• Plume n°20 •
Coucou ! Je suis genre carrément désolée pour le retard ! Normalement, je devrai reprendre un rythme normal à partir de maintenant (au fait, j'ai validé mon semestre hehe !) Qui plus est, c'est un chapitre très long, important, et qui je l'admets m'a pris pas mal de temps à écrire, vous comprendrez pourquoi !
Bonne lecture les babies,
on se voit en bas 😘 !
Nekfeu
➰
" C'est quand ta prochaine expo' ? " Je lui demandais distraitement entre deux bouchée affamées. J'avalais avec délice mon morceau et plantais finalement mes yeux sur ma photographe qui jouait négligemment avec sa nourriture, silencieuse comme à son habitude. Désespéré qu'elle n'ait toujours pas compris le système de mon chantage, je saisissais mon téléphone et le tendais fièrement sous son nez : " J'ai juste à envoyer sur la touche envoyer, tu le sais ça ou il faut que je te réexplique le concept ? "
" Demain. " Souffla-t-elle, et je réprimais péniblement un sourire radieux. Je m'enfonçais délicatement dans mon siège, poussais mon plateau sur la table et croisais mes bras effrontément. Dieu que c'était appréciable d'avoir pour une fois la main sur cette femme !
" Cool, ou ça ? " Continuais-je, conscient que mon petit stratagème la pousserait peut-être dans ses derniers retranchements. Mais après tout, quitte à jouer avec le Diable, autant y'aller jusqu'au bout, non ? Cette meuf avait terriblement besoin d'un coup de pied au cul de toutes façons.
" Dans la rue de mon immeuble, pas très de loin de chez ma sœur et moi. " Elle continua avant de ne finalement avaler la première bouchée de son grec sans tomate, ni salade.
" On peut venir avec les gars ? " Lui réclamais-je, une pointe d'espoir dans ma voix que je ne parvins pas à maitriser.
" Oui. "
Dit-elle pensivement après avoir finalement abandonné son plateau repas sur un coin de cette petite table ; une autre chose que j'avais remarquée chez elle, elle n'avait jamais grand appétit.
Silencieusement, elle emprunta la même position que la mienne et admira les quelques passants qui déambulaient dans la rue en contre-bas. Ses cheveux avaient été rassemblés dans une queue de cheval haute et je remarquais une pointe de maquillage sur ses yeux ; un acte qui me fit discrètement sourire. Rares étaient les fois où elle se maquillait spontanément, alors savoir qu'elle avait fait cet effort pour moi fit gonfler mon organe vital de satisfaction.
Mais alors, pourquoi ne me satisfaisais-je pas de cela ? Parce que voilà, ce dîner n'était là que pour éclaircir l'obscurité qu'elle avait délaissée dans mon esprit. En arrivant dans ma vie, elle avait créé cette zone d'ombre permanente dans un coin de mes pensées, un endroit sombre qui représentait l'ensemble de mes doutes et de mes questions, un lieu abandonné de ma conscience que je m'étais résigné à réhabiliter.
Sans une once de discrétion, je me permettais alors de l'observer plus largement, contemplant la finesse typiquement féminine des traits de son visage ainsi que la manière qu'avait sa poitrine de se soulever au grès de ses respirations régulières. Elle semblait ailleurs, comme depuis quelques temps d'ailleurs, immergée entre notre réalité et la sienne. Et Dieu qu'elle me manquait quand elle était aussi loin de moi.
" Max ? "
L'appelais-je et ses yeux bleus dévièrent directement dans les miens, curieux de savoir pourquoi je l'avais dérangée dans sa contemplation du monde extérieur. J'ouvrais ma bouche pour lui dire de se détendre, mais je ne me souvins que trop bien du conseil avisé d'Alpha : « Demander à une meuf de se calmer, ça revient à lui demander de s'énerver. » Je me résignais alors bien sagement, peu pressé de détruire l'ambiance davantage et décidais d'aller droit au but :
" Ça fait combien de temps que t'es comme ça ? " Ok, je me jetais littéralement dans la gueule du loup. Et, figurez-vous que le loup n'apprécia pas du tout ma question délicate puisqu'il arrondit l'un de ses sourcils, une moue subitement sévère sur le visage. " Tu sais ... En partie muette ? "
Difficilement, j'affrontais son regard métallique, un peu démuni devant la dureté de son minois angélique. A plusieurs reprises, ses lèvres rebondies se pincèrent, se bloquèrent entre ses dents, alors qu'elle semblait en pleine réflexion, mesurant la portée de ma question. Mais quand, dans un long soupir, elle ramena mollement ses jambes contre sa poitrine et qu'elle rapporta de nouveau son regard vers l'extérieur, je sus qu'elle finirait par parler.
" Deux ans. " Susurra-t-elle non sans tenter de me cacher sa peine.
" Depuis tes vingt-et-un ans donc ? " Lui réclamais-je après avoir mentalement calculé l'âge qu'elle avait il y a deux années. Bien évidemment, je ne pus que faire le lien avec sa rupture avec son putain de Dylan, mais je m'abstenais de lui faire part de mon raisonnement, jugeant qu'il était peut-être un chouia trop tôt pour aborder le sujet. Elle hocha frugalement la tête, songeuse, sans jamais sourciller ou ne serait-ce m'accorder un coup d'œil. " Et donc tu vas chez un psy depuis ? "
" Oui, Ken. " S'exaspéra-t-elle, insistant sur mon prénom pour bien me faire comprendre son déplaisir.
" Et en deux ans, personne n'a été capable de régler ton foutu problème ? " M'étonnais-je, partagé entre l'intrigue et la fierté disproportionnée d'être le premier à y parvenir. Elle me répondit par la négative dans un soupir las. " Et ton Dylan, il est où maintenant ? Comment ça se fait que - "
" Et la tienne, Nek ? " M'interrompit-elle brusquement et je pus clairement sentir mon myocarde se fendre en deux dans ma cage-thoracique. Son regard intransigeant me brûla la peau tandis que je me tétanisais sur mon siège, foudroyé de plein fouet par la douleur expansive qui se rependait dans mes muscles. " La tienne d'ex, elle est où ? Tu parles constamment de mon ex, mais la tienne, celle que tu décris comme la huitième merveille du monde dans ton putain d'album, elle est où, Nek ? "
Sa colère corrosive se répandit malignement autour de nous, se mêlant aux molécules de l'air jusqu'à déteindre sur mes propres états d'âmes. Je raidissais douloureusement mes poings sous la table pour me retenir de bondir de ma chaise puis de partir en furie du restaurant, et écoutais simplement la torture que m'infligeait cette garce de première catégorie.
" Ça te fout en rogne, pas vrai ? " Siffla-t-elle, un sourire perfide aux coins des lèvres tandis qu'elle prenait appuie sur ses deux coudes pour me surplomber. " Que je parle de ton ex comme si elle n'était rien, rien d'autre qu'une misérable chose qu'on aurait oubliée comme on oublie ce qu'on a mangé la veille ? Ça te fait mal, hein ?! " Sa voix venait de monter d'une octave, emplissant mes oreilles comme du poison brûlant qui vint me griller les neurones. " Bien sûr que ça t'énerve, ça se voit sur ton visage. Tu détestes ça même. Tu détestes que je parle d'elle, je me trompe ? "
" Ferme-la, la muette, ferme ta putain de bouche avant que tu ne dises quelque chose que tu regretteras. " Grondais-je, les mains si étroitement vissées aux pourtours de la table en bois, que je pus sentir une écharde s'infiltrer sous la peau fine de mes doigts.
" Tu voulais que je parle ? Eh bien, je parle ! Et maintenant tu comprends ce que tu me fais subir à chaque fois que tu oses me parler de Dylan ouvertement, et à chaque fois que t'essayes de t'immiscer dans ma putain de vie sans ma permission ! "
Cette fois c'était trop. Dans un grognement de rage, je sautais sur mes pieds tout en poussant ma chaise en arrière. Cette dernière s'effondra sur le sol en bois crasseux de la pièce dans un bruit d'enfer alors que je me ruais vers Max pour lui saisir l'avant-bras. Rudement, j'encerclais les os délicats de son poignet et ignorais le couinement de douleur qu'elle venait de pousser, me foutant gravement de ce qu'elle pouvait ressentir à ce moment-ci. Rien n'était comparable au déchirement lancinant de mes organes vitaux dans ma poitrine, rien n'était similaire à la souffrance sanglante que je subissais actuellement. Putain, rien ne pouvait être plus douloureux que le bordel dans mon satané cœur.
Volontairement, le corps bien trop engourdi par le flot titanesque d'adrénaline qui se déversait dans mes artères, j'ignorais ses coups sur ma main et la trainais dans mon dos jusqu'aux escaliers. Occultant ses complaintes lamentables, j'entamais en hâte ma descente et arrivais bientôt au rez-de-chaussée, là où Carl crut halluciner quand il nous vit débouler à toute vitesse.
" Bah, gamin, qu'est-ce que tu fais ? " Nous demanda-t-il, stupéfait, alors que je lui balançais à la va vite un billet de dix sur le comptoir.
Bien trop obnubilé par mon nouveau projet pour la soirée, je ne pris même pas le temps de le saluer. Je poussais la porte d'entrée dans un fracas dantesque et appréciais démesurément la gifle que m'assena l'air frai de la capitale. Je ne pris néanmoins pas le temps de savourer plus amplement ses biens-faits, puisque, par chance, un taxi déboula dans l'angle de notre rue au même moment.
Fermement, je resserrais mon emprise autour de son poignet et marchais jusqu'au bout du trottoir. Avec ma main libre, je sifflais le chauffeur qui arriva jusqu'à nous et me dépêchais d'ouvrir la portière pour pousser négligemment Max à l'intérieur.
" Putain, mais t'es complètement malade ! "
Gueula-t-elle, mais je lui claquais la portière au nez, que très peu désireux de lui parler de mon comportement de fou à lier ; j'étais bien trop énervé pour en effet discuter de mes sautes d'humeur effroyables. Ses injures furent de suite étouffées et je me dépêchais de monter à l'avant auprès du chauffeur qui me regardait avec de grands yeux éberlués.
" Huit rue de Saint-Just, s'il vous plait. "
" Euh- je- Oui, d'accord. " Bégaya-t-il, avant de ne maladroitement desserrer son frein à main.
" Mais où est-ce qu'on va ?! " Beugla l'autre morue à l'arrière et je me contorsionnais inopinément sur mon siège pour la mitrailler du regard.
" Tu voulais savoir ce qu'était devenue mon ex ? Eh bien, tu vas savoir ! Alors, tais-toi, bordel ! Pour une fois, je te demande de te taire, Max ! Tu sais pourtant bien le faire ça, non ?! "
Criais-je et je crois que même le chauffeur se paralysa dans son siège. J'accueillis le silence qui suivit mon ordre avec un plaisir prodigieux et crispais mes mâchoires pour me convaincre de me calmer ; ce n'était décemment pas le moment de faire peur à notre putain de chauffeur qui était apparu dans notre rue au bon moment comme un foutu Dieu.
Encore essoufflé par notre course effrénée et mon comportement de taré, je respirais péniblement tout en l'observant se ratatiner dans son siège, boudeuse. Ses grands cils papillonnèrent frénétiquement, symbolique de son effarement inopiné et quand elle tiqua ostensiblement sur son siège, pinçant ses lèvres entre elles tout en baissant ses yeux vers ses chaussures, je décidais de me reconcentrer sur la route.
J'enfonçais mon crâne douloureusement dans l'appuie-tête, et fermais mes paupières tout en tentant de réguler mon souffle irrégulier et ma colère déchainée. Le chauffeur jugea bon de baisser sa musique à chier, et je pus dès lors tranquilliser l'orage dévastateur qui était en train de me retourner diaboliquement les entrailles. Je pouvais ressentir chacune des parcelles de ma peau s'électrifier, s'embraser dès que j'avais le malheur de repenser à la connerie monstre que je m'apprêtais à faire.
Et pourtant, lorsque la voiture s'immobilisa et que la voix fluette du gars à mes côtés arriva jusqu'à mes oreilles, je sus que quelque part, présenter mon ex à la satanée meuf assise à l'arrière de cette voiture serait peut-être bénéfique autant pour le nous que nous formions Max et moi, que pour moi à part entière.
" Ça fera huit euros, monsieur. " Me réclama craintivement le conducteur, possiblement encore effrayé par mon éclat de voix d'il y a quelques minutes, et je me décidais à enfin rouvrir mes yeux pour affronter la dure, cruelle et putain de réalité. Je reconnus immédiatement le portail en fer scandaleusement grand en face de nous, et j'eus du mal à réprimer une grimace tant la douleur était vive dans mes tripes. " Monsieur, ça fera huit eu- "
" Je vais te les donner tes huit balles, putain, t'en fais pas. " Le coupais-je tout en sortant mon portefeuille de la poche arrière de mon jean. J'en ressortais quelques pièces jaunes et finissais par les lui donner. Et c'est lorsque je vis ses yeux fuyants que je me sentis obliger de dire dans un marmonnement : " Désolé d'avoir gueuler. "
" Au revoir, monsieur. "
Me souriait-il, mais il ne fallait pas être devin pour deviner au timbre de sa voix qu'il ne désirait qu'une seule chose : que je quitte sa foutue bagnole. Désabusement, je soupirais tout en me frottant énergiquement les yeux ; mes états d'âme n'avaient pas lieu d'être, et mes sautes d'humeur non plus. J'avais trainé Max ici pour une bonne raison, pour une seule et même raison. Alors certes, je n'avais pas prévu de le faire si tôt dans la soirée, je n'avais pas non plus pensé le faire de cette façon, mais désormais que nous y étions, il était temps que je porte mes couilles.
" Descends. " Soufflais-je à l'encontre de la brune qui était figée dans son siège depuis que je l'avais enguirlandée.
Sans attendre sa réponse – qui à tous les coups aurait été négative, je sortais du véhicule mollement et m'empressais d'enfoncer mes mains dans mes poches après avoir claqué la portière. D'un pas las, je contournais le tas de ferrailles qui nous avait emmenés jusqu'à cet endroit de malheur et m'exaspérais quand je me rendis compte que Maxine n'était toujours pas sortie. J'ouvrais donc sa portière à sa place, et murmurai à nouveau :
" Descends, s'il te plait. " Lui disais-je, les yeux clos tant ma précédente et fulgurante colère avait puisé dans mon stock d'énergie.
" Ken, tu n'es pas obligé de faire ça ... " Chuchota-t-elle et sa soudaine pitié à mon égard me fit grogner dans ma barbe.
" Descends, s'il te plait. " Réitérais-je, mâchant mes mots pour mesurer mon agacement.
Dieu merci, elle finit par abdiquer et par accepter la main que je lui tendais. Ses petits doigts s'entremêlèrent aux miens dans une délicatesse qui ne nous définissait pas et je l'aidais dès lors à s'extraire de sa banquette en la ramenant contre moi.
Dès qu'elle fut sortie, ses yeux céruléens scrutèrent les alentours avec précaution alors que je fermais sa portière dans son dos. Le chauffeur ne tarda pas à quitter les lieux, nous abandonnant sur ce trottoir désert où régnait une ambiance pesante et menaçante. La lumière blafarde et les grésillements des lampadaires n'aidaient d'ailleurs en rien à détendre cette atmosphère déjà tendue et ce fut avec toute la peine du monde que je finissais par défaire ma main de celle de ma photographe.
Le cœur déjà en miette, je fis face à l'entrée de ce cimetière parisien et fronçais mes sourcils intensément pour me contraindre à me concentrer sur autre chose que la douleur écrasante qui noyait mon organisme. Je n'avais pas mis un pied ici depuis des lustres, lâche que j'étais dès qu'il s'agissait d'affronter la réalité. Alors me retrouver là, ainsi planté devant ce portail démesurément grand, accompagné par une fille pour qui je développais contre mes grès des sentiments ... C'était comme affronter la Mort une seconde fois : douloureux, éreintant, et monstrueusement cruel.
" Viens. " Chuchotais-je à Max dans mon dos tandis que j'actionnais la poignée du portail.
Les mains enfoncées dans mes poches, je jouais nerveusement avec les petits bouts de papiers à l'intérieur, déchiquetant nerveusement certains d'entre eux pour détendre mes muscles noués. Mes jambes marchaient d'elles-mêmes dans ces allées que très faiblement éclairées et me firent bifurquer sur plusieurs d'entre elles ; c'est dire comme je connaissais ce chemin.
Maxine marchait sur mes pas, toute aussi mutique que moi, et quand nous finîmes fatalement par arriver devant l'objet de mes pensées, je m'y arrêtais, les yeux plantés sur les écriteaux gravés sur la pierre en marbre blanc.
D'innombrables bouquets et lettres manuscrites jonchaient la pierre ; des morceaux de papiers et des fleurs que la pluie avait abîmés, ruinés et souillés comme pour nous faire comprendre que ces quelques preuves de passages ne servaient à rien.
La seule chose que le temps n'avait pas impitoyablement détériorée, c'était ce petit cadre photo que j'avais déposé là il y'a quelques années. Une photo où ma sale tronche de gars tout rutilant de bonheur était. Une putain de photo que j'avais mise ici pour l'unique et bonne raison que son visage à elle était incroyablement beau, illuminé par un de ses sourires authentiques qui me retournaient l'estomac tant ils étaient beaux à contempler.
Et désormais qu'on m'avait privé d'elle, cette photo n'était là que pour me narguer, me rappeler que le temps passe et que quoi qu'on fasse, les choses meurent, le bonheur part, et que la douleur, elle, elle ne s'efface pas, cette garce.
" Elle est morte il y'a trois ans. " Expliquais-je à ma brune après avoir difficilement ravalé la bile âcre qui s'était déversée sur ma langue. " Ça faisait plus de deux ans qu'on était ensemble. "
Et malgré ma tentative de rester digne, ma voix me trahit. Les sanglots bloqués dans ma gorge assombrirent ma voix, la rendant plus rauque, plus basse, tellement plus ... Navrante. C'était ça : j'étais navrant, putain de pitoyable. Et la souffrance que j'endurais n'était là que pour me punir d'être aussi lâche devant elle.
" J'étais allé chercher Deen à la Sorbonne avec Eff' et un autre pote ; c'était encore l'époque où il suivait des cours là-bas. Puis je l'ai vue, elle allait montée dans sa bagnole mais je l'ai arrêtée. Je ne sais pas pourquoi je l'ai fait, mais je l'ai fait. Elle a surement dû me prendre pour un barge parce que je suis resté comme un con à bégayer devant elle pendant une bonne minute. "
Je relevais mes yeux vers le ciel orageux au-dessus de nos têtes quand je sentis mes yeux s'encombrer de larmes et souriais débilement à ce souvenir. C'était la toute première fois que j'abordais une meuf aussi spontanément ; et pourtant c'était tout mon foutu corps qui l'avait réclamée, comme s'il avait compris avant moi qu'elle serait très certainement la seule femme capable d'apprécier mes défauts incalculables.
" Je l'ai invitée à boire un verre, puis un deuxième et un troisième, et on s'est mis ensemble. Je l'ai présentée aux gars et la vie a continué, avec elle à nos côtés, aux miens. On a emménagés ensemble au bout d'à peine un an, parce que nous deux c'était une putain d'évidence, tu vois ? " Lui demandais-je avant de ne renifler bruyamment. " Puis un jour on s'est engueulés, fort, parce que je fumais trop. Trop de conneries qui me faisaient rentrer à la maison à des heures pas possibles, complètement pété et à peine conscient. "
Rageusement, j'essuyais le bas de mon visage où l'humidité laissée par une foutue larme persistait. Je grimaçais instinctivement en me rendant compte de mon ridicule alarmant et fourrais mes mains dans ma tignasse pour me dégager le front. Je tentais de lancer un regard en direction de Maxine et ricanais nerveusement quand je la vis toujours aussi impassible devant moi. Ses bras pendaient le long de son corps menu alors que le mien tremblait sous l'assaut de la souffrance.
" Alors elle est partie. Elle s'est barrée en plein milieu de la nuit en prenant sa caisse et elle n'est jamais revenue. "
Ma voix se brisa après qu'un nouveau sanglot se soit bloqué dans ma gorge. Je détournais mon regard de la petite photo datant de la veille de sa mort et laissais mon visage se tordre disgracieusement. J'apportais machinalement mon bras devant ma bouche pour divulguer aux yeux du monde ma faiblesse apparente et soufflais profondément contre mon sweat pour atténuer le bruit de ma respiration chevrotante.
" J'ai reçu un appel vers les quatre heures du mat', c'était son père. Il pleurait au téléphone et moi j'arrivais pas à réagir parce que j'étais plus défoncé que jamais. " Je jetais fiévreusement un coup en direction de Max, mais détournais rapidement le regard quand je vis une compassion débordante sur son visage. Elle ne comprenait pas, putain, elle ne pouvait pas comprendre. Personne sur cette putain de planète ne pouvait comprendre. " J'l'ai pas compris quand il m'a dit que sa fille, son bébé, mon bébé, était à l'hosto et qu'elle n'allait pas tarder à crever. J'ai pas saisi non plus que c'était maintenant ou jamais si je voulais lui dire une dernière chose. Alors j'ai raccroché. "
Un sourire lugubre, pour ne pas dire effrayant creusa mes joues quand la suite de l'histoire se retraça dans mes songes. La fin d'une histoire sans fin qui s'était clôturée par la mort de deux personnes : la sienne, qui était définitive, et la mienne, qui était une mort qui durait toute une vie.
Une mort lente, qui s'infiltrait par tous les pores de votre peau et qui vous suivait à la trace pour pouvoir mieux vous murmurer aux creux de l'oreille, que tout ça, c'est de votre faute. Une mort qui nous torturait des années durant avec de la culpabilité et des regrets, puis une mort qui devient si coutumière, que vous finissez par vous habituer à elle, à cette douleur quotidienne.
" Et tu sais ce que j'ai fait ? Je me suis mis à rire. J'ai tellement rigolé que j'en avais mal aux joues, que tout mon putain d'immeuble à dû m'entendre rire comme un fou. Alors évidemment, quand le lendemain matin Mek' et Fram sont venus me voir pour me faire leurs putains de condoléances, j'ai pas compris. J'ai refusé de comprendre, parce que j'voulais pas comprendre, Max, tu vois ? J'voulais pas les entendre me répéter qu'ils étaient désolés parce que ma copine était morte ce matin même, dans son foutu lit d'hôpital, entourée de tous nos potes et de toute sa famille, mais que la seule chose qu'elle ait réussi à demander avant de partir, c'était où j'étais. Pourquoi son copain n'était pas là. Pourquoi j'étais pas avec elle alors qu'elle était en train de mourir, ET pourquoi je la laissais partir sans lui dire que j'étais désolé et que je l'aimais plus que ma putain de personne. "
Cette fois, je ne parvins pas à retenir les larmes qui suintaient aux coins de mes yeux. Et je n'eus même pas la force de les essuyer ; non, je les laissais dévaler mes joues, me brûler la peau comme de l'acide le ferait, je le laissais me rappeler comme la Vie était perfide et sournoise, et comme la Mort était amère.
" La Vie est une garce, Max. " Marmonnais-je après un instant intenable de silence. " Elle bousille les gens pour leur rappeler que rien n'est éternel et que tout se paye. Et en l'occurrence, elle m'a fait payer mes conneries en me prenant la seule meuf capable de m'aimer. " J'essuyais du revers de ma manche les dernières larmes qui perlaient sur mes cils et braquais mon regard en direction de la brune qui contemplait la tombe de ma copine sans ciller. " C'est une garce qui frappe tout le monde, la muette. Tu n'es pas la seule à qui elle a fait un coup de pute, rassure-toi. "
Ma dernière phrase eut au moins le mérite de la faire réagir puisqu'elle croisa ses bras sous poitrine et releva sa tête vers le ciel sombre de la ville lumière. L'orage détona au-dessus de nos carcasses usées par nos années sur Terre, et emplit nos oreilles de ses grondements sourds. Le vent soufflait autour de nous, fouettant impitoyablement les branches des vieux et augustes arbres qui nous encerclaient de toutes parts. Ces puissantes bourrasques d'air terminèrent d'assécher la moiteur de mon visage et quand je fus enfin certain de ne plus fondre en larmes, je me permis d'interrompre ce moment de rémission :
" Je ne sais pas ce qui est arrivé à ton Dylan, ni même à ta sœur et à toi pour que vous soyez aussi renfermés sur vous-même, mais il me semble que – "
" Non. " Me coupa-t-elle brusquement. " Je suis réellement ... désolée pour ta copine, Nek. Personne, pas même-toi, ne mérite de vivre la mort d'un proche. Et même si je te suis reconnaissante de m'avoir fait autant confiance, moi je ne le ferai pas. Je suis désolée. "
Je crus halluciner quand je la vis quitter les lieux, marchant mollement jusqu'à la sortie d'un pas mollasson. Je restais sottement ébahi sur les gravillons et bâtais furieusement des cils pour m'assurer que ce retournement de situation ne s'était pas réellement produit. Mais quand je l'aperçus à plusieurs mètres déjà, je compris que, si, elle était bien en train de décamper, m'abandonnant aussi vulgairement.
Gauchement, je me décrispais et lançais un dernier regard à la tombe fleurie de ma copine, avant de ne partir rejoindre Max en trottinant.
Quand je la retrouvais, elle passait déjà le seuil du portail, les bras toujours croisés sous ses seins tandis que sa besace pendait mollement le long de corps. Elle longeait le muret quand je finissais enfin par la rattraper, les yeux rivés sur la route pour éviter mon regard.
" Mais qu'est-ce que tu fais ?! " M'emportais-je, encore déplorablement dominé par mes humeurs changeantes. Mais elle ne répondit pas, traçant sa route tout en m'évitant. Exaspéré par le retour de son mutisme, je saisissais son poignet et l'attirais rudement vers moi pour qu'elle s'immobilise. Il va de soi, qu'elle se dégagea instantanément. " T'as pas le droit de partir, bordel, pas après ce qu'on vient de partager ! " Criais-je pour couvrir le bruit du bus qui roulait près de nous. " Je viens de te balancer une partie de ma vie, Max, t-t'as pas le droit de me laisser dans l'ignorance ! Putain t'as pas le droit, pas alors que j'ai pleuré comme mioche devant toi ! " Fiévreusement, je tirais mes cheveux en arrière en attendant qu'elle daigne me répondre, mais elle n'en fit rien. " Parle, Max, parle ! "
" Non. " Se permit-elle de murmurer, les yeux fixement plantés dans les miens ahuris.
" Pourquoi ?! Qu'est-ce qu'il a bien pu se passer dans ta vie pour tu sois ... " Je cherchais méticuleusement mes mots, tandis que je pointais son corps négligemment du bout des doigts. Loin de moi l'idée de vouloir créer en esclandre devant un cimetière, qui plus est, le cimetière où ma copine était.
" Pour que je sois quoi ? " Réitéra-t-elle, une pointe de colère dans le fond de sa voix alors qu'elle se rapprochait dangereusement de moi.
" Mais merde, pour que tu sois comme ça, Max ! Tu m'as parfaitement compris ! "
" Non, alors vas-y, je t'en prie, Nekfeu, exprime-toi ! "
" Si secrète, si silencieuse, si inexpressive à longueur de temps ! " Criais-je en la désignant des deux mains.
" Parce que tu penses être mieux ?! Toi, le type qui rappe sur des textes incroyablement tristes ?! "
" Mais moi je parle, putain ! Moi, je m'exprime au moins, Maxine ! Toi, tu te gardes tout pour toi ! Ne t'étonnes pas d'être seule après ça ; personne ne peut vivre avec quelqu'un d'aussi secret que toi ! "
" Je ne peux pas le di- "
" Mais pourquoi tu ne peux pas le dire ?! "
" Parce que je ne m'en souviens plus, Ken ! "
Hurla-t-elle plus fort et la détresse que je vis sur son visage m'interrompit net. Si bien que face à elle, je m'immobilisais, interdit devant toute la peine qui rutilait sur son visage angélique. Ses petites mains fouettèrent l'air tandis que ses yeux valsaient dans la vide, à la recherche de quoi s'accrocher pour ne pas me regarder moi, moi qui était incrédule à quelques pas.
" Je ne m'en souviens pas, Nek ! Ma mémoire est ... floutée, tu comprends ?! " Couina-t-elle, et si je ne la regardais pas précautionneusement actuellement, j'aurais presque pu croire qu'elle pleurait. " J'ai tout oublié ! Ma vie est bousillée depuis deux ans à cause de quelque chose dont je ne me souviens même plus ! " Et ô, comme ma foutue peine fut grande quand j'entendis sa voix se briser en un sanglot. La douleur dans ma poitrine était tordante, si oppressante et si dangereusement lancinante, que je ne pus reculer, ébahi de la voir s'ouvrir à moi d'une façon si larmoyante. " Je n'ai rien pour te l'expliquer, Ken, q-que des mots que ma sœur et mes parents m'ont dit un matin après que je me sois réveillée dans un lit d'hôpital ! J'ai oublié deux jours de ma vie, deux précieux jours que l'on m'a simplement racontés alors qu'ils étaient très certainement les plus importants de toute ma foutue existence ! Je devais me marier, Ken ! Me marier avec l'homme de ma vie, et à mon réveil, on m'apprend qu'il a disparu après m'avoir quittée le jour de mon vingt-et-unième anniversaire ! " Sanglota-t-elle, une main sur le ventre alors que l'autre cachait inutilement ses lèvres frémissantes. " J'ai essayé de le joindre pendant des mois, j'ai recouvert le monde entier pour essayer de le retrouver, juste parce que j'avais besoin de lui ! Parce qu'il était le seul capable à mes yeux de m'assurer que tout irait bien alors que tout allait mal autour de moi ! "
Stoïque, je ne parvins même pas à esquisser un mouvement quand elle se rapprocha de moi et que sa main glissa dans la mienne. Je ne pus que contempler la résultante de mon acharnement sur elle, sur elle et ses secrets. Je ne pus qu'admirer son mascara couler sur ses joues rosies, et ses yeux rougir à cause de ses larmes ; je n'étais que spectateur de sa détresse, incapable de réagir tant mes muscles étaient imbibés par la panique.
Et lorsqu'elle reprit plus calmement, la voix vacillante à cause de tous les sanglots qui la secouaient, sa main et la mienne entre nos deux poitrines, je sus que j'étais allée trop loin. Que le jeu malsain dans lequel nous nous étions volontairement embarqués il y a plusieurs semaines, avaient trouvé son point de non-retour.
" Je me suis réveillée un matin, entourée de médecins et de policiers, en pensant être un jeudi, alors que nous étions un dimanche. Je pensais avoir encore vingt-ans, alors que j'en avais vingt-et-un. Je pensais être fiancée à l'homme de ma vie, alors qu'en réalité, il m'avait quittée. Je me suis réveillée un matin dans une chambre d'hôpital inconnue, et j'ai été incapable de dire un seul mot quand des flics m'ont demandée de parler. Et j'ai ouvert les yeux en pensant être heureuse, alors que dans les faits, ma vie et celles d'autres personnes avaient été ruinées, par ma faute, Nek. "
Elle me susurra douloureusement, des perles salées ruisselant encore le long sur son minois légèrement relevé dans ma direction pour pouvoir mieux me regarder me décomposer en face d'elle.
" Comment veux-tu que je te raconte ma vie, alors que je ne la connais même plus moi-même ? "
Me demanda-t-elle sérieusement, mais je restais silencieux, plongé dans ma contemplation de son visage ravagé par ma faute. Ma bouche s'entrouvrit dans une vaine tentative de répondre à sa rhétorique, mais je la refermais immédiatement quand elle s'écarta de moi. Un froid démentiel s'empara alors de tout mon corps et je fronçais exagérément des sourcils quand elle recula d'un pas, puis d'un second et d'un dixième. Bientôt, plusieurs mètres nous séparaient et je la laissais bêtement s'en aller, les yeux perdus dans l'espace qui nous distançait.
" Tu le dis toi-même dans tes textes, Nek : "
Elle essuya fébrilement sa figure à l'aide de ses petits doigts tremblants, et tout en reniflant, elle réajusta sa besace sur son épaule. Elle s'arrêta de reculer quand elle fut près de l'arrêt de bus où l'autocar de tout à l'heure était encore immobilisé et continua d'une voix un peu plus forte :
" Les seules vraies réponses sont des questions. "
➰
...
ALORS ?! Bien, j'espère vraiment, vraiment VRAIMENT, que je suis parvenue à vous faire ressentir tout ce que je voulais vous faire ressentir ! J'avoue je suis à la fois pressée ET stressée de lire vos réactions haha !
En tout cas, merci pour votre patience, et encore désolée pour mon retard !
Je vous fais des bisous, on se voit bientôt.
Bisous mes chats 💕
-Clem qui vous aime
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