I. Hime
C'était une résidence de bonne famille comme les autres finalement.
Elle était immense, en U, avec ses toits en tuiles grises anthracite et un patio tout en bois vernis. La cour était simple, en terre blanche avec un arbre aux feuilles longilignes et vert cyprès au milieu.
Comme à son habitude, la jeune femme aux longs cheveux sombres et reflets bleutés, balayait tranquillement les feuilles des arbres du dehors ayant pénétrées dans la cour principale. Après cela, elle irait laver le linge de maison puis aider Asako à préparer le déjeuner.
De loin, sa sœur Hanabi l'observait. Un éventail ouvert devant la moitié du visage cachait son sourire narquois.
Le regard clair de la fille à l'éventail fut soudainement attiré par l'arrivée d'un jeune homme.
Neji alla droit vers la jeune femme au balai, de loin Hanabi vit qu'ils se souriaient délicatement. Elle serra davantage son éventail entre ses doigts, jusqu'à faire tomber une des petites pierres décoratives fixées aux manches.
Que pouvait-il trouvé à cette bonniche sans intérêt ? Lui, un fils de bonne famille, tout comme elle !
Hanabi sentit soudain une présence derrière elle, suivit d'un petit rictus sonore qui lui confirma que la personne pensait la même chose qu'elle.
Neji prit comme à son habitude, beaucoup de plaisir à discuter avec la belle jeune femme. Elle était comme lui, discrète, réservée, peu loquace finalement... Ils avaient des failles similaires, comme par exemple, donner peu d'intérêt et de valeur à leur existence. Ils étaient deux êtres, des « peu de choses » comme ils se qualifiaient, à parfois se retrouver et partager de longs moments, souvent en silence. Pour d'autres, cela n'aurait aucun sens mais pour eux cela valait tout. Pour elle, être avec quelqu'un qui l'estime et apprécie sa compagnie était un miracle du ciel, pour lui, être avec quelqu'un qui savait apprécier l'art de la contemplation et l'art du silence, valait tout !
Mais ce jour-là, il ne pouvait accorder plus de temps à la jeune fille, il avait un message important à délivrer au maître de maison. Son père lui avait dit que c'était urgent et que cela concernait directement son avenir et celui de leurs familles.
À ces mots, la belle sursauta légèrement, « Serait-ce possible ? », osa-t-elle espérer... Et Neji, apercevant la petite lueur qui se faisait que trop rare dans les yeux de son amie, acquiesça et sourit.
C'était comme s'ils se parlaient par télépathie « Oui, c'est bien ça ! ».
Elle regarda le jeune homme s'éloigner, la manche en bambou de son balai serré contre sa poitrine. Elle constata que son cœur battait un peu plus vite.
« Alors enfin, les dieux se pencheraient un peu sur sa vie, et lui permettraient d'être en paix si ce n'est comblée ?! »
Elle continua ses tâches de la journée jusqu'à l'heure du diner. Elle ne vit pas Neji repartir et en fut quelque peu déçue. Mais ce n'était pas grave, ils se verraient bientôt et dans des circonstances bien plus formelles. Elle préparait le riz, le lavait jusqu'à ce que l'eau passe du blanc au limpide, c'était ainsi qu'il était demandé de le faire cuire dans sa famille. Elle, elle préférait que l'eau garde un peu de blanc, ainsi le riz avait un petit goût en plus. Alors qu'elle faisait des cercles avec sa main dans les grains blancs et l'eau, elle laissait son esprit vagabonder. Ses joues rosirent en imaginant les mots fatidiques sortir de la bouche de son père « Hyūga Hizashi et son héritier Hyūga Neji m'ont fait la demande solennelle de leur offrir ma fille ainée en mariage à son hériter... Et j'ai accédé à leur demande ! Le mariage sera prévu pour le- »
- « Mademoiselle !? »
- « Oui... Asako-san ? » fit-elle de sa petite voix, surprise et confuse.
- « Hyūga-sama vous demande tout de suite ! » fit la servante avec un air attristé.
Le petit personnel de la maison Hyūga avait l'habitude d'entendre la jeune femme calme et douce se faire rouspéter pour un rien. Si ce n'était pas le maître, c'était son épouse ou leur fille. C'était, à leurs yeux, incompréhensible mais surtout injuste. Il n'y avait pas plus gentille et dévouée. Et dire qu'elle était...
Rien de tout cela n'était en tête de la jeune femme. Elle souriait discrètement en se dirigeant vers la salle où on l'attendait. Elle savait que ce n'était pas en leur habitude de l'interrompre dans la préparation du diner. Ils devaient lui annoncer quelque chose d'important.
« Et si c'était... ».
La jeune femme arriva à la porte shoji de la salle du service de repas. Elle toqua sur le bois légèrement et s'annonça.
- « Entre ! »
Elle s'exécuta, entrant à genoux dans la salle aux tatamis impeccables. Elle resta agenouillée et inclinée, mains sur le sol devant ses genoux et les yeux rivés sur ceux-ci. Elle attendait qu'on daignât lui adresser la parole.
En face d'elle, Hyūga Hiashi, un homme d'une quarantaine d'années, les yeux clairs comme tous ceux des Hyūgas, et les cheveux châtains longs et raides. Il portait toujours un kimono blanc léger avec un haori vert posé sur ses larges épaules. A côté de lui, Hyūga Elen une femme à l'air sévère et hautain, elle n'était pas une Hyūga mais une fille de bonne famille, une Sarutobi. Elle avait les cheveux châtains également, mais ondulés. Elle n'aimait pas ses cheveux, elle les aurait voulus raides alors elle les attachait toujours en chignon. Toutefois, des mèches rebelles s'en échappaient et trahissaient leur nature. Elle était vêtue d'un luxueux kimono en soie noir avec des motif de grue s'envolant. Il était bien trop luxueux pour simplement être porté à la maison sans évènement aucun, mais c'était toujours dans ses habitudes.
Enfin, la troisième personne n'était autre que Hyūga Hanabi, la fille des deux maîtres. Elle avait les yeux clairs et les longs cheveux châtains et raides de son père. Mais elle avait hérité des goûts de luxe de sa mère et de son attitude hautaine en toutes circonstances. Elle portait un kimono de soie jaune, avec de légers motifs géométriques de type losanges. Tout le monde vantait la beauté d'Hanabi et surtout... Ses talents.
- « Bien » commença l'homme, « Nous t'attendions pour te parler d'une affaire bien importante ! »
La jeune femme, tremblota un peu.
« Enfin... Enfin... »
- « Toi et ma bien-aimée fille, Hanabi, êtes en âge de vous marier. J'ai déjà trop attendu pour ton cas et maintenant que Hanabi a trouvé un bon parti, je ne puis te laisser ici alors que tu es l'aînée ! »
Hiashi parlait d'un ton sec à la jeune femme. Mais elle en avait l'habitude, de plus, ses espoirs semblaient devenir concrets, elle sentait une humble joie flamber en ses entrailles.
- « Hyūga Hizashi et son héritier Hyūga Neji m'ont fait la demande solennelle de leur offrir ma fille bien aimée en mariage à son hériter... Et j'ai accédé à leur demande ! Le mariage sera prévu pour le mois de Mai prochain... »
« ma fille bien aimée ? »
Il ne l'avait plus appelé ainsi depuis... Elle ne se souvenait plus...
- « Tu ne seras pas présente au mariage de ta sœur, car- »
- « Quoi ? » dit faiblement la jeune femme.
Elle avait légèrement levé le visage et elle put distinguer le regard glaçant de l'homme sur elle. Elle sut instantanément qu'elle n'aurait pas dû ne serait-ce qu'expirer trop fort.
- « Comment oses-tu interrompre ton père ?! Décidément ton éducation est des plus inconvenables !! Tu es bien la fille de ta mère ! Un échec ! Une honte pour la lignée des Hyūgas ! »
Les regards assassins des trois personnes la dominant s'appuyèrent durement sur la tête de la rabaissée. Elle regrettait le seul son qui était sorti de sa bouche sans le vouloir, elle savait qu'à lui seul il pouvait lui causer un grand tort. Elle s'inclina de plus belle, voulant jusqu'à même se coincer entre les mailles du tatami.
L'homme souffla puis reprit.
- « Comme je le disais avant que tu ne m'interrompes, ta sœur se mariera au mois de mai avec Neji Hyūga. Mais toi tu ne seras pas présente ! Dès demain tu partiras pour la demeure des Uchihas, tu seras reçue par le maître des lieux, et désormais ton fiancé ! »
- « Taches de t'habiller convenablement et de ne pas nous faire honte ! » ajouta la femme, un rictus en coin.
- « Mais mère, elle fera ce qu'elle peut avec ce qu'elle est, ne lui en demande pas trop ! » renchérit Hanabi, au ton fier et précieux.
- « Maintenant retire-toi ! Fais tes bagages et pars demain matin, sans nous déranger évidemment ! » ordonna le père.
- « Oui... » dit simplement la petite âme.
En sortant de la pièce et en ayant à peine fermé la porte, les éclats de rires des deux maîtresses résonnèrent derrière elle.
Tête baissée, épaules basses, elle retourna en cuisine terminer la préparation des repas. Elle avait l'esprit vide et plein en même temps. Elle qui croyait pouvoir avoir son temps de paix auprès de son ami Neji, elle s'était lourdement trompée. Comment son père, qui l'avait toujours rejetée et mise à part aurait pu la libérer et lui permettre d'être heureuse ? Comment avait-elle pu seulement y songer un instant ?
Le fil de ses pensées vagues s'interrompit lorsqu'elle entendit murmurer un nom devenu malgré lui familier, « Uchiha ».
Deux servantes discutaient entre elles alors qu'elles essuyaient la vaisselle du diner.
- « Tu te rends comptes ? Pauvre mademoiselle... Elle qui est si gentille, la voilà fiancée avec cet homme !! »
- « C'est vrai que sa réputation n'est plus à faire ! Mais comment se fait-il qu'il ait fait sa demande à la famille Hyūga, lui qui a tant rejeté de fiancées ! »
- « ÇA SUFFIT !!! » grogna Asako surprenant les deux servantes, « Occupez-vous de vos couverts plutôt que de la vie privée des autres ! »
Asako se tourna vers la jeune femme qui goûtait la soupe. Ses épaules semblaient davantage voûtées, et sa silhouette, encore plus fine que d'habitude.
- « Ne les écoutez pas mademoiselle, vous vous ferez votre propre idée sur votre fiancé une fois sur place... »
Elle hocha la tête plus en signe de lassitude que d'approbation.
Après le service du diner des maîtres et le repas des servantes, Asako accompagna la jeune femme jusqu'à sa chambre, ou plutôt, jusqu'au placard plus grand que la moyenne qui lui servait de chambre. Elle voulait aider la nouvellement fiancée à préparer ses affaires pour son départ du lendemain.
En pénétrant dans la petite pièce, Asako vit la surprise de la jeune femme. Devant elle, un kimono suspendu à un cintre en bois. Une petite paire de zori aux lanières blanches étaient posée juste au dessous.
- « Le maître vous l'a fait porter. Il vous faut être présentable pour rencontrer votre futur mari ! » expliqua la servante.
Les yeux clairs de la demoiselle brillaient, ce fut furtif mais un léger sourire esquissa ses lèvres. Pourtant, très rapidement, le visage triste reprit sa place.
Faire les bagages fut rapide car ses affaires tenaient dans une vieille valisette en cuir : deux vieux yukatas, l'un blanc dédié à sortir du bain, l'autre à rayures aux tons parme et lavande. Ils avaient déjà été reprisés plusieurs fois et les fils se voyaient malgré la couture bien faite. La demoiselle n'avait sans doute pas de fils de la même couleur que le tissu de ses vêtements.
Asako observa la jeune femme et se rappela la petite fille qu'elle avait été autrefois. Depuis la mort précoce de sa mère, son air mélancolique ne l'avait jamais quitté. Cela la rendait tout autant triste que belle.
Asako ferma la valise après que la jeune femme eut ajouté les derniers éléments, ses vieux geta en bois aux lanières usées (sandales japonaises), emmitouflés dans une toile et un cadre photo avec l'image de sa mère sur une impression abimée.
Asako souhaita la bonne nuit à la belle puis sortit de sa chambre lentement. Elle l'entendit s'allonger sur son futon et se couvrir de sa légère couverture.
Puis, aucun bruit. Pas un sanglot, rien.
Cette fille avait l'habitude de tout encaisser, de tout prendre sur elle. Toutes les servantes le savaient, d'elles toutes, c'était la jeune dame qui récoltait toutes les brimades et remontrances, parfois juste pour le simple plaisir des maîtresses.
Cela les révoltait mais que pouvaient-elles dire ? Rien... Il leur fallait protéger et assurer la vie de leur famille, et se dresser contre un membre des Hyūga c'était risquer gros en ville. Ils n'étaient pas connus pour leur miséricorde mais pour leur rancune !
Et voilà qu'ils continuaient leur acharnement sur la petite en la fiançant à ce Uchiha ! Sa réputation à lui non plus, n'était plus à faire !
Mais encore une fois, que pouvaient-elles bien y faire ?
Alors Asako partit, la tête basse et le cœur contrit. Mais ç'en était ainsi, certains étaient nés pour souffrir plus que d'autres !
Elle s'endormit assez rapidement, ses journées étaient difficiles et éreintantes mais ce jour-là fut la plus épuisantes de toutes. Le coup de massue reçu fut si violent qu'il l'avait assommé à l'instant où il avait été porté. Son corps se mouvait mais son esprit n'était plus actif. Étrangement, cette nuit-là elle rêva de sa mère.
Elles marchaient main dans la main, elle était encore toute petite, ses cheveux étaient courts à cette époque. Il neigeait. Sa mère et elle adoraient la neige. Sa mère accueillit dans le creux de sa main un petit flocon qui fondit presqu'aussitôt au contact de la paume tiède.
- « Tu vois ce flocon, à chaque fois que j'en vois un, il me fait penser à toi... Tu es née un jour merveilleux de décembre comme celui-ci ! » dit la femme aux cheveux bleutés à sa petite. « Je n'ai jamais connu d'aussi grande joie que lorsque je t'ai vu pour la première fois ! Ma princesse... »
- « Maman... » murmura la petite fille aux joues roses jusqu'aux tempes.
- « Je t'aime et je t'aimerais toujours... Hinata-Hime ! »
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