3.
Les prochains jours, Maxime ne vit pas Sidjil. Il l'attendait patiemment au tabac, pensant le croiser comme d'habitude. Le premier jour, Maxime se dit que c'était juste parce qu'il fumait peut être moins. De toute façon, il le reverrait au cours de dessin. Maxime avait pu arranger ses horaires afin de pouvoir y aller tous les soirs s'il le voulait. Mais ce soir là, pas de Sidjil en vue. Peut être que Maxime s'était emballé à vouloir y participer tous les jours, ce n'était pas forcément l'intention de Sid de poser presque nu tous les soirs. Parce qu'il avait fait ce choix pour s'améliorer au dessin, et pas pour avoir une chance de le croiser. Pas du tout.
Au bout de trois jours sans le voir, Maxime commença à s'inquiéter. Il regrettait de ne pas lui avoir demandé son numéro de téléphone. Il commençait à se dire qu'il s'était vraiment emporté sur cette nouvelle rencontre, et qu'il ne devrait pas ressentir du manque pour cet individu qu'il ne connaissait pas vraiment. Enfin, pas encore, il l'espérait. Lors des cours de modèle vivant, Maxime eût du mal à prendre du plaisir comme d'habitude. Son trait était tremblant, son anatomie imparfaite et ses visages manquaient d'âme. Cela lui arrivait de temps en temps, comme à tous les artistes, mais il ne pu s'empêcher de se dire qu'il ne dessinait pas comme il le souhaitait parce qu'il n'avait pas son modèle préféré. Il voulait tracer sa silhouette, ombrer ses muscles, et donner cet éclat à ses yeux qui rendaient au final le dessin vivant.
À la fin d'un des cours de cette semaine, Maxime s'approcha de son professeur pour lui demander des nouvelles de Sidjil. Le vieux monsieur lui dit qu'il devrait être la dès lundi prochain. Maxime, rassuré mais toujours inquiet, se contenta de cette information et essaya d'être patient. Le week-end arrivait à grand pas et son humeur se déclinait peu à peu. Il avait l'habitude de rechuter, mais ça faisait toujours mal, et il se sentait honteux. Maxime était en train d'ouvrir une bière, la troisième de sa petite soirée solo, lorsqu'il reçu un message d'un numéro inconnu. Son cœur bondit dans sa poitrine à l'idée qu'il s'agisse de Sidjil.
« salut toi ;) ». Maxime déglutit. Ne voulant pas se réjouir tout de suite, il répondit un « salut, c'est qui ? ». Il n'eût pas à attendre longtemps avant d'avoir une réponse. Évidemment qu'il ne s'agissait pas de Sid mais bien de Léo. Maxime avait déjà changé de numéro plusieurs fois à cause de lui, mais il trouvait toujours un moyen de le récupérer. Il bloqua le numéro instantanément et jeta son téléphone sur son lit. Son visage dans ses mains, il respira un bon coup avant de revenir à sa bière. Il avait de plus en plus peur et ne savait pas vraiment à qui en parler. Depuis la fin de ses études, il avait perdu contact avec ses amis proches, surtout à cause Léo qui poussait des crises de jalousie intenses. Et pour sa famille, c'était compliqué. Il avait déménagé loin d'eux pour ses études, et avait choisit de vivre seul dans cette grande ville. Ses parents savaient qu'il avait eut un copain, mais il n'avait toujours pas trouvé le courage de leur annoncer la rupture. Il préférait ne pas les inquiéter et leur faire croire que tout allait bien dans sa vie.
Le lundi matin était particulièrement rude pour Maxime. Il avait bu tout le week-end et on voyait sur son visage le peu d'heures de sommeil qu'il avait réussi à accumuler. Mais il se pointa au tabac dès huit heures et essaya de sourire aux clients matinaux, qui bien évidemment ne lui rendaient jamais. Il se sentait misérable et commençait à regretter le petit déjeuner qu'il s'était forcé à manger. Maxime était assis sur un petit tabouret derrière le comptoir, le temps de se remettre de sa nausée, lorsque la porte s'ouvrit et un « Bonjour ! » joyeux le fit sursauter. Ses yeux se posèrent sur la silhouette d'un grand brun qu'il avait mémorisé parfaitement.
-Sid ! Salut !
Maxime, malgré son état, portait un sourire rayonnant, reflétant celui de Sidjil. Il essaya de cacher son euphorie en se retournant et en cherchant le paquet de cigarettes qu'il préférait. Étant le seul client, Sidjil en profita pour prendre ses aises et s'appuyer sur le comptoir afin de se rapprocher de Maxime. Ce dernier posa le paquet devant lui et leur regards se croisèrent encore.
- Comment tu vas ?
- Moi ça va niquel mais et toi ? Je t'ai plus croisé aux cours...
-Je sais, j'étais malade, mais je t'assure que je compte y être chaque soir de cette semaine, dit-il en accordant un léger clin d'œil à Maxime.
Ce dernier se sentait mieux depuis l'arrivée de son ami. Il se sentit rougir mais continuait de le regarder en souriant bêtement. Sidjil sortit un billet et pris la main du plus petit pour lui donner. Il frissonna au contact de sa peau et baissa la tête.
-Par contre, tu mens, je vois bien que ça va pas du tout, je suis pas dupe.
Maxime, interloqué, leva la tête et fronça les sourcils.
-Bah je vais très bie-
-Non mec, je te rassure t'es toujours aussi cute, mais tes cernes prouvent que j'ai raison.
Maxime haussa les épaules. Il allait bien, tout allait très bien. Il s'amusait juste parfois, c'est tout. Puis il réalisa ce que le grand brun venait de dire. Cute ? Il avait un petit sourire en coin et ne lâchait pas Maxime des yeux.
-Bon, tu finis à quelle heure ?
-Euh... Dix-neuf, pourquoi ?
-J'me suis dis qu'on pourrait aller boire un p'tit coup, avant le cours ?
Maxime, prit au dépourvu, se figea et ne répondit pas tout de suite. Il chercha dans le regard de Sidjil quelles étaient ses intentions. Il ne pouvait pas s'empêcher de se méfier, surtout à cause de son ex. Puis il fut attendri par le regard du modèle. Il faisait une petite moue, toujours en fixant Maxime, et il ne pu que sourire en retour.
-Okay, pourquoi pas.
-Super ! Je passerai te chercher.
Sidjil n'avait pas menti. Dès dix neuf heures, il se retrouvait encore au tabac, prêt à récupérer Maxime. Il l'emmena dans un petit café pas loin du cours, et ils s'installèrent sur une petite table de deux, sur la terrasse. Maxime, une fois assis, regardait autour de lui, réalisant que Léo, qui savait où se trouvait la salle de cours, pourrait se retrouver dans ce café.
-Max, ça va ?
-Euh ouais, c'est juste que je suis un peu parano.
-Il t'as pas encore emmerdé l'autre ?
-Ah ! Si si, il a réussi a choper mon numéro, je sais pas comment...
-Ah ouais donc lui il a droit à ton num et pas moi ?
Maxime leva la tête. Il vit que Sidjil avait l'air sérieux.
-Fallait me demander, dit il timidement, après avoir pris une gorgée de sa bière pour le courage.
Il lui passa son téléphone afin qu'il entre son numéro dedans. Leurs doigts se touchèrent. Il se racla la gorge et sortit deux cigarettes, pour en offrir une à Sidjil.
-Il me suit partout, il me lâche jamais. Je crois que ça fait deux ans que ça dure.
-Mais, mais, c'est pas possible. Mais si je le croise...
Maxime esquissa un sourire. Le modèle, lui, restait de marbre. Son verre semblait à deux doigts d'exploser dans ses mains. Mais pourquoi Sidjil était autant investi dans cette histoire ? Il cherchait son briquet mais le modèle fut plus rapide et alluma le sien, incitant Maxime à décaler sa chaise pour se rapprocher de lui. Sidjil était toujours très fluide dans sa manière d'approcher le plus petit, et ça lui plaisait. Pendant un instant, ils fumaient sans parler, profitant des derniers rayons du soleil.
-J'ai hâte de poser tout à l'heure.
-Mais t'es pas mal à l'aise de poser presque à poil devant tous ces gens ?
-Maxime, j'ai pas de raison d'être mal à l'aise.
Il prit une gorgée de sa bière mais manqua de s'étouffer suite aux paroles de Sidjil. Le rouge lui montait une nouvelle fois aux joues. Le modèle eût l'air de le remarquer et sourit en prenant une gorgée. Maxime fit de même, finissant son deuxième verre. Il chercha du regard un serveur mais sentit une main sur son avant bras.
-Mec te ressert pas, tu vas dessiner de travers après.
-Boh tu sais j'ai l'habitude.
-Comment ça ?
-Euh...
Il avait sorti ça sans réfléchir. Il pensait à comment répondre au modèle sans trop dévoiler sa vie privée et ses problèmes. Mais alors qu'il allait se mettre à parler, un serveur arriva pour qu'ils payent leurs consommations. Maxime remercia silencieusement le serveur d'avoir interrompu leur conversation. Ils décidèrent que c'était le moment de partir, et se dirigèrent vers la salle de cours. Sur le chemin, Maxime titubait de temps en temps.
-Mais mec t'as bu que deux bières je comprend pas là, dit il en rigolant.
Mais ce qu'il ne savait pas, c'est qu'aujourd'hui, Maxime s'était permis une bière ou deux, ou trois, dans la journée pendant ses pauses. Mais il ne pouvait pas expliquer ça à Sidjil. Alors il se contenta de s'appuyer sur le bras qu'il lui tendait. Il marchèrent comme ça jusqu'au cours puis se lâchèrent lorsqu'il fallait s'installer. Mais de temps en temps, Maxime lançait un regard vers la porte de l'autre pièce, espérant que son modèle préféré sorte.
Ce cours était spécial : ils devaient se concentrer sur les visages et non sur les corps. Donc, à la grande déception de Maxime, aucun modèle n'allait se dévêtir ce soir. Mais par contre, il allait prendre un malin plaisir à dessiner le portrait de Sidjil, car cette fois il avait une excuse pour le fixer pendant des dizaines de minutes. Maxime, déjà impatient, était déçu de découvrir que son modèle serait le dernier de la soirée. Mais bon, le meilleur pour la fin.
Maxime s'appliquait, et son trait était tellement juste qu'il n'utilisait presque plus sa gomme, oubliée au fond de sa trousse. Ses portraits étaient très réussis, mais ils manquaient de quelque chose. Mais quoi ? Il avait fini l'avant dernier portrait quand il sentit un regard sur lui. Sidjil, attendant son tour, se tenait debout les bras croisés, les yeux rivés sur Maxime. Il lui lança un petit sourire qu'il lui rendit. C'était enfin à son tour de poser, et Maxime se réinstalla dans sa chaise pour être plus confortable. Sidjil choisit de s'asseoir simplement face aux élèves et adopta une expression de visage neutre. Maxime n'était pas surpris de voir que Sidjil choisit de le fixer, mais il était quand même intimidé.
Les élèves autour d'eux disparaissaient de sa vision, et il ne voyait plus que lui. Il commença par positionner les premiers traits de construction, et une fois qu'il en était satisfait, s'attaqua au dessin. Son crayon suivait la courbe de son nez, droite et nette, et Maxime était perdu dans son dessin. Lorsqu'il en arrivait aux yeux, il réussit à capturer l'intensité de son regard, tout en laissant une touche de lumière qui animait tant son visage. Il avait tellement bien réussi à le dessiner qu'il se mit à rougir devant son dessin.
Sidjil décida de raccompagner Maxime cette fois aussi. Le plus petit ne manqua pas de le remercier plusieurs fois, et ils discutèrent de tout et de rien. Maxime en oublia sa nausée et sentait une chaleur douce dans son ventre. Ils se quittèrent devant l'immeuble de l'artiste, et le plus grand fit un pas en avant puis pris la main de Maxime dans la sienne, et lui chuchota un « Bonne nuit ». Maxime était aux anges. Avant de dormir, il contempla son portrait de Sidjil et se perdit dans ses yeux. Ses doigts se baladaient sur le dessin, effleuraient sa barbe, son nez, ses cheveux, et il se surpris en train de s'imaginer le faire sur son vrai visage, pas sur une page de son carnet. Il s'endormit le carnet sur lui, et tomba paisiblement dans des rêves doux où il peignait sa muse dans des décors époustouflants.
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