• Plume n°10 •








Maxine






" Bien, Maxine, je ne sais pas vraiment comment se sont comportés les autres avant moi, et très honnêtement, je m'en branle. Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, je ne suis pas « les autres ». "


Surprise par son langage familier, je me médusais sur ma chaise tandis qu'un rictus ironique se profilait sur son visage masculin. Les bras croisés sur son buste incroyablement musclé, paresseusement avachi sur sa chaise de bureau en cuir noir, ... Du peu que j'avais entendu de la bouche de cet Antoine Mercier, je pouvais en effet dire qu'il n'était assurément pas comme les autres psychologues que j'avais croisés pour le moment.

Une mâchoire renflée à souhait et soulignée idéalement par une barbe de trois jours négligemment taillée, des cheveux plus noirs que de l'anthracite, je pouvais même dire que ce cher Monsieur Mercier était plaisant à regarder. Ses yeux mordorés et naturellement aguicheurs, me rappelaient d'ailleurs vaguement ceux du rappeur que j'accompagnais en tournée.

Mes sourcils se haussèrent lorsque je fus de nouveau en mesure d'esquisser un mouvement, la surprise laissant place à l'ahurissement – car, oui, il y a une nuance - et j'entrepris d'au moins enlever ma veste en cuir ; une première pour moi qui ne me dévêtais jamais lors de mes consultations, une manière de faire comprendre à mes interlocuteurs que je n'étais pas encline à la discussion.


" Heureux de voir que vous comptez rester à mes côtés. " Reprit-il, visiblement sarcastique, avant de ne feuilleter attentivement le dossier en face de lui. " Donc, syndrome post-traumatique, c'est ça ? "


Il releva ses orbes curieusement dans ma direction, attendant impatiemment que je daigne lui répondre quelque chose, mais je me contentais d'un hochement de tête simple et fugace.


" Par contre, qu'on se le dise : Je ne compte pas passer une heure à vous regarder dans le blanc des yeux. Donc autant utiliser votre langue, non ? Vous n'êtes pas muette à ce que je sache. "


C'était irrévocable, ce type n'étais indubitablement pas comme tous les autres psychologues que j'avais rencontrés jusqu'à présent. Sa pédagogie était à revoir, certes, mais étonnement, cela me détendit singulièrement bien. Son spontané détonait avec les comportements quasi larmoyants de ses confrères, et me donnait la vague impression de parler avec l'un des garçons de l'Entourage ; surement était-ce son franc parlé qui me faisait le comparer à eux.

Ma bouche s'entrouvrit, mais je me ravisais, me renfrognant stupidement dans ma chaise quand il réitéra bien plus sévèrement :


" Donc, syndrome post-traumatique ou pas ? " Et je constatais sans difficulté un brin d'agacement dans sa voix rauque.

" Oui. " Admis-je à contre cœur, après m'être discrètement raclée la gorge.

" Et alors ? Ça vous a arraché les lèvres de le dire à voix haute ? " Je roulais des yeux ce qui le fit effrontément glousser en face de moi. " Enfin bref ... " Soupira-t-il quand il saisit enfin que je ne comptais nullement le suivre dans son fou-rire. " Dites-moi ... Vous avez un petit-copain en ce moment, Maxine ? "


Je m'étranglais sur-le-champ avec ma salive, dubitative devant son interrogation impudique. Venait-il très sérieusement de me demander si j'avais un petit-ami actuellement ? Mais merde, ce type n'était pas censé être le meilleur de tous les foutus psychologues de Bordeaux ?

Et pourtant je ne pourrai démentir que cette simple et inoffensive question suréleva un agrégat de doutes dans mes pensées incontestablement et maladivement insensées.

Car, bon sang, une fourbe petite voix avait murmuré tout naturellement dans mes pensées, le satané prénom de Barbie. Une effroyable piqure de rappel qui m'irrita ardemment ; je ne pouvais plus blairer ce type, je ne supportais plus ses allusions libertines et je méprisais son comportement possessif pseudo-protecteur-moralisateur !

Alors qu'on m'explique pourquoi, putain, la situation était en train de me glisser des mains de cette façon ? Pourquoi ne parvenais-je plus à rattraper le fil de mes foutues émotions ? Pourquoi, un peu plus à chaque nouvelle engueulade, sombrais-je dangereusement dans un gouffre obscur dans lequel je ne voulais en aucun cas m'égarer ?


" Ou là, à voir votre tronche, je devine que je viens de toucher un point sensible. Alors, Mademoiselle Laurens, seriez-vous ce genre de fille qui tombe amoureuse au premier regard ? "


Désormais énervée, je relevais ma tête de mes pieds et le criblais du regard avec toute la haine que j'avais amoncelée en moi depuis ma dispute avec Rosie, crispant mes mains autours des pans de mon sweatshirt. Je ne voulais déjà initialement pas parler, mais alors discuter de Barbie pute avec un parfait inconnu : ce n'était même envisageable ! Plus que je le tiendrai loin de mes songeries, moins je ferai de conneries.

Et, miraculeusement, le beau brun dut comprendre ma soudaine exacerbation puisqu'il préféra dériver sur un autre sujet de conversation. Sage décision.


" Vous savez, ma petite-amie ... " Tiens, petite-amie ? " ... est une grande fan du magazine Elle. Quand elle a su hier soir que j'avais rendez-vous avec vous le lendemain, elle m'a immédiatement lu l'article vous concernant. Et très honnêtement, ça m'a fait beaucoup de peine. Essentiellement, parce que votre père m'a communiqué votre imposant dossier de suivi psychologique, et que je connais les tristes causes de votre présence dans mon bureau. "


Mon sang ne fit qu'un tour dans mes veines, engloutissant dans son passage les quelques bribes de bon sens que Nek n'avait pas bousillés la veille, lors de notre altercation. Et pourtant, je fus inapte à feindre ne serait-ce qu'un mouvement, comme solidifiée sur cette chaise où je blêmissais à vue d'œil. Les pulsations de mon myocarde éclatèrent dans mes tempes pareillement à d'insupportables coups de masses, tandis que l'impression asphyxiante de fléchir sous le poids de ma colère me prenait aux tripes.

Je savais que mon géniteur divulguait tout ce que je m'évertuais à enfouir dans un coin reculer de mes songes à chacun de mes foutus psys, je le savais pertinemment. Je le voyais dans leurs foutus regards qu'ils étaient au courant, dans leurs manières d'agir, de s'exprimer comme si je n'étais qu'une vulgaire et délicate petite chose que la Vie, celle avec un grand V, aurait brimée sans l'ombre d'une hésitation.

Mais jamais aucun, pas depuis des lustres du moins, n'avaient clairement abordé ce sujet délicat et épineux qu'était mon passé turbulent. Tous craignaient mes réactions impétueuses depuis mon " laisser-aller " chez mon tout premier psychologue.

En effet, après avoir grossièrement entrepris de parler de la cause fondamentale de ma venue, j'avais pété plomb. Littéralement. Non seulement car c'était la première fois que quelqu'un osait m'en parler si ouvertement, mais aussi car j'exécrais la manière condescendante qu'il avait eu de me juger. Alors, peu habilitée à gérer ces soudains élans de rage pure - qui à l'époque ne m'étaient absolument pas coutumiers, il se peut que j'ai fait un carnage dans son bureau. Un véritable carnage qui avait couté très chers à mes parents économiquement parlant, et qui m'avait valu une remarque écrite en lettres rouges sur mon dossier du suivi :


« Patiente aux tendances impulsives, comportement violent et imprévisible. »


Alors, bien évidemment, cela va de soi que lorsque le psychologue le plus notoire de toute la capitale lumière retranscrit mot pour mot cette phrase dans le descriptif de l'un de ses anciens patients, les suivants peinaient à reprendre le relai.


" Comme je l'ai dit précédemment, j'ai lu votre dossier. Alors si l'envie vous prend, libre à vous de saccager mon bureau. De toutes manières, rien de ce que vous détruirez n'a été payé de ma poche, alors faites-vous plaisir, Maxine : détruisez tout ce qui vous chante si cela peut vous faire du bien. " Mon corps tout entier trépidait sur place, parcouru par d'incessants et brutaux relents d'adrénaline qui me faisaient trembler perceptiblement sur ma chaise. Et pourtant, ce type ne semblait pas le moins du monde dérangé par mon état inquiétant, au contraire, il paraissait tout à fait à l'aise. " Mais vous et moi savons que cela ne vous aidera pas. Vous êtes bloquée dans votre mutisme car vous refusez de vous laisser aller. C'est vous qui vous enfermez dans cette bulle, et je vous garantis que cela ne vous aidera pas, Maxine ; un jour vous serez bien obligée de tout extérioriser. "


Cette fois-ci, je me relevais brusquement de ma chaise tout en capturant la hanse de ma sacoche qui gisait au sol. Que cela soit ceux de mes doigts de pieds, de mes jambes, de mon dos ou encore de mon ventre, aucun de mes muscles n'étaient pas en train de frémir de colère. Et pourtant, une fois sur mes deux pieds, je fus incapable de quitter la salle comme je le désirais. Une force imperceptible, ou peut-être mon envie farouche d'effectivement tout détruire dans ce foutu bureau, me contraignait à rester bêtement stoïque devant ce brun qui, définitivement, me rappelait bien trop Ken dans ses provocations.


" Allez-y, je suis sérieux ! Rien de ce qui est dans cette salle ne me tient à cœur, si ce n'est le tableau dans votre dos. Ma fille de trois ans me le fait pour mon vingt-septième anniversaires, alors je vous prierai de ne pas l'abîmer. Mais le reste ... Déchainez-vous si cela peut vous calmer. "

" Taisez-vous. " Grognais-je malgré moi et je dus me battre contre mes instincts pour ne pas envoyer bouler son ordinateur dernier cri à l'autre bout de la salle.

" Est-ce que vous vous rendez compte de l'état de colère dans lequel vous êtes ? Simplement car j'ai eu le malheur d'aborder le sujet de votre père ? " Son visage traduisait un profond dédain qui titilla méchamment mes émotions déjà à vif. " Simplement car j'ai osé utiliser le mot « passé » ? Maxine, vous-même vous vous rendez compte de votre état. Ce qui est arrivé ce soir-là – "

" Taisez-vous ! "


Mon ordre retentit contre les murs comme un farouche coup de fouet et le fit enfin taire. Rendue pantelante par les émotions qui mijotaient sous mon épiderme, ma respiration ne pouvait être plus frénétique tandis que nous nous dévisagions l'un l'autre, lui paisiblement assis sur sa chaise, moi stupidement plantée debout devant son bureau en verre. Et indéfiniment, nous restâmes figés dans cette situation impensable.

La frustration me rongeait vivante et taquinait impitoyablement mes yeux déshydratés. Mon buste quant à lui suivait péniblement le rythme de mon souffle irrégulier et je sus que ce Mercier abandonnait la partie lorsqu'il détourna le regard, évitant scrupuleusement le mien.


" Je suis navré de vous le dire, Maxine, mais tant que vous laisserez votre fierté et votre désir d'oublier ce qu'il s'est passé, vous n'irez jamais mieux. Et je crois malheureusement que personne ne pourra jamais vous aider, si ce n'est vous-même. "


Mollement, possiblement dépité de ne pas m'avoir vue disjoncter dans son bureau, il se releva de sa chaise et marcha jusqu'à une grande fenêtre entrouverte. Il me donna dos, et ma frustration se déploya considérablement dans mon organisme lorsque je compris qu'il était en train de mettre implicitement à la porte.

Les yeux fous et rendus flous par les quelques larmes de rages que je refusais de laisser ruisseler sur mes joues, j'attrapais brutalement ma veste en cuir qui trainait sur le siège où j'étais assise précédemment, réajustais fiévreusement la hanse de de ma besace sur mon épaule et quittais en furie cette salle qui avait été spectatrice de mon emportement fulgurant.

Mais juste avant que je ne claque la porte, la voix rude de Mercier m'interrompit dans mes mouvements :


" Gardez votre fric : je n'en veux pas. "


Mais malgré cela, je ne lui obéis pas et déposais en vitesse le chèque au secrétariat après avoir farouchement fermé la porte de son bureau, sous les yeux dubitatifs de certains clients qui m'avaient très certainement entendue beugler comme une idiote de première classe.

Les joues en feu, je quittais à grande enjambée le cabinet médical d'où je venais, dévalais quatre par quatre les escaliers qui menaient au hall d'entrée et m'engouffrais dans Bordeaux sans plus attendre, accueillant son vent frais comme une claque salvatrice qui me remit plus ou moins les idées en place.

Car si je rejoignais les autres immédiatement, tout le monde en prendrait pour son grade, même les plus inoffensifs. Ma sœur pleurerait, Nek crierait, Deen m'apaiserait, Antoine calmerait Rose, j'exploserai et personne n'affectionnerait être dans mon champs de déflagration à cet instant-ci.

Surtout pas Barbie, à vrai dire.

Car injustement - j'en avais conscience, mes démons me convainquirent que tout ceci était de sa faute. Encore.


***


Le concert venait de s'achever et j'avais essuyé un énième retard. Persuadée que je parviendrais à refaire la route du retour à pieds, je m'étais fatalement perdue en chemin et étant bien trop orgueilleuse pour prévenir qui que ce soit, j'avais préféré me désempêtrer de ce merdier seule, avec pour seul aide, le GPS défectueux de mon téléphone.

Pour autant, ces heures d'errance et de solitude m'avaient permis de tranquilliser et dompter mes états d'âme à fleurs de peau ; je les avais cloisonnés dans la prison sombre et insalubre que je leur dédiais dans les tréfonds de mon inconscient, les avais enfermés à double tour et avais jeté la clef dans les limbes de mon néant mental.

Irrémédiablement, la rage folle dans laquelle j'étais rentrée en compagnie de Mercier avait disparu de mes pensées, et prodigieusement, j'avais même su ignorer les pics désobligeants de Nekfeu pendant une grande partie de la soirée.

Cela l'avait d'ailleurs révolté, et je m'étais régalée en l'admirant s'exciter seul dans son coin ; le pauvre bichon avait perdu sa partenaire de crime, ma sœur elle-même, étant donné qu'elle ne me parlait plus depuis l'épisode du Elle Magazine.


" Eh la muette, t'as pas répondu ; tu veux un verre ou pas ? " Me sollicita Antoine à l'autre bout de la table et j'agréais sa demande d'un bref hochement de tête. Dès lors – et cela ne manqua pas de m'agacer, je pus sentir les deux œillades réprobatrices de Barbie et Rosie peser sur ma personne, mais là encore, j'ignorai. J'estimai que ma journée avait été suffisamment à chier, et rien que de penser à la prochaine, je n'étais que plus blasée. " Tiens : Vodka, Redbull, ça va te réanimer un petit peu, t'es blanche comme un cul. "


Je roulais gentiment des yeux et attrapais le grand verre à cocktail que me tendait blondinet. Convaincue que noyer mes réflexions intimes dans des litres d'alcools divers seraient extraordinaire, j'engloutissais littéralement le contenu acidulé du verre et ne manquais pas de grimacer. Une chaleur expansive se répondit dans mon œsophage, puis dans mes le restant de mon organisme. Je commençais très sérieusement à douter qu'Antoine ait réellement coupé la vodka avec du diluant, mais je ne rechignais pas : au contraire, il allait me falloir plusieurs verres de la sorte pour que je puisse rentrer dans l'ambiance joviale qui planait autour de la table.


" Mauvaise journée ? " Mauvaise vie, j'eus envie de répliquer. Du coin de l'œil, je lorgnais consciencieusement Deen qui venait de me susurrer cette question au creux de l'oreille. Lui aussi semblait épuisé et pourtant il ne s'en plaignait pas, lui. Alors pourquoi moi le ferais-je ? Je haussais des épaules posément, préférant répondre évasivement. " Et est-ce qu'un jour on aura le droit de savoir ce que tu branles toute la journée ? "


Quand bien même riait-il, la simple évocation cette journée m'arracha un grondement. Oui, je grognais, littéralement. Putain, mais je devenais un véritable animal sauvage !

Laborieusement, je ravalais le cri de frustration qui me titillait le bout des lèvres et fis mine de rire en haussant malicieusement mes sourcils. Hors de question que quiconque autour de cette table – si ce n'est ma sœur – apprenne que je passe mes matinées cloisonnées entre quatre murs, avec des foutus psychologues dont je me foutais éperdument.


" Maxine Laurens, tu es une véritable énigme ; on va passer la moitié d'une année ensemble et je ne saurais toujours rien sur toi d'ici là. "


Son humour dissimulait un brin de vérité : malgré les prémices de notre amitié, il était inenvisageable qu'il connaisse ne serait-ce que la moitié de ma vie.

Pourquoi, vous me direz ? Eh bien, pour deux raisons distinctes.

Primo, ma vie ne valait pas le coup d'être racontée ; trop d'évènements, trop d'histoires, trop de secrets, trop de choses qui, une fois dévoilées, perdraient de leurs intérêts.

Deuzio, j'aimais bien trop le mystère qui planait autour de moi. Oui, je le disais : j'aimais être secrète, renfermée, associable, pour ne pas dire détestable. Les gens silencieux rebutaient, faisaient fuir les personnes nuisibles à leurs vies. Devenir mutique m'avait grandement aidé à forgé cette carapace infranchissable, cette carapace que Deen qualifiait d'« énigmatique ».

Cette barrière que j'instaurais entre le monde et moi me servait de « passoire sociale » : les connards fuyaient, les autres passaient.

Et si cette passoire avait magnifiquement bien fonctionnée depuis des années, aujourd'hui, elle connaissait sa première défaillance.

Et cette défaillance portait le foutu nom de Barbie pute, allias Nekfeu, allias Ken Samaras. Ce connard invétéré ne semblait pas le moins du monde bloquait par mon effroyable caractère ; au contraire, taré qu'il était, cet imbécile se convainquait de ressentir de l'attirance pour moi.

A ce sujet, je lui soupçonnais un côté sadomasochiste.

Mais si lui l'était, je l'étais alors aussi, fatalement. Car bêtement, j'avais plongée tête la première dans cette guéguerre ridicule sans évaluer les répercutions d'un tel acte. La preuve en est : mon attirance pour lui mutait en des sentiments déroutants que je ne désirais en aucun cas ressortir.

Inutile de le nier, je n'étais cruche, ni innocente, je connaissais les symptômes amoureux : j'avais ressenti la même chose avec Dylan, mon premier petit-ami. Le problème était que, dans le cas présent, tout était exacerbé. Vivre collés l'un à l'autre en permanence n'arrangeait rien et mon irrationnel besoin de le sentir près de moi envenimait le tout plus qu'autre chose.

Bref, je ne m'étais volontairement jetée dans la gueule du loup.

Je n'étais ni triste, ni effrayée, ni rien. Simplement et exceptionnellement énervée. Enervée contre mon manque de logique, furieuse contre mes hormones qui semblaient avoir jeté leur dévolu sur ce foutu rappeur, et enragée contre lui.


" C'est probable, en effet. " Répondis-je discrètement à Ahmadeen qui, pourtant, ne m'écoutait plus depuis déjà un moment. En même temps, ma sœur ainée, assise entre Eff' et Alpha se décida à prendre la parole, ses yeux égayés se posant sur moi qui était recroquevillée dans ma chaise.

" Les gars, j'ai une super nouvelle ! " Surexcitée, elle frappait des mains tout en rebondissant sur ses fesses. C'est dingue, voilà à peine deux semaines que nous connaissions les garçons, et Rosie semblait déjà métamorphosée. Comme quoi, Antoine avait surement raison ; d'une certaine façon, ils nous reformataient. " Enfin, cela ne concerne que Maxou, mais je viens d'avoir la confirmation par message et je ne peux pas le garder pour moi plus longtemps ! "


Mes yeux s'écarquillèrent et mon cœur s'exalta furieusement dans ma poitrine quand mon surnom buta sur ses lèvres. Tous les regards se braquèrent subitement sur moi, mais je ne fus que concentrée sur celui de ma sœur qui faisait vicieusement durer le suspense.


" Après avoir lutté d'arrache pieds, avoir fait jouer un nombre impensable de contacts et usé de stratagèmes, j'ai finalement réussi à trouve un terrain d'entente avec le Elle magazine ! " Alors que les autres semblaient retenir leur souffle, impatients de connaitre la sortie de cette histoire, moi, je sentis la colère refluer tel un ouragan dans mes pensées. Soufflant sur mes barrières mentales avec une brutalité sans comparaison, cet ouragan entailla grièvement mon self-control déjà fragile. " En contrepartie d'une interview avec Max, exclusive et filmée, le Elle nous garantit de redorer son image comme il se doit ! "


Un blanc monstrueux, significatif de la tension qui grandissait autour la table, s'installa lourdement sur nos épaules. La sourire de ma sœur fana graduellement face au subit comportement des autres, dépérissant dans une lenteur qui m'enragea davantage. Un énervement semblable à celui de ce matin, si ce n'est plus meurtrier, gravita dans mes pensées, assassinant mes dernières retenues et le reste de ma raison.

Dites-moi qu'elle se fout de ma gueule. Dites-le-moi. Qu'on me le dise immédiatement avant que je ne renverse cette table et que je ne lui face bouffer ses doigts. Elle se fout moi, nécessairement. Pas vrai ?

Mais elle ne dit et fit rien, si ce n'est soutenir mon regard assassin insolemment. Bon sang, ma simple vision se floutait : l'expression même de la colère cyclopéenne qui cheminait à vitesse grand V, dans mes artères. J'allais exploser, j'allais imploser virulemment si elle ne baissait pas les yeux immédiatement, si elle ne me disait pas immédiatement que tout ceci était une foutue blague !


" Ce n'est pas vrai, c'est ça ? " Se moqua gauchement Deen, aussi embarrassé et dubitatif que l'ensemble des garçons autour de lui. Mais je sus que c'était horriblement vrai lorsque ma grande sœur fit une moue capricieuse, visiblement contrariée que personne n'acclame son parfait petit miracle.

" Si ça l'est. Après le scandale qu'elle a fait, Max a besoin de se redorer un peu ; une interview sera parfaite pour remédier à ça. Je pensais qu'avec votre notoriété vous pourriez comprendre. "


Je rentrais peu à peu dans le même état de transe que ce matin ; tous mes tissus musculeux se crispaient, un à un, vicieusement et presque douloureusement. La tempête qui faisait rage dans mes pensées me fit trembler imperceptiblement sur ma chaise, tandis que Rose attendait impatiemment que je réagisse.


" Meuf, c'est pas pour paraitre méchant ou quoique ce soit, mais je ne suis pas sûr – "

" Quand ? " Crachai-je de l'autre bout de la table, interrompant Mekra qui tentait vainement de prendre ma défense. Ma question vit pivoter toute les têtes dans ma direction, et je vis avec effarement que même Barbie semblait interdit devant la situation dans laquelle nous nous embourbions. Rose, elle, aussi dédaigneuse que moi, ne flancha pas pour autant pas et garda la tête haute lorsqu'elle me répondit ingénument :

" Dans deux jours, lorsque nous serons à Marseille. Laetitia Gravier nous rejoindra sur place avec son équipe filmique. "


Cette fois c'était trop.

Sans une once d'indiscrétion, je fis racler les pieds de mon siège sur le béton et me remettais sur mes deux pieds, surplombant ma sœur qui avait pitoyablement tressailli sur sa chaise en plastique blanc. L'envie pugnace de frapper quelqu'un était monstrueusement séduisante, mais je gardais mes poings étroitement coller à mon buste, me contentant de crisper mes mâchoires pour ne pas parler inutilement, et de respirer bruyamment pour réguler l'embrasement de mon sang dans mes veines.

Elle me provoquait ouvertement, elle se vengeait à sa façon ; elle comme moi savions que cette interview allait être une boucherie télévisée. Elle le savait, Barbie le savait, Deen le savait, je le savais ... Tout le monde autour de cette fichue table le savait !

Et pourtant, ses yeux diaphanes affrontaient les miens insolemment, tout en connaissant parfaitement dans quel état de rage elle venait me mettre expressément.


" Pas la peine de me regarder comme ça, sœurette. Le rendez-vous est pris maintenant. "


Un ricanement sinistre fit vibrer mon thorax tandis que je baissais la tête vers mes pieds pour divulguer le sourire énervé qui se profilait sur mon visage. Rose ne valait pas mieux que moi : elle était toute aussi pourrie de l'intérieur que moi, si ce n'est plus. Nous avions surmonté une même épreuve conjointement alors que nous nous détestions de nature, et notre ascension vers la rédemption nous avait pourries, salies l'âme à toutes les deux.

Elle et moi ne valions pas mieux l'une que l'autre.

Mais elle, elle le cachait. Tout simplement.

Et même si je l'aimais de plus profond de mes tripes, certaines fois, je me rappelais durement que nous n'avions rien en commun, si ce n'est cette soirée-là, il y a deux ans.

N'y tenant plus, et surtout pour éviter de créer un esclandre monumental devant nos clients et potentiels amis, je quittais la table en hâte, me résignant à abandonner cette guéguerre entre sœurs ridicules. Néanmoins, ma colère sulfureuse me poussa à garder la tête haute lorsque je passais devant elle et Barbie ; hors de question que je me ridiculise davantage.

Ainsi, je délaissais cette table précipitamment, bien heureuse que personne ne me rejoigne et rentrais dans le bus pour récupérer mon sac où étaient mon appareil photo, mon carnet, mes clopes et mon téléphone. Ni une, ni une, consumée par l'adrénaline dévastatrice qui jaillissait dans mon organisme, je balançais la hanse de ma besace par-dessus mon épaule, enfilais mes converses à la va vite, récupérer un sweat que je supposais être à Fram', l'enfonçais en boule dans mon sac et quittais le bus précipitamment.

Dans ma colère, je crus entendre une dispute entre Antoine et Rose, mais n'y prêtais aucune sorte d'attention, préférant me faire discrète pour que personne ne me remarque filer en douce. Je profitais des nombreuses voitures garées dans le parking pour me faufiler entre elles jusqu'à la sortie et arrivais directement sur la route. Je réajustais spontanément mon sac sur mon épaule, enfilais mes écouteurs pour assourdir ma colère cuisante et m'enfonçais dans Bordeaux sans réellement prendre le temps de réfléchir à où j'irai cette fois-ci.

Loin. Loin d'eux le temps d'une nuit, c'était tout ce que je savais.

Il fallait que je m'éloigne de ma sœur et de Nek. Surtout de Nek. Car moins mon univers mental n'effleurerait le leur, mieux je me sentirai. N'est-ce pas ?

N'est-ce pas ?

Pourtant je fus ardemment ramener à la réalité lorsque des ongles se plantèrent dans la chair tendre de mon poignet. Je geignais lamentablement, autant de surprise, de colère et de douleur, mais fis la première chose qui me vint en tête lorsque je crus deviner qui était dans mon dos : ma main se resserra pour former un poing compact et je le lançais à l'aveugle et avec rage en direction du propriétaire de cette foutue main.









Wesh les petits chats ! Ça va, comment était ce petit week end ?

Que pensez-vous du chapitre ? On découvre une nouvelle facette de Max, j'espère que celles qui l'aimaient, l'aiment encore haha !

Je reviendrai peut être dans la soirée pour vous poster la BA de Mutique ! Donc on se voit peut être tout à l'heure, bisous mes babies 💕💕

-Clem

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