🎻54🎻
“À Ace, mon amour.
C'est pas une lettre d'adieux.
Ouais, t'as bien lu. Alors, arrête de pleurer.”
J'essuyai quelques larmes du revers de ma main en souriant. Je repris.
“Il y a quelques années, je me suis posée une question : "Où sont passées les lucioles ?". Tu sais, je me suis demandé si quelqu'un pourrait, un jour, rallumer mes lucioles. Ce quelqu'un, c'était toi. Tu m'as complété. Tu as fait de moi quelqu'un de bien. Et alors que le ciel était complètement noir, sans une lumière, je me suis rendu compte que mes lucioles étaient seulement endormies, quand je t'ai vu.
Dans ce métro, tout s'est mit à exploser en moi. Et ces petites lucioles, d'un coup, se sont réveillées. Ça a été comme un feu d'artifice.
Je sais que tu lis ça pendant mon opération. Je te connais par cœur, tu n'y as pas résisté, pas vrai ?
C'est pour ça que ce n'est pas une lettre d'adieux. C'est chiant, les lettres d'adieux, dis pas le contraire.
Enfin.
Il n'est pas beau, le lever du soleil ? J'aurais voulu le voir à la plage, une dernière fois, avec toi, avant de me faire opérer. J'ai qu'une semaine pour le faire, avant mon opération. Mais, je sais que je ne pourrai pas conduire. J'avais dit que je voulais peindre ça. C'est pour ça que j'aimerais vivre pour en être capable.
Ça, puis... Bien-sûr, rester avec toi pour toujours.
Aujourd'hui, c'est ton concours. Je peux au moins être là. Je suis heureux.
Écoutes, le destin nous a permis de nous rencontrer une fois. Peut-être sera-t-il aussi gentil une fois de plus ? Quand viendra le moment où je serais dans cette salle, où nos regards se perdront à l'entrée du bloc, je sais que tu continuera à allumer les lucioles.
Je sais que ça va aller.
Parce que quand je fermerai les yeux à ce moment-là, je peindrai ton image sous mes paupières. Tes tâches de rousseur, tes yeux aussi profonds que la fosse des Mariannes, tes cheveux cosmos, qui volent au vent comme un corbeau plane au dessus d'un champs enflammé, ces rougeurs, comme le vin renversé sur une nappe blanche, encrées sur tes joues chaque fois que tu m'embrasses, ces douces petites mains qui attrapent les miennes timidement dans la rue, sur le lit, sur le canapé, au café... Ta bouche comme un bouton de rose qui s'épanouit et forme cette virgule quand tu me dis "je t'aime", celle-là même qui pose des baisers sur mon nez quand tu me crois endormi. Si mignon. Ta peau de lait, comme un doux voile de soie blanche, ta voix cristalline, qui pourtant porte un léger accent campagnard. Je ne t'ais jamais demandé. Viens tu de la campagne ? Un petit coin de Caux, je dirais."
Je souris. Il avait vu juste. Mes frères et moi habitions autrefois au Pays de Caux, petite région naturelle perdue en Seine maritime, en Haute Normandie, dans un petit village en bord de Seine : Caudebec-en-Caux. Cela remontait à loin, et je ne m'étais jamais rendu compte d'un possible résidu d'un léger accent cauchois.
“Tu bredouilles quand tu parles, j'aime ce son particulier. Tu n'as pas la même voix avec moi qu'avec ton petit frère, la crevette. Ta voix sonne plus protectrice, mais aussi plus douce.
Je peindrai sous mes paupières l'image de mon Ace. Celui que j'aime, celui qui est mon âme sœur. Celui qui a su rallumer mes lucioles. Celui qui a su me compléter, me supporter, moi et ma maladie. Tes frêles épaules semblent supporter toute la misère du monde, et je m'excuse d'avoir ajouté ce poids. Aussi, je te remercie de l'avoir supporté.
Je sais que tu as un peu lu mon journal. Mais as-tu lu le passage sur mon ex ? Je ne crois pas. Tel que je te connais, tu t'es dit que ça ne te concernait pas. Je t'en suis reconnaissant, mais, maintenant, j'aimerais que tu lises cette fameuse page 53. Celle qui est toute raturée, tant j'ai souffert à l'écrire. J'aimerais que tu comprennes pourquoi c'était si exceptionnel pour moi que tu sois là, que tu m'aide à supporter un peu de ce poids.
Peu importe l'issue de ce qu'il se passe actuellement. Peu importe si je meurs, si je vis. Avant de lire cette page 53, je voudrais que tu ailles voir dans le deuxième placard à droite de mon lit, celui en bois de chêne. Tu y trouveras ce que j'y ai laissé pour toi.
Vas-y, maintenant. Je suis sérieux. Maintenant. C'est important.
Et, oui, tu peux donner les autres lettres à leurs destinataires maintenant.
Je t'aime, Ace, mon âme sœur. Je te promets de tout faire pour survivre à ça. Merci pour tout, à très vite, j'espère.
Ton amour, Marco.”
Je me relevai précipitamment, ouvrant brusquement la porte des toilettes. J'avançai dans les couloirs, jusqu'à la maudite salle d'attente.
Je poussai la clanche, attirant les regards de Izou et Edward sur moi, et réveillant Satch.
Je marmonai des excuses.
"Je dois aller à la collocation"
L'asiatique leva un sourcil. Je leur tendit leurs lettres respectives.
"Je reviens vite, promis. Je me dépêche. S'il vous plaît, bippez moi aussitôt si il y a du nouveau."
Je m'excusai en refermant la porte, et me mis à courir dans les couloirs de l'hôpital.
Nuit.
Les rues n'étaient plus éclairées.
Il pleuvait.
Pourtant, la chaleur de juin était étouffante.
Comme un soleil invisible sous une pluie chaude. C'était une ambiance de jungle d'immeubles et de bitume.
Mes cheveux se trempaient sous cette pluie.
L'odeur de l'orage que j'appréciais, en temps normal, me chatouillait les narines mais laissait monter en moi une inquiétude déjà trop présente.
Qu'est-ce qu'il y avait dans ce placard de chêne ?
Que cachait la page 53 ?
Que voulait absolument me montrer Marco ?
Je mordit l'intérieur de ma joue.
Pas de métro, à cette heure.
Seulement mes Converses dans les flaques d'eau.
Ma respiration haletante.
Plus vite.
Malgré mon manque d'oxygène, je gardais mon allure.
“c'est important.”
Je m'étais toujours demandé :
"Dieu, est-ce une faute d'être ce que je suis ?"
"n'ai-je pas le droit d'aimer ? Ces sentiments sont-ils un pêcher ?"
Lui, il m'avait permis de comprendre.
Tant pis si c'était l'enfer qui m'attendait.
...
Que pouvais-je bien faire au paradis ?
Si il pouvait être près de moi...
Tant que j'étais avec lui...
L'enfer resterait mon endroit favori.
Sans un bruit, dans ses bras.
Moi, de leur maudit paradis,
Je n'en voulais pas.
Ce n'était pas en Dieu que j'avais perdu foi.
Non, j'avais perdu foi en l'humanité.
Celle-là même qui voulait m'empêcher d'être à ses côtés.
À l'image trompeuse qu'ils se font du paradis.
Je hurlai sous les gouttes de pluie :
"Qu'ils me brûlent, si ils le veulent !"
Tant que je ne restais pas seul...
"Marco, ne m'abandonne pas !"
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Hey, important ! j'ai changé le titre ! "Anxiety" devient "My Anxiety, his Fireflies", littéralement : "Mon Anxiété, Ses Lucioles".
J'avais, à l'époque, cette idée de titre. Seulement, j'avais hésité et abandonné l'idée. Je pensais qu'il était long. Mais, en repassant sur ce chapitre, je me suis dit qu'il n'était pas si mal.
Métaphores, métaphores, ce que j'aime les métaphores...
Ça vous plait ?
Donc, voici la nouvelle couverture. Vous en dites quoi ?
Édit 16/06/2022 (le lendemain de la publication de ce chapitre) :
J'ai finalement assombri le titre en gardant un arrière coloré sur la police :)
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