya, mais j'ai pas envie de finir comme. . . Enfin, j'ai pas envie d'être porté disparu.

Un silence de plomb accompagna sa réplique. Tenko se mordit la lèvre inférieure en se maudissant intérieurement.

Il avait encore manqué de tact.

-C'est l'été, non ? On est censé s'amuser ! C'est pas ce que j'appelle s'amuser. Là, c'est effrayant et dégoûtant-

Sa phrase fut coupée par un "plouf" bruyant. Les trois garçons sursautèrent, et Toya et Keigo se rapprochèrent rapidement de l'entrée du tunnel. Ils s'aperçurent que la cause de leur frayeur était en fait un garçon de leur âge, en mauvais état, les vêtements déchirés, le visage tartiné de boue et à quatre pattes dans l'eau. Keigo écarquilla les yeux en le reconnaissant.

-Nom d'un chien, qu'est ce qui t'es arrivé, le nouveau ? s'exclama le blond.




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Coucou !

Encore désolée pour le retard de ce chapitre, et merci pour ceux qui sont encore là ! J'ai reçu quelques messages d'entre vous, tous super gentils, vous êtes géniaux !

En ce qui concerne le retard des chapitres, c'est pas que j'ai pas envie d'écrire, au contraire, c'est juste que j'ai plein de devoirs, et quand j'ai fini, je trouve pas toujours la motivation pour me mettre à écrire un chapitre. Je vais me rattraper pendant les vacances de février, il y aura sûrement un chapitre par jour ou tout les deux jours, promis.

Dans le chapitre suivant, Himiko va rencontrer nos chers ratés, et on va en apprendre un peu plus sur le père de Keigo.

Merci d'avoir lu et à bientôt !

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