• Plume n°29 •












Maxine







                   

Etonnamment ce ne fut pas la pluie qui me réveilla, ni même le vent frai qui s'engouffrait désagréablement sous les draps, et encore moins le souffle tiède de l'homme qui dormait profondément contre moi. Ce fut le Silence. J'avais rêvé du silence, d'une pièce blanche et de battements de cœur assourdissants. Aussi étrange puisse être ce rêve, j'avais fait une crise de panique à l'intérieur, terrifiée par le silence angoissant qui régnait dans toute l'immensité de la pièce dans laquelle j'avais été enfermée à double tour.

Et désormais, je faisais face à un mur décrépi, comme depuis plusieurs dizaines de minutes. La lumière bleuâtre de l'extérieur éclairait à peine les quelques fissures du plafond et pourtant je n'avais jamais été aussi passionnée par ces détails anodins. Mes yeux étaient grands ouverts, ma respiration légère tandis que celle de Nek glissait agréablement contre mon cou. Ses deux bras s'étaient enroulés astucieusement autour de mes hanches et ne semblaient pas vouloir me les rendre. Ça aurait pu m'agacer. Méchamment m'agacer si une part de moi ne trouvait pas ça incroyablement mignon.

Voilà deux nuits que je dormais chez lui. Enfin, qu'il me cloisonnait chez lui sous prétexte que me laisser rentrer chez nous – ma sœur et moi-même -  relevait de la complicité de meurtre. Pourtant j'étais calme. Etrangement calme comparait à la rage colossale qui bouillonnait dans mes veines depuis deux jours. Pour ne pas dire sereine. Je m'étais enfermée dans mon mutisme et avait passé mes journées à peaufiner ce que je prévoyais déjà pour la suite des évènements. Dès que Nek avait le dos tourné, j'étais sur ma foutue boîte mails, contactant encore et encore des anciennes connaissances et des connaissances de connaissances pour trouver une info. Faute de pourvoir sortir, je pouvais au moins laisser mon esprit érer vers d'autres mondes parallèles que je m'étais amusée à bâtir de toutes pièces.

Les seuls sons qui étaient parvenus à rouler sur ma langue jusqu'à franchir la barrière de mes lèvres furent mes gémissements de plaisir et mes soupirs d'extases après que des orgasmes fulgurants m'aient transportée vers d'autres dimensions. Allez savoir pourquoi, Nek s'était persuadé que m'enfermer dans son appartement comme un animal en cage et me faire l'amour toute la journée me convaincrait de ne pas franchir le seuil de sa porte d'entrée. Je n'avais pas rechigné, je n'avais pas décliné, je l'avais laissé faire, à croire que c'était lui qu'on avait besoin de réconforter. Que c'était lui qui venait d'apprendre que son premier amour ne l'avait jamais quittée. Que sa famille méritait qu'on lui fasse les pires des crasses.

Pour autant, j'avais une idée sur les raisons de son soudain manque d'affection, d'attention. C'était à la fois touchant, risible, agaçant et dévalorisant. Un odieux mélange qui me terrait un peu plus dans mon silence.

Préférant éluder ces émotions pour aujourd'hui, je me ressassais une dernière fois mon programme de la journée. Il serait long, foutrement long, mais incroyablement enrichissant et angoissant si je parvenais à mes fins. J'eus envie de sourire tristement à cette pensée, mais je ne fis que soupirer, cette fois-ci agacée par les bras de Nek qui venaient de raffermir leur emprise sur mes hanches. Même endormi, il me maintenait prisonnière, cet idiot.

Je lançais un coup d'œil à son réveil et crispais mes mâchoires en me rendant compte qu'il était déjà huit heures du matin ; j'étais en retard. Désormais urgée par le temps, je n'eus d'autres choix que de repousser le rappeur. Délicatement, je surélevais ses bras lourds en ignorant ses marmonnements incompréhensibles et me faufilais rapidement vers la salle de bain pour me préparer. Car en effet, il craignait tant le moment où je rentrerai retrouver Rose, qu'il avait pris le temps de m'acheter une putain de brosse à dents et du shampoing pour les cheveux, et avait même fait tourner une machine avec mes vêtements. C'était prévenant, gentil - dans la mesure du possible, mais cela m'avait surtout enfoncée davantage dans ma colère démesurée : il était convaincu – à tort – qu'il parviendrait à me maintenir enfermée chez lui indéfiniment, loin du monde, loin de ma foutue famille, loin de tous mes projets.

Agacée, je me glissai sous la douche rapidement et en ressortis avec des cheveux plus ou moins lavés, ainsi qu'une peau hideusement rougie, faute aux passages incessants et acharnés de mes mains dessus. Après quelque coup de brosses enragés dans ma tignasse beaucoup trop longue depuis quelques temps et un brossage de dents rapide, j'enfilais mes sous-vêtements, ainsi que mon jean sombre, un sweat appartenant Nek et mes baskets.

Ni une ni deux, me foutant ouvertement que mes cheveux soient encore en pagaille et toujours humides, je rabaissais la capuche sur le haut de mon crâne et déverrouillais la porte de la salle de bain pour rejoindre le salon où ma besace était. Débilement, je marchais sur la pointe des pieds en passant devant la porte de la chambre et soufflais de contentement une fois dépassée.




" Tu vas où ? "




Merde ! Reconnaissant sa voix enrouée, je pinçais mes lèvres en me retournant vers Nek qui était nonchalamment adossé au mur de sa cuisine, une tasse de café fumante entre ses mains, ainsi qu'une cigarette embrasée dans l'autre. Je pouvais dire adieux à mon bus de huit heures trente-quatre. Et puis bon sang, depuis combien de temps était-il réveillé ?

Néanmoins, je n'eus aucune envie de lui répondre. Après un rapide coup d'œil dans sa direction pour mesurer l'ampleur de son agacement, je jugeais qu'il n'était pas assez réveillé pour s'énerver. Pas immédiatement, du moins. Alors je l'ignorais, lui, ses abdominaux apparents et les quelques griffures laissées sur le haut de ses épaules, et continuais mon chemin vers le salon pour récupérer mon sac. Une fois cela fait, je ne fus même pas étonnée de le retrouver posté devant la porte d'entrée. Mon Dieu qu'il était agaçant.





" Je répète : où vas-tu ? " Plantée devant lui, je ne cillai pas lorsque ses yeux mal-réveillés laissèrent percevoir une pointe de son agacement. J'eus tout le loisir de contempler les muscles de son ventre se mouvoir au rythme de ses pas et dus relever légèrement ma tête lorsqu'il me surplomba, profitant de sa taille supérieure à la mienne pour me dominer. " Et pour l'amour de Dieu, Max, réponds-moi. Ça fait deux jours que tu n'as pas dit un mot. Ça commence à me faire sérieusement chier. " Cette fois, je pus dire avec aisance qu'il était réellement contrarié. Ce qui ne manqua pas de réveiller la colère que je tentais péniblement de garder prisonnière dans mes pensées. Je léchais mes lèvres machinalement et eus un rictus amer : il n'avait pas à me dire quoi faire. J'étais bien sagement restée ici pendant deux jours entiers pour satisfaire ses besoins de réconfort, il était tant que je pense à moi. Et exclusivement à moi.

" Pousse toi. " Murmurais-je en tentant de me faufiler vers la porte mais il me rattrapa adroitement le poignet. D'un geste brusque, je tentais de me défaire de sa main, en vain : cet idiot était férocement accroché et pas le moins du monde décidé à me relâcher.

" Putain, mais tu parles ? Miracle, Max : c'était inespéré, bordel ! " Me sourit-il, sarcastique au plus haut point avant de me remmener contre sa poitrine pour me câliner.  Je roulais des yeux, sentant définitivement la colère refluer telle une vague dévastatrice dans mes organes, et plaquais ma main sur son pectoral droit pour m'écarter de lui. " Bébé, je viens de me lever, il est huit heure trente du matin, j'ai dormi trois foutues heures, ne me donne pas une autre raison d'être de mauvais poil, s'il te plait. "




Inconsciemment, sa négligence et sa nonchalance me firent crisper mes poings. Je fermais mes paupières en inspirant profondément. L'air frai qui régnait dans l'appartement me brûla les poumons et ne fit qu'accroitre mon agacement : il fallait que je sorte de toute urgence, que je m'éloigne de Nek, simplement le temps d'une journée. Lui et moi n'étions pas en couple, nous n'étions rien d'autres que des personnes s'aimant bizarrement, reliées par un secret à la hauteur de notre bizarrerie commune.

La colère tambourinait dans mes tempes en cadence avec les pulsations déchainées de mon organe vital, tandis que je repoussais malaisément ces tentatives d'étreinte. Je n'aimais toujours pas les preuves d'affection à outrance, ça ne sera surement pas lui, ni même qui que ce soit, qui m'arrachera ça, ce vulgaire débris de ma personnalité avant qu'ils ne débarquent tous dans ma vie pour venir tout dérégler.




" Non ! "




M'énervais-je finalement après qu'il est tenté de me trainer vers sa chambre. J'enfonçais mon deuxième poing dans son pectoral pour le repousser brutalement et fus satisfaite de le voir reculer d'un pas, surpris par la force que j'avais employée. Profitant de son écart, je me ruais à vitesse grand V sur la poignée de la porte et l'enclenchais sans prêter attention aux soupirs blasés de Nek.

Problème : la porte ne s'ouvrait pas. Cette foutue porte ne fonctionnait pas, puisqu'elle était fermée à clef ! Débilement, je m'acharnais sur cette fichue poignée comme une forcenée et finissais par abandonner au bout d'une dizaine d'essais.



" Tu comptes dézinguer ma serrure ou ça se passe comment, l'incroyable Hulk ?  " Se moqua ironiquement l'homme dans mon dos et je me braquai brutalement dans sa direction, si enragée que je ne parvins plus à retenir tous les mots que je maintenais sur le bout de ma langue depuis quarante-huit heures.

" Arrête, putain ! Arrête de vouloir m'enfermer chez toi ! Tu n'as pas le droit, tu n'as aucun droit sur moi d'ailleurs ! Comment Diable as-tu pu penser que je resterai cloisonnée chez toi après ce que j'ai appris ?! Après ce que tu m'as dit, Nek ! Alors ouvre cette putain de porte avant que cela ne soit sur toi que je décide de m'acharner ! " Voulus-je hurler, mais ma voix était si lamentablement affaiblie par ces deux jours de mutisme qu'elle ne parvint à ressembler qu'à un misérable raclement de gorge. Tous mes muscles tremblaient, soumis aux assauts corrosifs de ma rage explosive, et je jure que ma savoir enfermée ne me fit qu'enrager davantage. " Ouvre cette putain de - "

" Très bien, comme tu voudras, bébé. " Je m'arrêtais net, bouché bée, lorsque je le vis capituler si facilement. Moi qui espérais une énième engueulade pour me déchainer, il réagissait d'une manière totalement invraisemblable. Il me sourit tranquillement, un soupçon d'amusement dans l'ébène dans ses prunelles, avant de repartir en direction de sa chambre, sourire en coin aux commissures des lèvres. " Mais, je viens avec toi. Et ce n'est pas discutable, poupée. "




Cria-t-il de sa chambre et je pris quelques secondes pour assimiler l'information. Et quand – enfin – cela fit tilt, j'eus l'envie folle de m'arracher les cheveux. Si bien, que je finis par le faire réellement. L'envie de frapper dans un mur me reprit de plus belle, mais je ne fis rien d'autre que trépigner sur place, tapant bêtement du pied pour calmer les fourmillements dans mes jambes. Putain, non ! Je voulais être seule, nom de Dieu ! Mon visage se froissa considérablement sous l'agacement et dans une vaine tentative de fuir, seule, cet appartement, je réenclenchais la poignée de la porte. Puis une seconde et une troisième fois juste pour le plaisir de me défouler sur cette pauvre serrure. Mon sang bourdonnait dans mes oreilles et je dus respirer profondément pour me stopper dans ma crise de nerfs.

Rester enfermée alors que ma seule envie était de prendre l'air, de partir d'ici pour profiter de ma bonne vieille amie la Solitude, était le pire des supplices. Je vivais librement depuis deux années, partant au grès de mes envies dans les coins du monde les plus reculés de la planète sous prétexte, qu'avec un appareil photo dans la main et un peu de notoriété, tout était photographiable.

Dans un soupir morne, malheureusement consciente que je ne pourrais pas empêcher Nek de m'accompagner, je me laissais glisser contre le mur du hall d'entrée et ramenais mes genoux contre ma poitrine pour stopper les tressaillements de mes jambes. Je fouillais dans mon sac-à-main pour saisir mon téléphone et eus envie de me frapper le crâne que le mur en voyant qu'il était huit heure trente-six passée. Je pouvais dire à Dieu à ce foutu bus, le prochain n'était que dans une demi-heure.

Après quelques minutes, la tête blonde platine de mon rappeur réapparu sous mes yeux. Il m'examinait curieusement, une lueur de réjouissance et d'inquiétude mêlées qui rendait son sourire atrocement faux. Cela n'aurait tenu qu'à lui, peut-être aurais-je fêté mes vingt-quatre ans dans son appartement miteux, bridées entre quatre murs. Certaines fois, il m'arrivait d'oublier pourquoi je le haïssais. Puis il se faisait une joie de me le rappeler.

Recroquevillée contre le mur, je pris le temps de l'examiner à mon tour. Vêtu d'un jean sombre, d'un simple tee-shirt noir et de son bomber noir, une casquette rose sur le haut de son crâne, il m'arrivait d'oublier qui il était réellement. Qu'il n'était pas seulement l'homme sur qui j'avais jeté mon foutu dévolu, mais aussi un rappeur à la notoriété en plein essor. Un homme de vingt-cinq ans qui fêterait ses vingt-six années en avril prochain.

Et je ne pus m'empêcher de me demander si je serai là, ce jour-là, si je l'aimerais toujours aussi étrangement ou si j'aurais finalement laissé place à notre inimité permanente. Notre relation était-elle seulement une relation, d'ailleurs ? En deux jours, nos échanges s'étaient résumés à des parties de jambes en l'air endiablées, des soupirs et des grognements à faire pâlir les plus extravertis d'entre nous. Quelques caresses aussi, du bout des doigts, de la pulpe de son index pour retracer les contours de mon visage. Des échanges de regards ensorcelants où nous laissions le silence combler nos plaies respectives. A croire que nous étions incapables d'affronter la réalité en face : nous étions tout, sauf des personnes s'aimant convenablement.




" On va où ? " Il me demanda finalement, et je ne répondis rien : l'observer, contempler sa beauté bancale et son charme évident m'avait calmée. Etrangement calmée. Je me relevais maladroitement de ma place inconfortable et réajustais la hanse de mon sac en attendant qu'il daigne ouvrir sa porte d'entrée. " Très bien, railla-t-il, la Muette est de retour. "




Je roulais des yeux et m'engouffrais dans le hall d'escaliers une fois la porte ouverte, mon homme sur mes talons.


***



" Tu m'expliques ce qu'on fout ici, putain ? Max, je te parle ! "




Irritée par ses incessantes questions et son comportement de gamin capricieux trop envahissant, je continuais mon chemin dans la cité des 4000, quartier de la Courneuve. Quelques gars rassemblés en bas des blocs nous lorgnaient du coin de l'œil, surement surpris de voir le grand Nekfeu débarquer à l'improviste chez eux. Et même si leurs regards ne m'étaient pour la plupart pas destinés, je ne pus m'empêcher de relever la tête fièrement. Je n'étais pas là pour avoir des emmerdes – j'en avais suffisamment pour le moment.

Je fus étonnée de sentir la main de Nek se poser aux creux de mes reins et davantage encore quand il pinça l'une des fossettes située dans le bas de mon dos. Je relevais curieusement un sourcil dans sa direction et l'examinais toiser les horizons avec une assurance qui lui était propre. Ses iris brunes lorgnaient avec dédain les hommes un peu plus loin et je ne pus que relever les yeux aux ciels quand je compris les raisons de son soudain mépris.



" Ne me regarde pas ça, poupée. Ces types te regardent comme un putain de bout de steak parfaitement cuit ; j'ai l'impression de voir Bigo face à un barbecue. " Marmonna-t-il en passant devant deux gars aux yeux incroyablement rougis par la fumette – bon sang, à neuf heures du matin ?! Ses lèvres s'écrasèrent délicatement sur ma tempe avant qu'il ne me susurre près de l'oreille : " Je leur fais juste comprendre à ma façon que tu n'es plus à prendre. "




Cette fois, un éclat de rire silencieux étira mes lèvres vers le haut. Je le repoussais gaminement de moi et lui adressais un sourire déridé ; lui et ses instincts d'hommes des cavernes tournaient au ridicule certaines fois. Il pouffa à son tour, riant de lui-même avant d'osciller d'un pas sur le côté, lui-même conscient de la débilité de sa réflexion de type possessif à l'extrême.




" Tu es ridicule. " Chuchotais-je joyeusement après qu'il ait de nouveau entouré un bras autour de mes côtes.

" Mais tu m'aimes quand même, pas vrai, la muette ?  "




Je le lorgnais par-dessus mon épaule, soudainement morose. Toute trace d'humour était partie de mon visage et je ne parvins qu'à lui adresser un sourire crispé. Je n'aimais pas qu'il le dise à voix-haute. Ça rendait les choses plus concrètes, plus dangereuses. Comme si le dire à voix haute confirmait que nous étions définitivement fous à liés. J'haussais mes épaules, faussement détachées de la situation et marmonnais dans ma barbe :




" Je te déteste davantage. " Étonnamment il sourit de plus belle et m'ouvrit galamment la porte de l'immeuble où nous avaient conduits mes pas.

" Il parait qu'il n'y a qu'un pas entre la haine et l'amour, poupée.  "

" Cliché. " Lui répondis-je sans réfléchir.

" Réaliste. " Répliqua-t-il du tac au tac.

" Tu es un abruti.  "

" Et toi une garce sans limite. "

" Et toi, un parfait connard de première classe. "

" Rappelle-moi, qui est supposée être en taule déjà ? "




Marmonna-t-il, un sourire sarcastique aux coins des lèvres avant d'escalader les premières marches de l'immeuble. Je décidai de ne pas polémiquer sur ce pique cinglant, contrite et blessée. Je croisais inconsciemment mes bras sous ma poitrine, sentant une profusion de tristesse et de colère remonter le long de mes artères, et regardais agressivement le brun qui montait deux par deux les escaliers. Peut-être devrais-je lui dire que nous avions seize étages à monter ? Non, finalement, qu'il se démerde : essoufflé, il fermera peut-être enfin sa grande gueule.

Ravie par cette simple pensée, je me taisais et commençais mon ascension, marchant sur ses pas. Malheureusement, malgré ma cadence on ne peut plus lente, au bout de seulement quatre étages, je pus définitivement dire que mes poumons de fumeuses ne suivaient plus le rythme. Je me retenais d'insulter Nek en passant devant lui qui s'était arrêté en cours de route, accoudé au mur pour reprendre son souffle.




" Bon sang, mais on a encore combien d'étages à monter comme ça ?! " S'étrangla-t-il avant de ne subitement se mettre à tousser comme un cancéreux en phase terminale. Je souriais comme une bienheureuse et ne pris même pas le temps de lui répondre. Qu'il se débrouille, je ne lui avais jamais demandé de me suivre.




Et quand enfin, j'atteignais le seizième étage, je promets que mes jambes menaçaient de flancher. Je dus même m'accouder à la barrière métallique et me penchais dangereusement dans le vide pour reprendre ma respiration et me remettre les yeux en face des trous. Ne parlons pas de Ken qui était encore au quinzième et qui ne cessait de geindre comme un enfant au bord de la mort. Mon Dieu, je ne me ferai jamais à son débit de parole impressionnant. 

Quand enfin le sol cessa de se dérober sous mes pieds, je me redressais, encore époumonée par cette ascension et attendais de pieds ferme que Barbie débarque. Un sourire mesquin fit trembler mes lèvres quand je le vis se hisser jusqu'à mon niveau et quand il m'adressa un regard meurtrier, je papillonnais innocemment des cils.




" Tu me tueras un jour, Laurens. " Grogna-t-il, bougon, ce qui m'arracha un rire sinistre.

" Tu ne seras pas le premier. " Plaisantais-je, usant de mon cynisme sans limite pour le faire taire.

" T'es encore là-dessus ? " S'agaça-t-il, en se redressant convenablement sur ses deux pieds. " Je déconnais quand je parlais de la taule, Max. J'espère que tu l'as compris ? En plus, tu sais parfaitement ce que je pense de ça. "

" Peu importe. "




Concluais-je sévèrement, peu encline à ce genre de discussion. Nek était persuadé de mon innocence et même si sa révélation sur Dylan et mes parents avait changé la donne, je préférais ne pas espérer. L'Espoir ne servait à rien ici-bas, si ce n'est nous faire tomber de plus haut. Cette merde fonctionnait de la même manière que les rêves : un jour tu rêves, une nuit tu fantasmes sur une vie foutrement meilleure que la tienne, puis le lendemain, tu t'effondres, car tu as enfin compris que cela ne sert à rien. Que les rêves et l'espoir ne sont là que pour te faire souffrir davantage. Il fallait être réaliste.

Désormais rembrunie par cette évocation de mon passé, je détournai mon regard de celui tempétueux de Ken et marchai jusqu'à l'appartement situé à l'autre bout du pallier. Si jusqu'à présent je n'avais exprimé pas une once d'angoisse, désormais, plantée devant cette porte peinte en rouge où plusieurs lambeaux de peinture se décollaient du bois pourri par l'humidité, je n'étais que stresse et impatience. La réponse à plusieurs de mes questions se trouvaient juste derrière cette porte. Le futur de ma vie familiale se déciderait à l'intérieur de cette appartement miteux, mes relations avec ma sœur se joueront derrière cette foutue paroi en lambris. Bon sang, mon futur tout entier se jouerait au sein de cet appart'. Mon dieu, et si Nek avait raison ?

Ma respiration se bloqua dans ma gorge lorsque ma main se releva timidement vers la sonnerie. Je restai indéfiniment bloquée ainsi, le poing levé tandis que je n'entendais qu'à moitié Ken qui m'appelait dans mon dos. J'étais assourdie par la force avec laquelle mon sang était propulsé vers mon cerveau, ankylosée par le mélange d'adrénaline et d'angoisse qui se répandait dans mes veines.




" Maxine ! " J'hoquetais quand la voix suave de Ken résonna dans mes oreilles. Ma bouche s'entrouvrit pour laisser échapper un fin filet d'air lorsqu'il me saisit les épaules délicatement. Une de ses mains glissa sous mon menton pour me contraindre à le regarder, et je dus battre furieusement des cils pour le percevoir plus nettement. " Y'a quoi derrière cette porte pour que tu te mettes dans cet état ? " S'enquit-il, une ombre d'inquiétude sur son visage, et je haussais pensivement mes épaules, reprenant peu à peu le cours de la réalité.

" Des réponses. Tu peux toujours partir, Ken. " Marmonnai-je en me retournant vers la porte.

" Hors de question : je ne t'abandonne pas. "




J'ignorai péniblement la chaleur réconfortante que m'avait procurée ses mots rassurants et enfonçai finalement mon index dans la sonnette, décidée à en finir avec toute cette histoire. Un bruit strident retentit derrière l'entrée et je rabaissais mon bras le long de mon buste. Un nœud dans ma gorge m'empêchait de respirer décemment et quand je sentis les doigts de Nek s'entremêler aux miens, j'affirme n'avoir jamais ressenti un tel soulagement. Il était là, qu'importe notre haine l'un pour l'autre, nos insultes et nos engueulades perpétuelles, il était là. Et c'était effrayant de me rendre compte ô combien je nécessitais sa présence pour avancer dans ma vie.



" Je suis là, ok ? " Il susurra avant que la porte ne s'ouvre brusquement, dévoilant le corps imposant d'un blond haut perché.




Son regard sombre tomba immédiatement sur moi, puis sur Nek qui – je l'avais senti – s'était crispé et considérablement rapproché du blond en face de nous. Je dus même lutter une seconde avec lui pour l'empêcher de me pousser derrière lui.




" Max ... ? " Souffla mon ami qui continuait de toiser Nek de haut en bas, se foutant ouvertement de ma présence entre eux deux. " Max, tu m'expliques pourquoi t'es là, comment t'as fait pour trouver mon foutu appart, et putain, pourquoi Nekfeu est juste derrière toi ? " Je réprimai difficilement une grimace douloureuse lorsque la main de Nek broya la mienne et crispais mes mâchoires lorsqu'il répondit à ma place :

" Nekfeu est son putain de petit-ami, mon pote. Et toi, t'es qui ? " Le blond ne lui répondit pas, haussant simplement un sourcil face à l'insolence de mon ... petit-ami ? Je déglutissais difficilement devant le malaise considérable qui planait entre nous trois et dus gigoter pour m'extraire de la main de Nek.

" Faut que je le vois. " Parvins-je à murmurer à travers mon angoisse et enfin, Raphaël décrocha son regard de Nek. Une lueur d'effroi traversa les deux billes noires qui servaient d'yeux à mon ancien ami tandis qu'il refermait un peu plus la porte pour m'empêcher de voir l'intérieur de son appartement.

" Tu sais parfaitement qu'il n'est pas là, Max. " Cracha-t-il, en proie à la panique si l'on se fiait à la veine sur son front qui gonflait à vue d'œil.

" Dans ce cas laisse-nous entrer. " Négociais-je, affreusement consciente que ça ne serait pas si simple.

" Non. Je suis désolé, mais c'est non. " Il tenta de me refermer la porte au nez, mais je faufilais mon pied juste à temps dans l'embrassure. Je ne l'entendis que très vaguement soupirer de mécontentement et posais ma main sur le bois pour la repousser davantage. " Putain, Max, déconne pas. Tu sais que tu peux pas faire ça ...  "




Son murmure suppliant me broya le cœur, glaçant mon sang au point que je dus fermer mes paupières pour ne pas affronter droit dans les yeux mon ami avec qui j'avais partagé six ans de mon existence. Je l'avais revu après deux ans d'absence il n'y a seulement que quelques jours et pourtant rien n'avait changé : Raphaël était toujours Raphaël. Le plus jeune de notre petit groupe, petit frère d'Antoine qui, tout comme Dylan, avait disparu du jour au lendemain, m'abandonnant dans mon foutu lit d'hôpital.

Ils étaient simplement partis, sans jamais se soucier de l'état dans lequel je serai après leur départ, ni même du trou béant qu'ils laisseraient expressément dans ma poitrine en décampant sans jamais donner de nouvelles. Ils avaient fui, lâchement, l'un quittant sa fiancée, les deux autres quittant celle qu'ils qualifiaient de « sœur ». J'avais grandi avec eux, évoluer dans des conditions précaires avec eux, la plupart du temps avec des flics aux fesses, simplement parce qu'ils étaient les seuls à parvenir à m'extraire des griffes de mes parents. Tout comme Ken avec l'ensemble des gars de l'Entourage, eux avaient été ma famille de substitution pendant une grande partie de mon adolescence.

Cela ne les avait jamais empêché de fuir.




" Je suis désolée, Raph', mais t'as toujours été un mauvais menteur. "




Profitant qu'il est légèrement rouvert la porte pour m'examiner, surpris par mes paroles, je balançais mon pied dans ses bijoux de famille avec juste suffisamment de force pour le faire cambrer en avant. Il geignit de douleur tandis que je le repoussais en arrière pour pénétrer son appartement. L'odeur familière de la clope s'engouffra immédiatement dans mes narines tandis que j'entendais Nek bégayer comme un idiot :




" Bordel de merde, m-mais, Max ... Qu'est-ce que t'as foutu ?! "




Je l'ignorais involontairement, régie pour une toute nouvelle volonté de retrouver l'homme que j'avais recherché pendant des années, et suivais mes instincts qui m'emmenèrent je ne sais où dans cette habitation que je ne connaissais pas encore. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine, frappant impitoyablement mes côtes à chaque nouvelle fois qu'il propulser du sang vers mes autres organes vitaux. L'adrénaline déferlait en masse dans mon système sanguin tandis que l'excitation qui me broyait les poumons m'empêchait d'inhaler suffisamment d'oxygène pour réfléchir raisonnablement.

Je respirais comme un bœuf sujet à une fureur sans pareille, ma respiration frénétique déblayait les quelques cheveux tombés devant mes yeux avec une frénésie incomparable, et mes poings étaient si atrocement contractés que je pouvais ressentir les moindres craquements de mes doigts. Mes cellules s'égosillaient, gouvernées par une nouvelle rage envers cet homme qui m'avait expressément brisée en deux, par un même homme qui m'avait lâchement abandonnée après m'avoir promis monts et merveilles. Un putain d'homme que je considérais comme le responsable de tous mes maux.

Et quand j'arrivais enfin dans le salon microscopique de cet appartement, là où l'odeur reconnaissable de son parfum masculin se mélangeait à celle envahissante de la cigarette, je me sentis faillir.

J'aurais pu fondre en larmes dans le seconde si ses yeux verts n'étaient pas en train de me regarder avec adoration. J'aurais pu m'effondrer sur le sol carrelé de ce salon si l'image de sa silhouette massive ne m'avait pas pétrifiée sur place. Et enfin, j'aurai pu me mourir de l'intérieur si la panique n'avait pas légué sa place à la colère que je maintenais en cage depuis deux années.

Cette colère était si virulente que je pus sentir mes poils s'hérisser sur mes avant-bras, mes muscles se contracter, mes ligaments se nouer, mon cœur tomber à mes pieds pour flotter dans une mare de sang condensé. Et pourtant rien n'aurait pu occulter cette peine immense et accablante dans le fond de mes pensées. Lourde et écrasante, insupportable et lancinante. L'impression de me déchirer entre deux émotions était telle que je ne pus faire qu'un pas en arrière, percutant un torse ferme que je savais appartenir à Ken.

Mon monde s'écroulait, se décomposait en lambeaux incandescents en même temps que mes certitudes et mes principes. Seule restait intacte cette vision de lui. Beau à mourir, il l'était et il le serait certainement toujours à mes yeux. Malheureusement.

Face à moi, les bras ballants et légèrement tendus devant lui comme pour m'empêcher de faire un pas un avant, le seul son qui parvint à sortir de mes lèvres fut son prénom. Un bruitage à peine audible qui sortit d'entre mes lippes tremblotantes comme un coup de tonnerre dans un ouragan. Un soupir qui mettait un point final à des mois et des mois de recherches :




" Dylan ... "












😈

Salut, salut les babies !

Comment allez-vous ? Votre semaine se passe bien ? Et se chapitre ...
il vous a plu ? 😈

Le grand retour de DYDY  ! Et j'ai remarqué que vous étiez nooooombreuses a l'attendre 😂 pauvre Barbie, il sait pas dans quoi il s'est embarqué 🤔

Enfin bref, j'espère que le chapitre vous a plu, je vous aime d'amour, on se voit dimanche les cariños ❤️

-Clem

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