• Plume n°21 •



Holà ! De retour, tard, again mdr, mais me voilà haha ! En espérant qu'il vous plaise ! On se voit en bas les babies !





Maxine





                   

Petite, j'étais ce genre de gosses que l'on souhaite étrangler dès qu'ils ont le malheur d'ouvrir leur bouche. Je parlais, fort, tout le temps et inutilement. J'étais débordante de questions existentielles sur la Vie et la Mort ; des raisonnements qu'on n'est pas censé avoir à un âge si débordant d'innocence.

Et pourtant, je le faisais : « Pourquoi la Terre est-elle ronde ? Pourquoi ce Monsieur est blanc alors que celui-ci est noir ? Pourquoi est-ce que l'on meurt ? Et si un jour je meurs, les gens seront-ils tristes comme dans les films ? Ça vient d'où les « déjà-vu » ? Pourquoi Rose est blonde et moi, brune ? Pourquoi maman parle avec Rose, et pas avec moi ? Et papa, c'est quoi ce qu'il boit tous les soirs, en rentrant tard du boulot ? Et pourquoi il fait ça ? C'est parce qu'il a soif ? »

La plupart du temps, les personnes à qui je posais ces questions me tapotaient gentiment le haut du crâne, et me disaient d'un air condescendant « Tu parles trop, gamine. ». Alors je me taisais et partais voir d'autres personnes, déterminée à trouver quelqu'un capable de combler ma soif de savoir. Puis un jour, alors que je ne devais avoir que dix petites années, un type toisant la trentaine s'était accroupi à mes côtés et m'avait répondue :



« Tu connais le jeu « Sims » qui vient de sortir ? » J'avais alors bien évidement hoché la tête, enthousiasmée à l'idée qu'on parle de ce nouveau jeu pour ordinateur. « Eh bien, c'est pareil. Y'a quelqu'un derrière son ordinateur, surement une ado boutonneuse avec de l'eczéma sous ses bourrelets, qui contrôle tout ce qu'on fait. Elle choisit la couleur de notre peau, la manière dont on meurt, dont on nait, le travail qu'on fait, et plus généralement : si on est heureux ou non. » Alors, nécessairement, de haut de mes dix ans, je n'avais pas tout à fait compris ce qu'il insinuait. J'avais simplement froncé les sourcils et l'avait invité à continuer de parler, grandement intéressée par son raisonnement. « Eh bien, la fille derrière son ordi, elle s'appelle la Vie et nous - toi, moi, ton papa, ta maman, tout le monde, on est ses Sims. »



J'avais ri, niaisement, simplement heureuse que quelqu'un m'ait enfin prêtée de l'attention – même si je n'avais toujours pas compris où il voulait en venir. Je n'avais néanmoins pas eu la chance de parler davantage avec cet homme puisque ma mère avait déboulé dans la pièce, inquiète que j'enquiquine quelqu'un avec mes questions. Elle avait alors pris ma main, s'était excusée auprès de cet homme pour mon comportement intrusif, et m'avait trainée autre-part.

Et jusqu'à présent, je n'avais jamais repensé à cet homme. Je l'avais oublié car mon père et mon oncle m'avait expliquée que, pour parler ainsi à une gamine de mon âge, il fallait être fou. Alors j'avais rangé cet homme dans un coin de ma tête, oubliant par la même occasion que, quelque part, il avait certainement raison.



" Chérie, tu es sûre que ta sœur continue d'aller voir ses psychologues ? Je la trouve bien pensive depuis le début du repas. " Chuchota indiscrètement ma mère à ma sœur à l'autre bout de la table. Je relevais mon nez de mon assiette et arquais un sourcil vers elle, lésée de la voir parler à Rose comme si je n'étais pas là.

" Oui, maman. Maxine a fait d'énormes progrès si tu veux tout savoir ! Fréquenter ces rappeurs l'a grandement aidée. " Chantonna fièrement ma sœur, et sa bonne humeur m'arracha un soupir ; elle et son hypocrisie était un binôme décidément inséparable.

" Je ne comprends pas le rapport avec ces hommes. " Intervint sévèrement mon paternel après s'être dignement essuyé la bouche. " Ce sont surtout ses psychologues qui l'aident, pas eux. "

" Peut-être, je ne dis pas le contraire, papa. Je dis simplement que fréquenter d'autres hommes lui a fait aussi le plus grand bi- "

" Ces hommes sont des rappeurs, Rose, des clients, pas une quelconque aide pour ta sœur. Ils ne sont même capables de toucher un SMIC, alors explique-moi, nom de Dieu, comment ils pourraient aider à régler le problème de ta sœur ? " S'agaça mon père qui n'avait pas touché un mot de tout le repas. Affectée par ses mots, je me crispais sur ma chaise et lançais une œillade assassine à ma sœur qui s'était renfermée telle une huitre, incapable de tenir tête à nos malheureux parents. Des parents qui ne se doutaient pas une seule seconde que leur précieuse fille ainée s'était profondément entichée de l'un de ces rappeurs.

" Ils sont sympathiques, papa. " Souffla-t-elle la tête baissée. " Maxine les apprécie, et j'admets les apprécier moi aussi. "

" Et puis quoi encore, Rose ? " Répliqua ma mère, frustrée de ne pas saisir le message subliminal que mettait ma sœur dans sa phrase. " Ne me dit surtout pas que tu fréquentes l'un d'eux, jeune-fille, nous avons déjà supporter un garçon du même acabit pendant bien trop de temps avec ta sœur, et regarde où cela a menés. "



Touchée.

Je perdais pied le temps d'une vulgaire seconde, désorientée face à cette piqure de rappels que venait de m'infliger volontairement ma mère. J'étais déjà fragilisée par la douloureuse soirée que j'avais partagée avec Ken la veille, alors supporter un coup bas de la sorte devenait de plus en plus compliqué, pour ne pas dire insupportable ; mes cicatrices internes étaient encore trop purulentes pour se permettre de subir d'autres attaques, d'autres claques.

Et pourtant, lorsque je sentis la main de Rose glisser sous la table pour attraper la mienne qui tremblait vulgairement sur mes cuisses, je parvins à garder suffisamment de calme pour conserver mon masque impeccable. Son geste si prévenant, si inhabituel de sa part, me désempara autant qu'il me rassura. Lentement, elle cajola le dos de ma main avec son pouce et pressa gentiment mes doigts avant de ne répondre à ma mère qui attendait impatiemment une réponse.



" Non, bien évidemment que non, maman : je ne sors avec aucun d'eux. " Soupira-t-elle, et je pus sans problème deviner la difficulté qu'elle rencontra en s'exprimant ; car Rose mentait, c'était indéniable. Elle aimait Antoine autant que lui l'aimait, mais à ses yeux, la fierté de nos parents était plus importante que n'importe quoi d'autres. Même son bonheur. Et je ne sus si cela était désespérément risible, ou effroyablement triste. 

" Je l'espère bien, jeune-fille. " Conclut ma mère avant de ne reprendre ses couverts et avaler une bouchée de son risotto. " Seront-ils là ce soir ? "

" Oui, quelques-uns seront là. " Lui répondit difficilement Rose, les yeux plongés vers son assiette presque intacte. Et à mon tour, comprenant à son regard perdu qu'elle souffrait du dilemme que venait de lui imposer nos parents si cruellement, je câlinais sa main pour lui donner un peu de mon maigre courage. Elle me lança furtivement un sourire désolé auquel je ne répondis pas, concentrée sur la réponse de ma mère. 

" Très bien. En espérant qu'il ne cause aucun souci dans ce cas. "



Et secrètement, je l'espérais aussi. J'espérais profondément que le mauvais pressentiment qui me retournait les tripes depuis quelques heures n'était pas véridique, que tout se passerait à merveille et que Barbie oublierait ma faiblesse lamentable de la veille. Je priais intérieurement pour que rien ne vienne me donner le dernier coup de massue ; car, piteusement, je me savais incapable de résister à une autre attaque. Pas pour le moment du moins, pas tant que je n'aurai pas reconstruit ce que ma discussion de la veille avait impitoyablement brisé en une centaine de milliers de particules volantes.

En d'autres termes, il me fallait du temps, beaucoup de temps.

Mais en l'occurrence, l'ado boutonneuse avec de l'eczéma sous ses bourrelets que l'on surnommait la Vie, avait décidé que je n'en aurai pas, du temps.


***


" (...) Ma chère fille a sillonné le Monde pour trouver des émotions, des sentiments capables de retranscrire à l'authentique ce que la Vie nous offre. Elle a parcouru fièrement les cinq continents, accompagnée de ma seconde et magnifique grande fille, pour vous permettre d'admirer ce que les différences de cultures et de générations apportent à notre quotidien. Maxine a toujours été une fierté pour la famille Laurens, alors je ne saurai exprimer ma joie de la voir se déployer au grand public. Je vous remercie donc infiniment de vous êtes déplacés jusqu'ici ce soir et vous invite à lever votre verre en son honneur, à ma chère et tendre petite fille : Maxine Laurens. "



Et les gens s'exécutèrent autour de moi, obéissant à mon père, ce grand orateur, qui les menait du bout du doigt avec une aisance déconcertante. Les centaines de personnes présentes levèrent leur verre regorgeant d'un champagne hors de prix dans ma direction, et me sourirent bien aimablement. Je rougissais notoirement, ainsi debout auprès d'Ahmadeen avec qui je discutais avant que mon père monte sur cette estrade pour prendre la parole. Je souriais timidement en retour à quelques personnes, notamment à ma sœur ainsi qu'à Moha et Antoine.



" Cette soirée est pour toi, ma fille. Nous sommes tous fiers de toi. "



Termina mon père après que je daigne enfin le regarder dans le blanc des yeux. Décidemment, le mensonge était un art que notre famille maitrisait à la perfection. Il m'adressa un clin d'œil complice après que je lui adressais un fin sourire en coin et apporta son verre en cristal à sa bouche, buvant goulument la première gorgée de cette liqueur pétillante. Un brouhaha d'applaudissements accompagna son geste solennel et je me ratatinais plus près de Deen, profitant de sa carrure massive pour me cacher un tant soit peu de tous ces regards inconnus.



" Ton père maitrise les discours, la muette. " Ricana Deen après que l'euphorie collective se soit calmée. Je soupirais abondamment et avalais cul sec le contenu de ma coupe ; noyée mes démons le temps d'une soirée était grandement nécessaire. " Pas comme toi. " Se permit-il de rajouter, taquin, et je lui frappais gentiment le bras en réponse.

" Je t'emmerde. " Soufflais-je après avoir attrapé à la volé un second verre sur le plateau d'un serveur urgé par le temps.

" Bah alors, la muette, on sait plus où se mettre ? " Se marra Antoine qui arrivait à nos côtés, accompagné de Rose qui marchait à son bras. Je plissais mes yeux tout en avalant une gorgé de mon champagne. " En tout cas, tu es très jolie. On dirait presque que tu as des seins dans cette robe. " Me taquina-t-il et je ne pris même pas le temps de répondre à son pic, laissant ma sœur prendre ma défense.

" Tais-toi ! " Gloussa-t-elle, sourire aux lèvres et les yeux étincelants d'une lueur facilement reconnaissable ; bon sang, ma sœur était farouchement amoureuse de ce type. " Au fait, Ken ne vient pas ? "

" Si, si, il arrive. Il voulait à tout prix rencontrait belle maman et beau papa. " Ma mâchoire se défit après sa réplique espiègle. Il n'avait quand même pas osé dire ça devant ma sœur, putain ? Je vis rouge, tout comme ma sœur qui s'étrangla avec sa salive, surement pas prête à une pareille réflexion, mais personne n'eut le temps de dire quoi que ce soit, puisque ma chère mère décida de faire son arrivée au même moment.

" Bonsoir, messieurs. " Fredonna-t-elle, sourire factice plaqué sur son visage parfaitement bien maquillé tandis qu'elle se faufilait auprès de Rose qui se dépêcha de s'éloigner de blondinet. " Alors, que pensez-vous de l'exposition de ma fille ? " Elle leur demanda tout en balayant ses longs cheveux blonds sur l'une de ses épaules dénudées.

" Ils connaissaient déjà la plupart des photos, maman. Ils étaient là lors de sa première exposition en Bretagne. " Se pressa de répondre ma grande sœur, coupant la parole à Antoine qui ne cessait d'écarquiller les yeux, incrédule devant le changement de caractère radical de sa petite amie non officielle.

" Ah oui, vraiment ? Mais il me semble que c'est à ces hommes que je parlais, jeune-fille. " Répliqua ma mère, intransigeante.

" Les photos sont très belles, Madame Laurens. La mue- Maxine est très bonne dans ce qu'elle fait. " Se reprit immédiatement Deen après que je lui ai infligé un coup de coude discret.

" En effet. Et je présume, que vous devez être Nekfeu, c'est bien ça ? " Lui demanda-t-elle tout en lui tendant la main. Je ravalais un sourire, amusée qu'elle confonde mon ami avec Nek, et regardais attentivement Deen serrer sa main délicate.

" Malheureusement, non. Je suis Ahmadeen, mais tout le monde m'appelle Deen. "



Ma mère eut un discret mouvement de recul, soutirant sa main à celle de Deen qui la regardait avec incrédulité, surpris de la voir se braquer si inopinément. Le visage raffiné de ma mère perdit de sa gaité – et donc en hypocrisie, alors que je l'observais se dandiner maladroitement sur ses hauts talons. Malheureusement, je connaissais suffisamment ma mère pour connaitre la raison de son soudain repli, et je pus déjà sentir l'ambiance s'électrifier autour de nous.



" Ah oui ? Et Ahmadeen ... C'est quelle origine ça ? Sans vouloir être indiscrète. "



Je retenais mon souffle devant sa réflexion implicitement raciste. Car oui, ma mère était indubitablement, formellement, et abominablement raciste. Française de pure souche, mes grands-parents lui avaient inculquée des valeurs erronées sur la France qui l'avaient rendue ainsi. Et par malheur, mon père et ses aprioris sur les personnes aux multiples origines, avaient consolidé son racisme effronté.

Un silence pesant plana lourdement sur mes épaules lorsque tous les garçons lorgnèrent ma mère avec véhémence, comprenant enfin quel personnage elle était derrière sa couche impressionnante de mensonges et maquillages. Mes poumons commençaient à hurler famine tant l'air se raréfiait autour de nous, et Dieu merci, Deen finit enfin par sortir de sa stupeur. Un ricanement sec, bien qu'empli de colère, fit vibrer sa poitrine avant qu'il ne réponde :



" Pourquoi cette question, madame ? Sans vouloir être indiscret. " Cracha-t-il et je me dépêchais d'attraper sa main pour l'inciter à se calmer, clairement peu désireuse de voir ma mère le jeter à la porte comme un malpropre.

" Oh comme ça, jeune-homme. " Lui répondit-elle sarcastiquement, non sans montrer relever le menton crânement.

" Je vais prendre l'air. Deen, tu m'accompagnes ? " Lui demandai-je précipitamment, mais il ne réagit pas, immobile devant ma mère qui le lorgnait agressivement. " Deen, tu viens ? "

" Maxine, tu ne parles pour ne rien dire. Si ton ami ne veut pas aller à l'extérieur, il n'y va p- "

" Allons-y. "




La coupa-il avant de ne me trainer soudainement vers la porte de sortie. Je suivais sans rechigner, non sans m'emmêler les pieds dans ma robe longue et soufflais de ravissement quand nous fûmes enfin à l'air libre. Mon ami s'immobilisa sur le béton et sortit de sa poche arrière une petite boite métallique que je n'avais jamais vue sur lui jusqu'à présent. Précipitamment, il tenta de l'ouvrir, mais ses gros doigts ne parvinrent pas à le faire, alors délicatement, je lui prenais des mains et l'ouvrais à sa place pour découvrir un ter pré-roulé. J'haussais un sourcil, stupéfaite de le découvrir avec ça, mais ne posais pas de questions, lui tendant simplement sa petite boite.



" On fait deux-deux ? " Souffla-t-il tout en sortant un briquet de sa poche arrière. J'acquiesçai d'un mouvement de tête, mais l'invitais à me suivre un peu plus loin ; si mes parents me découvraient avec ça, ça ferait scandale. " Ouais, t'as raison. On a qu'à rejoindre Barbie, il est dans le parc un peu plus loin. " Une décharge électrique dévala mon échine à l'évocation si imprévue de son surnom. Que Diable foutait-il dans ce parc ? Deen dut comprendre mon interrogation puisqu'il me répondit tout naturellement : " Je devais aller le chercher là-bas. "



Je ne cherchai pas à comprendre davantage, et le suivais maladroitement sur le trottoir - Mes talons hauts me faisaient un mal de chien. Je relevais ma robe lorsque nous dûmes traverser la route et acceptais volontiers la main tendue de Deen. Je m'accrochais à elle lorsqu'il se mit à trottiner pour rejoindre plus rapidement le bitume d'en face et la relâchais rapidement lorsque nous fûmes enfin arrivés devant le petit carré d'herbes où la silhouette de Nek se dessinait dans l'ombre d'un lampadaire.

Mon cœur s'emballa grièvement dans ma poitrine lorsque je devinais malgré l'obscurité ambiante, qu'il revêtait une chemise à la blancheur impeccable, son classique jean sombre ainsi que sa traditionnelle veste en cuir. Comme depuis quelques semaines, ses cheveux anciennement blonds perdaient de leur couleur et retrouvaient peu à peu de leur couleur naturelle, et pour une fois qu'ils ne les avaient pas attachés en un petit chignon ridicule, je ne pus que le trouver diablement beau. 



" Bien ? "



Nous demanda-t-il et je baissais mes yeux au sol tant cette situation était cocasse. La veille encore, je découvrais le destin funeste de son ancienne petite-amie et de ce fait, les raisons macabres qui le poussaient à m'empêcher de fumer, je pleurais telle une enfant démunie en face de lui et l'abandonnais sur le trottoir comme on abandonnerait un chien. Cette situation toute entière était affreusement gênante, et lui comme moi, nous ne parûmes pas vouloir affronter la réalité : hier, nous avions poussé le jeu jusqu'à sa rupture. Une brèche dans notre jeu nocif qui, en toute honnêteté, correspondait à nos fêlures respectives.



" Désolée, Max, mais ta mère est une sacrée garce. Raciste qui plus est. Donc non, Nek, je suis sur les nerfs là. " S'agaça Ahmadeen tout en se laissant retomber auprès de son ami sur ce banc public. Je relevais nonchalamment mes épaules, consciente qu'il avait malheureusement raison sur ma mère et restais bêtement debout, dansant d'un pied sur l'autre. " Viens t'asseoir, nan ? " Il me demanda tout en tapotant gentiment la place située entre lui et Nek. Je m'apprêtais à décliner son offre, mais il ne me laissa pas le choix puisqu'il me traina par la main pour que je vienne poser mes fesses entre eux.



La chair de poule naquit immédiatement sur l'ensemble de mon corps quand ma jambe eut le malheur de frôler de trop près celle de Ken, et je me ratatinais immédiatement du côté de Deen. J'entendais vaguement le rappeur soupirer suite à ma réaction enfantine, mais j'ignorais ; présentement, tout ce que je voulais, c'était m'éloigner de lui.

Le silence retomba autour de nous pendant tout le temps où Deen fuma finalement seul son ter. Chacun de nous, tous plus contrits les uns que les autres pour des raisons néanmoins divergentes, nous parûmes savourer ce moment de répit sans trop nous plaindre de cet instant de quiétude insolite. Eux qui parlaient en permanence, étaient pour une fois plus silencieux que moi, laissant le bruit de nos respirations et celui du vent dans les arbres au-dessus de nos trois têtes, combler notre mutisme assourdissant.

Les secondes s'éternisèrent pour devenir des minutes, et les minutes formèrent bientôt une demi-heure. La température environnante était glaçante, et pour moi qui ne revêtait qu'un malheureux bout de tissu en mousseline blanc, affronter ce froid mordant relevait de l'exploit.



" C'est moi où vous vous faites la gueule encore plus que d'habitude ? " Nous sollicita subitement Deen après qu'il ait écrasé négligemment la fin de son joint sous son pied. Je me mordis âprement la joue pour m'empêcher de rougir et jetais un coup d'œil à Nek qui semblait tout aussi mal à l'aise que moi. Les mains enfoncées dans les poches de sa veste, il marmonna sévèrement malgré tout :

" Laisse tomber, mon pote. "

" Ok, je vous laisse parler dans ce cas. "



J'écarquillais grand mes yeux quand il se releva de sa place et hésitais pendant une seconde à le rejoindre quand il quitta les lieux pour rejoindre la salle où mes parents et ma sœur devaient me rechercher désespérément. Mais lorsqu'une grande main appuya sur le haut de ma cuisse pour me résoudre à ne pas le suivre, je fus éprise d'une incommensurable chaleur. Une chaleur exubérante comparable à un incendie ravageur qui remonta le long de ma jambe jusqu'à réveiller un lancinant et malvenu désir.



" Reste-là, va bien falloir qu'on parle à un moment où a un autre. "



L'oxygène maintenu dans mes poumons parut s'évader par tous les pores de ma peau quand ses doigts se mirent à jouer distraitement avec le tissu fin de ma robe. Je regrettais immédiatement le moment de gêne intense que nous avions vécu préalablement et déplorais l'instant où je n'avais pas eu la force de conviction de partir de ce parc avec Deen.

J'étais dorénavant en proie à des explications imminentes avec un type pour qui je ressentais une multitude de sentiments paradoxaux, alors que mon cœur était encore bien trop émietté par les évènements que nous avions partagés la veille.



" Max, joue pas à l'enfant." Il soupira blasement, vraisemblablement contrit de me voir chercher une voie d'issue. " S'il te plait. " Rajouta-t-il, et j'abandonnais lâchement, malheureusement trop perspicace pour deviner qu'il avait raison : On devait parler. J'arrêtais donc de gesticuler et fermais mes paupières pour retrouver un semblant de bon sens malgré sa main qui continuait de cajoler agréablement le haut de ma cuisse.

" Il n'y a rien à dire. " Admis-je tout en orientant mon regard vers les voitures qui circulaient en face de nous. 

" En réalité, il y a trop de choses à dire sur ce qu'il s'est passé hier. Mais comme aucun de nous deux ne veut en parler, je te propose simplement qu'on oublie. "

" Toi comme moi, on sait qu'on n'oubliera pas. "

" Non, en effet, mais on peut toujours faire semblant. Au moins jusqu'à ce que tu trouves le courage de me raconter ce qu'il t'ait arri- "

" Non. "

" Si ! "


S'exclama-t-il brusquement, et sa bourrue vocifération m'arracha un sursaut lamentable. Ses deux mains trouvèrent ses cheveux et les malmenèrent, tirant dessus cruellement tandis qu'il bondissait sur ses deux pieds pour se placer en face de moi.



" Max, je – Putain, t'as pas l'air de comprendre. Je ressens des ... "



Il s'arrêta dans sa phrase, plongeant ses yeux embrumés par la frustration de ne pas trouver ses mots dans les miens ahuris. Il relâcha un profond soupir et vint s'accroupir en face de moi. La tête plongée vers le bas, ses deux bras longèrent mes cuisses alors que ses doigts s'accrochaient à moi pour se maintenir stable. A plusieurs reprises, il jura dans sa barbe, alors que la suite des évènements commençait à s'amorcer dans mes pensées. Une prémonition qui me fit chavirer définitivement dans la panique ; je n'étais assurément pas prête à attendre de sa bouche ce que lui et moi, nous nous évertuions à cacher depuis notre rencontre.



" Je ressens des ... Choses, pour toi, d'accord ? Des putains de choses que j'aimerai ne pas ressentir parce que fondamentalement, je te déteste. Et je sais que c'est réciproque. Mais bordel, c'est juste que – Bon sang, c'est ridicule, mais malgré ça, j'ai des sentiments pour toi. Des foutus sentiments que je ne devrais pas ressentir parce que je ne connais rien de toi, rien à part que t'es en partie barge, en partie muette, et en partie chiante. "

" Tu ne sais pas ce que tu dis. "

" Si ! Si je le sais ! " M'interrompit-il dans sa frénésie. " Et je sais aussi que tu ressens la même chose pour moi, parce que toi et moi : on est putain de pareils. N'essaye pas de le nier, Max, tu te mentirais à toi-même. On a les mêmes réactions en permanence, on fonctionne de la même façon, on – merde, c'est foutrement ridicule ce que je dis : mais toi et moi, on est pareils. Point barre. Et je pense que ... Je pense qu'il faut qu'on arrête de tourner autour du pot, et qu'on stoppe le jeu. "



Cette fois j'en avais trop entendu, je le repoussais de moi délicatement, éloignant ses mains de mes jambes flageolantes et peinais à marcher droit jusqu'aux passages piéton en face de nous. Je ne voulais pas l'entendre dire ce genre de choses ; ou du moins je ne voulais pas admettre qu'il avait raison.

Car mettre des mots sur une pensée, ça la rendait fatalement plus concrète, plus authentique et tangible. Plus dangereuse.

Et moi, je ne voulais pas matérialiser mes indéniables foutus sentiments à son égard ; cela ne ferait que confirmer que je ne tournais pas rond. Qu'aucun de nous deux ne tournait rond. Qui avec un minimum de raison évoquerait des sentiments pour quelqu'un qu'elle hait ? Personne.

Le cœur lourd, si lourd que j'avais l'impression qu'il me ralentissait dans ma course, j'eus de nouveau envie de pleurer quand j'entendis Nek me héler. Je restais péniblement concentrée sur la route, attendant avec impatience le moment où je pourrais la traverser sans manquer de me faire écraser par un automobiliste pressé, et ignorais malaisément les pas du rappeur qui marchait jusqu'à moi.



" Tu sais ce que c'est ton problème, Maxine ? " Je l'entendis me dire dans mon dos et je fermais mes paupières, connaissant d'ores et déjà la réponse à sa question. " Tu es lâche. Tu réagis comme une putain de lâche en permanence. "



Et je pus clairement sentir les plaies de mon passé se rouvrir, se déchirer dans une douleur telle que je manquais de vaciller sur le côté lorsque je me retournais pour lui faire face. Je mordais âprement ma lippe inférieure quand je le vis, les bras ballants et le torse secoué par sa respiration frénétique, à seulement quelques pas de ma carcasse meurtrie de l'intérieur.



" Et c'est peut-être la seule chose qui nous différencie toi et moi. Tu fuis dès que quelqu'un ose s'aventurer dans ton petit monde inaccessible. Tu pars quand quelqu'un a le malheur de forcer ton univers, parce que tu as peur de ce qu'il découvrira à l'intérieur. Mais je te l'ai dit : on a tous sa putain de part de noirceur. Je te l'ai même démontré hier. Alors, bon sang, ne fuis pas quand je fais un pas vers toi. Pas alors que je te crache à la gueule que j'ai tes sentiments pour toi. Des sentiments que tu ressens pour moi, toi aussi ! "

" Je t'en prie, tais-toi. " L'implorais d'une voix si misérablement faible, que j'eus moi-même du mal à m'entendre à travers le bourdonnement des voitures qui circulaient dans mon dos.

" Non, pas tant que tu n'auras pas admis que j'ai raison sur tout ce que je viens de te dire. Dis-le et alors je te laisserai tranquille. "



M'expliqua-t-il fermement, supprimant le malheureux mètre qui nous distançait. Bientôt, il fut si près que je pus sentir sa respiration se mêler au vent qui me fouettait les joues, si près de moi que je fus obligée de fermer mes paupières pour ne pas voir la lueur d'espoir qui régnait dans le fond de ses yeux ombrageux. Un espoir presque aussi corrosif que contagieux. Un scintillement de désir divulgué qui me fit mal par son honnêteté. Je l'avais laissé espérer à quelque chose de saint entre nous, mais comment Diable pouvait-il croire ça alors que nous nous empoisonnions au quotidien ?

Parce que les sentiments que je lui portais étaient aussi virulents que notre hostilité l'un envers l'autre.  

Sur cette pensée effroyablement vraie, je déliais finalement mes paupières, démêlant mes cils maquillés qui s'étaient entremêlés les uns aux autres. Sa beauté tapageuse me fit un coup au cœur tandis que mes yeux fixaient ses lèvres se mouvoir pour former des mots – des mots que je n'écoutais plus, assourdie par le rugissement incessant de mes pensées insensées. Alors, bientôt, je ne fus plus que passionnée par elles, inéluctablement attirées vers ses lèvres rougies par le froid que je désirais depuis si longtemps.

Et peut-être, juste peut-être, étaient-elles la clef de mon disfonctionnement avéré. 



" Embrasse-moi. "



Lui susurrais-je, assaillie par un besoin quasi bestial de le sentir s'écraser contre mes lippes qui hurlaient aux siennes de se joindre à elles. Mon brun cessa de s'insurger devant moi, arrêtant au passage ses grands gestes ridicules, pour soudainement se paralyser. Ses sourcils se froncèrent, déformant son si beau visage, alors qu'il hoquetait invisiblement, surpris par mon ordre qui ne collait surement pas aux circonstances. Et pourtant, j'avais besoin qu'il le fasse immédiatement.



" Qu'est-ce que t'as dit ? " Bafouilla-t-il, incrédule.

" Embrasse-moi, Nek. " Réitérais-je, le ton dur pour ne pas témoigner de mon dérèglement interne. " Embra- "

" Putain, tu ne me le demanderas pas trois fois. "



Brutalement, en même temps que ses grandes mains calleuses capturèrent mes joues, ses lèvres fondirent sur les miennes, les écrasant aussi brutalement que délicieusement. Dès lors, une ardeur endiablée naquit dans le fond de mon estomac et exalta l'ensemble de mon organisme frigorifié. Un gémissement incontrôlable fuit d'entre mes lèvres et fut étouffé par celles de Ken qui me maintenait étroitement contre lui.

Mes mains trouvèrent instinctivement leur place dans ses cheveux dérangés par les vents et vinrent farouchement les tirailler, comblant le vide qui régnait entre mes doigts. Lorsque, dans une farouche caresse, sa langue glissa sur mes lèvres pour me demander l'autorisation tacite de glisser entre elles, j'accédais à sa requête et crus chavirer dans un déluge de bienêtre quand je pus plus avidement l'embrasser.

Dans un balai désorganisé, nos langues et nos lèvres parurent s'affronter dans un duel déchainé, un combat des plus agréables qui reflétait à l'identique la controverse de nos sentiments effrénés. Un baiser des plus ardents qui réveilla mon désir découplé pour cet homme tumultueux. Et lorsque sa main masculine sombra vers le creux de mes reins pour me contraindre à me cambrer davantage sous ses caresses, je sus que j'en voulais plus. Infiniment plus.

Péniblement, je me décollais de ses lèvres et louchais pour me permettre de mieux contempler la lueur de lubricité qui régnait au beau milieu de ses yeux sombres. Nos souffles se mélangèrent l'un à l'autre, et tandis que j'aplatissais ma main sur l'arrondie de sa mâchoire, je lui disais dans une respiration saccadée :



" Chez moi ? " Il acquiesça fiévreusement, attrapant ma main à la volée avant de ne répondre sur le même ton :

" Chez toi, tout de suite."











TADA ! Depuis le temps que vous l'attendiez ce premier baiser, j'espère que vous êtes pas déçues 😂

Étant donné qu'il est tard et que je suis fatiguée (ouais je raconte ma vie haha), je suis désolée pour les fautes, je corrigerai tout ça dans le train demain matin !

Allez, je vous embrasse, bonne reprise demain (désespoir et dépression) ET on se retrouve mercredi, bisous je vous aime ❤️

-Clem

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