• Plume n°25 •
(Avant toutes choses : sachez que je suis désolée de ne pas avoir répondu à vos commentaires, mais comme je l'ai expliqué sur mon compte : je ne voyais plus AUCUN commentaire jusqu'à y'a encore quelques minutes. (J'ai réglé le soucis désormais))
Coucou los cariños ! Ça va ? Votre week end c'est bien passé ? Très bien pour ma part, puisque je vais enfin pouvoir vous parler d'un nouveau projet hehe !
Enfin bref, on se voit en bas et surtout : soyez indulgents avec Max ! 😉
Maxine
➰
La tuyauterie du robinet grinçait dans la cuisine tandis que le bruit des gouttes d'eau s'éclatant dans le centre de l'évier résonnait jusqu'à notre salon. Le bruit des secondes de la montre de ma sœur tintait dans les airs comme un compte à rebours, il dictait ma respiration, puis mes expirations. A chaque seconde qui s'écoulait, je continuais de la fixer manger comme si de rien n'était, comme si elle ne sentait mon regard sur sa peau, sur son visage usé par la fatigue.
Lentement, le dos toujours aussi droit, une serviette élégamment déposée sur ses genoux serrés sous la tables, elle apportait une autre cuillérée à sa bouche peinte en rose. Elle toussota légèrement, puis me lança un coup d'œil aussi indiscret que furtif. Dans un geste nerveux, elle redéposa ses couverts dans son assiette et se mit à trifouiller les pans de sa jupe moulante. Sa tête était rivée au sol, regardant tout sauf mes yeux qui ne cessaient de la dévisager comme depuis une bonne quinzaine de minutes.
Mon dîner avait cessé de fumer ; il avait refroidi et je ne l'avais pas touché. J'avais préféré fumer. Une, puis deux, je les avais enchainées pour détendre mes muscles noués et pour désankyloser mes pensées ralenties par ma gueule de bois. J'avais impatiemment attendu qu'elle réagisse, qu'elle hurle au scandale et qu'elle me pousse jusqu'à la terrasse pour j'aille niquer mes poumons ailleurs, mais elle n'avait même pas répondu à ma provocation. Elle avait simplement continué de manger, lentement, toujours plus lentement, toujours aussi impeccablement assisse dans le fond de sa chaise.
Elle l'avait fait, parce qu'elle était terrifiée. Elle était horrifiée car elle savait que je savais des choses. Elle savait que d'ici la fin du repas, je saurai davantage de choses encore. Elle redoutait le moment où j'exploserai enfin, même si elle ne savait pas réellement le pourquoi.
"Tu ... " Commença-t-elle, mais elle s'arrêta immédiatement de parler quand ses yeux bleus croisèrent les miens surement rougis par le joint que j'avais fumé un peu plus tôt, seule sur ma terrasse. Nerveusement, ses doigts s'emmêlèrent et se posèrent fébrilement sur le bord de la table. Elle papillonna furieusement des cils et murmura de nouveau : " Tu veux de l'eau ? "
Je ne répondais pas, concentrée sur sa façon ridicule qu'elle avait d'éviter mon visage impassible. Je laissais le silence, mon allié depuis des années, s'immiscer autour de nous, s'accaparant tout l'espace. Je savais ô combien elle était terrifiée par mon mutisme, elle l'avait toujours haï. Depuis mon réveil à l'hôpital, depuis l'instant où j'avais posé mes yeux sur elle après que je me sois réveillée et que mes parents, des médecins et deux putains de flics aient commencé à crier autour de nous. Je me souviens de son expression, de chaque recoin de son visage souillé par les larmes. Elle n'avait pas bougé pendant un long moment, tétanisée à quelques mètres de moi, paralysée par le regard que je lui lançais et par le silence quasi morbide qui s'émanait de moi.
A partir de là, elle a eu peur de mes silences.
" Tu n'as pas faim ? T-Tu n'as pas touché à ton assiette. " Bégaya-t-elle, la voix si fébrile que je crus pendant un moment qu'elle allait fondre en larmes.
Accoudée à notre table odieusement grande, un sourire ironique fit trembler mes lèvres. Je souriais sarcastiquement à cette situation qui ne cessait de s'aggraver. Je me laissais retomber dans le fond de mon siège et pinçais mes lèvres pour m'empêcher de rire nerveusement. Je basculais ma tête dans le vide et souriais à m'en mal aux zygomatiques. En toute honnêteté, je ne savais pas qui de nous deux étaient la plus frustrées.
Sur cette pensée, j'apportai ma cigarette embrasée à mes lèvres et inspirai goulument la toxine qui roula dans ma gorge comme du miel brûlant. Je fermais mes paupières le temps de deux vulgaires secondes, savourant la simple idée que, pour une fois, j'étais maitre de la situation, et me redressais lentement dans mon siège avant de ne recracher ma fumée dans la direction de ma sœur.
Elle ne sourcilla même pas.
" Tu la veux peut-être ? " Lui souriais-je, la voix enrouée par la fumée qui continuait de s'échapper d'entre mes lèvres. Ses sourcils se froncèrent quand je lui tendis effrontément le petit cylindre incandescent sous son nez, mais elle ne répondit pas, affrontant simplement mon regard. Je ricanais silencieusement quand je vis son visage se froisser sous l'incompréhension. " Ah oui, pardon. Suis-je bête : Les Laurens ne fument pas. "
Raillais-je ironiquement en écrasant le mégot de ma cigarette dans le petit cendrier situé entre nous. Décidée à l'empêtrer encore un peu plus dans son malaise, je saisissais la bouteille de vin rouge que j'avais débouchée en début de repas et remplissais nos deux verres, le mien, comme le sien. Du coin de l'œil, je la vis imperceptiblement frémir de colère et cela ne me conforta que plus dans ma décision de la faire sortir de ses gongs. Doucement, je reposais la bouteille près du cendrier et apportais mon verre à mes lèvres pour gouter la liqueur. Je ne détachais pas mes yeux des siens qui me fusillaient de part en part et lui demandais de nouveau :
" Tu n'en veux pas ? " Un rictus colérique creusa ses joues après que je lui ai ingénument posé la question. Je déposais mon verre et penchais ma tête sur le côté pour mimer ma désolation et repris sur le même ton : " Décidément ce soir, je manque à tous mes principes : Les Laurens ne boivent pas en dehors des grandes occasions. Pas vrai, Rose ? Je ne me trompe - "
" Qu'est-ce que tu veux ? " Cracha-t-elle avant que je ne finisse ma phrase et je perdis instantanément mon petit air effronté. La dureté de sa voix me rappela qu'elle me cachait beaucoup plus de choses qu'elle ne le laissait sous-entendre, et me fit voir rouge à mon tour. Je crispais mes mâchoires et mordais à ma joue au même moment ; ce n'était décemment pas le moment de faire n'importe quoi. " Qu'est-ce que Nek t'a dit ? "
" Des choses. Il m'a dit des choses que la grande et majestueuse famille Laurens ne veut pas que les autres sachent. " Sifflais-je, déversant tout mon sarcasme dans ma voix.
" Il t'a menti. Tout ce qu'il t'a dit est faux. Tu ne vois pas que ce taré essaye de s'immiscer entre nous ?! " S'emporta-t-elle en bondissant brusquement sur ses deux pieds. Je repérais immédiatement les tremblements nerveux de ses mains et me décidais à me lever à mon tour. Doucement, je me redressais et marchais jusqu'à elle, si près d'elle que nos respirations effrénées finirent pas se mélanger.
" Nous, Rose ? Mais quel nous ? " Murmurais-je, consciente de notre trop grande proximité.
" Nous, putain ! " Explosa-t-elle en reculant. Son doigt manucuré nous désigna elle, puis moi, et elle cria de nouveau : " Toi, moi, Maxine ! Réfléchis ! Ce type est un poison ! Il essaye de tout foutre en l'air, alors ne l'écoute p- "
" Ne parle pas de lui comme ça. " L'interrompis-je, à deux doigts de définitivement perdre le contrôle de la situation. Le voile de ma colère était en train de retomber devant mes yeux, obstruant mon bon sens et ma raison ; si je ne me calmais pas, cette histoire partirait beaucoup trop loin.
" Et pourquoi ? Ne me dis pas que tu t'es encore effarouchée des derniers des tarés, Max ?! "
Définitivement : je perdais le fil de mes émotions. Sans même m'en rendre compte, j'avançais dangereusement vers elle et la pointais virulemment du doigt, la prévenant tacitement de ne pas franchir la dernière limite. Elle avait beau être ma sœur, dans mon état actuel, une menace était une menace : Nek savait tout. Il savait même plus de choses que moi. Beaucoup plus. Des choses que non seulement ma sœur n'aurait jamais dû lui dire, mais qu'en plus, lui, refusait catégoriquement de me dire.
" Je serai toi, Rose, je fermerai ma grande gueule pour une fois. Je ne sais pas ce que les parents et toi vous me cachez, je ne sais pas non plus ce que t'as dit à Nek pour qu'il soit convaincu que m'éviter soit la meilleure des solutions, mais t'as de la chance qu'il te couvre pour certaines choses. Putain, t'as tellement de chances qu'il soit loyal, Rose, alors je t'interdis, tu m'entends ? Je t'interdis de l'insulter de taré ou de quoique ce soit d'autre. Car ici, sœurette, la plus barge de tous, c'est définitivement toi. "
Dédaignais-je près de son visage paralysé, les yeux plantés dans les siens qui suintaient d'un effroi que je n'avais aperçu chez elle qu'une seule fois : la soir où elle m'avait appris, après que des flics soient sortis de ma chambre, que mon fiancé m'avait quittée sans raison valable. Elle m'avait regardée de la même manière après que j'ai explosé en sanglot dans ce lit d'hôpital qui puait la Mort. Elle avait eu tellement peur, qu'elle s'était simplement reculée jusqu'à percuter le mur dans son dos. Elle n'avait même cillé quand des infermières m'avait injecté des calmants dans le sang ; elle m'avait simplement fixée me décomposer en face d'elle.
Le souffle court et les lèvres frémissantes de rage, je finissais par baisser mon doigt et par me reculais d'elle qui était aussi stoïque qu'une statue de marbre. Ses yeux étaient en train de se gorger de larmes, des perles d'eau qui ne tardèrent pas à ruisseler sur ses joues tandis que je saisissais ma veste en cuir qui trainait sur l'une des chaises rassemblées autour de la table. Je déviais mon regard, détestant la voir ainsi malgré la rage qui m'habitait, attrapais à la volée mon téléphone, et mon sac qui étaient négligemment posés sur la commode.
J'ouvrais la porte d'entrée en furie, résolue à aller retrouver Nek, mais décidais à la dernière seconde de conclure cette conversation d'une autre façon ; vivement, je retournais aux côtés de ma sœur qui pleurait en silence et lui murmurais rageusement :
" Toi, maman et papa : priez pour que je ne découvre pas dans l'immédiat ce que vous me cachez. Putain, priez très fort, Rose. Car je vous jure que si j'apprends que c'est à cause de vous que ma vie ne ressemble plus à rien depuis deux ans, je n'aurai aucun remord à ruiner la vôtre en retour. "
Elle baissa spontanément sa tête au sol après que je lui ai lançai une ultime œillade dédaigneuse par-dessus mon épaule, et je me hâtai de sortir de cet appartement où l'air devenait suffoquant. Je claquais virulemment la porte dans mon dos et eus à peine le temps de faire un pas que j'entendis les sanglots de ma grande sœur traverser les murs comme des flèches embrasées qui m'étaient directement destinées.
Mon cœur se comprima douloureusement dans ma poitrine quand le bruit d'un verre cassé arriva jusqu'à mes oreilles, tellement que j'eus moi-même envie de pleurnicher sur ma vie ratée et mon passé bousillé par ma propre famille. J'oscillais lamentablement d'un pas sur le côté, frappée par la souffrance que réanimaient les pleurs tonitruants de ma sœur, et m'adossais au mur le temps d'une misérable seconde pour reprendre mes esprits.
J'avais conscience d'aller trop loin. D'ailler beaucoup trop loin. Mais la vérité était que j'étais terrifiée à l'idée de souffrir seule. D'être l'unique à ressentir ce foutu étau infernal autour de mon organe vital qui se refermait un peu plus à chaque nouvelle fois que quelqu'un m'apprenait que ma vie n'était qu'une putain d'illusion. C'était trop douloureux pour ne pas être partagé ; trop inégal. En tout cas, assurément trop mal réparti entre ma sœur et moi pour que je parvienne à endosser ce poids plus longtemps. C'était trop intense, trop calcinant ; de la lave en fusion qu'on m'injecterait dans les veines, dans le simple but de me faire mettre un genou à terre.
Je relevais mon nez au plafond tout en reniflant bruyamment. Ce n'était pas le moment de pleurer, j'avais d'autres choses à régler avec d'autres personnes. Alors j'inhalais une grande goulée d'oxygène, frottais à l'aide de mes poings mes yeux humides et dilatés par la fumette, et envoyais voler la porte des escaliers de secours contre le béton.
***
Il était minuit passé, le silence était maitre ici-bas, seuls les rires de quelques adolescents à l'extérieur du bâtiment résonnaient dans les parties communes de cet immeuble parisien. J'avais passé une grosse majorité de ma soirée au téléphone avec des personnes de mon ancien lycée – un même lycée que j'avais quitté à la fin de ma terminale, n'ayant pas assisté à l'épreuve finale. La réaction des gens avait différé en fonction des relations que j'entretenais avec eux à cette époque. Certains étaient simplement étonnés, d'autres stupéfaits d'entendre la voix de Maxine Laurens, "la grande photographe", dans les haut-parleurs de leur téléphone, et les derniers, eux, n'avaient pas manqué de me jeter leur quatre vérités au visage :
" Maxine Laurens, comme la grosse garçe qui sortait avec ce connard de Dylan ? Comme la meuf qui n'a même pas réagi quand cet abruti de première m'a cassé le nez sous-prétexte que je n'avais pas le droit de t'inviter à boire un verre ?! " Avait-il hurlé dans le combiné et j'avais répondu d'une voix morne :
" Oui, c'est bien elle. "
"Alors va te faire foutre, putain ! J'ai été défiguré à cause de toi ! "
Puis il avait raccroché. J'avais soupiré. Puis j'avais appelé quelqu'un d'autre. Jusqu'à trouver la bonne personne. Je m'étais sentie bête de ne pas y avoir pensé avant, ça m'aurait très certainement évité d'écouter des horreurs sur mon compte et celui de Dylan pendant plus d'une heure trente. Mais entendre la voix de Jeremy Dumont avait su me réconforter suffisamment pour me donner la force de continuer ; ancien dealer de notre lycée, ce type était un foutu pitbull dans le corps d'un chihuahua : il n'avait jamais dépassé le mètre cinquante-cinq, mais été très possiblement l'homme le plus hargneux du monde. Quand il voulait quelque chose, il l'obtenait, et quand quelqu'un voulait quelque chose de lui, il savait manier l'art de la négociation à la perfection.
Pas de chance pour lui, j'étais dans le même optique. J'avais besoin de quelque chose et après des dizaines de minutes de blablas incessants, il avait fini par céder, Dieu merci. Après quoi, j'avais contacté Deen par message pour qu'il me donne l'adresse de Nek : il avait répondu dans la minute, inquiet de savoir comment j'allais après la soirée d'Enfer que j'avais traversée la veille. Je l'avais rassurée, puis remercié, puis étais partie rejoindre Barbie qui, manque de chance, habitait à l'opposé de là où j'étais.
Et enfin, nous arrivons au moment où je suis bêtement figée devant sa porte, ridiculement effrayée à l'idée de le déranger. Mon poing était bloqué à quelques centimètres du bois, incapable d'amorcer un mouvement. Après la discussion de la veille, l'impression que les bases de notre relation fragile s'étaient effondrées sur elles-mêmes, m'empêchait d'esquisser un seul geste. Et pourtant, je me savais avoir besoin de lui : aussi bien sentimentalement parlant, que physiquement.
Alors, péniblement, je me forçais à toquer. Mes coups étaient si faibles que cela aurait relevé du miracle qu'il m'ait entendue. Et pourtant, la porte s'ouvrit brusquement sur lui, vêtu que d'un simple jogging noir qui tombait bas sur ses hanches, dévoilant la lisière de son caleçon blanc. Le sang me monta aux joues inopinément quand des images de notre nuit me sautèrent soudainement aux yeux. Heureusement pour moi et ma dignité, je n'eus pas le temps de m'empêtrer davantage dans ma gêne puisque sa voix suave me sortit de mes fantasmes éveillés.
" Salut. " Je relevais mes yeux de ses abdominaux et fus incapable de dire un traitre mot. Je ne pus que le regarder, lui et son calme implacable. Je pinçais mes lèvres, honteuse de ne plus savoir parler quand il le fallait le plus, et rivais mon regard vers mes doigts qui trifouillaient la hanse de ma besace. " T'as de nouveau perdu ta langue ? " Je léchais mes lèvres déshydratées pour ensuite les pinçais entre mes dents et haussais négligemment mes épaules : j'étais au comble de mon embarras. " Ok, je vois le genre. Rentre. "
Sans attendre, il se décala pour me laisser la place suffisante de pénétrer son appartement et referma la porte délicatement dans mon dos. Avant-même que je ne puisse relever mes yeux du sol, sa main s'enroula autour de mes hanches pour me tirer jusque dans un petit couloir non-éclairé. J'ignorais la bouffée de chaleur qu'avait provoquée son toucher inattendu et le suivais sans rechigner quand il ouvrit une seconde porte, celle que je supposais mener à sa chambre.
En effet, cette pièce peinte exclusivement en blanc ne comportait qu'un simple lit double, ainsi qu'un bureau. Un amoncellement de feuilles griffonnées jonchait le parquet sombre sous nos pieds, tandis qu'une faible lumière jaunâtre se dégageait d'une simple suspension vissée au plafond. Une odeur de cuir, de cigarettes et de parfum flottait dans les airs et embauma mes cicatrices internes ; c'était assez stupéfiant de remarquer que sa simple odeur parvenait à me tranquilliser. Peut-être un peu terrifiant aussi.
" Tu peux t'asseoir, hein. J'te boufferai pas sans ton autorisation. "
Je me retournais vers le brun qui venait de réapparaitre au seuil de la porte et ne remarquais que maintenant qu'il était sorti de la chambre. Je devinais au cendrier qu'il avait dans sa main droite qu'il avait fait un simple aller-retour, mais obéissais malgré cela. Doucement, je m'asseyais sur le rebord de son matelas et l'observais retomber dans le siège de bureau en face de moi. Nous nous étudions mutuellement du regard dans un silence glaçant qui détonait farouchement avec nos éclats de voix de la veille.
Je ne savais plus où me mettre : savoir que derrière ses yeux se dissimulaient des choses sur ma personne que moi-même je ne connaissais pas m'apeurait. Depuis notre rencontre, j'avais toujours eu une longueur d'avance sur lui et sa curiosité maladive, sur cette soif infinie de savoir ce que ma famille et moi-même cachions à tous ; désormais, ainsi assise en face de lui, je me sentais démunie, mise à nue. Dépouillée de vêtements que je ne savais même pas avoir. Et l'envie de me cacher de son regard observateur était bien trop forte pour que j'y résiste.
" Antoine est avec ta sœur. " Finissait-il par souffler, comprenant que je ne risquais pas de m'aventurer sur ce chemin miné. Je fronçais mes sourcils, confuse et alarmée, et il continua : " Fonk' était avec moi quand elle a appelé. Elle a littéralement pété un câble. Je ne pensais pas entendre ta sœur dans cet état-là, un jour. Alors évidemment, tu connais Antoine, il a foncé par la rejoindre. " Il s'arrêta, léchant la feuille de sa cigarette artisanale avant de ne prendre son temps pour la rouler. " Il m'a appelé au bout de quelques heures pour me prévenir qu'il ne reviendrait pas : ta chère grande sœur est dans un trop mauvais état pour rester toute seule. Et tu sais quoi ? Pile au même moment, je recevais un message de Bigo m'annonçant que tu n'allais pas tarder à débarquer chez moi. J'ai pas mis beaucoup de temps à faire le lien entre la crise de Rose et ta petite visite surprise. "
Alors que je pourrissais de l'intérieur sous le poids de ma honte, lui, se contenta d'extirper un briquet de sa poche de jogging pour allumer sa cigarette. Dans un silence religieux, l'arrière de sa tête bascula contre l'appuie-tête de sa chaise, tandis que ses orbes continuaient de me fixer étrangement. Je ne saurais dire ce qu'il ressentait actuellement, je ne saurais pas non plus qualifier l'ambiance électrisante qui régnait dans la pièce. Je pouvais simplement dire que fuir cet appartement me semblait être une excellente idée tout compte fait.
" Si tu viens ici après notre engueulade magistrale d'hier c'est que tu dois avoir une idée derrière la tête, bébé. Je me trompe ? "
Son ton railleur m'agaça cruellement. Quelle idée de penser que je pourrai trouver refuge ici ? Après tout, rien n'avait changé. Si ce n'est que nous n'avions couché ensemble, lui et moi restions deux personnes profondément antipathiques l'une envers l'autre : rien n'avait changé. Je l'avais dit moi-même. Alors pourquoi l'étau sur mon myocarde venait-il de se refermer d'encore un cran ? Pourquoi ma patience et mes espoirs vains commençaient à s'effriter ostensiblement dans mon esprit ?
J'étais en train de devenir folle. Odieusement folle.
" J'ai besoin de toi. " Soufflais-je contre toute attente, et je m'abominais à la seconde même d'avoir laissé ces mots franchir la barrière de mes pensées.
" Nan. " Ricana-t-il sinistrement. Il s'accouda soudainement sur ses deux genoux pour se rapprocher de mon visage et reprit : " T'as besoin de savoir ce que je sais, elle est la foutue nuance, Max : ce n'est pas de moi dont t'as besoin. " Je secouais lentement ma tête pour contredire ses propos : j'avais besoin de lui. A partir de la seconde où il était devenu la seule personne capable de me faire parler ouvertement, il m'était devenu nécessaire.
" Tu te trompes. Je – "
" Ah ouais ? Je me trompe ? Alors en quoi t'as besoin de moi, Max ? T'es incapable de ressentir une once d'amour envers les gens. " Cracha-t-il méchamment en se relevant brusquement de sa chaise qui roula jusqu'à percuter violemment le mur dans son dos. Je le suivais du regard, stupéfaite qu'il soit encore bloqué sur ça et rétorquais dans la minute :
"Je t'ai dit que j'étais désolée pour ce que je t'ai dit hier ! "
" Parce que tu penses, qu'un putain de désolé va te permette de t'en sortir ?! T-Tu ... Bordel, mais tu m'as parlé de mon ex comme si ce n'était qu'une vulgaire merde, Maxine ! " Cria-t-il en retour.
" J'étais énervée ! Et puis comment voulais-tu que je réagisse après que tu me sortes au dernier moment « Désolé, finalement j'peux pas faire ça. » ?! Tu as volontairement fouillé dans mes affaires de famille, Nek, pour le simple plaisir d'avoir un avantage dans notre relation ! Tu me craches au visage que t'as des sentiments pour moi, on couche ensemble, puis tu m'abandonnes dès que la situation te dépasse : alors dis-moi, qui nous deux, est le plus insensible, hein ?! "
" Mais il est là le problème ! Tu penses qu'à ta gueule dans cette putain de relation ! Je t'avoue avoir des sentiments, et toi, ta première putain de réaction est de fuir ! T'as peur de tout, Max : qu'on rentre dans ton précieux petit univers, t'as peur des autres, t'as même peur de toi-même ! "
" Je pensais avoir été suffisamment explicite en te demandant de m'embrasser ! " Répliquais-je en sautant sur mes pieds.
" Pour moi, ça ne l'est pas ! Tu n'es pas la seule à avoir des foutus doutes, t'es pas la seule qui a perdu celui qu'elle pensait être « l'homme de sa vie » ! Alors arrête de croire que le monde tourne autour de ton cul, parce que – "
" Je t'aime, c'est ça que tu veux bordel ? Ce sont ces putains de mots que ton égo a besoin d'entendre pour te permettre d'être vivable avec moi ?! Eh bien voilà, Nek, c'est dit : Je t'aime alors que je ne devrais pas ! "
Il s'apprêta à répliquer, mais il sembla enfin faire tilt. Sa bouche resta entrouverte tandis que sa main pointée dans ma direction retomba lentement le long de son buste. J'étais essoufflée, tout comme lui, exténuée par cet échange de cris tous plus puissants les uns que les autres, et par ce virulent aveu lâché comme une pierre sur un champ miné. Et présentement, nous vivions un moment de flottement, une parenthèse à nos vies : l'instant où j'attendais de savoir si cette fichue pierre avait atterri sur une bombe ou non.
La mine du brun se décomposa et perdit toute son hostilité pour laisser place à une parfaite incompréhension. Sa figure se chiffonna notoirement tandis que ses épaules s'affaissaient graduellement, lui enlevant un peu de sa stature si imposante. Il referma ses lèvres puis les rouvrit instantanément :
"Quoi ? " S'étrangla-t-il et un rire sans joie fit trembler ma poitrine. Fébrile, les muscles encore trempés par l'adrénaline, je peignais mes cheveux en arrière et lui adressais un sourire triste.
" Ça te plait, pas vrai ? " Crachais-je avec dédain, un gout âcre dans la bouche. " T'es satisfait ? "
" Non, très sérieusement : qu'est-ce que t'as dit ? " Répéta-t-il avec empressement et je n'eus même plu envie de le voir. Je tournais les talons, décidée à passer la nuit dehors pour me changer les idées, mais poussais un hoquet de douleur quand sa main s'enroula fermement autour de mon poignet. " Max, ce n'est définitivement pas le moment de la jouer lâche et de perdre ta langue : Alors répète ce que t'as dit. S'il te plait. " Son ton implorant m'étonna. Ses yeux débordaient d'une honnêteté inédite et me figèrent sur place ; la douleur lancinante qu'occasionnaient ses doigts autours de mon avant-bras s'évanouissait à mesure que le temps défilait, et je haussais simplement les épaules, brusquement ensevelie sous le poids de mes sentiments à son égard.
" Ce n'est pas sain ce qu'on fait. " Chuchotais-je, la gorge encombrée de sanglots ravalés.
" Rien de ce qu'on vit est sain, Max. "
Il me murmura avant que je ne détourne le regard vers la porte ; intérieurement, j'étais loin. J'avais fui le monde dans lequel on m'avait immergée depuis ma naissance. La réalité était bien trop douloureuse et malsaine pour être vécue. Définitivement trop nocive, en compagnie d'un homme que j'aimais obscurément.
De honte, j'écartais son pouce qui tenta d'éponger la larme qui avait roulé jusqu'à mes lèvres. Un gout salé se répandit sur ces dernières et je ne pus m'empêcher de penser que depuis que je le connaissais, je n'avais jamais autant pleuré. Ma fierté n'était plus qu'un amas de lambeaux, ma dignité avait dépéri dans cet ascenseur la veille, et mon amour-propre avait lâchement légué sa place à mon amour que ce rappeur que je détestais un peu plus chaque jour.
" Bébé, arrête de pleurer. Je – "
" Tais-toi, je t'en supplie, Ken. Juste ... Tais-toi. " Au moins le temps que je restaure l'image que je te donne de moi, pensais-je avec le peu d'estime qu'il me restait.
Mais il ne m'écouta pas : réaffirmant son emprise sur mon poignet, il me plaqua délicatement contre son buste brûlant et emprisonna mon corps contre le sien à l'aide de ses bras musculeux. Inutilement, je tentais de le repousser à l'aide de mes poings qui s'étaient bloqués entre ses pectoraux et mes seins, mais abandonnais au bout d'à peine deux essais. Je n'avais même pas envie de quitter le creux de ses bras ; là au moins il ne voyait pas mon visage encrassé par mes larmes. Il ne pouvait pas voir ô combien, intérieurement, j'étais anéantie par ses deux années où tout ce que j'avais su faire, c'était repousser les problèmes qu'étaient mes émotions.
Nek n'avait été que l'élément déclencheur, la clef qui déverrouillait la cage dorée où j'enfermais précieusement mes sentiments trop acerbes, trop vivant, pour être supportés. Il ne m'avait que démontré que le problème c'était pas les autres, c'était moi.
En reniflant discrètement, j'enterrais mon visage dans le creux de son cou et le laissais me cajoler délicatement tout en me susurrant des mots que je ne parvenais même pas à entendre tant mes pensées étaient fracassantes. Mais alors que sa main continuait de caresser mes cheveux, il nicha son nez près de mon visage et me susurra sévèrement dans l'oreille :
" Les sentiments c'est fait pour faire mal, Max. Mais la douleur, elle, elle n'est là que pour nous rappeler que même quand tout va mal, on est en vie. "
➰
Sooooo ? Putain j'ai craché mes tripes pour ce chapitre ! Je suis (enfin) pressée de pouvoir vous répondre à tous vos commentaires ! Je vous ai déjà remerciées pour tout ce que vous m'apportez ?
Aussi, los cariños : comme prévu, j'ai commencé un nouveau livre ! " Frénétique " de son petit nom ! ( ouais j'aime les mots en "ique" mdr) ! Ce soir (si ça vous intéresse) je vous publie le synopsis, la couverture, et le chapitre 1 ici ! Trop trop pressée ❤️
Bisous bisous, on se voit tout à l'heure !
-Clem
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