L'inconnu tenait entre ses mains gantées le bateau en papier journal. Il arborait un grand sourire chaleureux, et était maquillé en clown, il avait même le costume et la perruque. 

Shoto déglutit. Cet homme l'effrayait un peu, ce n'était pas commun de se trouver dans une bouche d'égout puante en train d'essayer de taper la discute à un gamin de huit ans. Mais qu'à cela ne tienne, sa maman lui a toujours répéter de ne pas juger les gens par leur apparence. 

-Vous... Vous pouvez me rendre mon bateau, s'il vous plaît ? tenta le garçon, penaud.

Le sourire de l'inconnu s'élargit encore plus, laissant apparaître des dents jaunâtres et acérées, et faisant gonfler ses joues rouge.

-Tu ne veux pas un ballon à la place ? J'aime bien les ballons, moi, surtout les rouges, de la même couleur que tes chaussures ! Dis moi, tu les a achetées où ? Elles ont l'air géniales !

Shoto se mordit la lèvre inférieure, et baissa les yeux. Il voulait juste récupérer son bateau, cet homme, si c'était bien un homme, ne lui donnait pas du tout envie de parler. Il était très tenté de le planter là, tout seul dans sa bouche d'égout bizarre, mais ne voulant pas être impoli, il décida de lui répondre quand même.

-Je suis désolé, mon grand frère m'a dit de ne pas parler aux inconnus. Vous pouvez me rendre mon bateau, maintenant ? S'il vous plaît, monsieur ?

L'inconnu esquissa une moue enfantine exagérée, qui avait pour but de faire rire, mais elle ne fit pas rire Shoto.

-Ton frère ? Et tu l'écoutes, toi, ton frère ?

-Bien sûr ! Je l'écoute toujours, ne put s'empêcher de répondre Shoto.

-Et il est ici, avec toi ?

Shoto secoua tristement la tête.

-Non, il est à la maison, il est très malade.

L'inconnu le fixait d'un air envoûté, suspendu à ses paroles. Shoto se redressa subitement : il avait promis à Toya de ne pas parler aux inconnus ! Il était en train de lui désobéir !

-Je suis désolé, je dois y aller, monsieur, bafouilla le marmot en se relevant.

-Attends ! Et ton bateau ? Tu vas le laisser tout seul ? Avec moi ? demanda l'inconnu d'un ton larmoyant.

-Onii-chan m'en refera un autre, répondit habilement le petit.

-Attends, attends, le supplia le clown, tu vas me laisser tout seul ?

Shoto fronça ses sourcils bicolores, interloqué. 

-J'ai froid, moi, je suis tout seul et je n'ai pas d'ami, snif snif, pleurnicha-t-il en observant avidement sa réaction.

L'enfant ravala sa salive et se mordit la lèvre une seconde fois. Cet inconnu lui faisait pitié, même s'il était excessivement étrange, il était quand même gentil. Les personnes gentilles ne sont pas méchantes, non ?

-Moi, j'ai deux amis ! révéla-t-il en chuchotant.

Le clown écarquilla ses gros yeux bleus globuleux, et ouvrit sa bouche en un "O" parfaitement rond.

-C'est vrai ? Autant d'amis pour un aussi petit garçon que toi ? Et comment ils s'appellent ?

-Izuku et Katsuki, pépia le bicolore.

-Oooh ! Quels jolis noms ! Ils sont avec toi ? Où est ce qu'ils habitent, dis moi ?

Cette fois-ci, Shoto sentit son instinct lui brailler de ne pas le lui dire, et de partir en courant, loin, loin d'ici. Mais il ne pouvait pas partir sans son bateau, son beau bateau. Il fallait qu'il le récupère, absolument.

-Je ne peux pas parler aux inconnus, répéta désespérément l'enfant. Je peux avoir mon bateau, s'il vous plaît ?

-Oooh... Eh bien je suis Gripsou, le clown cabriolant ! Gripsou, je te présente Shoto ! Shoto, je te présente Gripsou !

Shoto pouffa, nerveux. C'était amusant, cette façon de se présenter.

-Tu vois ? Je ne suis plus un inconnu, maintenant ! Pas vrai ?

Shoto réfléchit. S'il connaissait le nom de l'inconnu, et que l'inconnu connaissait le sien, ce n'était plus un inconnu, et donc, il pouvait lui parler !

Pas vrai ?

-Qu'est ce que vous faites dans les égouts ? demanda innocemment Shoto.

-Une tempête nous a balayé, moi et le cirque !

-Le cirque ?

-Oui ! Tu ne sens pas l'odeur du cirque, petit Shoto ? 

Shoto se rapprocha dangereusement de la bouche d'égout, mais pas assez pour voir la totalité du visage de Gripsou. Il renifla, et sentit cette fois-ci une odeur sucrée appétissante.

-Il y a de la barbe à papa... Des cacahuètes... Des bonbons...

-Du pop corn ? demanda le garçon.

-Ouiiii ! Du pop corn ! C'est ton préféré, pas vrai ?

Shoto acquiesça en souriant de toutes ses quenottes.

-Moi aussi, parce que ça fait pop ! 

Shoto gloussa. C'est alors que le clown entra dans un état de phase, fixant la gorge du petit garçon devant d'un air avide, presque affamé. Shoto se sentit paralysé, et effrayé. Il eut subitement très envie de retourner à la maison, pour se blottir dans les bras de sa maman ou ceux, protecteurs, de Toya. Il se sentit rassuré en pensant à son grand frère, et cela lui donna assez de courage pour bredouiller quelques mots.

-Je dois y aller.

Gripsou reprit brutalement ses esprits en voyant l'enfant prêt à partir. 

-Attends ! Tu ne veux plus ton bateau ? s'étonna-t-il.

-Toya m'en fera un autre, répéta fermement Shoto.

-Mais celui-là ? Il est unique ! Il ne t'en refera pas un aussi beau ! Lui, il est parfait ! Tu le sais, n'est ce pas, petit Shoto ? Tu es un bon garçon, tu ne peux pas l'abandonner ! Que dirait Toya ? Il serait fâché !

-Je... Vous allez vraiment me le rendre ?

-Oui, c'est promis ! Tiens, viens le chercher !

Gripsou l'agita sous son nez d'un air presque vicieux. Shoto mordilla sa lèvre une énième fois, son tumulte intérieur refusant de se calmer.

Fuis. Pars. Vas t'en. Cours. Ne t'approches pas de lui.

Voilà ce que lui dictait son instinct. Mais son coeur, lui, lui recommandait de prendre son bateau et ensuite de filer. Mais il fallait récupérer le bateau. Juste le bateau. Et après, il rentrerait, promis juré.

Juste le bateau.

Shoto tendit sa main dégoulinante d'innocence vers l'inconnu, qui la suivait du regard.

Ne fais pas ça.

Shoto se rendit compte de son erreur au moment où les yeux de l'inconnu brillèrent de victoire.

Gripsou ouvrit une bouche énorme, déformée et la referma sur le haut de l'avant bras du petit.

Shoto hurla, plus de peur que de douleur, et se mit à pleurer en se débattant. Il eut beau y mettre toute ses forces et son  énergie, les deux rangées de dents s'enfoncèrent encore plus profondément dans sa tendre chair. Des larmes de panique et de souffrance dévalèrent le long de ses joues rondes. Sa terreur atteignit un record lorsqu'il s'aperçu que Gripsou le tirait vers les égouts. Shoto comprit alors qu'il n'y avait pas de cirque, qu'il n'y avait jamais eu de cirque, il sentait à nouveau une odeur épouvantable, loin de celle de sa mère, qui sentait le gâteau au chocolat. Le clown lui avait mentit. Il lui avait mentit depuis le tout début. 

Le petit garçon s'arracha les poumons, poussant des cris inhumains et désespérés.

-Maman ! Papa ! Toya ! Quelqu'un ! S'il vous plaît ! sanglota Shoto.

Mais la pluie couvrait ses appels à l'aide, et sa terreur ne faisait qu'augmenter. La douleur était insoutenable. La pluie si bruyante. Les grognements si animaux et affamées de Gripsou.

Je suis désolé.

Gripsou lui arracha le bras.

Shoto bondit en arrière, étalé sur le dos sur le sol en goudrons. Tout était en désordre dans sa tête, ses pensées se bousculaient, mais une retentit dans son esprit.

Eloigne toi de lui. Vite.

Shoto rampa autant qu'il put, le corps tremblant, le visage ruisselant de larmes et en hyperventilation. 

Gripsou lui attrapa le pied de sa main énorme.

Non. S'il vous plaît. Je ne veux pas mourir.

Ses  supplications ne furent pas entendues. Gripsou le tira vers lui, et l'enfant jeta un dernier regard vers sa maison, où Toya dormait paisiblement, avant de disparaître dans les égouts sombres et humides.

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Ceci est moi actuellement.

Je viens de tuer Shoto.

Je suis un monstre.

Le prochain chapitre paraitra (je sais pas trop si ça se dit) sûrement demain, et ce sera du point de vue de Toya ! Il va faire payer très chère à cet enfoiré de Gripsou d'avoir bouffer son petit frère chéri, ne vous inquiétez pas.

J'espère que vous n'avez pas trouvé Shoto trop OOC. 

Keur keur, les enfants <3