Chapitre 14
Les cinq amis depuis peu enfourchèrent leurs vélos et bicyclettes et pédalèrent jusqu'à atteindre la maison de Jin, à environ dix minutes du bois. Étonnement, la bande fraîchement formée ne croisa pas Kagami ou même l'un de ses sous-fifres, au grand bonheur de Jin et d'Himiko. Ces derniers souffraient de multiples brimades et agressions en tout genre, ces petits cons ne leurs faisaient pas de cadeaux. Ils évitaient cependant de s'en prendre au trio improbable et inséparable que formaient Tenko, Toya et Keigo, tout simplement parce que les deux premiers étaient loin d'être faibles, et que le blondinet bénéficiait de leur protection sans s'en rendre compte. Tetsuo s'était déjà attaqué à lui, ignorant les divers avertissements de ses amis, et lui avait cassé le poignet : il l'avait fait tombé dans les couloirs à l'aide d'un croche pied, et avait marché sans ménagement sur son poignet. Mal lui en pris. Il s'était retrouvé avec le visage tuméfié de coups de poing acharnés et son propre poignet foulé. Personne n'avait jamais trouvé l'identité du coupable, mais il ne fallait pas être une tête pour le deviner.
Le petit groupe s'arrêta devant le domicile du plus jeune. Il s'agissait d'une charmante maison en bois, avec un grand jardin verdoyant.
- Sympa, ta baraque, lui confia Tenko.
- Euh, merci, bredouilla Jin, toujours un peu méfiant vis à vis du brun.
Les adolescents entrèrent sans plus tarder dans la "baraque", se déchaussèrent, tandis que Jin s'empressa de se ruer vers sa chambre, se souvenant du bordel incommensurable qui y régnait. Le garçon rassembla ses chaussettes sales, son vieux t-shirt à l'effigie de son groupe de rock favori, tous ses comics Marvel, jeta le tout dans son placard à vêtements, claqua la porte et s'adossa à celle ci, s'efforçant de paraître détendu alors que ses camarades pénétraient tranquillement dans la pièce.
Keigo secoua sa tignasse humide et ondulé, et parcouru la chambre de son regard ambré, son éternel sourire doux comme du miel au lèvres.
- Cool, ta piaule, lâcha-t-il nonchalamment.
Jin lui adressa un rictus crispé, auquel Keigo répondit par un gloussement.
- T'as dévalisé la bibliothèque, ma parole ! railla Tenko. C'est quoi, tout ça ?
Le brun pointa les dizaines de photographies scotchées au mur, interloqué.
- Je les ai empruntées.
- Empruntées définitivement, ouais, jasa-t-il. Et ça, c'est quoi ?
- La charte de municipalité de Derry, répondit timidement Jin, peu rassuré.
- Un vrai nerd, dis donc.
- Non, à vrai dire, c'est plutôt intéressant, tenta Jin. Derry était au début un camp de coureurs des bois, et-
- Et maintenant, ce sont des coureurs de jupons ! le coupa Tenko.
- Nulle, ta blague, intervint Toya. Vraiment à chier par terre.
- Quatre vingt onze personnes avaient signé la charte à l'origine de Derry, reprit Jin. Mais, l'hiver suivant, ils avaient tous disparu sans laisser de trace.
- Le camp tout entier ? s'étonna Keigo alors qu'une longue mèche blonde lui tombait sur les yeux.
- On a cru que c'était des Indiens, mais il n'y avait aucune trace d'attaque. Ensuite, on a cru à une épidémie ou un fléau, mais tout le monde avait purement et simplement disparu. La seule chose qu'on a retrouvé, ce sont des vêtements tachés de sang près du puit de la ville, finit Jin.
- Ils devraient faire un documentaire sur tous les mystères de Derry, y'en a un paquet, proposa Keigo en tremblant légèrement, remué par ces déclarations lugubres.
Jin se sentit brusquement attiré par l'arrière, et se retourna, pour voir Himiko en face de la porte de sa chambre, un sourire jusqu'aux oreilles. Son poster des "New Kids On the Block" était exposé à la vue de tous.
Jin supplia Himiko du regard. La blonde pouffa et poussa la porte jusqu'à faire disparaitre le poster compromettant.
- Où se trouve le puit ? les interrompit Toya.
Jin pivota dans sa direction, et fut surpris de constater à quel point son visage s'était assombri. C'est alors qu'il se rappela que le petit frère de ce dernier avait lui aussi disparu comme par magie, et se mordit la lèvre inférieure.
- J'en ai aucune idée, avoua-t-il. En ville, je suppose. Pourquoi ?
- Pour rien, aboya Toya, complètement rembruni.
L'ainé du groupe lorgna les affiches des enfants disparus accrochées au mur d'un œil mauvais. Il s'en voulait. Il s'en voulait terriblement, parce que, l'espace d'une matinée, il avait oublié Shoto.
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Tenko trottina légèrement, d'un pas tranquille, sans se presser. Sa mère allait surement péter les plombs en le voyant arriver les chevaux mouillés, lui dirait en bavant à moitié qu'il allait attraper la crève, en plein été à 30 degrés. Comme d'habitude, il approuverait son jugement idiot, s'excuserait d'avoir pris tant de risques si dangereux pour sa santé si "fragile", et filerait dans sa chambre pour avoir la paix et pouvoir papoter avec ses amis.
Tout en shootant dans un caillou, Tenko se demanda si Jin et Himiko avaient des talkies walkies. En songeant à Himiko, le brun se sentit affreusement coupable. Il l'avait très mal jugée, se fiant à des rumeurs stupides et écervelées. Apparemment, ceux qui répandaient ces rumeurs n'avaient jamais trainé avec Himiko, parce que la blonde n'avait rien à voir avec l'image dégoutante qu'ils divulguaient. Cette fille n'avait rien d'une salope, et encore moins d'une prostituée. Elle était dynamique, provocante et bizarre par moment, rien à voir avec la nana aguicheuse qui vendait son corps à n'importe qui qu'ils décrivaient.
Tenko accéléra le pas, morose. Il avait vraiment manqué, non pas de tact, mais de sens de déduction.
C'était franchement évident que les rumeurs étaient fausses. Les personnes étant à l'origine étaient des enflures, des tas de fumiers dans lequel il aimerait bien shooter.
Le jeune garçon, toujours plongé dans ses pensées tumultueuses, passa devant la maison abandonnée. Il ralentit, le regard planté sur la baraque délabrée, en ruine et déserte. Un frisson le parcouru. Il avait toujours détesté cette maison, presque autant qu'il détestait Kagami et ses extras. Elle lui flanquait une sacrée frousse.
Ses yeux rouge rubis toujours fixés dessus, Tenko sentit sa respiration s'emballer. Il chercha son inhalateur, tremblotant, alors que la porte de la maison s'ouvrit en grinçant.
Le coeur du brun cessa de battre en même temps que sa respiration se coupa. Son regard fut comme happé, et ses yeux écarlate transpercèrent l'intérieur sombre de la maison.
- Tenko. . .
Le corps du garçon ne bougeait plus. Ses orbites dilatés par la terreur s'immobilisèrent. Il avait l'impression que ses poumons allaient exploser.
Bouge. Maintenant.
Tenko se réveilla brusquement et se remit à marcher à grands pas mécaniques, en toussant violemment. En voulant sortir son précieux inhalateur, il fit tomber son flacon de petites pilules rouges pour la toux, celles que Keigo avait qualifié de "pilules contraceptives".
- Et zut !
Tenko s'agenouilla prestement, au bord de la crise de nerfs. Il ramassa quelques pilules en baragouinant, pressé d'en finir et de rentrer chez lui. Il aurait donné n'importe quoi pour être avec ses amis ou même sa mère et son sermon insupportable.
- Douze, treize, quatorze, compta-t-il.
L'adolescent tendit la main vers la seizième pilule, mais une autre main, noircie, maculée de croûtes violettes, la ramassa à sa place. Tenko, le souffle court, leva la tête et changea de couleur.
- Tu crois vraiment que ça va m'aider, Tenko ? éructa le lépreux.
Tenko exorbita ses yeux, horrifié, et tomba sur les fesses. Il recula, en proie à une terreur inconnue et paralysante qu'il n'avait jamais éprouvé. Le lépreux se releva d'un coup, et avança vers lui en mouvant simplement et mécaniquement ses jambes comme un robot, tout en poussant des grognements affamés.
Le brun recula jusqu'à passer le portail de la maison, incapable de prononcer le moindre mot, la gorge brûlante. Le lépreux lui aboya dessus et Tenko se prit une giclée de bave en pleine figure. Dégoûté, terrorisé, sa gorge se dénoua, sa langue se décolla de son palais, et Tenko hurla sa terreur à plein poumon.
Il se releva et piqua le sprint de sa vie à travers les herbes folles qui lui éraflaient ses mollets nus. Les râles visqueux et avides du lépreux lui semblèrent lointains, Tenko courut jusqu'à se heurter le front contre le grillage en fer du jardin de la maison abandonnée et décrépite. Hors d'haleine, le brun s'agrippa à la clôture, le sang pulsant dans ses veines.
Les grondements voraces et haletants du fanatiques se turent d'un coup, laissant planer un effroyable silence.
Le coeur de l'adolescent freina son rythme déchainé jusque là par l'épouvante, et, lentement, Tenko se retourna, le dos collé contre le grillage, baigné de sueur.
Le brun frôla de très près la crise cardiaque.
Le lépreux avait disparu. À sa place se tenait un clown, au grand sourire, entouré de ballons rouges.
- Où vas tu, 'Ko ? Si tu vivais ici, tu serais déjà à la maison.
Tenko serra le grillage de toutes ses forces pour s'empêcher de crier, si fort que le métal lui rentra dans la peau. Mais il ne sentit pas la douleur. Il était trop terrorisé pour se concentrer sur autre chose que l'abomination qui lui faisait face.
- Tu veux pas suivre le clown, 'Ko ? Tu flotteras en bas, on flotte tous en bas. On flotte tous !
Le clown eut un rire de gorge qui horrifia Tenko et lui donna envie de vomir son petit déjeuner. Il ne réussit qu'à crier, alors que le petit rire se transformait en un véritable fou rire incontrôlable chez l'inconnu. Tenko se débattit contre rien du tout, râcla sa main encore plus fort contre le métal, enfonçant l'acier dans sa peau. Des gouttes de sang glissèrent sur le métal, et la douleur aida le jeune garçon à reprendre ses esprits. Il se pencha promptement et passa par un trou énorme dans la clôture, en priant pour que tout ça s'arrête, qu'il se réveille de cet affreux cauchemar.
Tenko se vautra sur l'herbe rocailleuse, et se retourna accidentellement.
Le clown avait disparu, laissant des ballons rouges éclatés derrière, trace sinistre de son passage.
Tenko, immobilisé, resta quelques secondes haletantes à fixer les morceaux de ballons. Pour la première fois de sa vie, il se sentait vulnérable, faible, fragile. Et cette sensation le glaça.
Des larmes roulèrent le long de ses joues livides. Tenko se remit debout, le corps agité, puis s'enfuit à toute vitesse.
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Kai me manque :/ Pas vous ?
Gripsou commence à passer à l'attaque ! La prochaine victime sera Keigo !
Merci d'avoir lu !☆
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