2.

Le lendemain matin, Maxime se rendit à huit heures au tabac. Il n'était pas très motivé et surtout, il était stressé. Stressé de re croiser le client-modèle, si indéchiffrable mais si intriguant. Il n'avait pas trop la force de sourire, sûrement à cause de son mal de crâne. De temps en temps le soir, il se prenait quelques bières en regardant un de ses films préférés ou de bonnes vidéos sur YouTube. Une mauvaise habitude qui parfois lui retombait dessus, comme aujourd'hui. Il n'avait pas osé regarder son reflet dans le miroir ce matin, alors il n'avait aucune idée de l'état de ses cernes. Les clients du jour étaient particulièrement désagréables. Peut être parce qu'il avait la flemme de leur sourire. Par la faute de sa mauvaise habitude, il avait peu et mal dormi. Lors des heures creuses, il eût tendance à s'assoupir sur le comptoir, la tête reposant sur sa main. Jusqu'à ce qu'un client entre et le fit sursauter.

- Bonjour !

Quoi ? Un client poli ? Maxime se releva rapidement et se figea. C'était le client-modèle-beau gosse. Il se tenait là, face à lui, tout souriant, et n'avait pas du tout l'air gêné de la situation.

-Euh... Bonjour...?

Le client sourit de plus belle.

- J'peux t'aider ? Dit Maxime en essayant d'arrêter de rougir. Il ne comprenait pas pourquoi il était tant intimidé par ce mec.

- Comme d'hab, s'il te plaît. Et euh, tiens, t'as laissé tomber ça hier.

Il déposa sur le comptoir une petite gomme carrée. Les yeux de Maxime s'écarquillèrent. Sa gomme! Il attrapa le petit objet et l'examina comme pour vérifier que c'était bien à lui. Il leva la tête et ne pu s'empêcher de sourire au client.

- Merci! Dit-il timidement. Ce n'était qu'une gomme, après tout. Il n'y avait pas de quoi en faire tout un plat.

Il attrapa la marchandise que le client avait demandé, se rappelant parfaitement quelle marque il désirait. Il déposa le paquet sur le comptoir et releva la tête vers le client qui n'avait toujours pas de nom. Il devrait lui demander. Mais pour quelle raison ?

- T'as dis bonjour cette fois, dit Maxime en se donnant une claque mentale.

L'autre arqua un sourcil, toujours aussi souriant. Il sortir un billet de vingt et le fit glisser lentement vers la main de Maxime qui reposait sur le bord du comptoir. Ce dernier attrapa le billet pendant que le client continuait de le fixer. Maxime lui rendit la monnaie sans rien dire, attendant une réponse du client.

-Et je dis merci aussi. Il lui fit un clin d'œil.

Maxime se mit à sourire bêtement face à son client.

-De rien... Et sinon c'est quoi ton nom ?

-Sidjil et toi ?

-Maxime !

-Enchanté Maxime !

Maxime, qui souriait toujours, remarqua la file d'attente derrière Sidjil. Pris de panique, il retourna son regard sur ce dernier.

-À ce soir... peut être ?

-À ce soir, Maxime.

Que venait-il de se passer ? Maxime essaya du mieux qu'il pouvait de se concentrer sur les clients suivants. Mais son esprit le laissait divaguer sur des images du sourire de Sidjil. Il espérait vraiment le revoir ce soir. Après tout, il avait l'air sympathique, si on oubliait son côté malpoli. La fin de la journée approchait peu à peu et Maxime se sentait de plus en plus mal. Son mal de crâne s'était intensifié, et il avait maintenant la nausée. Mais il ne pouvait pas rentrer se reposer et rater le cours de modèle vivant, il y tenait bien trop. Maxime se dirigea donc vers l'établissement du cours. La tête qui tourne, il dû s'appuyer contre un arbre pour éviter de perdre l'équilibre. Mais il était hors de question d'abandonner. Ne réalisant pas comment il y était arrivé, Maxime, essoufflé, se tenait devant l'entrée de la salle de cours, qui donnait sur une petite impasse. Il regarda son téléphone et constata qu'il était en avance. Il décida de s'asseoir sur le banc destiné aux pauses clopes. Maxime ne fumait que de temps en temps, lorsqu'il était très stressé. Il vit une silhouette dans l'ombre qui se dirigeait vers lui. Sûrement un autre élève ou un modèle. Mais lorsqu'il vit son visage, un frisson d'horreur lui parcouru tout le corps.

-Léo ?

-Je t'ai manqué ?

-Tu fous quoi ici.

-Je viens dessiner.

Maxime fronçait les sourcils. Léo, c'était son ex. Ils avaient étudié dans la même école, et s'étaient fréquentés pendant deux ans. Mais depuis le temps, Maxime était passé à autre chose et Léo non. Il lui écrivait souvent, apparaissait dans des lieux improbables où Maxime se trouvait, et cherchait toujours désespérément à reconquérir Maxime. Ce dernier en avait marre et commençait à sérieusement avoir peur. La nausée et la migraine n'aidaient vraiment pas. Léo n'était pas vraiment violent, enfin, c'est ce que Maxime disait à son entourage. Il ne mentionnait jamais les fois où il avait fini le nez en sang. Il se leva du banc et s'éloigna de Léo.

-Maxime, écoute moi s'il te plaît.

-J'ai pas envie de t'écouter, j'ai envie de dessiner donc casses toi.

Maxime sentit une main lui attraper fermement le bras. Il se retourna et découvrit avec horreur que Léo le retenait. Il le fusilla du regard en se débâtant. Il entendit la porte de la salle s'ouvrir mais n'y accorda pas d'attention. En voyant cet élève qui sortait sûrement fumer, Léo lâcha le bras de Maxime et fis comme s'il lui caressait le bras et l'épaule. La nausée s'empara de plus belle de Maxime.

-Donne moi cinq minutes. Je te jure que t'auras envie d'en savoir plus.

-J'ai pas cinq minutes à t'accorder, lâche moi Léo...

-Redonne moi au moins ton numéro, que je puisse t'appeler.

Maxime subissait son regard noir et essayait de reculer mais son emprise sur lui était trop forte. Il allait sortir son téléphone, persuadé que c'était le seul moyen que Léo le laisse tranquille, mais il se fit interrompre par le fumeur derrière lui.

-Le cours va commencer Maxime, on devrait rentrer.

C'était Sidjil. Avait-il tout entendu ? Qu'avait-il compris de cet échange ? Le cours allait-il vraiment commencer ou était-ce une façon de le sortir de sa situation ? Maxime sentit qu'il lâchait enfin son bras et se tourna vers Sidjil, qui lui avait son regard fixé sur Léo. Un regard sombre. Maxime se dirigea vers lui, et Léo ne le suivi pas. Lorsqu'il arrivait au niveau de Sidjil, il sentit sa main glisser dans son dos, le dirigeant vers l'entrée.

-Ça va ? Demanda t-il en regardant à nouveau Maxime.

-Oui oui, t'inquiètes... il regarda derrière lui et vit son ex partir.

-T'es sûr que ça va mec ? C'était qui lui ?

Maxime arqua un sourcil. Pourquoi Sidjil lui posait toutes ces questions ? Il le connaissait à peine. Mais il ressentait tout de même une chaleur dans son cœur à l'idée que le client beau gosse s'intéressait à lui.

-Euh... Un mec relou. 'Fin... c'est mon ex.

Il observa le visage de Sidjil, essayant de trouver un signe qui montrerait que son attirance pour les hommes serait un problème. Mais il ne vit rien de tout ça. Il y voyait juste de la colère, et aussi un air rassuré... ?

-Il a vraiment l'air bizarre.

-Je confirme. Bon euh... Je vais m'installer, dit Maxime en montrant sa chaise habituelle.

Sidjil lui accorda un petit sourire et hocha la tête. Mais en s'asseyant, Maxime sentait toujours son regard sur lui. Il se sentit rougir. Lorsqu'il sortait ses affaires, le prof annonça l'organisation du cours. Aujourd'hui, un seul modèle était disponible. Maxime comprit de qui il s'agissait et sourit à l'idée de passer deux heures, trois, quatre heures à dessiner cet homme. Il se sentait mieux, il avait toujours mal à la tête mais n'avait plus la nausée.

Le modèle enleva son peignoir et commença à poser, avec un visage sérieux. Il s'élançait, s'asseyait au sol, montrait ses muscles de tous les côtés et Maxime n'en ratait pas une seconde. Il dessinait plus vite, ses traits étaient plus justes et plus lisibles. Il prenait le temps d'ombrer certaines zones, et il enlevait de la matière par endroits. Pour chaque pose, il capturait parfaitement les traits du corps et du visage de Sidjil.

Le cours passa plus rapidement qu'il ne l'aurait voulu. Il avait bien rempli son carnet, mais il en voulait encore, il ne voulait pas s'arrêter. Lors de la dernière pose de Sidjil, Maxime se retrouva encore face au modèle, qui était allongé sur le côté, s'appuyant sur son coude. La position était parfaite, la lumière dessinait des ombres mettant en valeur les muscles de son corps et son regard était profond. Maxime était le dernier dans la salle, en train de rajouter quelques traits à son dessin, mémorisant la pose.

-J'peux voir ?

Sidjil se tenait face à lui, en train d'attacher son peignoir. Maxime leva les yeux en profitant de regarder de bas en haut son interlocuteur. Il rougit une fois de plus en voyant le sourire en coin de Sidjil.

-Euh, en fait, je... J'ai pas l'habitude de montrer mes dessins, je sais pas...

-Aller, j'ai le droit, c'est moi sur le dessin.

Maxime hésita quelques secondes puis donna son carnet au modèle. Il le pris de ses mains et leurs doigts se touchèrent. Il appréhendait la réaction de son nouvel ami. Ami ? Étaient-ils déjà amis ?

-Mes biceps ils sont plus gros non ?

Maxime releva la tête vers Sidjil, interloqué. Puis il le vit rire et décida de rire aussi.

-Non franchement je crois que tes dessins sont mes préférés de la classe. Je me reconnais vraiment dans ton trait, t'es vraiment bon.

L'artiste en question baissa la tête et ses joues s'empourprèrent.

-Merci...

Sidjil rigola encore et partit dans la pièce à côté, sûrement pour se changer. Maxime en profita pour ranger ses affaires, en prenant soin de ne rien oublier cette fois-ci, et il sortit de la salle de cours. Il respira un instant, se demandant s'il devait attendre Sidjil pour se dire au revoir. Puis il réalisa qu'il allait devoir rentrer à pied, et que Léo aurait très bien pu attendre la fin du cours pour le suivre. Maxime fut coupé dans ses pensées par le bruit de la porte de la salle.

-Re bonjour, toi.

-Hey...

-Tu rentres pas ?

-Bah euhh... Maxime regarda la rue en face de lui et déglutit.

-Si tu veux, je te ramène.

-Quoi ?

-Si t'as peur que l'autre fou soit à tes trousses.

Maxime considéra cette proposition. Il avait vraiment, vraiment envie d'apprendre à connaître Sidjil. Et puis, c'est vrai que se faire raccompagner chez soi dans ces conditions était idéal. Surtout par lui. Il sortit une cigarette, et Sidjil fit de même.

-Non mais t'inquiètes, j'ai pas envie de te déranger.

-Ah mais ça me dérange pas du tout, Max. J'peux t'appeler Max ?

-Seulement si je peux t'appeler Sid alors.

Le modèle se mit à sourire à l'entente de son surnom. Il pencha la tête en regardant Maxime, et sortir un briquet de sa poche.

-Approche.

Il fit apparaître une petite flamme et Maxime approcha sa tête de la sienne afin d'allumer leurs clopes. Face à cette proximité, Maxime sentit le rouge lui monter aux joues.

-Bon aller, t'habites vers où ?

Maxime n'habitait qu'à dix minutes de la salle de cours. Sur le chemin, ils entamèrent une discussion. Le modèle voulait savoir depuis quand le plus petit dessinait, et lui répétait qu'il était très doué de ses mains. Maxime lui racontait son parcours scolaire, sa passion pour le dessin, expliquant comment il était tombé sur ce cours. Sidjil expliqua qu'il cherchait à gagner de l'argent et qu'il était tombé sur une annonce de modèle vivant. Une fois arrivés devant l'immeuble de Max, un silence se forma.

-Bon bah... Merci beaucoup de m'avoir raccompagné Sid...

-C'est normal, Max. On se voit demain ? Dit-il en posant sa main sur son épaule.

-Ouais ! Bonne nuit !

Il restèrent comme ça pendant quelques secondes. Puis Sidjil enleva sa main en reculant.

-Bonne nuit Maxime !

Il s'en allait dans l'ombre et Maxime n'avait toujours pas ouvert la porte. Un sourire se posait sur ses lèvres, tandis que la silhouette de Sidjil disparaissait au loin. Ce soir là, Maxime n'a pas bu.

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