• Plume n°42 •
Bonjour,
Bonsoir,
Salut,
Holà,
Hello,
Comment allez-vous en ce Jeudi pluvieux ?
Aujourd'hui est donc le dernier chapitre de Mutique. Ne dites rien : j'ai terminé de le peaufiner aujourd'hui et .. ma foi, c'est étrange de ce dire que le Tome 1 arrive à sa fin.
Le dernier chapitre a été mitigé, et malheureusement (ou heureusement, car j'adore la controverse lol) : celui-ci ne risque pas d'être mieux. 😈
On se voit en bas de ce très très très très très très long chapitre final ... bonne lecture 🎈
Nekfeu
➰
Savez-vous combien font, en jours, mille cinquante-six heures ?
Quarante-quatre.
Combien font quarante-quatre jours, en mois ?
Une mois et demi.
Et savez-vous, putain, tout ce qu'il peut se passer en presque sept semaines ?
Tellement que vous en auriez le tournis.
La première foutue chose à retenir de tout ce chaos était que la famille Laurens n'existait plus.
Le huit janvier 2016 – le lendemain matin de l'exposition « choc » de Maxine, comme aimaient l'appeler les journaux et les chroniqueurs télés – les premières photos révélations ont commencé à circuler dans la presse écrite. Des centaines de photos compromettantes. Elles étaient partout, avaient envahi les kiosques à journaux, les librairies, les tabacs : impossible de faire un pas dans la capitale lumière sans croiser la salle tronche d'Yves Laurens au détour d'un trottoir.
« Yves Laurens accusé de viol », « Yves Laurens, la mania du show-business, accusé d'escroqueries », « Quand l'idylle vire au cauchemar », « Le leadeur du cosmétique français, accusé d'harcèlement sexuel sur plusieurs de ses employés », « Quand l'argent monte à la tête », « Découverte de plusieurs comptes offshore en Suisse : Yves Laurens, la fin de son empire ? »...
Le pire était qu'aucun de ces gros titres n'étaient infondés : absolument toutes les accusations contre Yves Laurens étaient basées sur des clichés authentiques, des preuves incontestables et des chiffres alarmants. En plus de crouler sous les plaintes pour agression physique et harcèlement moral, plusieurs de ses collaborateurs avec qui il avait contracté des accords financiers pharamineux affirmaient avoir été victime de violences économiques et réticences dolosives. Bien sûr, c'était sans compter la découverte d'une dizaine de comptes offshore en Suisse et de deux autres sur les îles Caïmans. L'existence de ces comptes n'était pas le souci en soi, puisque cela était considéré comme légal en France ; non, le véritable problème c'était la fraude fiscale qui se cachait derrière. Nous ne parlions plus de quelques vulgaires millions d'euros, mais de putains de milliards de dollars.
Yves Laurens était terminé. Foutu. Détruit jusqu'à la racine. Les juges mettront certainement des années pour rendre une décision définitive sur cette affaire, mais il n'empêche que le père de Maxine était désormais derrière les barreaux pour une durée encore indéterminée.
Et ceci n'avait été que la première foutue vague d'emmerdes pour la famille Laurens. Car, après la folie médiatique qu'avait créée le patriarche, les magazines peoples s'étaient littéralement arrachés les photos d'Hélène Laurens, la mère de Max, dans les bras d'un jeunot d'à peine vingt piges encore inconnu du grand public jusque-là. Bien entendu, tous avaient plus ou moins parlé de la procédure de divorce en cours entre les deux géniteurs de la famille ... Mais quoi de mieux qu'une amourette ridicule entre un jeune mannequin en devenir et la future ex-femme d'un criminel pour faire gonfler les ventes ?
Et quand le tumulte du moment s'était finalement calmé ... la Grande Maxine Laurens avait fait la une d'à peu près tous les journaux. Elle avait eu le droit à tous les surnoms possibles et imaginables, et bon nombre de rumeurs avaient circulé sur elle.
Les questions et hypothèses sur son compte fusaient à la radio. Tous s'étaient à peu près mis d'accord sur le fait qu'elle était à l'origine de ce bouleversement familial, mais la question était de savoir : Comment et pourquoi ? Comment et pourquoi, la grande et adulée Maxine Laurens avait-elle mis un point final à l'empire de sa famille et, de facto, risquer sa carrière ? Là, les esclandres allaient de bon compte. Certains étaient totalement invraisemblables, d'autres absolument burlesques – une connasse écervelée à la radio avait même émis la possibilité d'inceste dans la famille Laurens ... Autant vous dire que nous ne l'avions plus jamais entendue ensuite – ... Mais d'autres encore étaient à glacer le sang tant elles étaient proches de la vérité.
«La vengeance est un plat qui se mange froid.»
Je ne comptais plus le nombre de fois où j'avais lu cette satanée phrase dans les journaux. Et si les premiers jours, l'opinion public quant à ma photographe avait été plutôt neutre, les semaines suivantes, l'avis commun était resté unanime : Maxine était une foutue héroïne. Celle qui avait dénoncé le prédateur sexuel qu'était son père, le sang de son sang, la jeune-femme qui avait accusé les travers de la richesse, et tout un tralala de conneries qui m'était monté à la tête et avait réveillé des dizaines de mal-de-crâne carabinés.
Maxine avait beau ne plus donner aucun signe de vie sur les réseaux sociaux, son nombre de followers sur l'ensemble des plateformes où elle était inscrite avait doublé en moins d'un mois. Jamais, un photographe n'avait fait autant parler de lui : c'était une première mondiale. Et, ironiquement, son évincement de la sphère internet ne la rendait que plus populaire aux yeux du monde. C'était dingue. Peut-être un tantinet ridicule, mais je mettais cette opinion sur le compte de ma jalousie maladive.
Grâce au ciel, mes gars et moi n'étions pas éclaboussés par toute cette affaire. De façon totalement étonnante, à aucun moment mon nom ou celui de mes potes n'avaient été cités ou retranscrits dans les journaux. Nous étions sagement restés dans l'ombre protectrice de Maxine – je doutais même que « l'oubli » de l'Entourage dans cette connasse d'histoire, était essentiellement dû à la Muette.
Après tout, si elle avait été capable de démanteler sa famille aussi facilement, elle était certainement en mesure de nous protéger nous, les « dommages collatéraux » ?
La seconde chose à retenir était que, après les Laurens, ce fut au tour de la famille d'Eff de faire parler d'elle. Allez savoir le pourquoi, Guillaume – la cousin d'Eff qui, jusqu'alors, était incarcéré pour escroqueries et détournement de fonds – était revenu sur le devant de la scène. De nouvelles preuves et témoignages de son innocence étaient sortis du néant et venaient compromettre les décisions rendues par les différents Tribunaux français, trois ans au préalable. En fait, une nouvelle fois, le nom d'Yves Laurens était ressorti de cet obscur bordel qu'était cette énième affaire. Pour l'instant, rien n'était certain, mais des rumeurs couraient : Le patriarche de la famille Laurens aurait tout manigancé pour foutre Guillaume derrière les barreaux poisseux d'une cellule. Pourquoi ? Comment ? Pour l'instant, nous n'étions qu'aux balbutiements de ce dossier et la décision des juges n'était pas prête d'être rendue – si cette saloperie de Justice française était réputée pour sa lenteur, ce n'était pas pour rien.
De toute façon, il y avait trop flou, trop de points de noir dans ce tableau sombre : la seule certitude que je possédais était que Maxine était, une fois encore, à l'origine de ce revirement de situation. Et je n'étais pas le seul à le penser puisque les médias s'étaient précipités pour faire le rapprochement entre sa photographie révélée lors de son exposition « M U T I Q U E S » et l'affaire opposant le cousin d'Eff à Yves Laurens.
Cela n'avait fait que conforter le rôle de foutue héroïne de Max. C'était renversant : sa cote de popularité atteignait des extrêmes.
« M U T I Q U E S »
Quel putain de choix judicieux ; ma meuf était un génie ... Ou une maniaque compulsive du contrôle, à vous de choisir. Moi-même je doutais encore du qualificatif qui lui allait le mieux.
Plusieurs journaux s'étaient même amusés à l'appeler « La Némésis des temps modernes ». Némésis, qui, rappelons-le, était la satanée déesse de la vengeance, dans la Grèce Antique.
Et pour cause, plus tard – vers le début du mois de février –, nous avions appris que la plupart des personnes dévoilées lors de son exposition n'étaient ni plus ni moins qu'une infime partie des collaborateurs de son père. Et pas n'importe lequel puisqu'ils étaient – tous – des foutus victimes de ses machinations financières et sexuelles. Des victimes que cette sombre merde d'Yves Laurens avait réduites au silence, au mutisme, pour sauver son cul et faire enfler son chiffre d'affaire.
Maxine avait tout orchestré jusque dans les moindres foutus détails. Ces innombrables voyages et disparitions impromptues m'étaient alors apparues comme évidents et justifiés ... Mais personne – pas même moi, putain – ne savait qu'elle était la véritable raison de sa vengeance savamment préparée. Et, bon sang, ça avait le don de m'agacer.
La troisième chose à marquer au fer rouge était la mystérieuse disparition d'un homme du nom de Shiven Billal.
Oui.
« Billal » comme l'homme que j'avais vu en photo sur l'ordinateur de Max. Comme l'homme qui avait été photographié avec la père de Max puis fièrement placardé au mur lors de l'exposition de ma brune. Aux chiottes les coïncidences, le hasard avait disparu de mon vocabulaire depuis que ma photographe m'avait frappé dans l'œil. Billal était un hommes d'affaires réputés dans son pays natal : Dubaï. Malheureusement, depuis plus de deux mois maintenant, plus personne n'avait eu de signes de vie de ce pauvre type. Comment vous dire très concrètement que sa disparition avait enflammé la toile ? Les fans de Max s'étaient empressés d'hurler à tout va que si Shiven Billal avait été affiché lors de l'exposition de Maxine, ce n'était pas son raison : pour eux, la famille de la grande Maxine Laurens avait un lien avec sa disparition fortuite. Les médias s'étaient eux-aussi rangés de cet avis. Deen aussi. Moi aussi.
Si Max m'avait laissé fouiller dans son ordinateur, un mois et demi plus tôt, ce n'était pas son raison : elle voulait que je vois ça.
Pourquoi moi ?
Très franchement, Maxine avait ses raisons que le commun des mortels n'avait pas.
Toutefois, l'affaire Shiven Billal n'était qu'un bruit de couloir pour le moment. Rien ne laisser croire qu'Yves Laurens était lié à sa disparition, alors les avancées de l'affaire étaient un secret bien gardé.
Enfin, la dernière chose à retenir de ces six semaines et demi était que Max n'avait pas seulement disparu des réseaux sociaux.
Non, elle avait aussi disparu de la surface de cette putain de Terre. Évanouie dans la nature. Evincée de notre quotidien. Supprimée de ma foutue vie.
Cette garce invétérée avait disparu depuis le soir de son exposition.
Les premiers jours, j'avais naïvement pensé qu'elle prenait simplement du recul pour se tenir éloigner de tout le chaos qui régnait autour de sa famille. Après tout, c'était parfaitement compréhensible. Tellement que je ne m'en étais pas inquiété, au contraire, je m'étais même convaincu que cela était une bonne chose – pour elle, comme pour nous : son entourage. Deen était d'accord avec moi, compte tenu de ce bordel familial, des rumeurs qui circulaient à son sujet et de l'affolement des médias quant aux raisons de sa « vengeance », mieux valait pour ma copine qu'elle disparaisse pendant un temps. En tout cas le temps que la simple utilisation de son nom de famille dans une conversation, ne créé plus un débat sans fin. J'avais donc sagement patienté dans mon coin, vaquant à mes occupations de rappeur à la notoriété exponentielle et attendant patiemment que Maxine revienne d'elle-même – elle le faisait toujours, tout compte fait.
Malheureusement, au bout de onze jours sans nouvelle, le doute s'était immiscé dans mon esprit aliéné. Une conversation que j'avais eue avec Rose, quelques mois plus tôt, m'était revenue en mémoire et m'avait plongé dans un état de panique sans commune mesure : « Un jour, Max disparaitra. Et elle ne reviendra pas, Nekfeu. Je te le garantis. » C'était un bref résumé de notre dialogue, mais, putain, y repenser m'avait glacé jusqu'aux os. Je ne savais pas ce que la famille Laurens avait bien pu faire pour mériter la colère de Max, mais j'étais désormais persuadé que Rose savait que cela finirait par arriver. Pour elle, c'était une évidence ; une fatalité. Un point final à la fin d'un bon roman ... Ou, en l'occurrence, d'un très, très mauvais.
Comme un con, j'avais donc essayé de joindre ma meuf. Une fois, deux fois, trois fois, douze fois ... ça sonnait dans le vide, parfois. Ce ne sonnait plus du tout, d'autres fois. Et je jure que chaque sonnerie me rapprochait dangereusement de la crise de panique.
« Le numéro que vous avez demandé n'est plus attribué, votre appel ne peut pas aboutir. Merci de réessayer ultérieurement. »
M'avait dit une voix informatisée, le quatorzième jour. Je ne pensais pas avoir déjà connu une telle baisse d'énergie. J'avais raccroché et contemplé mon téléphone brisé sur les quatre coins sans jamais pour autant le voir très clairement. Mon cœur lui-même semblait s'être mis en pause, cessant d'alimenter mes organes vitaux qui se froissaient sous ma poitrine. J'étais en plein foutu bug cérébral. En réalité, je ne savais combien de temps j'étais resté figé, le regard perdu dans l'écran noir de mon portable bousillé. En fait, c'était à peine si j'avais senti Moha' s'approcher.
" Nek, ça va ? " M'avait-il demandé, m'extirpant à ma torpeur lancinante. J'avais follement cligné des cils et ouvert ma bouche pour prendre une inspiration douloureuse, puis m'étais finalement surpris en demandant :
" Tu peux essayer de joindre Max, s'te plait ? "
Le résultat avait été le même pour lui. Pour Deen et Eff' aussi. Les jours suivants et ceux encore d'après, mon esprit avait catégoriquement refusé d'envisager que la prémonition de Rose était en train de se dérouler, alors, comme un idiot en plein déni, j'avais continué de la joindre jusqu'à la fin de la quatrième semaine. Un soir où j'étais plus bourré que jamais, je m'étais isolé dans la salle de bains d'Alpha pour profiter du silence de la pièce et m'éloigner des enceintes qui crachaient leur son à tout va. Mes pensées étaient obstruées par les vapeurs bienfaisantes de l'alcool et c'était à peine si je parvenais à pisser sans tituber sur le côté. Mon cœur faisait des loopings étranges tandis que la bile montait et redescendait dans mon satané gosier – une façon bien à elle de me prévenir que je n'allais pas tarder à regretter d'avoir bu autant.
J'avais ri comme un abruti fini en me regardant dans le petit miroir vissé au-dessus du lavabo. J'étais cerné et un connard de bouton de la taille du monde était planté entre mes deux yeux vitreux. Un sourire nigaud avait creusé mes joues et j'avais conclu que ma couleur brune me manquait. Tel un idiot à deux doigts de sombrer dans le coma éthylique, j'avais ricané plus fort en songeant que ce n'était pas mes connards de cheveux qui me manquaient, mais une meuf disparue de la surface du globe. Ma foutue meuf.
Ce fut bien évidemment à ce moment-là que mon téléphone avait décidé de sonner dans la poche arrière de mon jeans. J'avais bataillé pour le sortir et avais halluciné en voyant le nom de Maxine s'afficher derrière les cassures de mon écran. Tellement que j'avais failli louper l'appel.
" Bébé ? " Avais-je à moitié crié, misérablement cramponné aux rebords de l'évier pour ne pas vaciller en arrière.
" Euh, non ... J'pense pas, désolée. " S'était excusée une jeune-femme à l'autre bout du fil. " Vous avez essayé de me joindre dans l'après-midi ... Alors je vous rappelle, mais je pense que vous vous êtes trompé de numéro, monsieur. "
" Bon sang, mais t'es qui toi encore ? " Avais-je marmonné en tentant de refouler mes nausées.
" Chloé ... " Avait-elle murmuré prudemment. " Bon, écoutez, je viens de changer de numéro de téléphone : je pense que j'ai tout simplement hérité de celui de votre amie. Navrée de vous décevoir, bonne soirée. "
Elle avait raccroché. Moi, mes jambes, elles m'avaient lâchement abandonné. J'avais glissé contre le mur carrelé dans mon dos jusqu'à ce que mes fesses heurtent le sol, le téléphone toujours vissé à l'oreille. Puis j'avais chialé comme un môme, brisé encore un petit plus mon portable dernier cri en le balançant loin de mon corps tremblotant, mordu dans mon bras pour taire mes sanglots pitoyables et étais resté enfermé une bonne heure dans cette salle-de-bains de merde. Je m'étais étouffé dans mes pleurs, noyé dans mon chagrin et dans l'alcool qui ruisselait en masse dans mes veines. Les vannes étaient ouvertes : mon déni ne parvenait plus à faire barrage. Il s'était effondré en même temps que moi, avait battu en retraite quand il avait compris avant moi qu'il ne servait plus à rien de se voiler la face : Max ne reviendrait pas. Pas cette fois.
Cette connasse de Rose Laurens avait raison depuis le début. Et moi j'avais tout de même foncé tête baissé dans le mur infranchissable que représentait sa sœur cadette.
Pourquoi ?
Parce que j'étais une sombre merde.
« Pour elle, tu ne seras jamais qu'un pantin derrière son objectif, Nekfeu. Jamais rien de plus, rentre-toi ça dans le crâne. »,
« Ma sœur, n'est, pas, réparable, Ken. »,
« Un jour, Max disparaitra. Et elle ne reviendra pas, Nekfeu. Je te le garantis. »,
« Un jour, Max disparaitra. »,
« Et elle ne reviendra pas. ».
Ses mots s'étaient répétés en boucle dans mon crâne jusqu'à ce que mes oreilles sifflent, jusqu'à ce que mes pleurs cessent, jusqu'à ce que mon cœur se torde et se meurt. Il avait fallu deux personnes pour me sortir de cette fichue salle-de-bains. Une semaine supplémentaire pour que je parvienne à ignorer la douleur abrutissante qui faisait rage dans ma cage-thoracique à chaque fois qu'on parlait de Maxine à la radio, à la télé ou dans les journaux.
Et nous y voilà, quarante-quatre jours plus tard. Rien n'avait changé. Les Laurens étaient toujours au cœur de l'actualité. Antoine était encore en pleine dépression. Maxine était toujours introuvable. Morgan et Adèle nous crachaient leur satané bonheur à la gueule depuis des jours. Nous enchainions les concerts et les showcases. L'album du S-Crew était en pleine préparation. Mon foutu organe vital dégueulait encore sa rancœur et sa douleur dans mes artères. J'étais toujours une sombre merde en plein deuil de sa meuf. La vie était toujours un cercle vicieux incassable ...
Bref, rien n'avait changé.
En disparaissant, Maxine avait mis le point final à notre histoire et à celle des Laurens. Que nous le voulions ou non, elle avait rendu la monnaie de sa pièce et nous n'étions que les tristes détritus qu'elle avait laissés derrière elle.
En fait, je ne savais pas si je devais la haïr, l'aimer, la détester, l'adorer ou très sérieusement envisager de la tuer. Sa lâcheté me dégoutait et hérissait les poils de mes avant-bras ... Mais quelque part, le lâche que j'étais moi-aussi pouvait comprendre son besoin avide de disparaitre.
Fuir les problèmes : n'était-ce pas une solution comme une autre aux problèmes, tout compte fait ?
" Faut que tu passes à autre chose, mec. Elle ne reviendra pas. Fais-toi à l'idée. " M'avait un jour bêtement conseillé Bigo, alors que nous ruminions tous les deux devant les infos. Une grimace avait déformé mes traits et une douleur sourde dans ma poitrine avait emballé mon myocarde. Pourquoi les gens se sentaient-ils obligés de me parler ? De me réconforter ? Ne pouvaient-ils pas se contenter de se la fermer, sans déconner ?
" Je l'ai déjà oubliée. " Avais-je très mal menti derrière le goulot de ma bière à moitié-vide. " Qu'elle fasse sa vie et je ferai la mienne. Cette meuf n'a besoin de personne pour vivre, j'vois pas pourquoi j'aurais besoin d'elle aussi. "
Ma reus' m'aurait frappé le haut du crâne si elle m'avait entendu mentir aussi effrontément. Dieu merci, ce n'était pas le cas – les bagues qui ornaient ses petits doigts me faisaient toujours un mal de chien.
Le studio – celui-là même où j'avais rencontré Max pour la toute première fois – baignait dans la pénombre. La lucarne au fond de la pièce donnant sur la petite cour intérieure du bâtiment était close et la lumière tamisée émanant des leds incorporées au plafond éclairait à peine mes feuilles couvertes d'encre. Mek' et Fram' étaient eux-aussi obnubilés par l'écriture de leurs couplets tandis que de Zer2 répétait derrière le micro. Antoine était parti s'isoler depuis que son téléphone avait signalé un appel entrant et ne semblait plus vouloir revenir, mais je ne m'en formalisais pas : tout comme moi, mon pote avait perdu sa connasse de petite-amie. Je ne comprenais que trop bien son envie de solitude.
En fait, j'étais incapable de penser à autre chose qu'à Maxine. J'étais pitoyable, à gerber ... Mais je n'y pouvais rien. Peut-être que c'était ça, le pire : j'étais tellement mordu que je ne pouvais même plus m'empêcher de réfléchir à ce qu'elle foutait, à où elle vivait désormais, à quand et comment elle referait son grand retour dans le monde des vivants, dans mon monde – parce qu'elle reviendrait, j'en étais persuadé.
Mais Max avait laissé tellement d'incertitudes derrière elle qu'il m'était impossible de passer outre cette histoire. Trop de non-dits et de silences, trop de coin d'ombres et de doutes ... Je ne le disais et ne le dirai jamais assez, mais Max ne connaissait pas le hasard. L'après-midi où elle m'avait donné l'accès à son ordinateur, elle avait voulu que je vois la photo de Shiven Billal, que je sache qu'elle était au courant. Pour l'instant, la seule chose que j'en avais conclue, c'était que son père avait bel et bien un rapport avec la disparition de ce type. Mais, et ensuite ? Quel rapport avec moi, putain ?
L'unique certitude que j'avais, était que Max avait prévu son départ, et ce, depuis longtemps. Comment ? Premièrement, le soir où j'étais revenu de son expo', la totalité de ses affaires avaient disparu de mon appartement. Plus un string, jeans ou sweatshirt. Sa brosse à dents, ses shampoings et après-shampoings, son unique mascara ... L'unique chose qu'elle avait daigné me laisser était son Zippo qu'elle m'avait donné quelques mois au préalable. Après vérification, j'avais aussi pu constater qu'elle n'avait pris aucun de mes foutus vêtements – et pourtant Dieu sait qu'elle les mettait, mes pulls. Simple impression ou véritable constat : même mes draps ne portaient plus son odeur.
La sensation affligeante qu'elle n'avait jamais mis un pied dans mon appart' m'avait tordu les tripes, mais j'avais préféré éluder la douleur sur le coup. A ce moment-là, j'étais bêtement persuadé que Maxine ne m'abandonnerait pas.
Et puis, bien sûr, il y avait sa lettre : seconde preuve incontestable qu'elle avait d'ores et déjà prévu de s'en aller lorsqu'elle s'était engouffrée dans cette bouche de métro, celle près de notre parc habituel. Lettre qu'elle avait confiée au vigil qui était d'ailleurs plus qu'éloquente : une photo polaroid où nous étions tous les deux enlacés et où était marqué au dos :
« Parce que je ne te remercierai jamais assez,
- Max »
Le matin où j'avais ouvert cette lettre était le lendemain matin de la soirée où j'avais chialé comme un gosse. Bizarrement, ses mots avaient réveillé un espoir incongru dans mon esprit et m'avaient fait autant de mal que de bien. Encore maintenant, je doutais de tout ce qu'impliquait ces remerciements plus ou moins implicites, mais ils m'avaient convaincu d'une chose : elle ne m'avait pas oublié. Et, très égoïstement, cela m'allait. Je refusais d'être le seul connard amoureux transi dans cette relation malsaine qu'était la nôtre.
" Wow, putain, les gars ! " Surpris dans mes pensées, je rivai mon regard vers Antoine qui était à l'entrée du stud' en même temps que Mek' et Fram'. Il semblait agacé et ... excité ? " Vous auriez pu aérer, putain, on est gazés là ! "
Impression de déjà-vu ou pas, cette scène me disait curieusement quelque chose.
Je cessai de mâchonner mon crayon à bille et dépliai mes jambes devant moi. Mek' devait lui-aussi avoir repéré l'excitation de notre pote puisqu'il me lança un coup d'œil curieux. Je haussai une épaule, aussi ignorant que lui sur la raison de l'engouement d'Antoine.
Toutefois, je ne pus m'empêcher de me faire la réflexion que seulement deux choses seraient capables de le mettre dans un état pareil : soit il s'agissait d'une bonne nouvelle pour l'Entourage, soit il s'agissait d'une chose concernant les Laurens.
Et, malgré moi, ce connard d'espoir grésilla dans mes neurones.
" Il se passe quoi ? " S'enquit Fram' lorsqu'Antoine vint s'assoir près de moi. Ce dernier fit la moue puis me lança une œillade étrange. Je fronçai mes sourcils, de plus ou plus agacé par son suspens.
" Quoi ? " Marmonnai-je. " Pourquoi tu me regardes comme ça ? "
" Je viens d'avoir un coup de téléphone en provenance du Japon. " Admit-il enfin avant de ne se frotter le menton. " Un appel d'une certaine Crystal Kay. "
" Tu déconnes ? " Intervint Mek'.
" Nan, nan. En fait ... je suis putain de très sérieux, mon gars. Elle a eu vent du second album de Nek et aimerait faire une collab' avec lui. "
Pause.
Premièrement, ça paraissait trop gros pour être vrai.
Deuxièmement, comment, bordel, avait-elle entendu parlé de moi ? Ma réputation nationale n'était plus à faire – sans vantardise –, mais à l'international, je ne valais pas mieux qu'une sous-merde en devenir.
Troisièmement, je détestais franchement l'espoir qui grossissait dans mon estomac. Et pas l'espoir de faire une pseudo collaboration avec Crystal Kay – star renommée au Japon – mais l'espoir de voir Maxine réapparaitre dans ma vie. Parce que, bon sang, l'unique personne à qui j'avais parlé de ce second album surprise après l'Entourage, eh bien, putain, c'était ma nana.
" Putain, mais c'est ouf, mec ! " S'exclama brusquement 2zer qui était réapparu dans l'encadrement de la porte.
" Comment est-ce qu'elle a entendu parlé de moi ? " L'interrompis-je dans son élan et à la sale tronche que tira Fonky, je sus avoir raison. Putain, pourquoi fallait-il que j'ai toujours raison ?
" Elle m'a dit qu'elle avait été contactée par une certaine Maxine Laurens. Elles ont discuté, Max a avoué que tu adorais la culture japonaise et que ça te plairait certainement de collaborer avec Crystal. Elle n'a pas refusé, donc la Muette lui a refilé le numéro de ton agent officieux : moi. "
Au son étrange que venait de faire mon organe vital, je sus que mon espoir venait de détoner définitivement dans ma cage-thoracique. Et je me hais instantanément pour ça. Putain, non ! Je n'étais pas supposé lui pardonner ! Je n'étais pas supposé vouloir la prendre dans mes bras pour la remercier de réaliser l'un de mes rêves de gosses ! J'étais supposé la mépriser, la détester ... Putain, j'étais supposé l'oublier ! Qu'est-ce qu'elle croyait ?! Que j'allais oublier qu'elle m'avait lâchement abandonné ici ?! J'avais pleuré comme une saleté de gosse pour elle, et elle, sous prétexte qu'elle était la grande Maxine Laurens, elle pensait pouvoir revenir comme une fleur ?! Bordel, qu'ils aillent se faire foutre ! Elle, ses remerciements à la con et mon espoir à deux balles ! Je n'avais pas le droit d'être heureux, pas le droit d'être aussi faible et tout rutilant d'espérance.
Maxine était partie. Point barre. Je n'étais pas ce clébard qu'on laisse chez soi pendant les vacances et que l'on retrouve à la rentrée – quand on est reposé. J'étais son petit-ami et elle était ma meuf. Peut-être n'étais-je pas irréprochable, sûrement étais-je le pire des connards, mais Maxine n'était pas une toile vierge non-plus. Loin de là. Alors qu'elle se démerde, seule. Je ne courrai pas la rejoindre – quand bien même en avais-je furieusement envie. J'estimais mériter mieux que cela. Mieux qu'une meuf fantôme, mieux que de vulgaires souvenirs et des pitoyables remerciements.
Je méritais des foutues excuses.
Maxine n'était pas la seule à être ressortie estropiée de cette histoire. Elle m'avait bousillé, moi aussi. Il suffisait de me regarder pour comprendre que ces quatre mois passés à ses côtés m'avaient détruit jusqu'à la moelle. J'avais beau faire bonne figure, ravaler ma rage et mes larmes à chaque fois qu'une de ses photos apparaissaient dans les journaux, la douleur ne mentait pas. La douleur ne mentait jamais – elle.
En un mois et demi, j'avais passé plus de journées à ruminer dans mon pieux qu'à profiter de mes potes. Ce n'était pas ça « aimer ». De toute façon, je n'étais pas certain que Max et moi nous étions déjà aimés convenablement, un jour. Aimer ne faisait pas souffrir. Aimer n'était pas supposé vous démolir. Il n'y avait que dans les livres que ce genre de merdes arrivaient sans pour autant anéantir les antagonistes.
Parfois, il fallait simplement ouvrir les yeux. J'avais beau aimer Max à en crever, je n'étais pas certain que cela suffise. En fait, non : j'en étais persuadé. La vie n'était définitivement pas un de ces connards de films à l'eau de rose. Quelques rires et mots en l'air, quelques caresses et ébats passionnés ne suffisaient pas à réparer une personne aussi détruite que Max. Et j'étais intimement convaincu que la vengeance qu'elle avait prise sur sa famille n'avait rien arrangé. Parce que, tout compte fait, qu'est-ce que cela avait bien pu lui apporter ? Satisfaction ? Plaisir ? Ok, peut-être. Mais pour combien de temps ? Je connaissais suffisamment Max pour savoir que cette satisfaction ne sera que passagère. Quand la folie du moment sera retombée, que le voile opaque de sa rage se sera dissipée, elle constatera qu'elle n'a plus rien. Plus de but. Plus de famille. Plus de mec. Plus que la solitude. Et Dieu savait que la solitude était un poison létal.
" J'la rappellerai demain. " Marmonnai-je en me relevant mollement de ma chaise. " J'veux pas de cette collab'. Pas si elle vient de Maxine. " Conclus-je sérieusement avant d'enfiler ma veste en jean et réajuster ma casquette sur mon crâne.
" Mec ... " Commença Mekra et sa voix pleine de regrets me fit grimacer de dégout. Je ne voulais pas de leur pitié. Quelque part, j'étais aussi responsable que Max de ce carnage : mieux valait que je m'y fasse.
" Laisse tomber, gros : t'avais raison depuis le début. Cette meuf me bouffe la vie. J'veux plus rien avoir à faire avec elle. "
" Nek, tu sais pertinemment que j'ai dit ça sur le coup de la colère la dernière f- "
" Mais moi aussi, putain ! " Hurlai-je soudain en me retournant vers eux. Leur regard plein de pitié était à gerber, bordel. " Moi aussi je suis énervé, Mek ! Contre cette foutue photographe, contre moi, contre sa famille ... Contre tout le monde, bordel ! " Je reniflai dédaigneusement pour calmer ce relent amer de colère et passai une main sur mes yeux bouffis par la fatigue. J'étais épuisé. Lessivé. Quoi que je puisse dire, je voulais Max. Mais me battre contre moi-même était aussi épuisant qu'un match de boxe, à la fin. " Je suis crevé, d'accord ? " Repris-je plus calmement. " Alors laissez-moi haïr ma meuf si j'en ai envie. Laissez-moi faire ma vie ... Et putain, arrêtez de me regarder comme si je n'étais qu'un satané chien abandonné. "
Sur le trajet du retour, je m'obligeai à refouler mes émotions âcres. Si la plupart des personnes détestaient le métro parisien, moi je l'aimais pour la sérénité qu'il m'apportait – surtout à une heure aussi avancée de la soirée. Les tremblements des roues sur les rails m'aidaient à chasser mes démons et à garder les pieds sur terre. De toute façon, Paris n'était pas pareille la nuit ; mon père avait tendance à dire que la pénombre faisait émerger nos véritables personnalités. J'étais plus ou moins d'accord avec lui.
En rentrant chez moi, je n'avais qu'une intention : me jeter dans mon lit et essayer de dormir jusqu'à oublier les raisons de mes insomnies. Parce que, oui, en plus de toutes mes merdes quotidiennes, Morphée avait tendance à me négliger ces derniers temps.
Je saisis mes clefs pour ouvrir ma porte d'entrée ... Mais fus surpris de voir que je ne l'avais pas fermée. Je fronçai mes sourcils, perplexe. J'étais pourtant certain d'avoir fermé derrière moi – et pour cause, après m'être fait cambrioler l'année passée, j'étais devenu un tantinet paranoïaque. Prudemment, j'ouvris donc la porte en restant sur le seuil et plaçai mes clefs entre les jointures de mes doigts pour former un poing américain. J'avais un putain de mauvais pressentiment ... Aussi ne fus-je pas étonné lorsque je découvris une masse sombre sur mon canapé.
Sauf que, bizarrement, cette masse informe ne m'était pas inconnue.
Et il suffit que je reconnaisse sa sale tronche de junkie pour que la colère explose dans mes veines.
" Qu'est-ce que tu fous chez moi, sombre merde ?! " Beuglai-je en allumant précipitamment le plafonnier de mon salon.
" Salut, le nain de jardin. " Ricana-t-il en posant négligemment ses pieds sur ma table basse. " Ça fait un bail. " Me sourit-il d'un air carnassier avant de ne pointer du doigt la photo que Max m'avait offerte. " Vous êtes mignons tout plein là-dessus ... toi et ma femme. "
L'utilisation du pronom « ma » n'aurait pas dû me mettre dans un tel état de rage, surtout qu'il ne s'agissait que de pure provocation ... Mais c'était plus fort que moi. Putain, il s'agissait de Dylan ! J'avais tous les droits de m'énerver contre lui !
" Ce. N'est. Pas. Ta. Putain. De femme. " Crachai-je en crispant mes doigts autour de mes clefs.
Est-ce que, si je le tabassais, l'utilisation de la légitime défense serait autorisée ?
Bon sang, je n'en savais rien ! Mais je détestais qu'il se soit immiscé dans mon intimité. En prenant ce polaroid entre ses foutus doigts tatoués, il l'avait souillé jusqu'à l'encre, bon sang ! Rien que pour ça je devrais avoir le droit de lui en foutre une !
Ceci étant dit, ma grimace colérique et ma remarque acerbe le firent sourire de plus belle – je décelai toutefois un faux-air de tristesse ... Et ce serait mentir de dire que je n'appréciai pas sa douleur.
" Certes. Mais ce n'est plus la tienne non plus, Barbie. Pas vrai ? " Marmonna-t-il en se relevant de mon sofa. Nous nous toisâmes agressivement mais je ne parvins pas à démentir sa réplique ... Après tout, il avait raison, non ? " Inutile d'essayer de me contredire, toi et moi savons que j'ai raison : on en est au même point toi et moi. Les foutus dommages collatéraux de la famille Laurens. " Chantonna-t-il ironiquement.
" Qu'est-ce que tu veux ? " Crachai-je avec véhémence. " Qu'est-ce qui me retiens de t'en foutre une puis d'appeler les flics ? " La négligence avec laquelle il haussa ses épaules chatouilla mes poings. Un tic nerveux fit trembler mes lèvres tandis qu'une moue condescendante se peignait sur son visage métissé.
" Premièrement, parce que toi et moi savons que je risque fort de t'envoyer dans le coma si je te frappe à mon tour ... Et deuxièmement car tu vas m'aider, Nekfeu. "
" Va crever, mec. Pour rien au monde j'aiderai un mec qui a vendu sa meuf. " Sifflai-je en prenant un pas de recul. " Alors casse-toi de chez moi. " Je balançai mes clefs sur ma commode et enlevai mon manteau. Désormais que je savais qu'il avait besoin de moi, j'étais à peu près persuadé qu'il ne me planterait pas à un couteau dans le dos ... Cela n'empêche que j'étais sur mes gardes.
" Ne sois pas si méchant, le nain de jardin. C'est de l'histoire ancienne : Maxine a mis un point final à tout ça le jour où elle a décidé qu'elle détruirait sa famille. "
Un point pour lui.
Même si je ne l'admettrai jamais.
Je ronchonnai dans ma barbe une injure peu flatteuse et partis me chercher une bière dans le frigo. Dylan n'était pas près de partir ... Et je devais avouer que j'étais de curieux de savoir comment j'étais supposé l'aider. Après tout, avoir un moyen de pression sur ce junkie décérébré pouvait toujours être utile, n'est-ce pas ?
" Tu as trente secondes pour m'expliquer ce que tu fous chez moi, sinon j'appelle les flics pour violation de domicile, fils de pute. " Marmonnai-je en m'adossant à mon plan de travail. Il m'avait suivi dans la cuisine et me regardait désormais avec un sérieux à glacer le sang.
" Putain, je me demande vraiment comment Max a bien pu passer de moi à toi, sans déconner ... "
" Vingt-sept. " Ronchonnai-je avant de ne boire une gorgée.
" Très bien. " Il cracha en se campant sur ses pieds. " Je dois retrouver Max et tu vas m'aider. "
" Qui te dis que je te serais utile ? " Il roula des yeux au moment où j'arquai un sourcil.
" Parce que t'aimes ma femme presqu'autant que moi, Nekfeu. "
Deux points pour lui.
Et putain, c'était foutrement douloureux.
" T'es amoureux de la meuf qu'elle était, mec. Fais-toi à l'idée : la petite lycéenne que t'as connue n'a plus lieu d'être. " M'agaçai-je.
" Parce que tu penses être mieux, connard ? T'es amoureux d'un foutu cadavre. "
Ex aequo.
Balle au centre.
Prends-toi ça dans la gueule, Nekfeu.
" Dégage de chez moi. " Conclus-je en grimaçant. " J't'aiderai pas à récupérer ma meuf. Maxine est une grande fille, Dylan. Elle sait parfaitement ce qu'elle fait et j'ai des obligations sur Paris. "
" Quoi comme obligations ? Tes petits concerts de diva ? Je t'en prie, mec ! " Me railla-t-il sinistrement.
" Moi au moins je n'ai pas besoin de vendre ma fiancée à ses parents pour me payer mon loyer, sombre merde. "
Un point pour moi.
J'eus presque envie de sourire à sa mine déconfite.
Pourtant, je ne le fis pas. J'avais trop mal au cœur pour glorifier ma prochaine victoire.
" Si tu affirmes qu'elle pourra se démerder toute seule après ça, c'est que tu ne vaux pas mieux que moi, Nekfeu. Personne ne se remet d'un truc pareil ; pas même Max. Et si tu penses le contraire, c'est que tu ne la mérites pas. "
" Et alors quoi ? Sous prétexte qu'elle va mal, on devrait lui pardonner tout ce qu'elle nous a fait à nous, « les dommages collatéraux » ?! " Beuglai-je en posant brusquement ma bouteille sur le comptoir. Je sus avoir fait mouche lorsque Dylan riva son regard vers la porte d'entrée, une grimace répugnée aux coins des lèvres. " Ouvre les yeux, mec. " Sifflai-je méchamment. " Maxine et toi, c'est terminé. Fini. Bouclé. Passe à autre chose, putain, et grandis par la même occasion. "
Une respiration.
J'avais mal sous le plexus. Mes yeux me brûlaient.
Je nous faisais pitié. Je me faisais pitié.
" Peut-être qu'aucun de nous ne la mérite, Dylan. " Repris-je froidement après m'être brossé fébrilement les cheveux en arrière. " Mais je suis aussi à peu près certain qu'aucun de nous ne méritait non-plus ce qu'elle nous a fait à tous les deux. "
Je conclus avec condescendance, le cœur en miette et l'âme en charpie. Jamais je n'aurais cru que mentir pouvait faire aussi mal. Mon estomac broyait du vide et mon esprit sonnait creux. Mes barrières mentales s'abaissaient dangereusement un peu plus à chaque seconde et derrière elles se profilait une avalanche de chagrin que je ne serai pas en mesure de retenir plus longtemps. Regarder Dylan en face, c'était comme contempler le passé de Max dans les yeux et ça me broyait dans l'intérieur. Me foudroyait sur place. Si je m'étais regardé dans une glace à ce moment-là, sûrement n'aurais-je vu que la pitoyable reflet d'un mec trop amoureux. Et je pus dire sans hésitation que Dylan n'était pas mieux.
Nous étions pitoyables.
Finalement, je baissai les yeux en premier, rivant mes pupilles sur mes pompes défoncées et mes lacets à moitié défaits. Je secouai mollement mon crâne pour chasser ma culpabilité et mes remords incandescents, puis murmurai à l'incarnation du passé de ma photographe :
" Maintenant, dégage de chez moi, mec. J'veux plus rien avoir à faire avec toi, avec Max ou avec les Laurens. Vous avez pourri ma vie pendant presque six mois, ne comptez pas sur moi pour vous aider à réparer les vôtres. "
Je n'eus même pas la force de la regarder décamper. Je luttai d'ores et déjà avec ma raison qui me hurlait que j'étais un connard invétéré, je n'avais pas besoin d'affronter autre chose pour le moment. Il s'en alla sans un bruit – sûrement était-il déçu ou blessé dans son orgueil ... très honnêtement, je m'en branlais.
Et pourtant, malgré son connard d'égo blessé, il ne parvint pas à s'empêcher de vouloir avoir le dernier mot.
" Tu sais quoi, mec ? Tu me fais pitié. Le jour où tu comprendras que la plupart des choses que Max a faites était uniquement là pour nous protéger de sa famille, tu t'en mordras méchamment les doigts. T'es simplement trop fier pour l'admettre. Ou alors trop con pour comprendre qu'on n'oublie pas une meuf comme elle. Dans les deux cas ... T'es qu'un putain d'abruti fini. "
Lorsqu'il claqua la porte derrière lui, un soupir en fendre l'âme fuit d'entre mes lèvres. Je me sentais fiévreux, nauséeux aussi, un peu. L'impression d'avoir pris un uppercut dans l'estomac me faisait voir trente-six chandelles. Il parait que la vérité était douloureuse à entendre. Sauf que les mensonges ne valaient pas mieux. Pourquoi, putain, n'y avait-il jamais de juste milieu ? Pourquoi, nom d'un chien, les gens se sentaient-ils obligés de me répéter à voix-haute tout ce que je savais déjà dans mon for-intérieur ? J'étais trop fier. Trop orgueilleux. Trop amoureux, aussi, bordel.
Je chassai cette triste vérité en me frottant mollement le visage avant de ne récupérer ma bière, m'allumer une clope avec le Zippo que Max m'avait offert, récupérer le polaroid qui trainait sur ma table basse, puis me laisser tomber dans mon canapé.
Putain, j'adorais cette photo. Envers et contre tout ce qui m'arrivait.
C'était Deen qui l'avait prise. Je venais de finir un concert, Maxine était de bonne humeur, j'étais aux anges parce que Max acceptait mon étreinte, ma photographe et moi partagions un de ces rares moments où nous baissions tous les deux nos gardes pour profiter l'un de l'autre ... Cette photo était parfaite. Et Max me l'avait offerte. Qu'importait qu'elle ne soit là que pour me narguer, me faire souffrir ou simplement pour ma rappeler, qu'un jour, un « nous » avait existé, j'aimais follement cette photo. Elle était mal cadrée, je souriais bizarrement, les cheveux de Max lui tombaient devant les yeux et la cachaient à moitié ... Mais putain, c'était de cette meuf dont j'étais amoureux. De cet aspect là de notre relation : bizarre et imparfait. Unique et un peu candide sur les bords.
Putain, Max, mais qu'est-ce que tu m'as fait ? Et t'es où, bordel ? Quand est-ce que tu comprendras que ce n'est pas moi qu'il faut fuir ?
Je te déteste, merde.
Je te déteste presqu'autant que je t'aime.
Et bon sang, tu me fais chier.
Je soufflai la fumée de ma cigarette en me remémorant la première fois que j'avais rencontré Max, au stud'. Je me souvins d'une phrase en particulier, en fait. Une connerie que j'avais balancée dans l'unique but de la taquiner et d'attirer son attention.
« Tu n'as même pas idée de tout ce qu'il peut se passer en six mois, la muette. »
Sur le coup, je n'avais pas très bien compris le regard qu'elle m'avait lancé. Plein de promesses et dégoulinant d'avertissements. En effet, elle n'avait pas idée de ce qui se passerait pendant ces six mois. Mais moi non-plus, tout compte fait. En fait, personne n'aurait pu le savoir.
Et pourtant, je ne pus m'empêcher de ricaner devant l'ironie de la situation.
Non.
Putain, personne, et surtout pas moi, n'avait idée de tout ce qu'il se passerait pendant ces six mois ...
... Ca m'arracha presque un sourire.
Parce que, nom d'un chien, le point final à cette histoire venait soudainement de se transformer en points de suspension.
➰
➰
Oh lalalalalalalala 😭
Alors, qu'en pensez-vous ?
J'espère que vous n'êtes pas déçues par ce chapitre ... Mais l'épilogue mettra un point final à tous vos doutes ne vous en faites pas haha ! (Il arrivera dans la week end à ce sujet)
La réaction Nek, justifiée ou non ? Une probable collab avec Dylan pour le Tome 2 ? Mais où est Max ? Qu'est-il arrivé à Shiven Billal ? 😱
Je vous aime les amours, on se voit dimanche ou Samedi (mais plus dimanche quand même) ... bisous ❤️❤️❤️❤️
-Clem
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