"Alors, Ace, tu t'en vas aujourd'hui ?"

Je levai le menton vers Izou et hochai la tête.

"J'ai des devoirs et le bac à réviser... Et puis, mes frères m'attendent depuis plus d'une semaine, maintenant.

_Tu n'as pas aussi la suite de ton concours à préparer ?

_Si... Ma prof de musique m'a payé l'inscription et m'a offert un super violon, je ne peux pas me laisser aller.

_Tu es débordé, pas vrai ?

_Un peu, ouais."

Je repris une gorgée de thé. Izou me fit un petit sourire, avant de s'assoir aux côtés de Satch. La porte de la chambre de Kiku s'ouvrit.

"Salut p'tite sœur, bien dormi ?"

... Ses cernes voulaient tout dire.

"Woh ! Cette tête !, se moqua Satch."

Elle enfila une paire de lunettes de soleil.

Le roux continua :

"T'as prit une cuite, ou quoi ?"

Elle hocha simplement la tête en souriant.

Je pouffai de rire.

"Marco n'est pas encore levé ? Il est déjà neuf heures, c'est pas son genre de faire la grasse matinée, remarqua-t-elle, d'une voix enrouée."

C'était vrai, Marco se levait habituellement plus tôt.

"Il doit être fatigué, on revient de loin, dis-je."

Je poussai sur mes bras pour me lever du fauteuil.

"J'vais le voir."

J'ouvris la porte de sa chambre doucement, et la fermai derrière moi.

Je m'installai sur le lit et passai mes doigts dans ses cheveux de blé.

"Hmm..."

Je souris.

"C'est dur, la vie, chuchotai-je."

Je remarquai que sa respiration était forte et rapide.

"Ça va, chaton ?"

Il fronça les sourcils, les yeux toujours fermés.

"Hey..."

Je tapotai son épaule.

Marco ouvrit les yeux subitement.

Une quinte de toux le fit se crisper.

Je posai la main sur son dos.

"M-Marco..."

Je rampai vers le bureau pour sortir sa trousse rouge du tiroir.

"Tiens... Tiens, prend ton inhalateur."

À genoux sur le tapis, je tendis l'objet à mon blond.

Sa main tremblait. Il l'attrapa et l'apporta difficilement à sa bouche. Il prit plusieurs bouffées, mais sa respiration ne se calmait pas.

"C'est quoi tes médicaments ? C'est lesquels ?!"

Il toussa encore très violemment plusieurs fois.

"Ah... Ace... J-J'peux plus respirer !

_Tes médicaments ! C'est lesquels, Marco ?!

_La... La boîte bleue...

_Y'a pas de boîte bleue dans ta trousse !

_Le placard !"

Je tournai la tête vers le meuble.

Je me pressai vers celui-ci.

"Le placard... Le placard... Une boîte bleue."

J'ouvris la porte en bois et trouvai une grande valise noire.

Je la sortis difficilement et ouvrit la fermeture.

"Qu'est-ce que c'est que tout ça...?"

La valise débordait d'énormément de boîtes de médicaments.

"Marco...

_A-Ace... L-La boîte... bleue..."

Je jetai à terre les médicaments, jusqu'à tomber sur le bon.

"Tiens !"

Je sortis la plaquette et lui tendit un cachet et une bouteille d'eau.

Il avala son traitement, se redressa et calma sa respiration en quelques minutes qui me parurent être une éternité.

"Merci...

_Marco... Tous ces médicaments, là... Ils sont à toi ?

_Oui...

_Pourquoi tu m'as caché ça ?

_Je..."

Il baissa la tête.

"Je voulais vraiment pas t'inquiéter.

_Je dois m'inquiéter ? Marco... Est-ce que c'est plus grave que ce que tu me dis ?"

Je m'installai à ses côtés.

"Dans les faits, non. Je ne suis pas en phase terminale, ma tumeur est bien placée, je peux me faire opérer...

_...Hm...

_Mais... Même si tout devrait aller bien, ça ne va visiblement pas. J'ai vraiment mal. Et j'ai une tonne de médocs à prendre. Le truc, c'est que ça n'était pas comme ça, avant. Les médecins m'ont dit que c'était normal, mais il y a quelques années, quand j'en étais à mon début et que je me la suis faite enlever avant de faire une chimio, elle était à un stade plus avancé et je n'avais pas autant mal.

_Est-ce que ça veut dire que c'est plus grave ?

_Non... Je pense que ça veut surtout dire que je vais devoir me retaper une chimiothérapie, à tous les coups. Et je ne veux vraiment pas de ça, tu le sais...

_Oui.

_Peut-être que je suis aussi plus sensible à tout ça. La douleur ne signifie pas forcément la gravité, après tout.

_C'est quand même vachement inquiétant. Qu'est-ce qu'il se serait passé si j'avais pas été là ?

_J'aurais trouvé un moyen de chopper ma valise.

_Et si tu n'y étais pas parvenu ?

_Ça finit par se calmer tout seul, même si ça fait mal.

_Donc... T'es en train de me dire qu'il n'y avait aucun danger de mort ?

_Non, aucun ! Sinon je serais déjà en séjour permanant à l'hôpital, Ace...

_Ça fait super peur, pourtant... À chaque fois que ça arrive j'ai vraiment l'impression que tu vas y passer.

_Mais non... C'est juste des crises respiratoires normales. Je peux pas en mourir.

_C'est... Rassurant... Je suppose ?"

Il ricana.

"Ne t'inquiètes pas, va... Je suis vraiment désolé de t'avoir fait peur."

Il me prit dans ses bras. Je posai ma tête sur son épaule.

"Je ne sais pas pourquoi ça arrive aussi souvent, Ace... Mais faut pas s'inquiéter, hein ? C'est vrai que c'est flippant, mais y'a vraiment rien de grave là dedans.

_Marco ?

_Ouais ?

_Je peux venir à ton prochain rendez-vous, dimanche ?

_Si tu veux..."

Il inspira profondément.

"Faut pas non plus que tu te prive de ton dimanche pour moi. Tu sais, chaque rendez-vous avant l'opération ne seront que prises de sang et analyses en tous genres. C'est pas forcément très drôle.

_C'est pour ça que je veux être avec toi. Ça doit être lourd, à la longue.

_C'est vrai..."

Après une petite minute de silence, j'osai enfin aborder le sujet :

"Hey... Tu veux pas en parler à Satch ?"

Il sursauta.

"Sûrement pas...

_Pourquoi ?

_Je... Il a déjà beaucoup à gérer, et puis..."

Il soupira.

"En fait, c'est pas vraiment ça... J'ai surtout peur de lui dire.

_Mais... Tu crois pas que ce serait plus simple si ils étaient au courant ? Ou si au moins ton meilleur ami savait ?

_Si... Mais... Je lui ai caché ça tellement longtemps que je me vois mal arriver comme ça et balancer un truc pareil. Il ne savait même pas pour mon premier, tu sais ?

_Et si il t'arrivait quelque chose, Marco... T'imagine le choc que ça va être, pour lui ?

_Oui... J'imagine...

_C'est ton meilleur ami, Marco... Je pense qu'il devrait savoir..."

Il souffla.

"Je sais bien...

_C'est vraiment dur pour moi de lui cacher ça. Il sait que quelque chose ne va pas, Marco. Il s'inquiète beaucoup.

_Je sais, oui...

_Tu ne crois pas que ça serait bien de lui dire ? Je respecterai ton choix, quel qu'il soit, Marco. Je peux garder ce secret si tu veux, mais en voyant à quel point il tient à toi, ça me touche, tu comprends ?

_Oui, bien-sûr..."

Il souffla.

"Je lui en parlerai. Mais pas tout de suite..."

Je lui embrassai la joue.

"Ne te sens pas forcé de le faire... Je ne veux pas être celui qui t'oblige à faire quelque chose que tu ne veux pas. J'essaye juste d'être honnête avec toi, tu vois ?

_Je le sais, Ace.

_J'ai pas envie d'être le genre de petit ami hypocrite. C'est vraiment... Juste ce que je pense. Mais ça veut pas dire que c'est ce que toi tu dois faire.

_Je sais, mais tu as raison. Je lui dois bien ça... Mais j'ai juste peur qu'il me fasse ce regard...

_Ce regard ?

_Oui... Ces yeux pleins de pitié. J'ai pas envie de voir ça dans ses yeux.

_Je pense que c'est normal de ressentir de la pitié.

_Ouais... J'ai juste pas envie que ça change sa façon de me voir, tu comprends ?

_Satch n'est pas le genre de gars qui va changer du tout au tout parce qu'il apprend un truc comme ça. Enfin... Je pense pas. Après tout, tu le connais depuis plus longtemps que moi.

_... Ouais...

_Enfin... Moi, je lui ai dit un truc personnel, tout à l'heure. Et il n'a pas pour autant changer sa façon de me parler. Il est resté le même.

_Qu'est ce que tu lui as dit ?

_Hum... Ce qui m'est arrivé.

_Ah bon ?

_Ouais...

_C'était pas un secret ?

_Si... Mais...

_Tu sais... Satch a aussi un passé plutôt...

_Il me l'a dit, oui.

_Il te l'a dit ?

_Ouais.

_Faut croire que c'est une chose que les victimes sentent.

_Ça fait du bien, de savoir que nous ne sommes pas seuls.

_Je devine.

_Il avait deviné ça avant même que je ne lui en parle...

_Et toi ?

_Bah... Quand il m'a parlé... J'ai senti qu'il était un peu trop concerné.

_Satch a été très touché de ça.

_Ouais, il m'a raconté ce que tu as fait pour lui.

_C'est vrai ?

_Hmm.

_Je ne pensais pas qu'il était si proche de toi.

_Qu'est ce que tu veux dire ?

_C'est pas quelque chose qu'il confie à n'importe qui.

_Évidemment.

_Il doit avoir confiance en toi."

Je me redressai.

"On devrait peut-être aller les rejoindre dans le salon, non ?"

Il acquiesça.