Chapitre 11
Keigo Takami prit soin de ne faire aucun bruit en fermant délicatement la porte d'entrée de son appartement. Le jeune homme déglutit en entendant la serrure faire "clic", et se déchaussa doucement. Il frissonna en sentant le parquet rugueux sous ses pieds nus, -il ne portait pas de chaussettes, il avait oublié de les enfiler ce matin, il était si pressé de quitter les lieux.
Le blond souffla silencieusement, les yeux clos.
Ne fais pas de bruit, et tout ira bien.
C'est sur cette pensée rassurante que Keigo s'avança dans le couloir sombre, la lumière du soleil passant tant bien que mal à travers les fentes des volets fermés du petit salon. Cette obscurité lugubre lui faisait froid dans le dos, et lui donnait envie de s'enfuir loin d'ici, très loin d'ici.
Mais il n'avait pas le choix. Il ne pouvait pas se défiler.
Keigo progressa dans le corridor à pas de loup, en marchant sur la pointe des pieds et grimaçant à chaque chuintement que pouvaient produire le contact de ses pieds nus et du plancher. Lentement, très lentement, Keigo passa devant le salon, et pria le ciel de le laisser arriver à sa chambre sans encombre. Malheureusement, Jin lui avait transmis sa poisse.
Son père surgit devant lui sans prévenir et Keigo sursauta violemment.
Oh non
Le coeur de l'adolescent cessa de battre et sa respiration se coupa d'un coup.
-Salut, papa.
Il avait beau avoir bac + 10 en mensonge et cachotterie, il ne put empêcher sa voix de trembler. Ses mains resserrèrent la bandoulière de son sac comme s'il s'agissait d'une bouée de sauvetage, sauf que rien ne pouvait le sauver. Il était coincé ici, tout seul, face à l'homme qui le terrorisait depuis sa naissance.
Et cet homme s'avérait être son géniteur.
-Salut, Keigo. C'est quoi, ça ?
Il pointa l'écorchure au genou gauche de son fils.
-Oh, ça, c'est rien, je suis tombé, expliqua Keigo en se tordant les mains. C'est, euh, en rentrant à la maison.
Son pauvre mensonge ne trompait personne. Cette blessure, c'était en trébuchant sur une pierre dans le ruisseau de la forêt, en voulant rejoindre Jin, qu'il se l'était infligée. Mais étant donné qu'il lui était défendu d'aller dans la forêt, mentir n'était pas une option. C'était une obligation. Se promener dans les bois était une chose, mais y aller accompagné de deux garçons en était une autre.
Si son père apprenait qu'il trainait avec des garçons, il était fini.
Et son père allait encore devoir acheter une nouvelle ceinture.
-Vraiment ? demanda-t-il en le scrutant attentivement, peu convaincu de l'affirmation de son fils.
Keigo ne trouva pas la force de répondre. Il se contenta de laisser son père le transpercer de ses iris noir corbeau, en se mordant violemment les joues pour ne pas pleurer ou hurler de panique. Un goût métallique ne tarda pas à se répandre dans sa cavité buccale, il s'était fait saigner.
-Très bien, je te crois. Ne fais pas cette tête là, voyons. Je suis ton père, après tout, déclara son géniteur, refusant de détacher ses yeux du visage blafard de son garçon.
Keigo laissa un minuscule soupir s'échapper de ses lèvres, soulagé. Il avait réussi à le berner. Cependant, il faillit hurler lorsque son père approcha sa main de son visage, pour finalement effleurer sa joue blême. Un frisson de terreur parcourut son corps entier, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Pas même lorsque son géniteur renifla ses doux cheveux blonds. Pas même lorsqu'il lui caressa sa queue de cheval emmêlée comme si c'était un trésor. Pas le moindre son ne s'échappa des lèvres tremblantes de Keigo.
-Dis moi que tu es toujours mon petit garçon.
Cette fois ci, les mots glissèrent sans difficulté.
-Oui papa.
L'homme de quarante ans examina minutieusement le visage décoloré de son fils, et éprouva un réel plaisir en constatant qu'il était terrorisé. Cette expression lui faisait penser à sa femme, décédée six ans auparavant.
-C'est bien, tu es un bon fils. Tu me fais penser à ta mère.
C'est sur cette phrase glaçante que le père Takami laissa son fils s'enfuir vers la salle de bain.
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L'eau claire coulait péniblement du robinet, émettant un bruit mouillé, qui couvrait les pleurs agités de Keigo.
Il avait défait sa queue de cheval, et enlevé sa veste en jean ainsi que son tee-shirt.
Son torse pâle était maculé d'énormes tâches bleus virant vers le violet, couvrant le bas de son ventre jusqu'au haut de sa poitrine en passant par son dos. Ses bras n'étaient pas épargnés non plus, ternis de marques rouges et de multiples coupures au niveau des poignets.
Mis à part les entailles aux poignets, toutes ses blessures avaient été infligées par son père.
Le pire, c'était qu'il n'avait rien fait de mal. La plupart étaient due à une phrase un peu trop provocatrice que son géniteur n'avait pas apprécié, et les autres, les pires, les plus violentes, c'était lorsqu'il découvrait qu'il avait trainé avec des garçons.
Il lui était interdit de passer du temps ou même simplement d'adresser la parole à un garçon, et Keigo ne savait même pas pourquoi. Il était lui même un garçon, qu'est ce que ça pouvait bien faire, de rire ou de parler avec un de ses congénères ? Il méritait vraiment tout ces coups de ceinture ?
Ses sanglots redoublèrent d'intensité, et Keigo renifla avec acharnement.
Il releva la tête, et découvrit son reflet dans la glace. Il se faisait pitié, avec ses yeux rouges et gonflés, et son torse couvert de marbrures. Il toisa d'un œil mauvais ses longs cheveux blonds, que son père aimait et chérissait plus que lui.
Ses trainées de larmes brillaient sur ses joues pâles. La tête haute, le regard noir, Keigo se rapprocha du lavabo, et saisit la paire de ciseaux préalablement posée sur le rebord. Il positionna l'objet au niveau de ses yeux, et renifla à nouveau. L'appareil scintillait doucement dans l'obscurité sinistre de la salle de bain.
C'était beau.
Tchac
Une mèche blonde comme les blés tomba dans le lavabo. Keigo la toisa d'un regard furieux, alors que les larmes recommençaient à dégouliner le long de ses de joues.
Tchac
Pourquoi ? Pourquoi tout cela lui arrivait ? Pourquoi personne ne remarquait rien ? Pourquoi sa mère l'avait laissé tout seul avec ce monstre ?
Tchac
Pourquoi devait-il plaire à son père ?
Tchac
Keigo s'acharna sur ses cheveux, tirant ses racines, manquant de se couper lui même.
-Je suis pas ta putain de femme ! vociféra-t-il à travers ses sanglots.
Hors de lui, Keigo jeta les ciseaux par terre. Il essuya frénétiquement ses joues humides et la morve qui coulait de son nez, mais les larmes ne s'arrêtaient pas. Son corps secoué de spasmes le faisait paraître épileptique, et l'obligea à s'appuyer contre le lavabo. Il se força à se calmer, et redressa lentement la tête vers le miroir.
Ses longs cheveux blonds avaient disparus. À la place, une tignasse blonde courte et ébouriffée ornait son crâne. Il avait toujours les cheveux plutôt longs, pour un garçon, mais sa coupe n'avait plus rien à voir avec celle d'avant. Là, il ressemblait vraiment à un garçon, et plus à sa mère.
Les mains de Keigo se mirent à trembler. Qu'allait dire son père en voyant ça ? Il n'y avait même pas réfléchit, et honnêtement, ça n'aurait rien changé. Il n'en pouvait plus, de cette constante ressemblance avec quelqu'un qui n'était plus là.
Keigo effleura une mèche blonde. C'était toujours aussi doux, ils n'avaient pas changés. Il était toujours le même.
Mais cette fois, il était un garçon.
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J'ai eu du mal à écrire ce chapitre. Je voulais vraiment pas infliger ça à Keigo, mais je pouvais pas ne pas aborder ce point.
Le prochain chapitre sera plus joyeux, promis.
Merci d'avoir lu !
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