Chapitre 6
Kai Chisaki, 17 ans, conduisait calmement sa bicyclette. La musique de son walkman braillant dans ses oreilles, il accéléra pour ne pas être en retard. Il devait livrer de la viande à certaines boucheries, et cela ne l'enchantait pas du tout.
Enfin, c'était toujours mieux que d'exécuter des brebis.
Kai frissonna rien qu'à cette pensée. Il détestait faire du mal aux animaux, et pourtant, il travaillait dans un abattoir. Comment en était il arriver à là ? C'était à la fois simple et compliqué. Ses parents étaient morts dans l'incendie qui avait ravagé leur maison. Ses grands parents l'avaient recueilli et son grand père travaillait dans un abattoir. Et bien sûr, il ne lui laissait pas le choix de travailler avec lui ou non. En rajoutant le fait qu'il était exécrable et ne supportait pas son refus de tuer des animaux, Kai en avait vraiment sa claque. Il voulait être libre de faire ce qu'il voulait quand il voulait.
Mais que pouvait-il bien faire, à 17 ans à peine ?
Kai ralentit doucement en arrivant en ville, et descendit de son vélo en montant sur le trottoir. Une autre chose qui exaspérait son grand père, c'était qu'il était maniaque, à tel point qu'il vomissait de dégoût après chaque séance à l'abattoir, qui était affreusement sale. C'est pourquoi Kai mettait un point d'honneur à ne commettre aucune infraction routière.
Le garçon livra deux ou trois boucheries, avant d'apercevoir Kagami et sa bande dans une voiture au coin de la rue. Kai se hâta de s'engouffrer dans une longue ruelle sombre pour leur échapper. Les rares fois où il les avait croisés, il avait fini soit avec une nouvelle coupe de cheveux pas très réussie, soit roué de coups et d'insultes, tout ça parce qu'il était un étranger. Alors, non, il n'avait pas vraiment envie de les rencontrer.
Kai avança prudemment dans la ruelle, en faisait bien attention à la direction que prenait la voiture de Kagami et ses extras. Il n'avait pas retenu leurs noms, il savait juste que Kagami était le chef, et qu'il avait des ennemis, vu les blessures d'un de ses membres.
Kai sursauta et s'immobilisa en entendant un bruit. Il se retourna lentement, et constata que c'était des chaines qui fermaient une porte qui avaient fait ce bruit. Kai continua son chemin avant de s'immobiliser à nouveau.
Il n'y avait pas de vent. Personne d'autre que lui ne se trouvait dans cette ruelle. Le bâtiment fermé par les chaînes était abandonné, d'après la pancarte collée sur la porte.
Comment ces chaînes avaient-elles bougé ?
La porte poussa violemment contre les chaines, et Kai bondit en arrière, effrayé. De la fumée s'échappa de l'embrasure de cette même porte, et des mains en sortirent en rampant contre le mur.
Le coeur de Kai s'affola. Ces mains étaient sévèrement brûlées.
Des souvenirs terribles lui revinrent en mémoire, et Kai se revit, à quatorze ans, debout devant la porte de sa chambre, les yeux exorbités et rivés sur la poignée en métal orange de chaleur, les hurlements effroyables de ses parents lui déchirant les oreilles et lui perçant le coeur. Toute la pièce était couverte de suie, dégoûtante, et les mains brûlées de ses géniteurs tentaient de défoncer la porte.
Kai les entendait à nouveau, ces hurlements qui l'avaient traumatisé. Sauf que ce n'était pas un souvenir, c'était réel : des gens criaient son prénom et le suppliaient de déverrouiller la porte.
Kai s'avança, les mains tendues, vers la porte. Puis il reprit ses esprits et s'immobilisa, en se bouchant désespérément les oreilles. Après quelques secondes, les cris cessèrent et les mains disparurent en même temps que la fumée. Kai se déboucha les oreilles, et recula. Peu importait qui lui avait joué cette sale blague, il ne voulait pas savoir, juste quitter cet endroit et ne plus jamais le réemprunter.
La porte s'ouvrit d'un seul coup, et le coeur de Kai rata un battement.
C'était obscure, mais il pouvait distinguer sans problème une longue silhouette à l'intérieur. Kai écarquilla les yeux, terrifié, et ne bougea plus un orteil.
La silhouette agita lentement la main, comme pour lui dire bonjour.
Kai ne respirait plus. Ne bougeait plus.
C'est alors que la voiture de Kagami déboula dans la ruelle, et Kai eut à peine le temps de se jeter au sol contre le mur pour éviter de se faire écraser comme une crêpe.
-Sors de ma ville, sale étranger ! lui cria ce dernier en lui jetant le reste de son soda à la figure.
Ceci dit, Kagami partit aussi vite qu'il était arrivé, et Kai se retrouva de nouveau seul.
Pour la première depuis qu'il était arrivé à Derry et qu'il avait rencontré Kagami, il était reconnaissant à lui et sa bande, pour avoir débarquer et interrompu sans le savoir une rencontre très spéciale qu'il n'avait pas envie de renouveler.
Kai se releva, saisit sa bicyclette et fila sans demander son reste.
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-Prenez tout ce que vous voulez, sauf les gâteaux à la vanille, ce sont les préférés de ma mère, prévint Tenko.
Les trois amis se trouvaient chez Tenko lui-même, et préparaient une excursion dans les égouts, menée par Toya pour retrouver son petit frère. Ses deux amis avaient accepté lorsqu'il leurs avait demandé par talkie-walkie, en entendant sa voix tremblante. Si Keigo était prêt à suivre Toya jusqu'en enfer s'il le fallait, Tenko, lui, regrettait un peu d'avoir accepté.
-Sérieusement, Toya, les égouts ? D'abord, c'était les friches mortes, et maintenant, ça ? Et si on se fait prendre ?
-Ça n'arrivera pas, Tenko. Les égouts, ce sont les travaux publics. Et le public, c'est nous !
Tenko leva les yeux au ciel. Il aimait beaucoup son ami, mais n'avait pas spécialement envie de faire une promenade dans des égouts puants. Il espérait que Keigo proteste, mais ce dernier préparait tranquillement ses affaires, muet comme une carpe, pour une fois. Mais pas pour bien longtemps.
-Hé, Tenko ! Ce sont tes pilules contraceptives ? plaisanta-t-il en pointant du doigt des dizaines de petits flacons de gélules blanches.
-Touches pas à ça ! C'est pas à moi, grommela Tenko, vexé de la pique et du manque de soutien de son ami.
Keigo s'esclaffa et Toya ricana. Une fois leurs sacs prêts, les trois garçons sortirent de la cuisine et se dirigèrent vers l'entrée de la maison pour sortir.
-Tenko, mon lapin...
Les trois amis s'arrêtèrent simultanément. Keigo se retint de pouffer à l'entente du surnom ridicule, et Toya contint difficilement un soupir d'agacement. S'il lui manquait une qualité, c'était bien la patience.
-Où est ce que vous allez, comme ça ? interrogea la mère de Tenko.
Avachie sur son énorme fauteuil, elle scrutait Toya et Keigo de ses petits yeux de fouine endormie. Tenko déglutit, mal à l'aise.
-On va juste jouer dans mon jardin, madame Shimura, l'aida Keigo. Au, euh, croquet ?
La femme d'une quarantaine d'années l'observa attentivement, comme pour détecter un quelconque mensonge. Et des mensonges, il y en avait : déjà, Keigo n'avait pas de jardin, il vivait dans un appartement, et en plus, c'était dans les égouts qu'ils allaient "jouer". Sauf que Keigo était passé maître dans l'art du mensonge, et la vieille bique tomba dans le panneau.
-Tenko, mon chéri, ne te roule pas dans l'herbe, encore plus si elle vient d'être tondue. Tu sais à quel point tu es allergique.
-Oui maman, grinça Tenko.
Il fit signe à ses amis de sortir, mais sa mère les arrêta une nouvelle fois.
-Tu n'oublies rien ?
Tenko serra les dents, excédé. Il se retourna, s'avança vers sa mère, et déposa un baiser sur sa joue humide de crème hydratante. Keigo retenait un rire nerveux, lorsque Tenko passa devant lui, sombre. Ils sortirent enfin de la maison, dans un silence de plomb, très gênant.
Toya se racla la gorge, décidé à faire disparaitre le malaise qui pesait.
-Bon ! On y va ?
Puis la tension retomba d'un coup lorsque les trois compères éclatèrent de rire. Keigo s'écrasa au sol, secoué de spasmes et riant aux larmes. Tenko imita la voix grincheuse de sa mère en s'étouffant à moitié, et Toya se tordait de rire en voyant l'imitation très réussie de son ami.
Leur fou rire dura quelques minutes, puis ils se relevèrent et grimpèrent sur leurs vélos respectifs, direction les égouts. L'"entrée" la plus proche se trouvait en plein coeur de la forêt de Derry, il y avait environ un quart d'heure avant d'y arriver.
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J'appréhendais l'entrée en scène de Overhole, parce que je pensais que ça allait être dur à écrire, mais en fait, c'était super facile, et je l'ai écrite en dix minutes.
Le prochain chapitre sera du point de Twice, et il va rencontrer notre cher Gripsou.
C'est un monde sans alter, mais dans le résumé j'ai laissé entendre que Tenko allait récupérer son alter. Au point où j'en suis, je ne sais pas trop comment je vais faire pour introduire ça, alors je voulais vous demander votre avis !
Est ce que vous voulez que Tenko ait son alter ? Ou d'autres personnages ?
En tout cas, merci d'avoir lu et à bientôt !
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