• Plume n°36 •


Coucou coucou coucou !

Ça va les potos ? Je publie en avance, j'espère que ça ne vous dérange pas ? 😘

Allez, on se retrouve en bas après ce loong chapitre dédié à notre Barbie nationale !






Nekfeu





Étais-je en train de faire une connerie ? La réponse était un putain de oui.

Savais-je ce que je faisais ? La foutue réponse était un énorme, gigantesque, colossal et incontestable, non.

À chacun de mes pas, l'impression de m'enliser intentionnellement dans de la bouse me sautait à la gorge et me donnait envie de me barrer en courant. Et pourtant, je continuais d'avancer sur l'asphalte de ce trottoir parisien, casquette vissée sur le crâne, mains dans les poches ... J'étais pitoyable. Christian Grey pouvait aller se rhabiller - littéralement : j'étais bien plus sadomasochiste que ce connard accro aux fouets.

Putain, étais-je sérieusement en train de penser à ces livres ? Je ravalai un grognement : passer Noël avec ma sœur m'avait contaminé. Me voilà aussi ridicule que toutes ces meufs frustrées. Et oui, je mettais ma sœur dans le lot. Après avoir été larguée par son petit-ami quelques mois au préalable, elle s'était repliée sur ces putains de livres érotiques. J'avais eu la gerbe en les voyant étalés sur le chevet de son lit de gamine, chez nos parents.

Mais franchement, étais-je mieux qu'elle ? Là encore, c'était un non de la taille de l'univers. Vingt-deux jours que Maxine avait disparu de mon appart, de ma vie, de celle de mes potes, et me voilà, prêt à pactiser avec la version féminine de Satan pour savoir ce qu'elle trafiquait. Encore. Les Laurens avaient disparu de mon univers en même temps que Maxine. Même son père, pourtant très médiatisé à l'habitude, semblait avoir disparu de la circulation. À croire que cette famille de barges n'avait jamais existé. Qu'elle n'avait jamais été qu'une parfaite illusion faite par mon esprit défaillant ; un moyen détourné de me foutre six pieds sous terre.

Nous étions le vingt-six décembre et à peine étais-je revenu sur Paris que ma seule ambition avait été de retrouver mon ... Ex ? Merde, le penser me donnait envie de me crever les deux yeux. Définitivement, je n'étais pas mieux que ma sœur. La seule différence avec ma cadette était que, moi, j'espérais pitoyablement que mon ex reviendrait. Littéralement. Car après avoir démenti la douleur pendant plus d'une semaine, j'étais arrivé à la conclusion suivante : j'étais le connard désespérément amoureux de la mauvaise fille.

Je reniflai et shootai dans le mégot de ma cigarette. Celle-ci s'envola quelques mètres plus loin, puis tomba dans l'eau qui ruisselait dans le caniveau. Il faisait un temps de merde, comme depuis le début de ce mois de décembre. Les jours s'enchainaient et se ressemblaient, la pluie continuait de tomber, d'inonder les rues, et moi, malgré mon emploi du temps surchargé, mes interviews à donner, mes clips à tourner, je trouvais encore le moyen de me lamenter. Noël avait été un calvaire : une foutue pièce de théâtre où j'avais incarné le rôle du parfait fils et du parfait frère trop joyeux pour ne pas cacher une santé mentale en piteux état.

Et ça n'avait pas raté : ma mère avait immédiatement capté les ondes négatives de son pauvre foutu fils. Mais j'avais fermé ma gueule, comme une grand. Là encore, j'avais incarné à la perfection le rôle de la grande Maxine Laurens à la perfection, à savoir : la muette. Ma sœur était alors venue à la rescousse de ma mère, mais n'était parvenue à rien. Alors ce fut au tour de mon cher paternel qui, à l'aide de grands coups de poings amicaux, avait tenté de m'arracher les verres du nez : en vain.

Puis le vingt-cinq au soir, était arrivé une putain de chose inattendue : un message en provenance de l'une des sœurs Laurens. La mauvaise en l'occurrence, mais compte tenu de ma situation émotionnelle foutrement pitoyable, ça m'avait tout de même convenu.



« Il faudrait qu'on se voit. Le plus vite serait le mieux.
- R. Laurens. »


Rose Laurens. Moi qui la pensais morte et enterrée, je m'étais manifestement trompé.

Dommage.


« Pense pas que 30 000 balles suffiront à me faire dégager de la vie de ta sœur, chérie »

« Aucune chance. Elle t'a déjà fui, Ken, au cas où tu l'aurais oublié. » J'avais durement réprimé mon envie d'écraser mon téléphone dernier cri et hors de prix sous ma pompe.

« Qu'est-ce que tu me veux Laurens ? »

« Qu'on se voit. »

« Pq ? »

« À ton avis, abruti ? Qu'est-ce qui, toi et moi, nous relie ? » Je me souviens avoir ricané devant mon portable : le nombre de virgules dans sa phrase m'avait étonné. Même derrière un écran, cette blondasse continuait de vouloir m'impressionner avec sa ponctuation de me deux.

« Ok demain vingt-deux heures »
« Je t'enverrai l'adresse »




Et m'y voilà. Avec une petite heure de retard calculée et planifiée, certes, mais m'y voilà. J'étais planté comme un con sur le bitume du trottoir, toisant sous ma capuche la façade miteuse de ce pub pourri. La peinture défraichie tombait en lambeaux sur le sol, les grandes fenêtres étaient brisées par endroit, jaunies à d'autres, il n'y avait même pas d'enseigne lumineuse, juste un connard d'autocollant jaune fluorescent. « Plus d'un million d'euros à gagner ! » disait-il. Ça m'arracha un sourire hypocrite. Sous l'écriteaux était précisé « valable jusqu'au 1er juin 2009 ». Nous étions en 2015.

Cette merdeuse de Rose Laurens devait faire tâche dans le décor.

C'est ce qui me convainquit d'aller la rejoindre : la voir elle, apprêtée comme pour aller bosser, dans un pub blindé de vieux fripés et alcoolisés, devait être putain d'hilarant à voir. Et Dieu savait ô combien j'avais besoin de me divertir en ce moment, ô combien j'avais besoin de me sortir du crâne cette foutue photographe.

Je reniflai et traversai la rue en trainant des pieds. Négligemment, j'ouvris la porte du bar et fus immédiatement marqué par l'odeur d'humidité. Un immonde parquet grinçait sous mes pompes et quelques tables étaient regroupées dans le fond de la pièce rectangulaire, à l'opposé du bar. Nous étions six dans la salle. Un vieux perdu dans ses pensées. Un jeune solitaire. Un type d'une quarantaine d'années. Une vielle femme au visage striée de larmes, noyant son chagrin dans son verre de scotch. Une blondasse que je surnommais Satan. Et moi.

Personne ne souriait, ne riait, ne vivait.

À croire que cet endroit était dédié au culte de la dépression.

Connasse de Vie, pensai-je en marchant d'un pas nonchalant vers Rose.

Accoudée au bar et perdue dans ses pensées, elle ne me remarqua même pas arriver. Ses yeux étaient perdus dans le fond de son verre d'eau et me laissèrent le temps de l'examiner à mon aise. Je fus surpris de la voir en tenue décontractée : un vulgaire jean, un simple chemisier, des bottines à petits talons. Ses cheveux satinés étaient regroupés dans un chignon bâclés et son vernis était écaillé. C'était dingue à voir et impossible à croire, mais étrangement, à mes yeux, elle venait de perdre dix piges.

L'effet Maxine, je supposai.



" Un double, s'te plait. " Je demandai au barman derrière le comptoir avant de ne négligemment m'asseoir sur l'un des sièges près de la blonde. Le grincement des pieds de ma chaise sur le sol l'alerta et la fit sursauter. Ses yeux bleus – ces foutus yeux si similaires à ceux de sa sœur – s'arrondirent mais reprirent rapidement de leur sérieux quand ils me reconnurent. J'eus un léger ricanement quand je l'entendis soupirer. Décidemment, tous les Laurens étaient prédestinés à me haïr.

" Ken. " Me salua-t-elle hypocritement.

" Blondasse. " Soupirai-je en récupérant le verre que me tendait le mec bedonnant. Je le remerciai d'un sourire et me concentrai sur le liquide ambré.

" T'es en retard. "

" T'es en avance. "

" Je suis arrivée à l'heure. " Répliqua-t-elle. " N'as-tu aucune notion du temps ? "

" J'ai perdu ma montre. " Mentis-je insolemment avant d'absorber une gorgée de la liqueur. Bordel de merde, elle était infecte.

" Et ton téléphone ? J'ai essayé de te joindre une bonne dizaine de fois, je te signale ! "

" Fais gaffe, chérie. Je vais finir par croire que je te manquais. " Raillai-je amèrement.

" T'es vraiment qu'un sale type, Samaras. "

" Ouais. Ta sœur me le disait aussi. "



Ma réplique eut l'effet escompté : elle ferma aussitôt sa bouche et j'eus tout le loisir de me purger l'estomac avec mon alcool fort. Pour huit euros le verre, j'aurais au moins pu espérer avoir mieux que de la javel, putain. Le liquide me brûlait les papilles, la gorge et les entrailles, mais d'un certain côté, bordel que j'aimais ça. La douleur dans mes tripes, elle était si forte qu'elle parvenait à faire taire celle occasionnée par l'absence de Maxine. De mon ex.

J'étais. Un. Putain. De. Déchet.

Rien de moins, rien de plus.

J'étais dans mon monde, torchant mes devoirs de « célébrités naissantes », comme on se torche le cul. J'étais en mode automatique, un putain d'automate.

Rien de mieux, rien de pire.


" Fait chier. " Soupirai-je en avalant les dernières gouttes de mon poison.

" Quoi ? Ma chère petit sœur te manque, Nekfeu ? " Se badina sinistrement Satan à ma droite, mais j'éludai sa question. À la place, je fis un vulgaire signe de main au barman pour qu'il me remette la même chose. Il s'activa pour me servir, je le remerciai d'un sourire aussi faux que rapide. Aux chiottes la courtoisie, j'avais d'autres chats à fouetter ce soir.

" Qu'est-ce que tu me veux, chérie ? Tu t'es rendue compte d'à quel point ta vie craignait sans moi ? D'à quel point, ta foutue vie était merdique quand ta sœur n'est plus dans le coin ? "


Elle se tut après que je l'ai lorgnée paresseusement par-dessus mon épaule. Putain, je n'avais même plus la force de lui lancer un sourire ; pourtant Dieu sait que c'était jouissif de lui clouer le bec. Malheureusement, je n'eus pas le temps de boire la moitié de mon verre qu'elle lâcha telle une bombe dans la salle :



" Ma sœur a disparu. "



Je braquai instantanément mon regard interloqué dans sa direction, ce qui la fit grogner de mécontentement.



" Enfin, non, pas vraiment. Disons simplement qu'elle vaque ici et là. Mon père est parvenu à la retrouver avec la localisation de son téléphone il y une dizaine de jours, mais depuis, plus de nouvelles. J'espérais que toi ou l'un des garçons ayez plus d'informations. "

" Tu te fous de moi ? "Soufflai-je, dépité à l'idée que mon plan tombe à l'eau ; en acceptant son invitation, j'avais pour unique but d'avoir plus de renseignements sur le lieu de résidence de ma foutue ex. " Vous n'avez vraiment aucune idée d'où elle peut être ? "

" La dernière fois qu'on a eu de ses nouvelles, elle était à Bordeaux. "

" Qu'est-ce qu'elle foutait là-bas, putain ? " M'enquis-je, de plus en plus alarmé par les activités secrètes de ma photographe. Rose soupira avant de ne me lancer une œillade si triste, que j'eus presque pitié d'elle. Presque. N'oublions pas qu'elle et sa foutue famille de tarés étaient les principaux responsables de la vie merdique de ma meuf.

" Tu connais ma sœur, Nekfeu. Elle ne fait jamais rien sans raison. Particulièrement pas quand elle a une idée bien précise derrière la tête. "



Une vengeance derrière la tête, la corrigeai-je secrètement, pas certain que Rose ait envie d'apprendre que sa chère petite sœur était certainement entrain de fouiller et d'ébranler la vie de la famille Laurens.

Merde, Max, qu'est-ce que tu branles ...

Je finis mon verre d'une traite.



" Donc je présume que tu n'as pas de nouvelles non plus ? "

" Rien. Nada. Quedal. Je l'ai larguée : elle a disparu. Point. C'est tout ce que je sais. Tu veux un verre ? " Soupirai-je d'une traite après avoir hélé le barman une troisième fois. Comme elle ne me répondait pas, je choisis pour elle. " La même chose pour Satan à ma droite et pour moi. "

" Comment tu m'as appelée ?! " S'insurgea-t-elle, me faisant regretter le mutisme de sa sœur. Je grognai une injure et répétai :

" Satan. T'as quelque chose à redire là-dessus ? " Elle me regarda, offusquée, avec ses grands airs de bourgeoises coincée du cul. Je roulai des yeux et lui fourrai le verre de whiskey entre les mains. Je fis silencieusement trinquer nos deux verres sous ses yeux de débile profonde et m'accoudai à sa chaise pour lui susurrer dans l'oreille : " Content que tu reconnaisses être l'incarnation du Diable, chérie. "

" Je ne veux pas de ton verre, Samaras. " Grimaça-t-elle avec véhémence. " Le souvenir de toi me laissant boire à outrance pour m'escroquer des informations est encore trop frai dans mon esprit. " Je pinçai mes lèvres en ouvrant grand les yeux.

" Maintenant que tu es sans-emploi, tu devrais penser à te reconvertir en prof de français. " Marmonnai-je derrière mon verre.



Nous nous lorgnâmes en chien de faïence avant de ne replonger dans notre mutisme assourdissant. J'étais au fond du trou. Comment avais-je fait, putain, pour en arriver là ? Accoudé à un bar miteux, à boire un whisky immonde avec une meuf que je haïssais plus que ma propre foutue personne ?

C'en devenait risible. Et je ne sus à qui en vouloir le plus. A moi, pour avoir fouiner là où on ne voulait pas de moi, ou à Max, pour ne pas m'avoir arrêté avant ? Connards de sentiments : toujours là à s'immiscer là où on ne voulait pas d'eux. Ils me rongeaient les os comme des clébards affamés et insatiables. Bientôt il ne resterait de moi qu'un pauvre type dans le show-business. Un pauvre type inspiré par des meufs qu'il avait tristement aimées avant qu'elles ne disparaissent toutes les deux.

L'une, morte par sa faute.

La seconde, détruite entre ses doigts malfaisants.

Quel genre de gars étais-je pour larguer ma meuf alors qu'elle était au plus bas ? Alors qu'elle avait si désespérément besoin de moi ?

Peut-être bien qu'elle n'avait pas besoin de moi, tout compte fait. Maxine avait vécu des horreurs bien avant que je débarque et fouine dans sa vie. Elle s'en sortait toujours. Elle s'en sortirait toujours. Nous parlions de la grande, l'illustre Maxine Laurens, après tout. Qui me disait qu'elle n'était pas, en ce moment même, en train de s'envoyer en l'air ? Peut-être même était-elle en train d'hurler le prénom de son connard de junkie. Je grimaçai de douleur. Mauvaise idée. Penser à l'ex de mon ex ? Très, mauvaise, idée, putain. La javel dans mon estomac fit une brusque embardée et remonta jusque dans mon gosier, humectant mes papilles de son gout infecte. Une moue rebutée déforma mon visage tandis que je m'attelais à ravaler cette alcool tout droit sorti des chiottes miteuses de ce bar douteux.

Bon sang, qu'est-ce que je foutais là ? Je reluquai Satan et marmonnai dans ma barbe une ribambelle de mots fleuris lorsque je croisai son regard assassin. Même sa sœur était moins rancunière qu'elle, nom d'un chien.

Quoique ...

J'arquai un sourcil lorsque je sentis les vibrations de mon téléphone dans la poche avant mon jeans. Je le sortis sans grande envie, tout de même curieux de savoir qui était le débile profond me parlant à une heure pareille.


« De : Bigo

Tu viens ce soir chez Doumam's ? Y'aura peut-être la meuf qui joue dans la Vie d'Adèle »


Je rangeai mon téléphone et enfonçai mon visage entre mes doigts. Putain, j'étais crevé. Physiquement et moralement, éreinté. Même quand elle n'était plus là pour le faire, Max parvenait à me grignoter la cervelle dans une lenteur sadique. Ma brunasse avait un tel cercle de connaissances qu'elle avait réussi à caller l'une de ses « potes » - si on pouvait appeler ça ainsi ... Car après mûre réflexion, Maxine n'avait pas de potes – avec l'un de mes gars.

Putain de photographe. Putain de vie. Putain de Karma.



" Je me casse. " Ruminai-je en me relevant. Je finis mon verre et le reposai avant d'intercepter le regard du barman d'un signe de la main. Je pointai du bout du doigt la blondasse sur ma droite et parlai assez fort pour qu'il m'entende à l'autre bout du comptoir : " C'est elle qui invite. Si elle se bourre la gueule, s'il vous plait : appelez un taxi. J'veux pas avoir la mort du Diable sur la conscience. "

"Connard. " Siffla la concernée tandis que je partais déjà vers la sortie. Je me retournai vers elle, les bras écartés en mimant une révérence désinvolte.

" On se reverra en Enfer, chérie. "



Je lui souris hypocritement et m'engouffrai aussitôt sous le crachas parisien, décidé à finir ma soirée de débauche auprès de mes potes.

Lorsque j'arrivai sur le porche d'entrée de l'appartement de Doumam's, j'étais au plus bas. Mes yeux me brûlaient, j'étais trempé jusqu'aux os, mon téléphone avait passé l'arme à gauche, mon estomac me faisait un mal de chien – il fallait admettre que je n'avais rien mangé de potable depuis des lustres – et ne parlons même pas de ce fichu mal de crâne carabiné.

Les éclats de rire que j'entendis subitement derrière la porte me donnèrent un violent coup au ventre ; la vie continuait. Sans moi, mais elle continuait. Mes potes avançaient, fêtaient notre popularité grandissante, nos vacances grandement méritées, leurs baises magistrales et amitiés incassables ... Et moi, je pourrissais ce connard de tableau idyllique à cause d'une meuf qui adorait jouer à cache-cache.

Le gout âcre de la culpabilité me fit frissonner d'effroi. J'étais un putain de monstre d'égoïsme avec un arrière fond de lâcheté et d'ingratitude. Je n'avais assurément pas le droit de ruiner le quotidien de mes reufs' sous prétexte qu'une photographe était entrée dans ma vie comme un bulldozer prêt à démolir toutes les fondations sur laquelle mon quotidien reposait. Ça relevait de l'injustice. J'étais même à peu près certain que cette merde était inscrite dans le Code Civil ... Ouais, non. Tout compte fait, je n'étais sûr de rien.

Puis, merde, qu'est-ce que je m'en branle ? pensai-je en fronçant mes sourcils. J'étais bien parvenu à remonter la pente quand mon premier amour était décédé, non ? Pourquoi n'y arriverai-je pas maintenant dans ce cas ?

Parce que je détestais l'inachevé. Et incontestablement, mon histoire avec la Muette était incomplète. Il manquait des fragments, des morceaux de ce puzzle à taille humaine. Peut-être, alors peut-être, parviendrai-je à passer outre lorsqu'il sera complet. Et alors –



" Nek ? Qu'est-ce que tu fous là ? " Surpris dans mes pensées, j'arquai un sourcil vers Eff qui me lorgnait de travers depuis l'entrée de l'appartement. Je lançai un coup d'œil dans mon dos, et me rendis compte que j'étais resté immobile depuis une éternité. C'est dire, une flaque d'eau avait eu le temps de se former sous mes pompes neuves ... Pitoyable

" Je séchais. " Répondis-je instinctivement, ce qui fit éclater mon pote de rire. Il passa un bras bourru autour de mes épaules dans une étreinte masculine et me frappa gentiment le bras lorsque je rentrai dans l'appartement.

" T'as une tête de déterré, mon gars, c'est ouf'. " Je lui souris en coin tandis que nous marchions vers le salon.

" Je suis allée voir princesse Laurens : elle m'a pompé toute mon énergie. " Eff parut surpris le temps d'une vulgaire seconde.

" T'étais avec Bigo ? " A mon tour d'être étonné.

" Bah ... non. Pourquoi ? Attends, tu parles de quelle sœur là, putain ? " Ne me dites pas que ...

" Bah ... la Muette, pas toi ? Ils ont passé la soirée ensemble, elle et Deen. " Il loucha sur sa montre une seconde puis reprit : " Ils arrivent là ; j'allais descendre les chercher avant de tomber sur toi. D'ailleurs, on était tous persuadés que tu ne venais pas, mec, c'est pour ça que ... 'Fin, tu sais, qu'on l'a invitée. "



Crac.

Vous voyez, les enfants, ça, c'est le bruit ridicule d'un putain de cœur de lâche qui se fracture en deux.

La panique et la jalousie explosèrent si virulemment dans ma poitrine que j'apportai d'instinct ma main à mon pectoral gauche, là où la douleur était trop forte pour être réelle. Je restai paralysé sur place, pétrifié comme une saloperie de biche prise dans les phares d'une voiture. J'avais beau voir les lèvres d'Eff bouger, je fus incapable de lui répondre. Le poids du monde venait de s'abattre sur mes épaules tandis que je comprenais enfin le pourquoi Bigo m'avait envoyé ce message, plus tôt dans la soirée.

Le connard.

Je ne sus si c'était l'amertume qui avait intoxiqué mes pensées, mais j'eus soudain l'envie folle furieuse de lui faire bouffer ses dents. Il avait fait exprès. Il voulait me montrer qu'il était avec elle. Et mes traitres de potes avaient préféré l'inviter elle ... plutôt que moi ? Cette putain de possibilité avait un gout acerbe.

L'unique chose qui me retenait d'aller casser les gueules de mes reufs' pour cette tromperie fut la peur démentielle qui grimpa dans mes veines. Elle courait dans mes artères comme un venin toxique et mortel, calcinait mes entrailles et mon organe vital comme un incendie funeste. J'étouffais, j'étouffais ... Putain, cette vague dévastatrice de panique était l'apothéose de cette soirée de merde.

Elle ne couchait pas avec Dylan, non. Elle couchait avec mon pote pendant que moi, je pleurnichais sur mon sort tel un gamin apeuré après une terreur nocturne ! Mon pote, bordel ! Elle l'avait fait exprès. C'était d'une évidence telle que cela me donna envie de gerber. A quoi je pensais, putain ? Nous parlions de Maxine, là, pas de n'importe quelle meuf à l'esprit tordu aux besoins désespérés de se venger. Je l'avais faite souffrir. Peut-être pas intentionnellement sur le moment, mais en la larguant alors qu'elle avait si maladivement besoin de moi, je lui avais fait du mal.

Et que faisait Maxine Laurens lorsque que quelqu'un osait entacher sa petite vie merdique ?

Cent fois pire.



" Qu'est-ce que tu fous là ? "



Je sursautai quand la voix grave de Mek perça mes pensées fielleuses. Essoufflé comme un porc après l'effort, je braquai mon visage dans sa direction et fus étonné de la première idée qui me vint à l'esprit lorsque je vis sa mine surprise : putain, de, traitre. C'était lui qui m'avait conseillé de la larguer, n'est-ce pas ? Pour ma bonne santé mentale, pour profiter de ma « notoriété ». Et que faisait-il une fois que j'avais sagement écouté ses conseils de merde ? Il trainait avec ma meuf ? Dans mon dos ? La colère tomba sur mon corps comme un manteau trop épais pour la saison. J'étouffais. J'allais les démonter. Mes poings me démangeaient trop pour que je parvienne à les garder raisonnablement dans le fond de mes poches.



" Mec, t'es sûr que ça va ? T'es putain de blanc, mon gars. " Marmonna-t-il en posant une main sur mon épaule. Rageusement, je balayai son bras et le repoussai aussi virulemment que possible de mon corps frémissant de rage.

" Espèce de toquard, je vais te – "

" On dérange ? "




Nous braquâmes nos regards vers la porte d'entrée en nous écartant aussi vite que deux gosses pris la main dans le sac. Et, là, juste comme ça, alors que je m'apprêtais à me battre avec mon reuf de toujours en toute impunité, ma rage se dissipa dans un nuage de fumée. Il suffit que mes yeux tombent par inadvertance dans l'océan se déversant dans ses iris, pour que ma colère s'évapore, pulvérisée par la force d'attraction inimaginable qu'il y avait entre elle et moi. Je perdis mon souffle et crus chanceler de quelques pas en arrière tant la puissance de mes émotions ébranla mes muscles.

Maxine était là, juste là. A quelques vulgaires mètres de mon corps tremblant de part en part. Belle à mourir dans sa robe colle-roulé jaune-moutarde nettement trop large pour son petit corps et emmaillotée jusqu'au nez dans une grosse écharpe noire duveteuse. Ses cheveux longs avaient été rassemblés dans un chignon négligé au-dessus de son crâne et je remarquai sans difficulté le fond de teint qu'elle avait mal-appliqué sur ses cernes excessivement grands. Son immonde besace fétiche pendait toujours le long de son buste et une paire de Dr. Martens noires étaient négligemment lacées à ses pieds. Je me mordis la joue pour ne pas sourire comme un idiot éperdument amoureux d'une barge : Maxine aura beau faire tous les efforts du monde, un peu de maquillage et une robe ne suffiront jamais à gommer son léger côté garçon manqué.

Quand je remontai mon regard vers son minois défiguré par l'épuisement, j'eus un violent pincement au cœur qui me remit parfaitement les idées en place. Les deux mains de Deen posées de part et d'autre de ses épaules chétives étaient un cruel rappel de mon énervement. Elle avait passé la soirée avec lui plutôt qu'avec moi. Il la tenait dans ses bras, pas moi. Ses deux jolis yeux brillés de plaisir pour une blague faite par Eff, pas par moi. Elle ne me regardait pas. Ne me souriait pas. Saluait tout le monde mais pas moi. Elle m'ignorait, cruellement - et parfaitement qui plus est ! –.

Un tic musculaire fit trembler ma lèvre inférieure tandis que je rivais mon regard vers Bigo. Le clin d'œil complice qu'il me fit en me tchéquant échauffa cruellement mes nerfs : dès que ma meuf ne serait plus dans le coin, je lui expliquerai ma façon de voir les choses.



" Toujours aussi muette, pas vrai ? " Lui demanda malicieusement Mekra lorsque Maxine lui fit la bise. Je l'observai méchamment sourire à mon hypocrite de pote et ne pus m'empêcher de penser égoïstement : se rendait-il compte qu'il était blessant ? Que j'étais le seul, putain, ayant le droit de lui faire ce genre de réflexions taquines ? " Je vais prendre ça pour oui. " Ricana-t-il comme elle ne répondait pas.



Puis arriva l'instant gênant de la soirée.

Contrairement à ce que je pensais, ma photographe vint me saluer – à sa façon. Elle se posta en face de moi, laissant expressément quelques douloureux centimètres entre nos deux corps et planta ses deux billes céruléennes dans les miennes qui, je l'espérais sincèrement, ne laisser rien voir de ma colère acerbe. Ceci étant dit, il suffisait qu'elle me regarde ainsi pour que mon monde cesse de tourner. Putain, il y avait tellement de non-dits, de souvenirs et de cris, dans son regard que j'aurais moi-même pu hurler de frustration. Mes doigts me brûlaient et mon cœur tombait dans une flaque de sac coagulé à ses pieds – pas aux miens. Plus que tout au monde j'aurais voulu caresser sa joue beaucoup trop blafarde pour nous pas cacher une fatigue extrême, enfouir mon nez dans son cou pour inspirer son parfum addictif, remettre en place la mèche de cheveux rebelle qui s'était emmêlée dans ses cils mal maquillés.

Le souvenir d'une soirée passée ensemble où elle avait tenté de se maquiller pour me faire plaisir me revint en mémoire et me noua les tripes. Elle s'était recouvert le visage d'un fond de teint trop halé pour sa peau laiteuse et était parvenue par je ne sais quel moyen à se mettre du mascara dans les yeux. Nous avions fini dans ma douche, à baiser comme deux amants enfiévrés par un désir dévorant. Et ça avait été foutrement bon, putain. Parce qu'elle était à moi à cette époque. A moi et seulement à moi. Pas à mes potes, pas à Dylan : juste à moi, mon âme et mon putain d'esprit d'homme détraqué. On s'aimait bizarrement mais ça marchait, pas toujours, mais ça fonctionnait. Ça suffisait en tout cas à apaiser ma soif inextinguible d'elle, mon besoin vorace de sentir sa peau contre moi, d'entendre ses soupirs dans mes tympans.

Bon sang. Autant directement me mettre un uppercut dans l'estomac : c'était aussi douloureux.

Ma morosité dut se traduire sur mon visage puisque Maxine décida qu'il était temps pour elle de m'abandonner dans cet état. Une lueur de satisfaction malsaine traversa son regard tandis qu'elle rejoignait Eff et Mekra, me délaissant dans l'entrée avec Bigo, plus dégouté de moi-même que jamais. Cette garce avait trouvé ce qu'elle voulait dans mon regard de pauvre type désespéré par la tournure qu'avait pris sa vie : la preuve irréfutable qu'elle me manquait. Maladivement. Peut-être même honteusement.

Honteusement car une personne saine d'esprit ne serait pas prête à payer le prix fort pour récupérer une meuf aussi vicelarde.

N'est-ce pas ?



" Avant que tu ne te fasses des films et me casses la gueule, l'Fennec, tu devrais me remercier. " Me souffla Deen en passant près de moi. Agacé, je fermai mes paupières et ravalai un grognement. " J'ai salement galéré à la convaincre de revenir sur Panam et à te la ramener dans un joli petit papier cadeau jaune moutarde. " Malgré ma colère, je tiquai sur l'un de ses mots et fronçai mes sourcils.

" Revenir ? " M'enquis-je.

" Ouais. Elle était en Suisse depuis quelques jours. Ne me demande pas ce qu'elle foutait là-bas, elle n'a pas dit un mot depuis son retour. "

" Comment t'as fait pour la trouver ? " Impossible que ce soit sur les réseaux sociaux, Max ne postait plus rien depuis la fin de la première partie de la tournée.

" Rien, mec. Je passai le week-end chez mes parents quand elle m'a appelé. Elle voulait le numéro d'Eff'. " Je pinçai mes lèvres en regardant par la porte du salon : Moha était en train de s'exciter à côté d'elle. Pourquoi Diable avait-elle besoin du numéro de mon pote ? " Moi non plus, j'comprends pas. De toute façon, je pense qu'il faut arrêter d'essayer de la comprendre : on n'y arrivera jamais. " Lut-il dans mes pensées en me tapant gentiment l'épaule. " En attendant, je t'ai ramené ta meuf. Fais-en sorte de ne pas foirer : j'en ai marre de voir ta sale tronche de type dépressif. "

" Ouais ... " Ruminai-je pensivement. " Attends.  " J'attrapai son poignet et le ramenai en face de moi : " Merci, mon gars. Désolé d'avoir ... Enfin d'avoir pensé à te casser la gueule. "

" Tu me remercieras quand, dans quatre ans, vous serez mariés avec des mioches dans les pattes. "



Je grimaçai de dégout en le repoussant négligemment sur le côté et passai dans le salon, résolu à récupérer ma photographe – de gré, ou de force.














OULOULOU
(pouloulou)

Le retour de NekNek et de Maximum !

Vous avez aimé ?

Moi j'ai adoooooré l'écrire hihi !

Bon ... sachez que j'ai terminé l'avant dernier chapitre du Tome 1 ...

Il ne reste plus que 6 chapitres avant l'épilogue et le Tome 2 😱

Je suis déjà en PLS mdr

Bon je vous fait des énormes bisous, et sachez que lire et répondre à vos commentaires est toujours mon petit plaisir de mes journées ❤️

-Clem

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