Chapitre 13
Les cinq compères barbottèrent dans l'eau une vingtaine de minutes, s'éclaboussant, se poussant gentiment et riant comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Ils finirent néanmoins par se regrouper vers un amas de rochers non loin de la berge, et s'assirent sur la pierre chauffée par le soleil ardent. Himiko y avait posé ses affaires un peu avant de plonger. Étonnement, c'était la seule à avoir pensé à prendre une serviette. Les quatre arçons avaient jugé cette précaution inutile, étant donnée la chaleur étouffante de ce mois de juillet. À présent, ils regrettaient quelque peu leur légèreté, surtout Keigo, qui n'avait pas prévu de se faire jeter du haut de la falaise par son propre meilleur ami.
Ses cheveux ruisselaient, sa chemise vert foncé lui collait à la peau, son short gouttait et ses chaussures émettaient un chuintement de caoutchouc mouillé insupportable. Pour couronner le tout, il grelottait.
Le ciel était contre lui, aujourd'hui, en rajoutant sa presque noyade. Cependant, son coeur se réchauffa bien vite en repensant à la manière dont il avait été secouru. Il avait eu la peur de sa vie et était bien décidé à faire la tête à Toya un bon moment, -il avait quand même faillit se noyer ! - mais il ne pouvait pas empêcher son coeur de s'emballer en repensant à la façon dont son ami l'avait serré contre lui. Ses joues s'empourprèrent en se remémorant à quel point il s'était cramponné à lui tel une sangsue. Rouge de honte, Keigo cacha son visage mouillé dans ses mains toutes aussi mouillées, provoquant l'étonnement de Tenko.
Ce dernier sourit et jeta un coup d'œil entendu à Toya, hilare.
- Ben alors, Keigo, qu'est ce qui t'arrive ? demanda-t-il, un grand sourire aux lèvres.
- Sac à chiasse ! hurla le blond, enragé.
- Pardon ?!
- J't'ai entendu rigoler, sale bouffon ! J'ai faillit me noyer et toi, tu t'es tapé la barre de ta vie ! Connard ! Merde croulante !
- Retire ce que t'as dit ! beugla le brun en se rapprochant du blond à grand pas. Retire immédiatement ce que t'as dit !
Le courage impulsif de Keigo fondit d'un seul coup en voyant son ami s'avancer très rapidement vers lui, l'air renfrogné. Son visage blêmit, une expression terrifiée s'y refléta et, par pur réflexe, son corps recula. Sauf qu'en reculant, le blond trébucha sur un bout de rocher et chuta ainsi sur les fesses, amortissant sa chute en écartant les mains en arrière. Tenko ralentit, perplexe, mais ne put effectuer un pas de plus : Toya s'était dressé devant lui, lui barrant la route. Les deux garçons se dévisagèrent sans dire un mot.
- Du calme, les garçons, leur intima Himiko, assise sur sa serviette non loin d'eux. Qu'est ce que vous fabriquez ?
- Rien, la rabroua Tenko, un brin morose.
Il lança un dernier regard interrogateur à ses deux amis, puis rejoignit Himiko et Jin en zigzaguant à travers les rochers aux bords acérés. Toya pivota vers Keigo puis s'agenouilla doucement en face de lui, une ombre fiévreuse voilant son regard polaire.
- Ça va ? murmura-t-il, la tête penchée sur le côté.
Bizarrement, Keigo eut envie de tout lui dire. De cesser de mentir, de lui raconter ce qu'il avait sur le coeur. De dire la vérité, pas un mensonge préparé à l'avance et inventé de toute pièce. De se livrer à lui, son meilleur ami, sur qui il fantasmait depuis belle lurette. Il avait envie. Il avait vraiment envie.
Keigo ouvrit la bouche, puis se ravisa au dernier moment.
- Yep. Mon soi-disant meilleur ami m'a jeté du haut d'une falaise, j'ai faillit me noyer, tout le monde s'est payé ma tête, mais ça va, ironisa-t-il.
- Je t'ai déjà dit que j'étais désolé, protesta Toya. Vraiment. Pardon, rajouta-t-il, comme si ce mot lui brûlait la gorge.
- Mouais, rechigna Keigo, taquin. Pas sûr que ça me suffise, venant d'un voyou comme toi.
- Arrêtez un peu de flirter, tous les deux ! Qu'est ce que vous fichez ? cria Tenko, qui le regretta immédiatement devant le regard noir et particulièrement froid du brun.
Le blond piqua un fard et bafouilla nerveusement, agitant ses mains éraflées autour de son visage rouge pivoine. Sans plus attendre, il se leva précipitamment et vint s'assoir sur un rocher à côté de Jin et en face d'Himiko. Un peu décontenancé, Toya les rejoignit et se posa à côté de Tenko, avec qui il échangea un regard profond. Celui-ci lui répondit par un haussement de sourcils détaché, pas impressionné du tout.
- Alors, Jin, je vais peut-être t'apprendre quelque chose, mais y'a pas de cours pendant l'été, pépia Keigo, la main gauche plongée dans le sac de son camarade.
Jin réprima un halètement, la lettre d'amour qu'il avait écrite se trouvait toujours dans son sac !
- Tiens, qui t'a envoyé ça ? demanda le blond en brandissant la carte, intrigué.
- Personne, rends la moi ! glapit Jin, les joues en feu.
Le garçon arracha la carte des mains de l'adolescent trempé, lequel affichait un sourire rayonnant. Il avait eut le temps de lire quelques mots, devina Jin, affreusement embarrassé. Rouge de honte, il voulu s'enfouir au fond d'un trou, pensant que Keigo allait divulguer en criant son secret. Mais ce dernier se contenta de sourire gentiment et de lui adresser un clin d'œil complice.
- C'est quoi, tout ça ? reprit le plus petit des deux en pointant un tas de feuilles rassemblées dans une pochette de cuir vert.
- Oh, ça, c'est des trucs que j'ai trouvé à la bibliothèque, rien de bien intéressant, expliqua Jin, rassuré.
La sympathie qu'il ressentait pour Keigo venait d'augmenter drastiquement. N'importe qui, ou du moins les gens de son âge qu'il connaissait, se serait empressé de tout raconter à tout le monde. Ça lui était déjà arrivé, dans le passé, et ce n'était pas une expérience agréable du tout. Alors il remerciait généreusement Keigo par la pensée, débordant de reconnaissance.
- Tu t'intéresses à l'histoire de Derry ? T'es un rat de bibliothèque ? poursuivit le blond, curieux.
Jin se crispa légèrement à l'entente de cette appellation. On l'avait déjà qualifié de rat de bibliothèque, de nerd, d'intello, de binoclard, de monsieur-je-sais-tout, et ces surnoms n'avaient rien d'amical. Seulement, il lui semblait que cette fois ci, ce surnom n'avait pas pour but de le blesser. C'était une taquinerie, certes, mais bienveillante en un certain sens.
- Bibliothèque ? Qui a dit bibliothèque ? intervint Tenko, les yeux ronds comme des soucoupes.
Le blondinet releva son nez en trompette de la pochette tandis que le corps de Jin se tendit imperceptiblement une seconde fois. Il avait entendu parler du manque de tact légendaire du Shimura, qui jurait avec la douceur enfantine de Keigo, et craignait une réplique acerbe ou tout simplement déplacée de sa part. Il ne souhaitait pas avoir la honte de sa vie juste devant Himiko, quand même.
- Tu passe du temps à la bibliothèque ? De ton plein gré ? plaisanta-t-il, fier de sa blague.
- Je pense que je vais me mettre à la lecture, moi aussi, décréta Keigo, volant ainsi au secours de Jin. C'est vraiment intéressant, tout compte fait.
Jin le regarda comme s'il venait de le sauver d'une mort certaine, béat de gratitude.
- Je peux voir ? demanda Himiko d'une voix claire.
La jeune fille se redressa et vint s'assoir près de Jin, qui sentit la couleur de son visage virer au rouge cramoisi. Keigo ricana et tendit la pochette à la blonde, un sourire rayonnant aux lèvres. Himiko feuilleta lentement les documents, lisant quelques mots, examinant les différentes photographies.
- Comment t'as réussi à te retrouver le cul sur une chaise à la bibliothèque ? Je veux dire, c'est quand même pas la folie, lire des vieux bouquins tout moisis, nan ? reprit Tenko, se sentant oublié. Sans vouloir être indiscret.
- 'Ko, tu es indiscret, objecta Toya.
Tenko le gratifia d'un coup de coude entre les côtes.
- Ben, disons que, quand je suis arrivé ici, je connaissais personne, alors j'ai commencé à trainer à la bibliothèque, avoua Jin en se tordant les mains, gêné sans même savoir pourquoi.
Sans qu'il ne s'en rende compte, la pochette passa de main en main.
- C'est quoi le "Black Spot" ? finit par questionner Tenko en écorchant grossièrement ses mots.
- Le Black Spot était une boîte de nuit qui a été incendiée par une secte raciste il y a plusieurs années, répondit Keigo en claquant des dents.
- Par qui ? répéta Tenko, abasourdi.
- Tu regardes jamais la télé ou quoi ? C'était partout aux informations, il y deux ou trois ans, s'agaça le blond.
- Oui, il y a deux ou trois ans, comme tu dis. Il y a longtemps, quoi, résuma le brun.
- C'est super grave ! Comment t'as pu oublier un truc pareil ? s'indigna son ami en éternuant violemment trois fois de suite.
- Tu vas attraper froid, Keigo, observa Himiko. En été, c'est un comble.
- La faute à qui ? maugréa le presque enrhumé en se pelotonnant dans sa chemise humide et froide.
Toya ne répondit pas, les lèvres pincées et se remuant les méninges. Puis le brun se leva brusquement, esquissa deux pas, puis s'assied juste derrière le blondinet qui se demandait bien ce qu'il faisait. Keigo se retint de hurler lorsqu'il sentit contre son dos la chaleur du torse nu de son ami qui s'était installé juste derrière lui.
- Arrête de bouger, lui intima le plus grand, enserrant sa taille fine de ses bras.
- Mmm-mmais qu'est ce que tu f-fais ? bafouilla Keigo, les joues rouge tomate.
- La chaleur humaine, ça te parle ? J'ai pas envie que tu te chopes une saloperie de rhume, c'est tout, marmonna le brun, amusé des couinements du plus jeune.
- Langage, rappela Tenko en ricanant.
- Tes cheveux ! s'écria Himiko. Tes cheveux ! Qu'est ce que t'as fait à tes cheveux ?!
- Hein ? Hum, euh, je les ai coupé.
- Mais pourquoi ?! gémit Himiko.
- Ça te plait pas ? croassa le garçon, évitant la question non désirée.
- Si, si, ça te va très bien, mais. . . Enfin. C'est juste que t'as des cheveux juste magnifiques. Et puis, à côté, y'a les filles comme moi, qui ont de la paille, expliqua Himiko en ronchonnant.
-Tes cheveux sont très beaux à toi aussi, tu sais, intervint Jin.
Himiko le fixa intensément quelques secondes, avant de lui offrir un sourire radieux.
- Merci ! C'est très gentil.
- Jin, coupa Tenko. Tu peux me repasser ton truc ?
L'adolescent le dévisagea sans comprendre, puis lui tendit la pochette. Tenko la prit à pleine main, et la feuilleta à nouveau, soucieux.
- Pourquoi y'a autant de meurtres et d'enfants portés disparus ? interrogea le brun.
- Derry, commença Jin, ne ressemble à aucune autre ville. Il y a une étude qui dit que, visiblement, il y a six fois plus de disparitions et de décès qu'ailleurs au pays. Et, encore, c'est que les adultes. Les enfants, c'est pire. Bien, bien pire.
Tout le petit groupe le dévisagea, bouleversé et remué par son discours. Keigo frissonna, refroidi par ces nouvelles pour le moins glaçantes. Un frisson encore plus grand le parcourut lorsque Toya posa son menton sur son épaule, pensif.
- J'ai plein d'autres articles, si vous voulez les voir, proposa Jin. Ils sont chez moi, mais c'est pas loin.
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Hellow ❁
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