7.
Maxime était perdu entre ses sentiments pour Sidjil qui se développaient bien trop vite, et le stress à l'idée de revoir sa famille en compagnie de ce dernier. L'angoisse montait en lui de jours en jours, et il avait l'impression que son esprit était en feu. La fumée imaginaire emplissait ses poumons et souvent il en perdait le souffle. D'habitude, il ne se laissait pas crouler sous les coups de l'anxiété : il buvait pour détendre ses entrailles et adoucir l'incendie dans son crâne.
Il essayait tant bien que mal de dessiner, mais son carnet de croquis restait ouvert sur une page blanche hypnotisant ses grands yeux vitreux. Sans modèle, en particulier sans Sidjil, il devenait incapable de tracer le moindre trait. Il avait pour habitude de dessiner modèle quand ils passaient du temps ensemble, histoire de s'entraîner. Mais maintenant, seul face à son carnet, il lui était impossible de se concentrer sur son crayon. Son esprit brûlant l'empêchait de penser à autre chose que l'alcool.
Le manque lui bouffait toute son énergie, et il avait posé ses congés pour cette semaine. Mais les moindres petites tâches ménagères étaient d'une difficulté monstre. Se préparer à manger devenait un combat, et faire le ménage n'était même plus une option pour lui. Mais il tenait. Sidjil était là pour l'aider à penser à autre chose, et il lui avait fait des promesses. Il s'accrochait peut être un peu trop à cette idée qu'il serait toujours là pour lui. Sa dépendance à l'alcool se transformait en dépendance à l'affection du modèle. Il s'abandonnait à toute l'attention qu'il pouvait recevoir de sa part, et il n'osait pas imaginer ce qu'il ferait si tout se brisait.
Le week-end arrivait plus vite que jamais, et Maxime stressait pour le mariage. Il était évidemment heureux pour sa sœur, mais il allait devoir prétendre être amoureux. Et le pire était que la tâche ne serait pas d'une grande difficulté pour lui. Plus il passait de temps avec le modèle, plus ses sentiments évoluaient. Il s'était vraiment pris d'affection pour Sidjil, et il ne pouvait plus le nier. Maxime pensait que de son côté, le modèle était vraiment un bon ami. Impossible pour lui de réussir à deviner ce qu'il se passait dans sa tête. Il avait dit qu'il tenait à lui, certes, mais comme un ami, un collègue. Pourrait-il tout risquer et être clair dans ses intentions ? Serait-il capable de se montrer sincère dans ses approches, sans se laisser ronger par la peur que tout bascule ? Il était plus que désorienté et son esprit enflammé renforçait son mal de crâne. Ce n'était qu'un jeu, après tout, une façade pour son entourage. Jusqu'où tiendrait-il, Maxime n'en avait aucune idée.
Il ne pouvait pas se le permettre. C'était voué à l'échec, il ne s'en sortait pas dans une addiction, il n'en avait pas besoin d'une autre. Pas besoin de faux espoirs, d'angoisses nocturnes, de cauchemars, de nouvelles raisons de boire. Boire. C'était tout ce dont il avait besoin. La fumée de son esprit enfiévré semblait lui sortir par les oreilles et le nez et il brûlait plus que jamais. Ses pensées lui criaient d'ouvrir une bouteille, de se saouler jusqu'à la fin des temps. La crainte lui mangeait le ventre au point qu'il en avait mal.
Il était pris de frissons et la sueur sur son front perlait. Agrippé au comptoir de sa cuisine, Maxime tentait de rester debout, laissant passer une vague de migraine qui lui donnait la nausée. Il n'avait qu'une envie, pour oublier son inconfort, c'était de boire, et vite. Mais il se rappela soudainement de ce que Sidjil lui aurait dit. Sidjil. La seule pensée claire qu'il avait était de lui, à présent. Il appela le modèle sur son téléphone, avec difficulté car il voyait un peu flou, n'écoutant pas sa conscience qui lui criait qu'il ne résisterai pas toujours à la tentation. Il avait peur de tout gâcher, de se tromper, que tout ce qu'il entreprendrait serait voué à l'échec. Ses rêves étaient hantés par Léo et Sidjil. Maxime était perdu dans sa tête, plus que jamais.
L'arrivée du modèle rapporta à Maxime une petite vague d'euphorie qui calma toutes ses pensées négatives. Sauf l'envie de boire, mais elle était bien plus faible à présent. Sidjil ne fit aucun commentaire sur la raison de son appel et proposa une partie de jeux vidéo. Maxime accepta et, épuisé par le manque, perdait à chaque partie sous les rires du plus grand. Ses paupières étaient lourdes et il lui semblait que des marteaux lui frappaient les tempes. Malgré la présence de Sidjil, Maxime sentait la nausée débarquer à nouveau.
-Sid, j'me sens vraiment pas bien là...
Le modèle lui prit la main et entoura ses épaules de son bras. Ses doigts dans ses cheveux semblaient atténuer sa douleur et il se laissa porter. Sa tête tomba sur son épaule et il inspira doucement. Sidjil jouait avec ses mèches, doucement, presque tendrement, et ses paupières tombèrent enfin. Il lui chuchotait des « ça va aller » tout en massant son crâne et Maxime se sentait partir dans un sommeil lourd mais doux. C'était une de ces rares fois où son sommeil était paisible, non pollué par des cauchemars. Un sommeil sans rêves qui le berçait doucement, prenant avec lui toutes ses douleurs.
Il sentait sa main triturée par celle de Sidjil, et il ouvra doucement les yeux. Il n'avait plus mal au crâne et sa vision était plus claire. Le modèle traçait lentement les lignes de sa main avec son index, s'attardant sur chaque croisement et chatouillant la paume de Maxime. Il lâcha un petit rire tout en interrogeant Sidjil.
-Tu fais quoi ?
-Regarde ta ligne de vie, t'en as pas pour longtemps Max...
-Mais ta gueule, marmonna-t-il.
-Par contre la ligne de cœur... elle est super longue.
-Jure ?
Maxime ramena sa main près de son visage afin de l'examiner. Le modèle continuait de se moquer du plus petit mais ne cessait pas ses caresses dans ses cheveux. Maxime était plus qu'à l'aise, et son cœur faisait vibrer sa poitrine. Il oubliait son angoisse et sa peur, et il se sentait en sécurité, là dans ses bras, à l'abri de tout danger. Il se laissait tenter par tous ses gestes à son attention, le rendant dépendant de tout ce qu'il pouvait lui faire. Les sensations qui le prenait étaient addictives et Maxime ne savait pas s'il pourrait résister longtemps. Puis il se rappela de comment il aimait passer du temps avec Léo à l'époque, et comment l'histoire avait fini. C'était trop dur, trop injuste pour lui de prendre le risque de tout perdre. Il s'était reconstruit, du mieux qu'il le pouvait, en prenant connaissance de ses limites. Mais celles-ci étaient maintenant si lourdes qu'il ne pensait jamais retomber amoureux. Trop de risques. Les conséquences seraient trop importantes, trop dures sur lui. Il se laissait déjà assez abattre par l'alcool et la peur, il n'avait pas besoin d'en rajouter une couche.
-J'ai besoin d'air.
Maxime se leva rapidement du canapé afin de rejoindre la fenêtre et de l'ouvrir. Il inspira un grand coup, fixant ses yeux sur le croissant de lune qui se pointait entre deux nuages. Sidjil le rejoint peu après, une cigarette entre ses lèvres, un briquet dans la main. Il l'observa l'allumer, et se surpris à apprécier la couleur de sa peau sous la lumière de la petite flamme. Il s'imaginait déjà en train de mélanger différentes couleurs de sa palette de peinture pour trouver la teinte parfaite. Puis la pigmentation de ses lèvres, sous l'effet du feu, était si vibrante et saturée qu'il aurait presque voulu s'en rapprocher afin de mieux les étudier.
-Tu veux tirer?
-Pourquoi pas.
-J'te vois fixer ma clope alors...
-C'est pas ta clope que je regarde.
Les lèvres du modèle s'étirèrent grandement. Après y avoir jeté un dernier coup d'œil, Maxime lui prit la cigarette des doigts et la porta à sa bouche. La fumée qu'il expulsa par son nez lui rappela sombrement celle qui prenait tout l'espace dans sa tête actuellement. Il posa son crâne contre le rebord de la fenêtre, tout en tirant à nouveau. Il apprécia la brûlure de sa gorge au passage de la fumée, enivré par l'amertume du goût qu'il avait en bouche. Il recracha son petit nuage vers la lune, puis baissa ses yeux vers le modèle. Ce dernier le contemplait avec une tendresse infinie, et Maxime tentait de maintenir son regard dans le sien sans ciller.
-Tiens.
Sidjil repris le mégot dans ses mains, ses yeux toujours ancrés dans ceux de l'artiste. L'air frais glaçait les tripes de Maxime, mais pas autant que le frisson qui le parcourait. Le modèle l'observait en fronçant les sourcils, puis il commença à s'approcher, doucement, lentement, et Maxime cru perdre son souffle. Pris par une pulsion, il baissa la tête et s'extirpa de la fenêtre.
-Viens, on va dormir, j'suis crevé.
Sidjil ne lui répondit pas, mais mis un moment à le suivre dans sa chambre. Maxime était déjà couché, prêt à dormir, mais il lui manquait quelque chose. Lorsque le modèle éteint la lumière avant de s'installer à son tour, l'artiste attrapa son bras pour plus de confort. Il sentit sa main se glisser dans la sienne, et se plongea dans un sommeil lourd mais réparateur.
Lors de son réveil, il était seul. Il regarda autour de lui, sentant la fraîcheur des draps, et vit un petit mot sur sa table de chevet. « Parti acheter des clopes ». Il fut rassuré, puis un bruit le réveilla de plus belle. Son téléphone sonnait et il décrocha sans réfléchir.
-Allô ?
-Salut Maxime. Tu réponds enfin.
Il se redressa instantanément. Pas lui, pas encore.
-Ne raccroches pas, sinon tu vas le regretter.
-J'vois pas comment je pourrais.
-Je te manque Maxime, je le sais.
-Détrompe toi, je m'en bat vraiment les couilles de toi.
-Fils de pute, tu me parles pas comme ça !
Même s'il n'était qu'au bout du fil et qu'il était en sécurité chez lui, Maxime prit peur. Le ton qu'il avait employé le prévenait de la suite.
-Je vais venir chez toi et on va discuter.
-C'est hors de question !
-Je sais où t'habites, Max. J'arrive dans quelques minutes.
L'air quitta ses poumons et son cerveau s'enflamma à nouveau. Il était ivre de panique, incapable de répondre quoi que ce soit. L'appel se coupa et soudainement il revint à la réalité. Son esprit embrumé lui rendait la vision trouble et son instinct lui dit d'appeler Sidjil. Mais aucune réponse ne lui parvint. Après quatre appels et une vingtaine de messages, il entendit taper à sa porte. Son cœur quitta sa cage thoracique et il était tétanisé par la peur.
Maxime se déplaça lentement vers sa cuisine, et le bruit de ses pas se fondait dans le boucan que faisait la personne devant chez lui. Il n'osait pas s'en approcher, craignant ce qui l'attendait derrière sa porte. Puis les bruits stoppèrent, et il entendit des cris. La voix de Sidjil se fit plus forte que l'autre, et c'est tout ce qu'il fallu à Maxime pour se diriger vers la porte et l'ouvrir. En face de lui, les deux hommes tournèrent leurs regards sur lui et il se sentit dépérir. Léo était bien là.
-Max, laisses moi rentrer.
-Je t'ai dis de pas lui adresser la parole, maintenant dégage.
Il sentait le malaise arriver. Mais plus il regardait Léo, plus il sentait sa peur s'enfuir pour faire place à de la colère. Comment osait-il se tenir là, et espérer ne serait-ce qu'un sourire de la part de Maxime ? Après toutes ces années d'harcèlement, à le suivre partout ?
-Tu dépasses vraiment mes limites Léo.
-Laisses moi m'expliquer, je-
-Non. Non, non et non ! Tu me les brises, quand c'est que tu comprendras que je veux plus de toi, je t'aime plus, je suis passé à autre chose, maintenant barre-toi de ma vie, je t'en prie...
Il allait craquer. Il n'en pouvait plus, et il avait besoin de tout expulser. Léo resta muet quelques secondes, puis se tourna vers Sidjil, qui restait de marbre tout en maintenant ses yeux sur Maxime.
-Pourquoi il est là, lui ?
-Parce que c'est mon mec, je te l'ai déjà dit, murmura Sidjil.
-Ferme-là toi, je parle à Max.
-Ne lui parle pas comme ça.
-Laisses moi rentrer.
-Non.
Maxime croisait les bras, pris d'un courage important. Il confrontait enfin son ex pour toute la misère qu'il lui avait donné. Mais Léo se retourna vers lui et avança d'un pas, avant de se faire bloquer par le bras de Sidjil. Il prit un air mesquin, avant de prononcer ses mots sur un ton amusé, ses yeux noirs semblant vouloir réduire Maxime en cendres.
-Max, je te rappelle que tu disais jamais non avant.
Ce fut la phrase de trop pour Maxime. Il ne put empêcher sa main de se lancer vers la joue de Léo, et lui donna une claque de toutes ses forces. Léo tomba presque à la renverse, et son regard devint plus noir que jamais. Il s'approcha à son tour dangereusement de Maxime qui réalisait à peine ce qu'il venait de faire.
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voilà, ptit chapitre de plus! j'ai mis du temps à l'écrire mais il est enfin là :)
jme permet de vous montrer la nouvelle image de l'histoire, j'ai fais une ptite illustration pour la fanfic!!! voilaaa j'espère que ça vous plait!
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