🎻35🎻
Le soleil n'était pas encore levé quand je me réveillai. Je me tournai vers Marco. Il dormait encore profondément.
Je grognai, avant de pousser mes jambes hors du lit.
"Ah. Ma cheville ne me fait plus du tout mal", chuchotai-je pour moi même.
Je me redressai et attrapai ma veste en jean noire.
Je la posai sur mes épaules. Trop grande pour moi, elle tombait jusqu'au haut de ma cuisse.
Toujours en caleçon et en tee-shirt sous mon vêtement, j'ouvris discrètement la porte fenêtre, que je poussai derrière moi, pour m'appuyer sur la rambarde du petit balcon.
Là, j'allumai une gauloise.
En soufflant ma fumée grise, j'observai la nuit de Rouen.
Les lampadaires étaient encore éteints, et je pouvais apercevoir les lueurs des étoiles dans le ciel sombre.
J'inspirai sur mon bâton enflammé une nouvelle fois. Je me retournai vers la fenêtre pour observer Marco quelques secondes.
Son opération était dans moins de trois semaines.
Je m'inquiétais énormément pour lui. Ses crises étaient de plus en plus récurrentes.
Je soupirai, puis me reconcentrai sur la ville endormie.
Quelques minutes passèrent. Une fois ma cigarette terminée, je jetai le mégot dans la rue avant de m'en allumer une autre.
Mes pieds étaient nus, sur le sol carrelé et froid du petit balcon.
J'étais si préoccupé que lorsque je fumais une cigarette, je pensais déjà à la suivante...
La nuit était paisible. Aucun bruit ne venait déranger mes oreilles sensibles. Seule la lune était témoin de ma présence.
Je sursautai lorsque je sentis un corps s'appuyer son torse contre mon dos et de m'entourer de ses bras.
"Qu'est ce que tu fais debout à une heure pareille ?
_Tu m'as fait peur ! Je t'ai réveillé ? Je suis désolé..."
Il posa son menton dans mon cou.
"Tu broies du noir ?"
J'expirai la fumée avant de répondre :
"Non, ça va..."
Marco déposa un baiser sur ma joue.
"On dirait, pourtant."
Sa voix rauque et calme était encore endormie.
Je haussai les épaules.
"Tu t'inquiètes, hein ?"
Parfois, j'avais l'impression qu'il lisait en moi comme dans un livre ouvert.
"...Oui."
Il me serra un peu plus dans ses bras.
"Ça va bien se passer, j'en suis persuadé."
Je fermai les yeux.
"Oui... Ça va aller..."
Ça ne pouvais que bien se passer. Je ne pouvais pas imaginer que ça se passe autrement que bien.
"Mais... Ace."
J'ouvris mes paupières
"Si ça ne se passait pas bien..."
Il inspira profondément.
"Continue de vivre pour moi."
Je laissai tomber ma cigarette qui avait été entamée à peine à la moitié sur le balcon.
Sur ces mots, je ne sus répondre que :
"Comment ?"
J'attrapai ses bras.
"Comment pourrais-je continuer de vivre, si tu n'es plus là ?"
J'observai le ciel.
"Comme tu l'as fait jusque là, avant de me rencontrer."
Finalement, je n'osais pas me retourner pour lui faire face.
"Maintenant que tu es là, la vie sans toi n'aurais plus jamais de sens, Marco."
La lune était pleine.
"Maintenant que tu es là, ma vie a du sens."
Les étoiles brillaient de mille feux, d'une lumière éclatante et douce, les lampadaires, eux, étaient tous éteints.
"Maintenant que tu es là, j'ai envie de vivre. Maintenant que tu es là, je sais pourquoi je veux vivre."
Le vent était froid.
"Penses à tes frères, Ace.
_Aujourd'hui, je ne penses plus qu'à toi, Marco.
_Pourquoi ?
_Parce que..."
Je baissai la tête.
"Parce que je t'aime. Parce que j'ai besoin de toi. Parce que tu es tout, pour moi. Parce que je sais que sans toi, la vie retrouverais ce goût amer qu'elle avait autrefois. Parce que je sais que toi, tu es mon âme sœur."
Il renifla. Moi, j'étais calme, le regard posé sur le ciel.
"N'est-ce pas ce que tu as barré dans ton journal maladif ? N'est ce pas cet objectif qui était dans ta liste, Marco ?"
Je le sentis se crisper.
"N'as-tu pas barré cette phrase ?"
Je répétai :
"N'as-tu pas rayé cette phrase :
“Rencontrer l'âme sœur ” ?"
Ses bras autour de mon torse se resserrèrent un peu plus.
"Cette phrase avait-elle ne serais-ce qu'un peu de sens pour toi, Marco ?"
C'était de la plus neutre des façons que j'avais prononcé ces quelques mots.
Pourtant, lui, était très certainement bouleversé.
Il frissona, et répondit :
"Bien-sûr qu'elle a du sens. Elle est même pleine de sens... Seulement..."
Seulement...?
Il y avait un "seulement".
Que signifiait donc ce "seulement"?
J'attendais la suite de ses mots dans le plus grand des silences. Jamais de ma vie je n'avais ressenti tel sentiment d'impatience, jamais je n'avais autant attendu la fin d'une simple phrase.
"Je ne peux pas me résoudre à penser que tu ne serais plus de ce monde. Je ne peux pas me résoudre à penser que tu n'existerais pas.
_C'est la même chose pour moi.
_Dans ce cas... S'il te plaît... Promets moi que tu vivras.
_Peu importe que je respire ou non, Marco. Sans toi, je ne vivrais jamais vraiment."
Comment pouvais-je seulement expliquer à quel point sa présence était devenue les fondements même de ma vie ?
"Pourquoi continuer de respirer, si on ne vit pas vraiment, hein ?
_Pour prouver que tu es plus fort que la mort.
_Je n'ai rien à prouver à la vie, ni à la mort.
_Pour toi. Pour tes frères. Pour tous ceux qui t'aiment, Ace.
_Je n'ai rien à leur prouver non plus.
_Pour moi.
_Ai-je quelque chose à te prouver ?
_...Non... Mais...
_C'est pareil pour toi. Restes pour toi, pour ceux qui t'aiment, et pour moi, Marco."
Il pleurait.
C'était la deuxième fois de ma vie que je l'entendait pleurer.
"Si tu me demandes de te promettre ça, je crois être en droit de te le demander aussi, non ? Alors promets moi de rester en vie.
_Je..."
J'inspirai longuement.
"...Je ne peux pas te faire une promesse que je ne suis pas sûr de tenir...
_Et je ne peux pas non plus.
_Dans ce cas... Qu'est-ce qu'on fait ?
_Je ne sais pas, Marco. Si je savais, si il était possible de savoir, la vie serait plus simple pour tout le monde, pas vrai ?"
Je me tournai vers lui, pour enfin découvrir son visage.
Je posai mon index sur son torse.
"Tu es mon âme sœur."
Ses larmes ravageaient ses yeux.
"Et, si tu n'existais pas, dis moi : Comment j'existerais ?"
Il secoua la tête en mordant sa lèvre inférieure.
"Je pourrais faire semblant d'être moi, mais je ne serais pas vrai."
J'attrapai son visage dans le creux de mes deux mains.
"Tu le sais, n'est-ce pas ?"
Il hocha la tête.
Je continuai :
"Ne me demandes pas l'impossible."
Ses yeux larmoyants se perdaient dans les miens.
"Demandes moi de t'offrir le soleil dans le plus froid des pays, demandes moi de te trouver de l'eau dans un désert d'une sécheresse infinie, demandes moi de te ramener des fleurs d'un cratère de volcan en activité, demandes moi de te trouver des étoiles là où il ne fait jamais nuit, demandes moi ce que tu veux. Mais ne me demandes pas de vivre sans toi."
Je souris faiblement :
"Sois un bon "âme-sœur" et ne me demandes plus ce genre de choses idiotes, Marco."
Je pris sa main.
"Il commence à pleuvoir..."
Nous étions là, de nuit, peu vêtus, sur un balcon avec la ville derrière nous, la pluie sur nos visage, l'amour dans nos yeux et l'inquiétude dans nos cœurs.
"Ne pleures pas, dis-je, tu es plutôt du genre à danser sous la pluie."
De sa paume, il sécha rapidement ses larmes.
"Tu as raison..."
Sur ces mots, Marco pris ma deuxième main et me tira contre lui. Pieds nus, sous une averse, on dansait alors, l'un contre l'autre, comme si nous étions à un bal.
Tournant le plus calmement possible, sous la lumière de la lune et des étoiles. Juste nous deux.
Et puis, il s'arrêta, releva sa main, qui tenait la mienne, au niveau de mon visage.
"J'y penses..."
Là, il m'embrassa.
Un baiser qui explosa en moi en un millier de lucioles.
"Ça aussi, c'était sur ma liste..."
Je souris.
"Je ne l'ai pas vu, pourtant.
_Parce que je ne l'ai pas écrit.
_Donc ça n'y était pas.
_Si. En le faisant, je me suis rendu compte que ça devait y être.
_Dans ce cas, recommence. Rien ne t'en empêche, pas vrai ?"
La pluie légère trempait nos vêtements, nos cheveux.
Il prit mes lèvres à nouveau.
"N'as-tu pas de la chance, Marco ?"
Le blond pencha la tête, petit sourire aux lèvres.
À vrai dire, comment pouvait-on dire qu'il avait de la chance ?
Et bien, même dans son malheur, il avait bien une certaine chance.
"La pluie et les baisers sont deux choses que tu peux avoir gratuitement. Des baisers sous la pluie, tu peux donc en prendre tant que tu veux."
Il ricana.
"Quelle chance, c'est vrai."
Je ne pus compter le nombre de fois où il m'embrassa ensuite.
Trente fois ? Peut-être quarante. Qu'importe.
"Tes yeux reflètent les couleurs de la mer, Ace. Ils sont magnifiques.
_J'ai soudain très envie de casser le romantisme en te disant "disquette", mais... C'est peut-être un peu trop beau pour que je fasse ça, non ?"
Il pouffa de rire.
"As-tu au moins conscience d'à quel point tu es beau, gamin ?
_Arrêtes...
_Oh, crois moi, tu l'es..."
Ses lèvres, qui formaient un sourire joueur, frôlèrent encore une fois les miennes. Ses mains, quant-à elles, passèrent sous mes bras pour me soulever.
"Woh !"
Mon menton se trouvait alors au niveau de son front.
Il sourit :
"Il serait peut être temps de rentrer, non ?"
J'acquiesçai.
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