• Plume n°16 •





Coucou ! Je suis désolée pour mon retard, mais cette semaine a été trois fois plus occupée que prévu ... Enfin bref, chapitre très long que j'ai galère à écrire et dont je ne suis pas particulièrement satisfaite, mais bon ! Vous me direz ce que vous pensez ! On se voit en bas 😌




Nekfeu







Ce matin-là fut un de ces rares matins où ma première idée fut de casser la gueule de quelqu'un. En fait, ils n'étaient plus si rares. En tout cas, plus depuis que cette satanée et démoniaque photographe était rentrée dans mon foutu monde. Tous les jours, j'expérimentais une nouvelle humeur, subissant mes sautes de testostérones et d'adrénalines comme une vulgaire marionnette reliée à sa connasse de marionnettiste.

Vous me trouvez injuste ? Rien à branler.

Car lorsque je me suis réveillé et que la première foutue chose que je vis après avoir mis un pied dans le salon, fut ma putain de photographe endormie dans les bras de mon putain de pote, la Corée du Nord aurait pu bombarder les Etats-Unis, la terre aurait pu trembler sous mes pieds, un putain de loup géant comme on peut en trouver dans ce navet cinématographique aurait pu miraculeusement apparaitre dans le bus ... Rien, je dis bien rien, n'aurait pu me faire commercer la journée aussi mal.



" C'est quoi cette conne- "

" Tais-toi ! Tu ne vois pas qu'ils dorment ?! " M'interrompit justement la sœur du démon qui somnolait paisiblement à ma droite, la tête délicatement callée dans le creux du cou de Bigo. Offusqué, ma bouche s'ouvrit toute seule dans une tentative de réplique cinglante mais je me ravisais et me contentais de les pointer méchamment du doigt, les yeux plantés dans ceux de Rose Laurens.

" M-Mais si, justement ! Depuis quand elle dort là ?! Si elle veut dormir, elle fait comme tout le monde, et elle va dans son pieux ! " Un foutu pieux près du mien ! S'esclaffa ma conscience, mais je ne jugeais pas utile de rajouter cette réflexion à voix haute ; loin de moi l'idée de laisser croire aux autres que j'appréciais cette meuf.

" Ma sœur dort où elle le souhaite, Nekfeu. " Ironisa-t-elle, sarcastique, tout en roulant des yeux. " Ils sont fatigués, laisse-les dormir. S'il te plait. "



Murmura-t-elle, bien plus tempérée qu'antérieurement. Les deux billes bleues qui lui servaient d'yeux flânèrent sur le binôme que formaient Max et Deen, et le couvèrent d'un regard attendrissant, dégoulinant d'une affection que je n'avais jamais vue chez Rose. Une telle douceur que cela me désarçonna moi-même. Elle aimait ce qu'elle voyait, elle aimait l'idée que sa sœur puisse dormir avec un type comme Bigo, qu'elle puisse être si recroquevillée contre lui, dormant si paisiblement. Cette foutue blondasse adorait ce qu'elle était en train d'observer avec tant de mélancolie dans les yeux ; elle adorait ce connard de moment et cela me fit étrangement mal.

Si incompréhensiblement mal que, dans un réflexe musculaire, mon corps tout entier se crispa péniblement sous l'assaut de cette anormale douleur psychique. Mes sourcils se froncèrent outrageusement alors que ma main pointée dans leur direction se replaçait le long de mon buste. Je descellais mes lèvres dans une vaine tentative de prise de parole mais fus incapable de dire un mot, bien trop répugné par tout l'amour qu'apportait Rose à sa sœur et mon pote.

Face à mon brusque désarroi, la blonde me regarda enfin, le visage subitement dur. Elle m'étudiait silencieusement, comme le faisait sa sœur si souvent, examinant chaque parcelle de ma gueule. Et puis subitement, son regard s'éclaira, comme illuminé par une idée que je ne saisis pas immédiatement.



" J'y crois pas ... " Souffla-t-elle, ahurie. Un sourire dévoila la blancheur impeccable de ses dents, puis un rire discret résonna dans la bus. " Bon sang, tu es jaloux, tu es jaloux de Deen. " Elle ricana et son air moqueur me fit retrouver ma voix.

" Ferme-la, Laur- "

" C'est pour ça que tu te comportes comme un goujat avec elle, ça parait évident maintenant ! " Gloussa-t-elle avec un peu plus d'entrain et lorsque je la vis se remettre sur ses deux pieds, je vis définitivement rouge. J'effaçais les quelques pas qui nous séparaient et ne pus m'empêcher de la pointer méchamment du doigt quand elle continua de se foutre de ma gueule sous mon nez.

" Je t'ai dit de te taire, Laurens, tu ne sais absolument rien. " Grognais-je mais elle ne parut pas le moins du monde désarçonnée par ma colère.

" Admets-le, Nekfeu : ma sœur te plait. Elle te plait énormément même, et c'est pour ça que tu te comportes comme une sombre merde avec elle : parce que tu ne veux pas ressentir ça.  " Son rictus amer s'aggrava, creusant deux fossettes sur chacune de ses joues, tandis que je me sentais vaguement chavirer dans mes derniers retranchements. " Moi qui pensais que tu connaissais les femmes, Ken, je m'étais trompée. Tu n'es qu'un petit garçon effrayé qui découvre pour la toute première fois ce qu'est l'amo- "

" Ferme ta putain de gueule ! Qu'est-ce que tu ne comprends pas là-dedans ?! " Je me surpris moi-même à crier ces deux dernières phrases. Mais ma réplique eut l'effet escompté puisqu'elle tiqua publiquement sous mes yeux et que son sourire disparut de ses lèvres. " Tu me prends pour un foutu mioche depuis le commencement de la tournée, mais toi, tu sais ce que t'es, Rose ? Une garce égocentrique qui vit sur le dos de sa petite sœur alors qu'en réalité, tu n'as, et tu n'es rien sans elle. Rentre-toi ça dans le crâne avant d'émettre des putains d'hypothèses à la con sur ma vie, Laurens. Je n'ai aucune leçon de moral à recevoir. Surtout pas de ta part. "

" Il se passe quoi là ? "



Je me retournais vivement vers la voix masculine qui venait de couper net nos règlements de comptes et fus encore plus furieux de découvrir Antoine. Je grinçais des dents pour me contraindre à me taire et me reconcentrais sur la blonde qui n'avait pas cillé d'un centimètre. Toujours aussi stoïque en face de moi, sa droiture en face de moi me convainquit d'abandonner, de tout simplement quitter ce foutu bus. Alors, sans l'ombre d'une délicatesse, je lui bousculais l'épaule pour me frayer un chemin vers la sortie et m'engouffrais dans le vent frais de Toulouse.

Je sortais machinalement une cigarette de mon paquet, la coinçais entre mes lèvres tout en marchant vers l'autre bout du parking, là où personne ne risquait de venir aggraver cette mâtiné d'ores et déjà à chier. Quand un banc en pierre apparu devant moi, je m'y asseyais et me hâtais d'allumer ma cigarette, plus nécessiteux que jamais de ressentir les bienfaits de la nicotine. Et même si cela n'eut malheureusement pas les effets désirés, le calme plat qui régnait ici-bas, lui, sut considérablement apaiser mes tourments.

Après tout, je me foutais éperdument de ses paroles en l'air, non ? Rose était ce genre de filles qui pensaient devoir supporter le poids du monde sur leurs épaules, qui laissaient sous-entendre à chacune de leurs fins de phrase, qu'elles, elles avaient tout vu et tout vécu, que la Vie, elles la subissaient plus qu'autres choses.

Et quand bien même était-ce réel, pour qui se prenait-elle ? Une putain de figure maternelle ?

Et sa foutue sœur ne valait pas mieux qu'elle ; cette brunasse aux allures de sainte nitouche qui hurlait en silence que la Vie n'était qu'une garçe monumentale. Mais alors pourquoi ne les renvoyais-je tout simplement pas ? Parce que Max m'était trop précieuse. Précieuse dans le sens où, à ses côtés, je me sentais foutrement spécial, particulier : l'unique capable de la faire parler. Et ça, ça me plaisait incroyablement : de savoir que j'étais le seul en mesure de lui dénouer les cordes vocales.

Sans compter l'exécrable impression d'inachevé que je ressentais à ses côtés. Particulièrement depuis la veille, depuis qu'elle avait à moitié joui sur mon torse, ses dents sévèrement plantées sur mon pectoral pour étouffer ses gémissements de plaisir.

Putain, rien que d'y penser, je pouvais sentir le sang bombarder ma bite. Car si cette amère vengeance avait dû lui être insupportable, pour moi cela avait relevé de la torture psychologique. Je n'avais jamais été autant résolu de toute ma satanée vie à faire jouir une meuf, alors m'arrêter si près de l'extase avait été démesurément compliqué. C'est dire, tout le restant de la soirée, j'avais eu l'impression de porter des boules de bowlings à la place des couilles.

Cependant, de là à dire que j'aimais Maxine ... Putain, je pus presque ressentir la bile escalader mon œsophage à cette pensée. Max était une de ses meufs avec qui on ne pouvait pas se permettre de vivre, ni même de partager quoique ce soit. Elle était trop nocive, trop malsaine, trop obsédante pour que je me permette de ressentir ne serait-ce que de l'amitié pour elle. Son silence s'insinuait vicieusement dans vos songes, envahissant vos oreilles et vos pensées, faisant taire la moindre de vos songeries cohérentes à son égard.

Et c'était incroyablement effrayant ; j'avais déjà aimé, aimé maladivement et inconditionnellement : je n'étais donc pas ignorant comme le laisser sous-entendre Rose. Au contraire.

Mais Maxine était obsédante ; elle était , la distinction. Son mutisme était le pire des poisons, s'infiltrant dans vos organes jusqu'à temps qu'ils périssent, rongé de l'intérieur par la curiosité malsaine qu'elle faisait grandir chez chacun de nous. Et je savais que j'en étais le premier souffrant.

Et ça, ça me faisait me flipper. Incroyablement peur car même lorsqu'elle était à mes côtés, sereinement couchée dans le lit près du mien, simplement éclairée par la lumière noiraude de la nuit, elle me manquait.

Elle sustentait chacun de mes besoins primaires, passant par le sexe et l'envie de comprendre tout d'elle. Elle hantait mes fantasmes et mes putains de cauchemars. Elle m'avait attaché de force à un ascenseur émotionnel qu'elle s'amusait à allumer puis à atteindre aux grès de ses humeurs vengeresses.

Mais le pire dans toute cette histoire, c'est que je ne saurai dire si je détestais réellement ça. Car au fond de moi, profondément enfoui dans les limbes de mon inconscient, je me savais aimer cette dangerosité qui la suivait assidûment : Comme un connard de toxico', j'affectionnais recevoir ma dose de Maxine dans les veines tout en étant parfaitement conscient de la nocivité de cet acte.

Et elle était là la foutue nuance : je ne l'aimais pas elle, j'aimais pathologiquement ce qu'elle me faisait à moi, et à moi seul.


***

" Comment tu le prends ? Te faire défoncer par une meuf, ça doit faire mal à l'égo, nan ? " Se badina Eff alors qu'Antoine était concentré sur la partie d'échec qu'il partageait avec ma photographe.

" Ferme-la, j'arrive justement pas à me concentrer à cause de toi. " Grogna celui-ci, obnubilé par son jeu.



Fonky et Max avait démarré une partie d'échec il y a une heure de cela pour tuer le temps, et la défaite cuisante de Fonky avait su accaparer notre attention. Ne jouant personnellement pas aux échecs, je ne comprenais foutrement rien de ce qu'il se passait en face de moi, mais je devinais aux sourires conquérants de Max qu'elle avait en effet la main. Son visage s'illumina d'ailleurs de plus belle après que mon pote est déplacé son pion ; dans une délicatesse maitrisée, elle fit glisser l'un de ses petits personnages sur la planche en bois et fis négligemment tomber celui de Fonky avant de ne murmurer moqueusement :



" Échec et Mat. "



C'était ses premiers mots de la journée et pourtant, ils ne manquèrent pas de faire réagir les autres excessivement. Antoine ronchonna, se ratatinant dans son siège alors que mes gars le bousculaient amicalement, lui reprochant son « échec lamentable face à une meuf ». Moi-même je ne pus m'empêcher de ricaner devant la gueule déconfite de mon pote ; Rose l'avait prévenu que sa sœur n'avait jamais perdu une seule de ses parties d'échecs, mais il avait catégoriquement refusé de se laisser abattre, prêt à démontrer la nullité de la photographe.

Et présentement, Max, elle, ne m'avait jamais paru plus comblée. Les genoux ramenés contre sa poitrine, son joli minois pour une fois maquillé brillait d'allégresse et de condescendance : Intérieurement, elle devait exploser de joie, heureuse d'avoir brisé le machisme récurant d'Antoine.

Mais malgré l'excitation des garçons, elle se rendit compte de mon regard. Les deux sphères limpides qui lui servaient d'yeux roulèrent rapidement jusqu'à moi, mais perdirent immédiatement de leur gaité quand elle se rendit compte qu'il ne s'agissait que de ma personne. Son sourire s'évapora, ses orbes cessèrent de briller de malice, elle réaffirma sa prise autour de ses genoux et se redressa dans son siège, subitement bien plus sévère qu'antérieurement.

Profitant pleinement du bordel des autres, je me permis de la taquiner un petit peu, amusé par son brusque changement d'humeur. Que c'était bon de savoir que je n'étais pas le seul soumis à mes hormones.



" Qu'est-ce qu'il y a, la muette ? Tu ne t'es toujours pas remise d'hier soir ? " Gloussais-je malicieusement, mais j'éclatais définitivement de rire quand tout son cou et son visage s'empourprèrent. Tout comme Antoine un peu plus tôt, elle se tassa dans son siège et lança un coup d'œil paniqué autour de nous, terrifiée que quelqu'un m'ait entendu. " Tu sais, bébé, maintenant qu'on est sur un pied d'égalité toi et moi, on peut reprendre là où on en était. " Prudent, j'esquivais les garçons et allais me positionner près de son siège, là où je m'accroupissais pour pouvoir être à sa hauteur. Animé par mon inapaisable besoin de la contrôler, je balayais l'une de ses mèches de cheveux et lui susurrais lascivement : " Tu sais, le moment où je m'apprêtais à te faire crier mon prénom ? Je sais que t'en crèves d'envie, adm- "

" Et de quoi est-ce qu'elle a envie ? "



M'interrompit inopinément une voix féminine dans mon dos et je roulais immédiatement des yeux, brusqué par cette bourrue interruption. Malheureusement, la question de Rose avait suscité la curiosité de quelques-uns et tous nous lorgnaient curieusement, étonnés de me voir si près de Max alors que nous nous évitions la plupart du temps. Je soupirais tout en me remettant sur mes deux pieds et regardais furtivement Deen un peu plus loin ; il ne semblait pas le moins du monde énervé par notre exceptionnelle proximité, mais jouant la carte de la sureté, je disais :



" De coucher avec moi. "



Les multiples réactions qu'occasionna ma réplique franche me firent doucement sourire ; Maxine s'étrangla bruyamment avec sa salive, mes khos pouffèrent indiscrètement dans leurs coins, tandis que Rose se tétanisait sur place, tout aussi ébahie que sa sœur. Je me mordis méchamment la joue pour ne céder à mon envie de lui rire au nez et croisais effrontément mes bras, curieux de savoir comment cette jolie blonde allait réagir ; elle qui semblait si soudainement décidée à protéger sa chère petite sœur du monde extérieur.



" Je te demande pardon ? " Articula-t-elle tout en adoptant la même position que la mienne.

" Tu m'as posé une question, je t'y réponds. "

" Ma sœur n'a pas envie de ... coucher avec toi, Nekfeu, c'est ridicule. " L'hésitation qui régnait dans sa phrase m'arracha un gloussement intempestif, tout comme le coup de pied discret que venait de m'assenait Max dans mon dos. Ses sœurs n'avaient décidemment aucun humour.

" Détends-toi, princesse, je te taquine. Ça serait con de faire un infarctus à ton âge, nan ? " Je lui tapais gentiment l'épaule et fis un dernier clin d'œil à Max avant de ne repartir à l'extérieur du bus. " On se voit tout à l'heure, la muette. "



Son incrédulité se traduisit aisément dans son regard et son froncement de sourcils excessif, mais je ne lui laissais pas le temps de répondre, partant vaquer à mes diverses occupations. Putain, elle avait raison d'être inquiète. Et moi, j'avais de sacrés bons motifs d'être incroyablement satisfait par la tournure si inattendue que venait de prendre les évènements.


***


Assi non loin de l'entrée de ce bâtiment typiquement toulousain, je guettais les passants qui se ruaient sous mes yeux sans jamais se rendre compte de ma présence. Protégé sous mes lunettes de Soleil et ma capuche, je m'aventurais même à dévisager certains d'entre eux. Malgré l'heure tardive de l'après-midi, la rue commerçante où je me situais, regorgeait de vie, animée par quelques cris d'enfants gueulards, quelques rires tonitruants partagés entre jeunes adolescentes qui se souciaient peu des regards médisants des autres.

J'aimais bien cette ville, Toulouse. Tout semblait plus tranquille ici, les gens tiraient moins la tronche qu'à Paris ; ils semblaient moins stressés.

En fait, je faisais un peu tâche dans ce décor si bucolique. Habillé tout en noir de la tête aux pieds, mon allure sombre détonait farouchement avec les vêtements haut en couleur que portaient certains de ces passants. Sans parler de mon comportement qui clairement, pouvait paraitre louche. En effet, qui ne trouverait pas suspicieux un mec habillé tout en noir, avec des lunettes de Soleil sur le piffe alors qu'il n'y avait pas de Soleil, et une capuche vissée sur le haut du crâne alors qu'il ne pleuvait pas ? Personne.

De plus, cela faisait plus d'une heure et demi que j'attendais sur ce banc en bois, guettant comme un foutu prédateur le moment si fatidique où j'allais enfin pouvoir lui parler. Mes jambes tremblaient nerveusement, frappant le sol sans discontinuité depuis une bonne heure, alors que le stresse commençait son ascension perverse dans mes pensées. En toute honnêteté, plus le temps passé, plus je regrettais mon geste.

Du moins, jusqu'à ce que je la vois subitement apparaitre au seuil de cette porte ancienne faite exclusivement en bois. Là, mes précédentes angoisses furent balayées par un sentiment d'empressement qui me fit me bondir de ma place. Trop loin pour que je puisse très parfaitement la discerner, mon instinct me convainquit qu'il s'agissait néanmoins bien d'elle.

Debout sur le seuil d'entrée, adossée au mur comme si elle venait de courir un foutu marathon d'une trentaine de kilomètres, les cheveux relevés dans une sorte de merde capillaire et une immonde besace en cuir accrochée à l'une de ses épaules, j'aurai pu reconnaître ma photographe à des kilomètres à la ronde.

Vous pensez que je l'avais suivie ?

Eh bien, vous avez putain de raison, je l'ai incroyablement bien suivie jusqu'à ce foutu cabinet médical. J'avais pris un putain de taxi, avais demandé à ce sympathique chauffeur de suivre celui juste devant le nôtre, puis j'avais marché sur les pas de Max jusqu'à ce qu'elle s'engouffre dans ce bâtiment où avait été gravé en gros dans une plaque métallisée :

« Docteur Marie Dupont, psychologue spécialisée dans les dépressions post-traumatiques. »

Et j'avais attendu, encore et encore, jusqu'à me cailler les miches sur ce foutu banc situé sur le trottoir d'en face. De nombreuses fois, j'avais été tenté de repartir, la culpabilité de m'être introduit de force dans l'intimité de Max, me poussant à rentrer au bus ; mais finalement j'étais resté pour les mêmes raisons : désormais que j'avais découvert ce qu'elle tramait à longueur de journée, je n'avais plus envie de reculer.

Pas maintenant alors qu'elle était actuellement en face de moi, les yeux rivés vers le ciel et une main accrochée à ses cheveux. Mais lorsque je la vis s'engouffrer subitement dans la foule, la peur de la perdre de vue me prit aux tripes. Mon cœur s'exalta dangereusement dans ma poitrine quand elle disparut de mon champ de vision pendant une seconde, puis grièvement quand je la vis réapparaitre un peu plus loin, marchant redoutablement vite dans cette marrée humain.

Mes jambes se mirent à trottiner d'elles-mêmes et je manquais de me faire écraser en traversant la route qui nous divisait. Je m'excusais auprès de ce chauffeur furieux d'un geste furtif de la main, réajustais ma capuche et repris ma course lamentable pour la rejoindre. Et putain que j'avais l'air con, esquivant ces personnes et en poussant quelques-unes pour m'assurer d'emprunter le même chemin qu'elle.

Quand elle bifurqua subitement dans une petite ruelle que très peu éclairée sur la droite, je jurais à voix basse, m'insultant moi-même d'avoir l'air aussi débile et de faire une chose aussi idiote, mais continuais malgré tout, empruntant le même chemin qu'elle.

Du moins, jusqu'à ce que deux mains me repoussent brutalement en arrière et que je manque de m'écraser tête la première sur ces putains de pavés. Abasourdi par la force avec laquelle je venais de me faire bousculer, je mis quelques secondes à me rendre compte qu'il ne s'agissait ni plus ni moins de Maxine elle-même.

Et putain, elle n'avait pas l'air heureuse de me voir. Pas du tout.



" Qu'est-ce que tu fais là, bordel ?! " Hurla-t-elle et mes yeux s'écarquillèrent face à son cri si hargneux. Je perdis lamentablement mes mots face à elle, interdit devant toute la rage qui rutilait dans ses yeux et ne fis qu'ouvrir la bouche, peu sûr de ce que je m'apprêtais à dire. " Réponds-moi ! Qu'est-ce que tu fais là, bordel ! "

" Je – "

" Finalement tais-toi, je ne veux même pas t'entendre, je connais déjà la réponse. " M'interrompit-elle, sifflant ces malheureux mots avec tant de mépris dans la voix qu'elle réanima ma précédente et virulente culpabilité. " Tu n'avais pas le droit de faire ça, Nekfeu. Assurément pas le droit et crois-moi, tu vas regretter amèrement ce que tu viens de faire. "



Je papillonnais vulgairement des cils suite à sa menace et m'écartais spontanément de son chemin quand elle me poussa pour reprendre sa route. Il aurait indubitablement fallu que je réagisse, mais j'avais la vague impression d'être pétrifié sur place, enseveli sous l'incommensurable et étouffant poids de ma culpabilité. Car si sa colère était incontestablement monstrueuse, l'accablement que j'avais lu sur son visage m'avait fait excessivement mal. Je l'avais profondément blessée et étrangement, sa souffrance corrosive avait transformé mes propres humeurs, me faisant oublier mon putain d'objectif en venant ici.

Après tout, je savais qu'elle réagirait comme ça, non ? Oui, assurément, on parlait de Max là. Alors pourquoi me retrouvais-je comme un con dans cette ruelle isolée, les yeux plantés sur son petit-corps qui s'éloignait du mien ?

Cette prise de conscience me fit enfin sortir de ma torpeur et me permit de rattraper son poignet avant qu'elle ne disparaisse à nouveau. Peut-être trop sèchement, je la ramenais vivement contre moi, ce qui la désarçonna ouvertement, et je me ruais sur l'occasion pour enfin exprimer mon putain de point de vue sur tout ce merdier monumental.



" Arrête de la jouer drama, poupée. Toi, tu t'attendais à quoi ? A ce que personne ne découvre jamais ce que tu foutais de tes journées ?! Réveil-toi, Max ! Ouvre tes putains d'yeux et estime-toi heureuse que cela soit moi qui ai découvert tout ton petit bordel ! " D'un geste brusque, elle se dégagea de mon emprise et croisa gaminement ses bras sous sa poitrine, affrontant mon regard colérique sans vaciller. " Et puis c'est quoi ça ? Une psychologue spécialisée dans la dépression post-traumatique ?! Je savais qu'était une foutue tarée, mais pas à ce point ! "



Ok, peut-être y étais-je allé un peu trop fort.

Mais assurément pas au point de me prendre un coup de poing de cette envergure.

Parallèlement au silence assourdissant qui retombait dans cette allée isolée, la douleur expansive causé par son coup ankylosa tout le côté droit de mon visage, au point qu'en à peine dix secondes, je ne sentis plus la moindre douleur, juste un feu ardent qui grandissait péniblement sur ma joue. J'apportais spontanément ma main à l'endroit où elle venait de me frapper et fermais mes paupières dans la tentative vaine d'apaiser cet incendie corrosif.



" La tarée va te promettre une chose, Barbie : tu vas pleurer de t'être immiscé dans ma vie. Je t'en fais la promesse. "



Et je la crus sur parole, car cette fois-ci, elle ne m'avait jamais paru aussi grave et solennelle, au point que je ne lui en voulus étrangement pas pour son coup ; quelque part, je savais que je l'avais mérité. Même si mon égo de mec en prenait un putain de coup lui-aussi. Je descellais lentement mes paupières lorsque j'entendis ses bruits de pas s'éloignant de mon corps immobile et geignais piteusement :



" Max, attends ... " Bon sang, ce que j'avais mal à la mâchoire. Comment un si petit corps pouvait avoir autant de force, sans déconner ? " Max, putain, attends-moi ! "



Bien évidemment, elle ne m'écouta pas et s'engouffra sans un regard pour moi dans cette foule toulousaine. Je grognais de frustration, l'observant disparaitre tout en me demandant si je devais la suivre ou non. Mais la peur qu'elle ne réapparaisse jamais me convainquit de la suivre ; après tout j'aurai eu la même réaction, si ce n'est pire.

Alors, précipitamment, je ramassais mes lunettes de Soleil qui gisaient au sol depuis son coup de poing, réajustais ma capuche et bravais cette marée humaine jusqu'à la retrouver un peu plus loin.

Je soupirai, ravalant ma fierté surdimensionnée à contre cœur, et trottinais pour outrepasser les quelques pas qui nous distançaient. Etant plus grand qu'elle, je n'eus aucun mal pour me stabiliser à sa hauteur et me contentais de garder le silence quand elle remarqua enfin que je la suivais. Encore. Dieu merci, elle ne fit pas la connerie de m'afficher ouvertement devant tous ces gens. Je me sentais déjà affreusement ridicule de l'escorter de la sorte, alors assurément n'aurais-je pas supporté un esclandre en public ; elle n'était pas la seule à essayer de tenir les médias loin de sa foutue vie de merde.

Indéfiniment, nous marchâmes dans un silence quasi religieux, calmant elle comme moi nos humeurs ravageuses et notre égo touché de plein fouet par notre dernière altercation. D'ailleurs, je ne remarquais que maintenant qu'en pratiquement un mois passé à ses côtés, nous n'avions jamais parlé autrement qu'avec des cris, sauf ce soir-là, sur cette plage perdue à Bordeaux.

Etait-ce malsain comme relation ? Oui ; le contraire serait un mensonge. Tout ce que nous faisions avait un rapport avec le jeu puéril que nous avions instauré au début de cette désastreuse relation. Tout n'était qu'hurlements, allusions perverses, sexe, fierté et méchanceté.

Et quelque part, même si je ne l'admettrai jamais, ça me faisait chier.



" Rentre. " Etonné qu'elle se décide enfin à parler – particulièrement pour me donner un ordre, je m'arrêtais dans notre marche et ne remarquais que maintenant que nous nous étions éloignés du centre. Nous nous trouvions au beau milieu d'un pont vide de présence humaine et où plusieurs lampadaires étaient ; si notre situation actuelle n'était pas si désastreuse, j'aurai trouvé cet endroit excentré du centre-ville incroyablement inspirant.

" Non. " Me contentais-je de répondre après qu'elle se soit accoudée à la rambarde, une main fouillant dans son immonde sac à main. Elle soupira, possiblement blasée par mon refus si catégorique, et sortis finalement son appareil photo de son sac tout en m'ignorant magistralement. Je l'observais scrupuleusement assembler les différentes pièces de son outil de travail et me convainquis de prendre la parole quand elle eut fini. " Ecoute, Max, je- "

" Ferme-la, ils vont nous remarquer. "



Contrit – piteusement soumis, je refermais ma bouche et décidais de suivre la scène en contre-bas. Deux gosses d'une dizaine d'années aux maximum étaient en train de faire des ricochets sur l'eau, l'une riant aux éclats tandis que l'autre foirait toutes ses tentatives pour l'impressionner. Le spectacle me parut subitement attendrissant ; il se dégageait d'eux une telle innocence que je ne pus m'empêcher de faire la distinction avec Maxine et moi.

Ces gamins roucoulaient comme des adultes en manque d'attention, alors que nous, nous nous haïssions comme des enfants trop chéris par leurs géniteurs. C'était foutrement ridicule et d'un autre côté, incroyablement moralisateur.



" Explique-moi pourquoi toi et moi on se déteste autant et je m'excuserai de t'avoir frappé. " Me demanda justement l'objet de mes pensées. Je déviais mon regard de ses enfants tout rutilants de niaiseries et lorgnais curieusement ma photographe, un sourcil arqué vers le haut.

" Comment veux-tu que je le sache ? " Soupirais-je, que très peu envieux de réfléchir à ça alors que je m'étais enfin calmé. Pourquoi Diable fallait-il qu'elle m'énerve continuellement ?

" Je ne sais pas, réfléchis pour une fois. " Chuchota-t-elle sérieusement, mais je décidais de ne pas retenir son petit pic.




La vérité était que je ne le savais moi-même pas. Enfin, si, je m'en doutais ; je refusais simplement de l'admettre : Elle et moi nous ressemblions trop. Excessivement trop.

Au point que ça en devenait foutrement dérangeant à certains moments. Nous réagissions de la même manière, nos comportements colériques étaient bien trop similaires pour s'entendre, nos besoins respectifs de se venger en permanence ne coïncidaient pas, notre manie de tout garder pour nous, puis de tout enfouir dans un coin de notre tête dans une case appelée « dépotoir » ... Trop de choses qui faisaient qu'elle et moi nous ne nous pourrions jamais nous entendre si nous ne faisions pas un effort chacun de notre coté.



" On se ressemble. " Marmonnais-je, décidé à tout de même faire un pas dans son sens.

" On se ressemble trop. " Elle me compléta et je roulais des yeux insolemment ; son silence me manquait.

" Tu parles trop. " Concluais-je méchamment, conscient que ma réflexion allait la blesser. Un rire triste s'échappa de ses lèvres et j'ignorais volontairement le pincement au cœur que ce son si maussade me procura ; je ne voulais pas ressentir de tristesse pour elle : dans ma tête, elle ne le méritait pas. " Tu parles trop pour ne rien dire. "



Ma dernière phrase la fit enfin me regarder. Malgré la pénombre ambiante, je pouvais voir la clarté de ses yeux luire, détonnant étonnamment avec le noir de la nuit qui était tombée autour de nous. Et putain, même si présentement, je la maudissais pour l'ecchymose qui allait très certainement apparaitre sur ma joue d'ici quelques heures, je ne pus la trouver qu'incroyablement belle.

Cette meuf était un paradoxe à elle seule que n'importe qui dans ce monde de malades aimerait comprendre. Comme beaucoup de monde, elle regorgeait d'obscurité, de zones sombres sur sa vie d'antan, et pourtant, elle brillait en permanence. Elle brillait dans tellement d'aspects que mes deux mains ne parviendraient pas à tous les énumérer. On l'avait foutue dans ma vie comme un foutu cadeau empoisonné ; singulièrement beau à l'extérieur, affreusement laid à l'intérieur.

Alors pourquoi tentais-je de découvrir tout ce qu'elle s'évertuait à me cacher ? Parce que j'étais un sacré sado'. Ça ne pouvait être que ça.

Et aussi car, quelque part, une infime parcelle de mon moi intérieur savait pertinemment que notre ressemblance n'était pas que nocive et malsaine. Au contraire, il était même persuadé que, pour elle comme pour moi, le binôme que nous formions pouvait nous être bénéfique.

Restait à trouver comment faire pour s'allier sans nous nuire mutuellement.



" Et toi tu es connard invétéré. " Me sourit-elle sarcastiquement avant de ne reprendre sa route.

" Un connard qui était à deux doigts de te faire jouir dans ses bras hier soir. " Répondis-je malicieusement après l'avoir rejointe.

" Juste un connard, Nekfeu : juste un incroyable connard. "











Voilà ! Je suis désolée de publier aussi tard, j'ai étais complètement dépassée par tout le boulot que j'avais à faire pour la rentrée (dépression) 😒 Enfin bref, j'espère que ce chapitre vous a tout de même plu ?

Et aussi je m'excuse pour celles qui attendaient le bonus de les Clones mais comme je l'ai dit, j'ai déjà eu du mal à écrire ce chapitre alors bon , encore désolée les babies 😔

Bisous bisous et bonne rentrée à toutes celles qui reprennent demain !

-Clem

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