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PDV de Jungkook

Je n'arrive pas à dormir.

Je me retourne encore et encore dans mon lit, à la recherche d'un sommeil qui a décidé de jouer aux abonnés absents. Je ne pensais pas que les choses seraient si dures que la douleur de mon corps m'empêcherait de dormir.

Je descends mes pieds du lit sur lequel je suis installé en essayant de faire le moins de bruits possibles. Je vois celui avec qui je le partage se retourner lui aussi dans son sommeil, sûrement perturbé par mes mouvements. Mais dès que je réussis à m'extirper entièrement de ces draps, il semble retourner à son sommeil paisible.

Je me dirige alors vers les couloirs froids de ce bâtiment sans âme. Je pousse l'une des portes qui mènent aux terrains d'entraînement. Je serais sans doute privé de nourriture si quelqu'un venait à me trouver, mais à cet instant, je n'en ai pas grand chose à faire.

Je ressens l'appel de l'air frais qui m'accueille les bras ouverts dès que je traverse les deux portes en métal. Je me dirige vers un tronc d'arbre coupé que je reconnais. C'est celui dans lequel les recrues cachent quelques fois leurs objets illicites.

Je m'assois dessus, ne cherchant même pas à savoir si oui ou non il est encore garni en drogue, cigarettes et autres joyeusetés.

Mon regard se perd dans le vide alors que je me mets à penser.

Ici, nous ne sommes pas divisés en classes. Que tu sois un alpha, un oméga ou un bêta, un homme ou une femme, tu es un avant tout un humain et tu fais tout comme les autres et avec les autres.

La seule exception est durant les périodes de rut ou de chaleur durant lesquelles tu es enfermé dans une pièce avec une infirmière qui t'administre des calmants lorsque ça devient nécessaire.

Mais ça aussi, on apprend progressivement à le contrôler. La maîtrise de ses émotions est au centre de notre entraînement. Certains diront que le service militaire nous anesthésie, nous rend inhumain. Moi je dirais que je ne me suis jamais senti aussi humain qu'aujourd'hui. Ce contrôle qu'on se bat à acquérir n'est pas le résultat de la suppression de nos sentiments, mais bien la suite logique d'une acceptation de ce qu'on ressent et de la confrontation avec nos démons.

En nous mettant tous sur le même pied d'égalité, on apprend de nos faiblesses et on partage nos forces. Une personne peut-être rapide lorsque l'autre est agile. Aucune de ces forces ne surpasse l'autre et on finit par être bien obligé d'admettre que tous autant que nous sommes nous avons des limites, limites qui peuvent être comblées par l'autre. C'est la naissance de la fraternité militaire.

Ici, j'ai appris que même si j'ai une part animale, je n'en suis pas un. Les pulsions se contrôlent, les désirs se maîtrisent. Et ces émotions doivent être acceptées pour pouvoir être domptées. Mais certains préfèrent faire la sourde oreille et ne pas s'en soucier. Dans ces cas, il m'arrive de penser que c'est parce qu'il n'y a pas de punition pour les criminels que les actes se perpétuent.

Un alpha qui viole sans vergogne une oméga sous prétexte que ses phéromones étaient trop alléchantes, il n'a pas pu résister. Il n'avait pas le choix il dira.

Mais on a toujours le choix.

Et on fera souvent celui qui nous coûte le moins, ou dont les conséquences ne sont pas assez fortes pour réprimer notre profond désir de mal agir.

Toujours plongé dans mes réflexions, je ne fais pas attention à l'odeur de cigarette qui vient caresser mon nez.

- T'arrive pas à dormir ? me demande une voix profonde que je n'ai pas de mal à reconnaître.

Les premiers jours avec lui ont été si compliqués.

Taehyung n'arrêtait pas de me coller aux basques comme une bouée de sauvetage à laquelle il s'accrochait pour éviter de se laisser sombrer dans un je ne saurais dire quoi.

Mais au fil des jours ça m'agaçait de moins en moins.

Je gardais une certaine méfiance pour cet homme aux milles secrets. Mais il y avait quelque chose de briser en lui que je n'arrivais pas à cerner et qui m'intriguait.

Et un jour, il me raconta son histoire. Les cheveux recouverts de boues et les muscles meurtris, il partagea avec moi ses pensées.

De sa naissance pour combler les besoins d'héritier de sa famille à son mariage duquel il s'est enfui, après avoir signé les papiers que lui avait tendus sa mère, avant même de rencontrer l'homme à qui il était destiné.

Il me raconta ses différentes relations, et des fois l'absence de relation comme c'était le cas avec ses parents. C'était un gars qui semblait être très apprécié, toujours populaire du fait de sa beauté. Mais si ça n'avait été que ça.

Les autres se sont rapprochés de lui juste pour avoir des avantages liés à son nom, c'était bien vu de traîner avec The Kim.

Il était le garçon populaire mais tout le monde parlait dans son dos.

C'est une honte qu'un garçon d'une si bonne famille soit un oméga. Chuchotaient ses si bons amis quelques fois

Il l'avait entendu.

Mais au lieu de s'éloigner, il se dit qu'il devait en faire plus, leur prouver que lui aussi il était digne d'être aimé.

Il a alors commencé à modeler son comportement car de cette façon, les autres ne l'abandonneraient plus. Et il avait réussi. Il savait bien que tout ce monde ne l'aimait pas. Mais au moins, à travers eux, il pouvait enfin exister.

Ma mère m'a dit un jour que l'ami de tous n'est très souvent l'ami de personne. Et ses mots ne m'ont jamais paru plus vrais que durant cette conversation avec Taehyung, qui se sentait toujours si seul, alors qu'il était constamment entouré.

En l'écoutant me conter son histoire, ses yeux scintillants qu'il essayait de cacher, ce jour-là je compris.

Je compris que le point de vue duquel est raconté une histoire a un impact sur notre perception même de l'histoire. Et vu qu'on vit notre vie à la première personne, on a très souvent que notre point de vue auquel nous référer, nous rendant victime de chaque interaction et justifiant nos écarts car on a toujours une bonne raison d'avoir agi comme on l'a fait. On ne peut pas être le méchant n'est-ce pas ?

Pourtant, on est tous ou on a tous été les méchants de l'histoire d'une personne. Et peut-être, s'il nous arrivait de marcher dans les bottes des méchants de notre propre histoire, on ferait les mêmes choix.

On ne les verrait alors plus autant comme des personnes ignobles et sans cœur, mais plus comme des personnes imparfaites qui ont commis des erreurs, un peu comme tout le monde.

Moi, je suis le méchant de l'histoire de Jimin, et il a sans doute été le méchant de la mienne.

Il serait enfin temps de tous les deux se glisser dans les souliers de l'autre. Vous ne croyez pas ?

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