• Plume n°23 •


Holà holà les babies ! Comment va ? Je sais c'est la merde, c'est dimanche, même moi je suis en dépression là mdrrr. Du coup je vais essayer de vous donner un petit coup de boost avec ce chapitre ! Mais avant de commencer, par simple curiosité, vous avez quel âge ? 🤓

Bonne lecture !






Maxine





                   

Chaud. Je mourais littéralement de chaud. La moiteur de l'air m'empêchait de respirer décemment et le poids accablant sur mes côtes était absolument intenable. Peu familiarisée avec ce genre de réveils, je rouvrais mes yeux en sursaut et regrettais amèrement mon impulsion lorsque les rayons embrasés du Soleil grillèrent mes rétines sans retenue. Mon visage tout entier se tordit grossièrement et je me ruais d'apporter mon unique bras libre à hauteur de mes orbes qui étaient encore atrocement éblouis. Des petites étoiles jaunâtres dansèrent pendant un moment dans mon champ de vision et alors que je tentais misérablement de dégager mon bras droit de sous les draps - en vain, je fus surprise d'entendre tout un brouhaha provenant de notre salon.

J'ignorais pour autant, pas capable de réfléchir pour le moment, et fort heureusement, après plusieurs secondes de geignements, mes yeux finirent enfin par s'accoutumer à la lumière flamboyante qui régnait dans ma chambre. Je baissais prudemment mon avant-bras, peu pressée de me brûler les yeux une seconde fois, et me contorsionnais pour tenter de discerner l'objet qui m'aplatissait si férocement sur mon matelas.

Une touffe brune se profila dès lors en face de moi. Allongé sur les draps, et plus précisément, étalé sur mon corps qui gisait en dessous du sien, cette masse somnolente était paisiblement installée entre mes cuisses tandis que sa tête était sereinement nichée dans le creux de ma poitrine dénudée. Le Soleil frappait rudement contre la peau de son dos dépouillé de vêtements et faisait reluire le relief de ses muscles dorsaux. Je remarquais en me penchant davantage qu'il portait son jean, ce qui m'étonna. Pourquoi avait-il remis son jean ? Je repoussais cette question et admirais simplement son épiderme hâlé réfléchir la lumière qui traversait ma baie-vitrée, tandis que son bras gauche capturait étroitement le mien sous la couette.

Je comprenais dorénavant mieux pourquoi je ne pouvais plus bouger mon bras droit - ni même le restant de mon corps soit disant passant : Nek était avachi sur l'ensemble de ma personne et m'empêchait d'amorcer le moindre geste. Et à en croire sa respiration paisible qui glissait sur mon ventre, il dormait profondément.



" Merde. "



Soupirais-je, profitant de mon unique membre disponible pour dégager tous les cheveux emmêlés qui tombaient sur mon visage. Dépitée, je me laissais m'effondrer dans mes draps et claquais ma main sur mon front, affrontant tous les souvenirs de la nuit qui s'amorçaient sous mes paupières encore gonflées par la fatigue. L'ascenseur, le couloir, la chambre ... Je cherchais fiévreusement une trace de culpabilité dans les fonds de mes pensées, mais inutilement : je ne regrettais pas. Absolument pas.

Je ne regrettais pas ? Mais qu'est-ce que c'était que ce raisonnement illogique encore ? Pourquoi ne regrettais-je pas ?! Mon Dieu, avait-il mis une capote au moins ?! Une image perverse de lui déroulant sur son sexe dur un préservatif me sauta au nez et me fit rudement rougir. Oh mon Di-



" Si tu me dis que tu regrettes ce qui s'est passé, je te ligote au lit et te refais la même chose qu'hier soir, jusqu'à ce que tu admettes le contraire. Compris ou je reformule ? " Marmonna-t-il d'une voix si placide et si enrouée par le sommeil que je pus presque sentir mes muscles tressaillir d'envie. Son idée était alléchante, mais disconvenue. Pourquoi ? Car il était là le souci : je ne regrettais pas. Et il dut comprendre le problème, puisque je le sentis sourire contre ma poitrine avant de ne ricaner : " Dommage, j'aurais presque aimé que tu me dises regretter. "



Je soupirai d'aise lorsqu'il se hissa enfin sur ses deux coudes, délivrant ma cage-thoracique qui se remplit d'oxygène aussi rapidement que permis. Je fermais mes paupières, savourant le simple fait de pouvoir inhaler un air plus tiède que précédemment, mais les rouvris brutalement quand je sentis deux lèvres s'aventurer à l'orée de mes seins rachitiques.

D'abord délicates, elles remontèrent tendrement jusqu'à la base de mon cou, pour finir leur ascension au niveau de mes lèvres. Je me pétrifiais, incapable de réagir tandis que son visage flânait au-dessus du mien. J'eus tout le loisir de remarquer que ses pupilles s'étaient déjà dilatées, contrecoup du désir qu'il sustentait présentement à mon égard, mais virais définitivement au cramoisie quand un soudain sourire malicieux creusa l'une de ses fossettes.



" J'aurais bien aimé t'embrasser, mais ... " Mais il s'arrêta, secouant furtivement sa tête de gauche à droite tout en taisant son inattendue hilarité. " Désolé, bébé, mais l'odeur de ton haleine n'est plus aussi attirante qu'hier soir. "



Attendez ... quoi ?! Je m'insurgeais promptement, recouverte de honte de la tête aux pieds, et le repoussais malaisément sur le côté. Bien évidemment, réjoui par ma réaction immodérée, il retomba dans les draps tout en riant grossièrement. Il s'esclaffait si fort que cela n'effrita que plus dangereusement mon égo et je n'eus aucun remord à lui assener une tape gentillette sur les abdominaux. Cet idiot se plia brusquement en deux, la respiration coupée nette tandis qu'il roulait sur son flanc, les bras croisés sur son ventre. Mon dieu, les hommes. Toujours à surenchérir leur pseudo douleur.



" Parle pour toi : tu empestes le tabac froid. " Crachais-je, touchée dans ma fierté.



Consciente qu'il me regardait, je me relevais précipitamment de mon lit et battais gaminement des pieds pour me défaire de l'emprise de mes draps brûlants. Ignorant ma nudité et son regard sur mon fessier, je me penchais expressément en avant pour ramasser un tee-shirt qui trainait sur mon parquet depuis quelques jours et l'enfilais rapidement. J'attrapais tout aussi rageusement une culotte dans mon étagère prévue à cet effet et braquais mon regard vers le rappeur qui avait enfin cessé de geindre de douleur.



" Je n'ai pas fumé cette nuit, c'est pas possi- "



Il s'arrêta subitement dans sa phrase, comme brusquement assailli par un souvenir inopportun. Je croisais mes bras et fronçais mes sourcils, surprise par sa réaction si bourrue et m'adossais à ma commode pour l'observer se décomposer. Ses yeux étaient plantés dans les miens, quoique vide de vie, aveuglés par des images que seules lui pouvait voir, alors que sa figure perdait de sa précédente et inhabituelle allégresse. Les secondes s'allongèrent indéfiniment, laissant le silence vrombir dans nos tympans et créant une certaine incertitude dans mes songes. Le malaise présent dans la salle était si écrasant qu'il me rendit mal-à-l'aise et me poussa à parler.



" Nek ... ? " L'interrogeais-je, peu sûre de savoir comment gérer sa réaction s'il s'énervait subitement contre moi, ou pire, qu'il fondait en larmes.



Avais-je involontairement évoqué un souvenir de sa précédente copine ? Je me mordis âprement la lèvre en me rendant compte de la lourdeur de son regard et dansais maladroitement sur mes deux pieds. La précédente effervescence de mon sang dans mes veines légua sa place à un froid acerbe qui électrisa inlassablement les cellules de mon épiderme. Bientôt, je fus si angoissée par la sévérité de ses orbes ébènes, que je n'eus d'autres choix que de le rejoindre sur le matelas. Je rampais jusqu'à lui avec hâte et chevauchais ses hanches pour m'asseoir délicatement sur le haut de ses cuisses.

Ils ne cessaient de me dévisager, suivant impeccablement mes mouvements alors que je plantais mes mains sur ses joues pour le faire sortir de sa transe. J'aurai aimé pouvoir trouver les mots, mais j'eus l'écœurante impression de sombrer de nouveau dans les profondeurs de mon mutisme ; tout ce que je fus en mesure de faire, ce fut ouvrir bêtement la bouche avant de ne la refermer.



" Je suis désolé. " Susurra-t-il à une vitesse déconcertante après que je me sois recroquevillée contre son buste. Bientôt, ses bras athlétiques encerclèrent mon dos et me tassèrent férocement contre lui, si bien que ma respiration s'en coupa. J'écarquillais mes yeux, ahurie par la tournure des évènements, mais restais immobile, suivant le rythme effréné de son cœur dans son thorax. " Putain, je suis tellement désolé, Max. "



De quoi parlait-il et, nom de Dieu, pourquoi tous s'excusaient-ils ces derniers temps ? Avais-je raison de me sentir soudainement perplexe suite à ses excuses ? Mais je me convaincus de ne rien répondre, le laissant simplement me bercer fermement contre sa poitrine qui vibrait en cadence avec les battements frénétiques de son organe vital.

Et je sus à l'effroyable sensation qu'était de perdre le fil de ma propre vie, qu'en effet, j'avais raison de m'inquiéter de son état. Son état, ainsi que celui de ma sœur ainée. Il s'était passé quelque chose cette nuit, et je redoutais comme la peste le moment où j'apprendrai quoi.


***

" Maxine, c'est toi ?! "



Beugla ma sœur depuis la salle de bain et je ne pris même pas la peine de répondre. J'étais éreintée par ma journée de shooting avec les mannequins d'une marque de sous-vêtements mondialement connue, et ma seule préoccupation actuelle était de m'affaler dans notre canapé. Mêlant la pensée aux gestes, je me laissais nonchalamment retomber dans le fond de notre sofa et soupirais d'aise. Mes paupières lourdes se scellèrent d'elles-mêmes alors que les talons de ma sœur claquaient sur le parquet, m'indiquant qu'elle arrivait jusqu'à moi.



" Alors comment ça s'est passé ? Elles ne t'ont pas trop embêtée ? Et le manager, Il avait bien reçu mon mail ? " S'enquit-elle et sa prévenance me fit doucement sourire. Un rictus fade, amer. Ironique.



Voilà deux jours que Nek m'ignorait de la plus belle des manières : faire le mort. Autrement dit, la technique utilisée et sur-usée par les lâches après avoir malencontreusement baisé une fille dont ils ne souhaitaient plus entendre parler. Aucun message pervers, aucun mot, aucune entrevue. Juste une dure et cruelle ignorance.

Il fallait admettre que je ne faisais aucun effort pour le contacter de mon côté, certes. Mais je n'étais pas celle qui, en claquant la porte de mon appartement, m'avait dit pensivement :



« Je te rappelle plus tard. »



Je m'étais doutée qu'il ne le ferait pas. Après tout, Barbie pute restait Barbie pute, peu importe qu'on ait couché ensemble ou non. Les vices de chacun étaient bien trop ancrés dans nos personnalités désormais ; à nos âges, les défauts des uns ne s'effaçaient pas avec une partie de jambes en l'air. Il fallait être pour naïf pour y croire. Naïf pour avoir de l'espoir.

Juste après que nous nous soyons préparés et que nous ayons rejoins ma sœur qui s'était activée dans la cuisine pour préparer le petit déjeuner – j'avais d'ailleurs été étonnée de trouver toute une ribambelle de viennoiseries sur la table à manger, quelque chose s'était produite entre Barbie et la blonde. A peine avions-nous fait un pas dans la pièce, que l'atmosphère s'était plombée, alourdie, écrasant impitoyablement nos épaules sous son poids spectaculaire. J'avais sentie l'air se raréfier, s'amoindrir jusqu'à ce que je puisse entendre les respirations sifflantes de ma sœur et de mon ... Mon plan cul ? Bref.

Ils s'étaient fixés, giflés du regard pendant une éternité jusqu'à en oublier ma présence. Je n'étais que poussière insignifiante tandis que leur dualité se perpétuait dans le temps. J'avais dû toussoter, puis carrément cracher mes poumons pour attirer leur attention. Et cela n'avait pas manqué. Nek m'avait regardé, avait ouvert sa bouche, puis l'avait refermée et m'avait de nouveau lorgnée avec pitié. J'avais froncé mes sourcils, surprise de retrouver cette lueur coupable dans son regard usuellement intransigeant et m'étais reculée instinctivement, croisant mes bras sous ma poitrine pour instaurer une barrière symbolique entre lui et moi.

J'avais compris à l'instant même qu'il ne franchirait plus le seuil de cette porte, pas tant que Rose serait dans les parages du moins. Et cela m'avait fait singulièrement mal : une aiguille incandescente qui s'était enfoncée dans la part de confiance que je lui dédiais.

Malheureusement la douleur sourde qui vadrouillait dans mes pensées ne s'était pas atténuée avec les journées ; au contraire, elle s'était exacerbée, me replongeant dans un mutisme sans nom.



" (...) tellement excitée ! "



L'engouement de ma sœur me fit sortir de mes songeries. J'arrondissais un sourcil dans sa direction et sus d'avance à quoi elle faisait référence : son anniversaire. Aujourd'hui était son foutu anniversaire, et d'ici quelques heures notre appartement grouillerait d'individus aux portemonnaies plus conséquent que le PIB nominal du pays le plus pauvre du monde.

Ne pas être ravie pour elle faisait-il de moi une mauvaise sœur ? Très certainement. Mais mes raisons étaient multiples et toutes, pour la plupart, justifiées.

Primo, subir l'hypocrisie de tout le beau monde parisien me saoulait profondément.    

Deuzio, depuis mes vingt-et-un ans, anniversaire rimait avec calvaire. Littéralement autant que figurément : je subissais ces dates comme des tortures psychologiques longues, douloureuses, et interminables. Je passais la majorité de mon temps à me saouler jusqu'à plus soif, fouillant en vain dans ma mémoire un segment de mon passé et plus exactement, un souvenir des deux jours que mon cerveau avait expressément supprimé de ma mémoire.

Tertio, d'une manière générale, je haïssais les anniversaires : vieillir, et donc se rapprocher inéluctablement de la Mort, du néant, du noir, n'était pas quelque chose que je chérissais et ce, depuis toujours. J'avais bien trop peur de l'Inconnu pour glorifier son arrivée imminente.



" Tu devrais aller t'habiller, les invités ne vont pas tarder à arriver. " Me conseilla poliment ma sœur, sous-entendu que mon jean, mon sweat et mes baskets noires n'étaient pas à la hauteur de sa soirée. J'abdiquais néanmoins, bien trop découragée pour batailler avec elle davantage, et marchais sans réclamer mon dû jusqu'à notre salle de bain. " Max ! " Me héla-t-elle soudainement dans mon dos, et j'eus envie de taper de pieds comme une enfant capricieuse. Bon sang, je n'étais pas d'humeur à parler, ni même à écouter. Ne pouvait-elle pas se contenter de se la fermer ? Je grimaçais gaminement et soupirais d'agacement en me retournant vers elle. " T'as des nouvelles de Nekfeu ? Enfin, vous vous êtes parlés depuis qu'il a dû dormir à la maison ? "

" Pourquoi ? " Crachais-je, peut-être trop brusquement puisqu'elle tiqua visiblement en face de moi.

" Eh bien, par simple curiosité. " Me répondit-elle en fuyant mon regard suspicieux. Je me rapprochais d'elle et inclinais légèrement ma tête sur le côté pour pouvoir l'observer plus amplement. C'était définitif : elle me cachait quelque chose. " Vous sembliez simplement très proches alors - "

" Qu'est-ce que tu caches ? "




Murmurais-je pour faire taire ses mensonges, ce qui fonctionna à merveille. Elle se mit dès lors à se mordiller la lèvre, affrontant mon regard intransigeant tout en entrouvrant ses lèvres pour y laisser passer un léger soupir. Je croisais mes bras sous mes seins, plus sérieuse que jamais – quoi qu'anxieuse par ce que je m'apprêtais à apprendre – et la lorgnais de haut en bas, observant consciencieusement ma sœur ainée qui perdait ses moyens en face de moi. Rose empestait le mensonge à plein nez ; une odeur nauséabonde qui m'inquiéta furieusement pour la suite des évènements.



" Beaucoup de choses, comme toi, Max. " Finit-elle par susurrer pensivement, ses yeux identiques à ceux de notre mère, insolemment plantés dans les miens. Et bizarrement, sa réponse me fit doucement sourire : toute notre famille cachait des choses aux yeux du monde. Tellement de choses que nous finissions par nous perdre nous-mêmes dans nos propres mensonges et escroqueries. " Comme tout le monde autour de nous d'ailleurs. Alors cesse de me regarder comme tu le fais ; tu ne vaux pas mieux que moi dans ce domaine. "

" Certes, et c'est parce que je suis meilleure que toi dans ce domaine, Rose que je sais que quoi qu'il arrive, j'apprendrai ce que t'as dit à Nek. Que tu le veilles ou non. " Lui affirmais-je sérieusement avant de ne tourner mes talons. Mais alors que je me rapprochais de la salle de bain, le cœur en vrac, les pensées floues et les yeux fous, je ne pus m'empêcher de rajouter en la pointant médiocrement du doigt : " Si j'apprends qu'il est au courant, Rose, que tu lui as tout dit pour l'éloigner de moi, tu m'auras sur le dos. Et ça, ce n'est pas un mensonge, mais une promesse. "



Et peut-être même, que cela allait au-dessus de la promesse factice : peut-être était-ce plus une menace qu'autre chose. 


***


« Je te savais con, égocentrique et égoïste, mais pas lâche, Nekfeu. » 


Me résignais-je à pianoter sur l'écran tactile de mon téléphone ; son ignorance était une souffrance insupportable, et être dans l'ignorance quant à ses connaissances l'était plus encore, d'où l'envoie de ce fichu message. Une fois cela fait, je soufflai blasement et verrouillais mon portable à contrecœur ; j'étais ridicule, je n'aurai jamais dû envoyer ce message. Pour qui passais-je maintenant ? Mon Dieu, je me maudissais de l'avoir fait désormais. Putain que j'étais conne quand je m'y mettais !

Sur cette pensée, je fis appel au barman en levant mollement mon bras – car oui, ma sœur avait fait installer un bar dans notre salon pour l'occasion, et lui fit comprendre d'un mouvement las de la tête de me resservir la même chose, en l'occurrence, un double whiskey qui ne tarda pas à arriver entre mes mains. Si je devais remercier mon père pour une valeur parmi toutes celles qu'il m'avait inculquées durant ma jeunesse insouciante, cela serait sans hésitation pour sa folle passion pour les bons whiskeys. Avec les années, mon palais c'était affiné pour me permettre de mieux savourer cette liqueur âcre, et assurément, celui que je buvais depuis le début de la soirée était une pure merveille pour les papilles.



" Une si jolie fille ne devrait pas boire autant. " Roucoula soudainement un homme à ma droite et j'eus envie de rouler des yeux ; sa remarque était incroyablement machiste et je dus noyer mes injures dans une autre goulée de whiskey. " D'accord, je vois le genre. "



Ricana-t-il en s'asseyant sur le tabouret près du mien. Lui aussi héla le serveur qui s'empressa de lui servir sa commande, et je profitai de cet instant pour pouvoir mieux le détailler. Grand de taille, la peau ébène, les cheveux coupés courts et les yeux clairs, cet homme me rappelait douloureusement Dylan.

Cette fois, je finissais mon verre d'une traite avant de ne prendre une coupe de champagne qui trainait sur un plateau oublié.



" Maxine Laurens, si je ne m'abuse ? " Me sourit-il et je lui rendais faussement son rictus, concentrée à boire le contenu de ma coupe. " Vous êtes toujours aussi ravissante. " Toujours ? Le connaissais-je ? Sa réplique attisa ma curiosité et je concédai cette fois à la regarder plus franchement. Ma mine se fronça lorsqu'en effet, un souvenir flouté par les années empêtra mes pensées. Une image, éphémère et fugace qui se peaufina sous mes yeux quand il me sourit plus largement. " Marc-Antoine Dumas ... ? " Ria-t-il nerveusement. " D'accord, vous m'avez définitivement oublié. Je suis blessé. " Il continua de rire, mais je fus incapable de rire avec lui ; mon cerveau tournait à plein régime pour tenter de comprendre d'où me provenait cette étrange et déplaisante sensation de déjà-vu. " En tout cas, vous étiez plus bavarde à l'époque ! " S'esclaffa-t-il gaiment avant d'entamer son Martini blanc. Je battais impétueusement des cils, me rendant enfin compte de ses mots et bégayais grossièrement :

" Excusez-moi, mais comment nous connaissons-nous ? " Un sourire enjôleur gravita sur ses lèvres charnues tandis qu'il me regardait malicieusement du coin de l'œil.

" La première fois que nous nous sommes rencontrés, c'était à votre anniversaire. Vos vingt-et-un ans, si je me souviens bien. Mais peu importe ; vous m'avez abordé en clamant que je ressemblais comme deux gouttes d'eau à votre fiancé. " Gloussa-t-il. " Pendant une bonne heure, vous n'avez pas arrêté de me parler de lui, de ses tatouages et de votre « amour inconditionnel » pour cet homme, je cite. "



Mon cœur s'arrêta brusquement dans ma poitrine, pour ensuite tomber odieusement à mes pieds. Ma respiration se bloqua dans ma gorge et je crus pendant un moment perdre la notion du temps. Le sol se démantelait sous mes pieds au même titre que mon bon sens ; je perdais littéralement pieds, ensevelie sous le poids dantesque de ma douleur. Un gout âcre se répandit soudainement dans ma bouche, mais ce ne fut assurément pas le gout du whisky. Non, c'était le gout métallique de mon sang qui se déversait sur ma langue. Je m'étais mordue si fort la joue pour m'empêcher de fléchir en public, que j'avais fini par entailler ma chair.



" Maxine, vous allez bien ? Vous tremblez. " S'enquit le jeune-homme qui ressemblait abominablement à mon petit-ami perdu. " Oh mon Dieu, je viens de comprendre ! Excusez ma maladresse, toutes mes condoléances, je ne savais pas qu'il était décédé – "

" Taisez-vous. " Murmurais-je, les yeux perdus dans les siens effarés par ma grossièreté. " Ex-Excusez-moi. "



Pour la première fois depuis le début de cette soirée d'anniversaire infernale, je posais mes talons au sol et crus vaciller sur le côté tant l'alcool enivrait mes sens. Le monde semblait soudainement tourner plus vite, dangereusement vite pour une personne comme moi qui ne tenait plus droit sur ses deux jambes. Et paradoxalement à cette rapidité, les gens autour de moi, eux, semblaient évoluer au ralenti. Mes yeux me jouaient des tours et alors que je cherchais fiévreusement la porte de sortie, je percutais de plein fouet un serveur qui renversa la totalité de son plateau au sol.

Je baragouinais une excuse lamentable tandis qu'il se pliait en deux pour se hâter d'éponger le champagne qui se répandait sur notre parquet. Je continuais malgré ça ma fuite et évitais de justesse ma sœur ainée que je n'avais plus vue depuis l'arrivée de nos convives.

Lorsqu'enfin, la porte d'entrée se dessina dans mon champ de vision encrassé par les vapeurs de l'alcool, je dus m'appuyer contre un mur pour me défaire de mes talons et ensuite vaciller jusqu'à la sortie. Les regards de quelques invités curieux égratignaient impitoyablement ma peau découverte et ce fut avec toute la peine du monde que je traversais enfin le seuil de ma porte.

Le couloir de mon immeuble menant à l'ascenseur était désert et tituber jusqu'à lui relevait de l'impossible. Mes pieds s'emmêlèrent malencontreusement dans les tapis et je manquais de m'affaler sur le sol lorsque, dans ma précipitation, j'eus tenté de courir jusqu'à l'élévateur. Le bourdonnement dans mes tympans était assourdissant et quand je fus enfin à l'abri dans cette boîte métallique des œillades inquisitrices de quelques-uns, j'apportais fébrilement mon avant-bras à ma bouche pour étouffer un sanglot.

Un sanglot qui n'en était pas un, puisque tout ce qui parvint à sortir de ma gorge nouée fut un gémissement larmoyant.  Mon cœur menaçait d'exploser dans ma poitrine tant il battait furieusement, tant il s'amusait à frapper mes côtes. Je perdis le cours de ma respiration et bientôt je fus incapable de rester stable sur mes deux jambes ; je glissais contre la paroi glacée de cet ascenseur et eus davantage de mal à respirer une fois assise.

L'abominable impression de fondre de l'intérieur me fit me plier en deux tandis que je cherchais désespérément de l'air pour nourrir mes poumons avides d'oxygène. Et je sus que je faisais définitivement une crise d'angoisse lorsqu'une violente quinte de toux secoua cruellement mon corps recroquevillé dans un coin de cet élévateur.

Cet homme, cet homme, mon dieu cet homme ! Ne cessais-je de penser. Misérable que j'étais, j'étais incapable de me souvenir de lui, de cet homme qui très possiblement, avait été le dernier à qui j'avais parlé avant que ma vie ne parte à la dérive, que mon monde ne s'effondre pour finalement ne ressemblait qu'à un amas de cendres.

La peur monstrueuse qui alimentait mon corps se quadrupla quand soudainement, l'ascenseur se mit en mouvement. Sa descente faisait référence à ma propre chute : je sombrais littéralement dans les tréfonds de ma vie d'antan. Je me remémorais avec terreur et épouvante tout ce que j'avais perdu par ma faute, par mon insouciance et mon inconscience immodérée.

Dans une tentative dérisoire de me raccrocher au monde réel, je recherchais de la main quelque chose à quoi me raccrocher mais tombais au sol lamentablement quand tout ce que je parvins à trouver, fut le vide. Mes yeux me brûlèrent de plus belle après que mes fesses aient heurté le sol, mais ne parvinrent à déverser toutes les larmes qui me brûlaient si cruellement la cornée ; j'étais incapable de pleurer.



" Les gars, je dis ça, j'dis rien, mais ... Y'a une meuf dans l'ascenseur.  " Craintivement, je remontais mon regard vers cette voix qui venait de résonner dans mes tympans et crus mourir de honte quand je reconnus les trois têtes en face de ma pitoyable personne. M " Attends, mais c'est la muette – "

" Max, putain ! "




Je n'eus pas le temps de respirer que deux grandes mains calleuses capturaient promptement mon visage pour me contraindre à le regarder. Je tentais de le faire reculer, mais tout ce que je parvins à faire, fut tousser plus fort encore, si bien que j'eus l'impression de dégobiller mes entrailles. Le feu calcinant qui se répandait dans ma gorge était invivable et les vrombissements dans mes oreilles étaient intenables.



" Deen, mec, emmène-la dehors ! J'sais pas, fais un truc merde ! " Je reconnus dans tout le brouhaha de mes songes la voix paniquée de Sneaz et à peine termina-t-il sa phrase que je me sentis soulever du sol.



J'hoquetais misérablement, autant de surprise que de panique, et me risquais à me dégager de cette emprise vigoureuse qui m'empêchait de respirer décemment : en vain. D'un coup de pied agile, Deen qui me soutenait contre son buste envoya bouler la porte d'entrée et je fus tétanisée par le froid extérieur. Mes muscles ventraux se tordirent de plus belle sous l'assaut d'une nouvelle quinte de toux, et le regard alarmé que Deen me lança me fit sentir plus pitoyable que je ne l'étais déjà. 



" Eff', Préviens l'Fennec : Je la remmène chez moi. "


***


Le calme plat. Dans cet appartement situé dans le centre-ville d'Aubervilliers, il régnait un calme stupéfiant, presque anormal. Et étant allongée dans le canapé lit de mon ami, je peinais à résister à l'appel du sommeil ; tout était facteur d'endormissement, que cela soit la quantité prodigieuse d'alcool qui circulait encore dans mon sang, ma fatigue de la journée, mes deux nuits d'insomnies incessantes, ou encore la titanesque crise d'angoisse d'il y a une petite heure, dormir était présentement la plus belle chose qu'on pouvait me proposer.

Et pourtant, j'étais incapable de céder aux bras si attirants de Morphée. Après être arrivés en trombe dans son appartement, Deen m'avait rapidement déposée sur son lit défait et s'était empressé de me servir des litres et des litres d'eau. Après quoi, il s'était simplement assis à mes côtés et m'avait observée dans un silence quasi religieux ingurgiter ces deux bouteilles d'eau glacée.

Son regard n'avait pas cillé pendant plus d'une dizaine de minutes et sa langue ne s'était pas déliée non plus : il était aussi mutique que moi. Un mutisme effrayant qui m'empêchait de sombrer dans le sommeil. Ses seules paroles avaient été les suivantes : « Nek devrait pas tarder à arriver. » Et je ne sais toujours pas si je n'aurai pas préféré qu'il ne dise rien finalement.

Lorsque la sonnerie retentit dans l'appartement, il ne lui fallut pas plus d'une dizaine de secondes pour bondir de sa place et allais ouvrir à celui que je supposais être Barbie. Cela ne pouvait être que lui, qui d'autres après avoir sonné, s'amuserait ensuite à tambouriner comme un cinglé dans la porte ? 



" Elle est où ? " Je fermais mes paupières quand sa voix alarmée parvint jusqu'à mes oreilles. Peut-être que si je faisais semblant de dormir ...

" Dans mon pieux, elle dort à moitié depuis une bonne demi-heure. " Je ne les voyais pas, mais quand je reconnus le soupir désabusé de Nek, j'eus envie de m'emmitoufler davantage dans les draps. Tout cela était ridicule, je me sentais ridicule. Affreusement. " Mec, attends, elle est encore complètement pétée. Sois cool avec elle. "

" Elle est tout le temps défoncée de toutes façons. " Cracha-t-il et la violence de ses mots me fit tressaillir ostensiblement.



Mais quand je l'entendis marcher jusqu'à mon lit, puis s'accroupir en face de moi, je reteins bêtement mon souffle. Quelque part, j'étais effrayée par sa réaction. Nous ne nous étions pas vus depuis deux jours, nous avions coupés les ponts depuis notre mémorable soirée, et mon dernier signe de vie avait été un message odieux ... Alors, oui, définitivement, j'avais peur de sa réaction.



" Je sais quand tu dors, et là en l'occurrence, tu ne dors pas. Alors ouvre tes putains d'yeux, Max, que je puisse voir par moi-même ô combien t'es défoncée. Encore. " Mon Dieu, pour qui se prenait-il putain ?! Fut ma première pensée, mais je me ravisais : je n'étais assurément pas en situation de répliquer. Alors j'abdiquais timidement, dénouant mes paupières l'une après l'autre pour affronter son regard intraitable. Son visage se fendit en une moue écœurée et je peinai à déglutir. " Une crise d'angoisse, hein ? Un badtrip plutôt, ouais. " Siffla-t-il.

" Mec, arrête. T'as pas vu l'état dans lequel elle était tout à l'heure. " Me défendit Deen et je remerciais tous les Dieux qu'il soit encore présent dans la pièce.

" Peu importe. " Souffla-t-il, son humeur massacrante amoindrie par la remarque de mon ami. Je décidais qu'il était temps de me redresser – loin de moi l'idée de m'humilier davantage – et prenais appuie sur le mur tandis que les deux hommes me regardaient faire silencieusement. " Et donc, pourquoi cette « crise d'angoisse » ? "



Il continua sur sa lancée et je respirais profondément, peu certaine de vouloir le mettre au courant alors qu'il entretenait avec ma sœur des secrets dont je me méfiais comme le choléra. Je mâchouillais instinctivement ma lèvre et rassemblais mes genoux contre ma poitrine, soudainement encline aux doutes.



" Si tu me dis que c'est ta sœur, je te promets que je vais lui défoncer la gueule. Meuf ou non. " Me prévint-il, sévère et je me dépêchais de démentir ses propos.

" Non ! C'est juste que ... " Je pouvais d'ici sentir ma dignité se dissiper par tous les pores de ma peau, mais à en croire l'agacement et l'empressement de Nek, je devais me dépêcher de parler si je ne voulais pas créer un esclandre devant ce pauvre Deen. " Un mec que j'avais apparemment rencontré à mes vingt-et-un ans, est venu me parler de Dylan, et je ne sais pas pourquoi, j'ai paniqué quand il a commencé à me faire ses condoléances. Il pensait qu'il était mort et je ... Et j'ai mal réagi. " Soupirais-je honteusement avant d'admettre : " L'alcool n'a pas aidé. "



Quand j'eus fini de me justifier, je m'attendais à tout, absolument tout, sauf à ce que les doigts de Nek s'empressent de s'entremêler aux miens qui jouaient nerveusement avec le bord de la couette. Je me pétrifiais et regardais avec étonnement nos doigts soudés ; mon cœur s'exalta sous mon sein et je relevais curieusement mon regard vers le rappeur qui s'était considérablement rapproché de moi.

Son visage semblait plissé par la douleur, une douleur dont je ne compris pas l'origine.  Ses sourcils froncés aggravaient la dureté de ses orbes sombres, alors que le grincement de ses dents ne m'augura rien de bon. Ses yeux n'osaient plus me toiser et lorsqu'enfin, mon brun m'accorda un regard, je sentis un grand froid s'abattre sur mon échine.


" Je crois ... " Il s'arrêta pour frotter nerveusement la naissance de sa barbe négligemment taillée avant de ne reprendre sévèrement : " Je crois qu'il faut qu'on parle. "












So, qu'en pensez-vous ? 🤓

Perso, si je suis honnête, en ce moment je ne suis pas tellement satisfaite de ce que je vous fais, donc bon haha. Mais vous pouvez pas savoir comme vos commentaires me chaud au cœur, réellement, c'est énorme ! Donc un énorme merci !

Enfin bref, des hypothèses ? 😈

En tout cas, je vous laisse ruminer jusqu'à mercredi les babies ! Bisous !

-Clem

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