Journée "normale"


Je suis allongée sur mon lit, normalement Colline va passer pour me réveiller dans exactement trois minutes. C'est une infirmière, elle s'occupe de passer dans toutes les chambres et de réveiller les patients, elle doit avoir vingt ans, toujours habillée en blanc, contrairement à moi, je porte toujours du noir.

On dit que le noir amincit. Ça ne m'aide pas, si je pouvais être plus grosse... Moins maigre. Mais je ne peux pas, depuis ce jour j'ai promis de ne plus parler, ni manger. Alors que les autres mangent, moi, je me trimballe avec une perfusion le tiers de la journée. Une muette qui fait la grève de la faim.

<<-Eden? Il l'heure de se lever, presque tous les autres sont déjà dans le réfectoire.>>

J'opine en baillant, je m'étends et me lève. Mes habits sont simples, jean noir et pull en laine noire. Je passe ma main dans mes cheveux pour les coiffer un peu.

L'Hôpital est un lieu sinistre, il peu passer de murs sombres et pourrit à murs blancs aveuglants et impeccables. Cet hôpital nous rappelle à quel points nous ne sommes pas normaux... Enfin "normaux". Le carrelage froids et lisse frôle mes pieds à chaque pas. Je croise une infirmière, Rita je crois... Il y en a tellement.

<<-Bonjour Eden!>>

Je lui sourit, avant j'avais promis de ne plus sourire mais c'est quand même difficile... Avec mon sourire je peux parler, sans utiliser ma voix, c'est l'un ou l'autre. Je ne veux pas non plus paraître cassante ou froide, je suis juste neutre, le peu de sourires que je fais sont brefs.

Cet hôpital est flippant, un an jour pour jour que je suis ici, il me fout toujours les boules... Tout se ressemble, tout les couloirs, les portes en bois foncés, toutes identiques. Cet hôpital est un vrai labyrinthe, mais le plus flippant, ce n'est pas que toutes les portes ou les couloirs sont identiques, non, c'est que j'arrive à m'y retrouver... Flippant je vous dis.

J'arrive dans le réfectoire, une grande pièce où plusieurs tables ont été placées l'une en face de l'autre. Je m'assieds à notre table habituelle, ils y sont tous... Mes amis.

Bien sûr que je me suis fais des amis, comme quoi être muette n'empêche pas d'en avoir! C'est juste que je ne leur parle pas, enfin si, ils me posent des questions que je réponds en opinant ou en secouant la tête. Et quand leurs questions sont plus complexes j'écris sur un carnet, on me l'a offert pour mon anniversaire, mais je n'en ai eu besoin qu'une dizaine de fois en un an maximum.

<<-Salut Eden! >>Disent-ils tous ensemble quand je m'assieds à la table.

Je hoche la tête en les regardant, la conversation continue, tout les bruits s'échappent de notre table, rires, cris,... Nous sommes cinq à table, et nous sommes surement la table la plus bruyante, pourtant niveau sonore je ne compte pas.

Cinq amis...
Et cinq histoires différentes...

Prenez Lauren, blonde aux yeux bleus, la peau pâle, frêle. Elle est pleine de joie et de vie, pourtant son père à abusé d'elle pendant une bonne partie de son enfance. Elle avait six ans quand ça a commencé, vous voyez, à ce moment là on ne comprends pas ce qui se passe, puis quand elle a compris elle n'a pas réussi à le dire. Que ce soit la honte, où le fait de se dire " c'est rien" ou "on va pas en faire un plat". Puis elle a voulu en finir, finalement c'était pas rien... Sa mère l'a retrouvée allongée dans la salle de bain les poignets en sang.

Ensuite il y a Gaël, un grand brun aux origines Brésiliennes ou portugaises je sais plus... Quand son meilleur ami est mort, il a été tué, il a retourné ciel et terre pour retrouver le coupable, et quand il l'a retrouvé, il lui a réglé son compte. Il a tout d'abord été placé en maison de correction, puis ils ont remarqué qu'il faisait une dépression, et le voila ici.

Mélanie, elle, n'a rien de spécial, sauf pour ses parents. Elle est lesbienne, ce qui pour eux est un sacrilège, fille d'une banquière et d'homme d'affaire très haut placé, ils ne l'ont pas bien pris. Ils ont donc décidés de l'envoyer ici espérant qu'on puisse soigner sa "maladie". Donc elle se retrouve ici, avec zéros problèmes, les médecins ont beau dire aux parents que l'homosexualité n'est pas une maladie, ils s'entêtent à croire que mettre leur fille chez les fous la soignera.

Xavier est un ancien cancéreux, il a combattu l'ostéosarcome jusqu'à ce qu'elle lui prenne la jambe gauche. Avant il était champion de gymnastique, j'ai vu des videos il se débrouillait incroyablement bien! Il a dû arrêter, car avec une seule jambe on ne va pas très loin, il ne voulait plus en faire si il n'était plus réellement lui-même. Mais sans la gymnastique, il ne savait pas quoi faire, il est tombé en dépression, les psys, les médocs, rien n'a marché. Ses parents ont décidé de le placer ici, pensant que s'il côtoyait des ados dépressifs ou fous il se rendrait compte qu'il n'est pas le plus malheureux et qu'il était chanceux... Un chanceux unijambiste.

Et pour finir, il y a moi... La fille qui refuse de parler, qui se trimballe toujours avec sa perfusion et son carnet au cas où elle aurait un petit creux ou voudrait -on ne sait jamais- dire quelque chose. Celle qui porte tout le temps du noir, qui est tellement maigre qu'on a l'impression qu'elle est morte. La fille aux cheveux bruns foncés presque noirs et aux yeux bleus presque surnaturels.

Pourquoi je suis arrivée ici? Après ce jour j'ai, comme je vous l'ai dis, arrêté de manger et de parler, et ça pendant un mois. J'ai emmagasiné toutes ces choses au fond de moi, dans un coin sombre et profond de ma tête et de mon coeur, caché de tous. Puis à un moment, j'ai explosé, je suis allé dans la salle de bain, j'ai pris le rasoir de papa, ce dernier n'étant pas électrique, et je me suis ouvert les poignets. Le sang à coulé, coulé, coulé... Et les pensées noir avec, elles sont descendues, elles ont parcouru mon cou, puis mon bras, et se sont étalées sur le sol... Au revoir!

Quand ma mère m'a retrouvée, j'étais déjà inconsciente, j'ai entendu les médecins dire que c'était un miracle que je sois encore en vie avec la quantité de sang que j'ai perdu. Mes parents étaient en pleurs, ils ont décidé de me mettre ici. Un an que j'y suis, je ne crois pas que ça a changé quelque chose... Mais je suis bien ici... Ah si quand j'y pense, ça a changé quelque chose. Je me sent bien... Je n'ai plus honte d'être moi-même, les gens d'ici m'ont accepté comme j'étais: Eden la silencieuse, la maigrichonne. Même si je ne parlais pas, ils m'ont accepté, je n'ai même pas eu besoin de parler pour qu'ils me comprennent.

Ma vie est terriblement normale... Je me lève, je vais "manger", puis je vais passer le reste de la journée dans le jardin ou dans la chambre à lire des livres... Je n'ai que ça à faire. Puis je vais au réfectoire et regarde les autres manger, peut-être que je m'amuse à faire un ou deux origami, si j'ai le temps, ces derniers étant ma passion, j'ai une étagère remplie d'origami d'animaux, certains croient que je les ai tous fait, surement pas! Quand le repas est fini, je retourne dans ma chambre et lis avant de m'endormir.

Toutes mes journées se résument à ça. Réveil. Perfusion. Cantine. Jardin. Livre. Perfusion. Cantine. Origami. Livre. Dodo.

Vous vous demandez surement où est-ce que j'ai appris à faire autant d'origami? C'est ma mère, elle adorait en faire, quand j'étais petite c'était ses origami mes jouets. Pas besoins de jouets en plastiques qui coûtent une fortune parce que ça clignote ou parce que ça fait du bruit, mon les clignotement je les voyait grâce à mon imagination, et les bruits je pouvais les faire! Je jouer avec un bateau, un lion, un cygne, un chat, une femme, je pouvais faire tout ce que je voulais. Je jouais sur le tapis devant le canapé, ce tapis me faisait penser à l'herbe verte et douce.

C'est surement pour ça que j'adore m'allonger dans l'herbe et regarder le ciel pendant presque toute l'après-midi. Des fois Xavier me rejoint, il galère pendant trois minutes à s'assoir avec sa prothèse, mais quand il y arrive je passe un bon moment, nous ne parlons pas, pas besoin. On se lance de temps en temps des petits regards, des petits sourires brefs, je n'ai pas pu respecter la règle du ne jamais sourire parce que ça m'aidais à communiquer sans parler, mais aussi pour lui, il me fait tout le temps sourire. Puis quand on nous appelle pour manger, j'aide Xavier à se lever et nous nous dirigeons vers le réfectoire.

C'est le cercle infernal, je tourne, tourne, tourne en rond toute la journée... Mais j'aime ça. Au moins ici, je suis tranquille. Au moins ici on ne me pause pas de questions. On me comprends sans que j'ai le besoin de parler.

La tranquillité...

Ma tranquillité...

Elle s'est envolée quand j'ai entendu cette phrase provenant tout droit des lèvres de Colline.

<<-Eden réveilles-toi! Les autres sont tous déjà dans le réfectoire. >>

Je me lève en grognant et enfile un pull en laine et un jean, noir, bien sûr.

<<-Devines quoi?>>

Je lève la tête vers elle et fronce les sourcils, amusée.

<<-Il y a un nouveau aujourd'hui, il est déjà arrivé!>>

Et merde...

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