11.
Il se réveillait seul dans son lit d'enfance, le soleil déjà assez bas pour éclairer son visage. Il mit quelques secondes à se rappeler comment il était arrivé là, une migraine s'installant dans sa tête. Un sourire vint étirer ses lèvres malgré la douleur, repensant à la nuit qu'il avait passé en compagnie de Sidjil. Il enfouissait sa tête dans son coussin, se remémorant la soirée de la veille, et son cœur reprenait un rythme rapide. Ses lèvres douces mais fermes contre sa peau, les caresses de sa langue, de ses mains... Les images défilaient devant ses yeux et une petite braise relança le feu de son cœur. Mais rapidement la fumée monta jusqu'à son cerveau et il se sentit faillir.
Maxime commençait à paniquer. Mais qu'est-ce qu'il lui avait pris ? Il n'avait pas réfléchi, il avait juste écouté son cœur. Ses tempes brûlaient de douleur et son estomac se retournait. Il couru aux toilettes, sentant la nausée débarquer. Tout en vidant ses tripes, Maxime angoissait toujours plus. Les larmes coulaient sur ses joues et il essayait de reprendre sa respiration. Il avait enfin un ami proche et sincère, il ne pouvait pas se permettre de gâcher cette relation.
Une fois sa respiration calmée, il se brossa les dents. Il se faisait une raison : ce n'était qu'un jeu, et ils s'étaient laissés emporter par l'ivresse. C'était tout. Rien de plus. Quoi que, la façon dont il l'avait regardé, touché, embrassé... Non. C'était impossible. Sidjil avait l'air de l'apprécier, mais de là à partager ses sentiments... Non. Quels sentiments ? Plus il y réfléchissait, plus son stress augmentait. Il ne pouvait pas s'imaginer une suite. C'était flou, trop flou pour lui, et il préférait se laisser consumer par la peur que tenter de la vaincre et échouer.
Sidjil arriva dans la chambre, un plateau avec des croissants et du jus d'orange dans les mains. Maxime, lui, se remettait de sa crise d'angoisse. Le modèle posa le plateau sur le lit avant de s'asseoir à côté de lui. Il s'approcha de l'artiste et tout en prenant lentement le menton de Maxime dans sa main, il posa doucement ses lèvres sur les siennes, transmettant toute la douceur qu'il avait à lui donner. Maxime sentit son stress se dissiper et se réconforta dans la chaleur de Sidjil. Ils échangèrent un long regard, rempli des souvenirs de la veille, et Maxime était confus.
-T'as bien dormi ? Dit Sidjil en caressant ses cheveux.
-Mhmh.
-Max, ça va pas ?
-Non mais c'est la cuite, t'inquiètes, j'suis un peu mal...
Durant la journée, ils avaient peu discuté. Maxime donnait l'excuse de son mal de crâne et Sidjil n'y voyait que du feu. Ils préparèrent leurs valises, saluèrent la famille de Maxime et se déplacèrent jusqu'à la gare. Le trajet parut plus court que l'allée pour Maxime car il avait dormi pratiquement tout le long sur l'épaule de Sidjil. Ses pensées étaient brouillées et sa main dans la sienne ne l'aidait pas. Un peu avant l'arrivée, il se réveilla et observa leurs manucures. Un pincement au cœur lui rappela qu'ils avaient très bien joué leur rôle, peut être même un peu trop.
-On rentre chez toi Max ?
-Euh, ouais, pourquoi pas.
Le modèle ne releva pas la froideur du ton de Maxime mais tenta tout de même d'attraper sa main, en vain. L'artiste marchait rapidement vers son appartement, traînant sa valise derrière lui, et il n'arrivait pas à réfléchir clairement avec Sidjil collé à lui. Il ne faisait que raviver les flammes avec ses gestes doux et tendres. Il faisait déjà nuit, et le modèle allait sûrement dormir chez lui. Mais ce n'était pas comme ça que Maxime réussirait à y voir clair sur la situation.
Sa migraine lui donnait presque les larmes aux yeux lorsqu'ils arrivèrent chez lui. Il alluma les lumières et alla vider sa valise dans sa chambre sans un mot. Il entendit le modèle le suivre dans le silence de mort qui s'était créé. Il pliait un pull sans trop y faire attention et sentit des mains se poser sur sa taille. Sidjil posa sa tête sur l'épaule de Maxime et ce dernier ne pu s'empêcher de balancer la sienne en arrière. Il laissa tomber son pull et se retourna vers le modèle.
-T'es sûr que ça va Max ?
-Tout va bien Sid.
-Moi je pense que tu mens. Mais j'aimerais savoir pourquoi.
Maxime regarda au sol et posa son front contre le torse de Sidjil. Il prit une grande inspiration pour se concentrer mais fut attaqué par une vague du parfum du modèle, ce qui brouilla encore plus son esprit. Il releva son regard vers lui et se perdit dans ses yeux. L'air qu'ils partageaient était chaud et Maxime se sentait partir. Une main se posa sous son menton, le rapprochant peu à peu de lui, et Sidjil l'embrassa une nouvelle fois.
Il se débattait intérieurement contre ce baiser. Il tentait même de dire le nom du modèle pour le lui faire comprendre. Mais ses lèvres fondaient sur les siennes, le rendant muet. Il se laissait porter par le mouvement, n'ayant pas l'énergie de refuser quelque chose qu'il appréciait tant. Puis il se rappela de ses angoisses de ce matin, du jeu qu'il ne maîtrisait plus. Il posa sa main contre le torse de Sidjil, le repoussant doucement.
-Sid, qu'est-ce que tu fous ?
Le modèle, interloqué, stoppa net ses gestes et perdit son sourire. Il affichait une mine bien moins radieuse.
-Comment ça ?
-Bah y'a plus ma famille là.
-Hein ? Je croyais que-
-On était bourrés Sid, ça faisait partie du jeu...
Sidjil recula d'un pas et fronçait les sourcils. Son expression maintenant sévère ne rassura pas Maxime dans son choix.
-Attends, tu te fous de ma gueule ?
-Sid...
-Non mais... T'es sérieux ? Tu crois vraiment à ce que tu racontes ?
-Calme toi.
-J'suis calme.
Il croisa les bras comme pour confirmer son propos. Pourtant Maxime avait bien remarqué le changement brusque de son attitude. Il était tendu, élevait la voix et faisait de grands gestes. Maintenant son regard lançait des flammes.
-Tu vas me dire que je t'ai sucé pour faire semblant ? Annonça-t-il avec un sourire amer.
Le rouge monta aux joues de Maxime.
-J'ai pas dis ça.
-Si, clairement Maxime. Ouvre les yeux putain !
Ils se regardaient fermement, Maxime recevant un regard plus noir que le sien si c'était possible. Le modèle avait l'air d'avoir d'autres choses à dire, mais la nausée recommençait à hanter l'artiste. C'était trop.
-Tu sais quoi, c'est mieux si tu dors pas ici je pense.
-Ouais... Je pense aussi. Salut.
Le claquement de la porte d'entrée résonnait dans ses oreilles. Maxime était toujours planté là dans sa chambre, les larmes menaçant de tomber à tout moment. C'était trop d'émotions en une journée, trop pour son cœur. Mais à peine coulèrent-elles qu'il les essuya et se dirigea vers sa cuisine, une bonne idée en tête. De la vodka ferait l'affaire. Cette fois, il n'avait vraiment plus rien à perdre.
Il dévissa le bouchon de la bouteille et apporta le goulot à sa bouche sans prendre la peine de salir un verre. Il avait bien profité de son week-end, même un peu trop. Il ne pouvait pas empêcher ses regrets de faire surface : si Sidjil était vraiment sincère, Maxime s'était servi de lui. Mais ses sentiments étaient là eux aussi, inutiles sans l'autorisation de sa conscience pour agir dessus. Et si Sidjil n'était là que pour le sexe ? C'était également possible, et ça rendait ses sentiments bien plus problématiques. Il n'avait ni l'énergie ni l'envie de repenser à tout ça, ou même de s'occuper de son téléphone qui vibrait sans cesse.
Sidjil
20h19-max
20h26-stp viens on en parle
21h34-je suis sérieux j'ai besoin d'en parler avec toi...
21h52-tu peux pas me laisser comme ça sans explications...
22h38-je suis désolé si je suis allé trop loin, je pensais que...
Pendant les deux jours de congés qu'il lui restait, Maxime repris ses vieilles habitudes. Il passait la journée à boire et à se morfondre, cherchant une autre solution à son problème que de confronter son bourreau. Mais à part l'ignorer et donc être un connard, il ne pouvait rien faire. Il lisait le début des pavés qu'il recevait par message, sans cliquer sur les notifications. Sidjil était sûrement tellement énervé contre lui que ses messages pleins de reproches n'étaient pas les bienvenus dans la tête de Maxime.
Il ne pensait qu'à lui, qu'à ses baisers, ses caresses et ses mots doux. C'était si naturel, si fluide avec lui. Maintenant qu'il se rappelait des événements du mariage, il remarquait qu'il n'avait vraiment pas eu à faire tant semblant que ça. Mais c'était bien ça le problème. Il s'était tiré une balle dans le pied, à proposer ce jeu bizarre à Sidjil. Il devait faire face aux conséquences de sa propre bêtise et il savait qu'il aurait du mal à assumer. Mais voulait-il même assumer ses actes? Il avait peur, peur de perdre sa superbe amitié, de perdre sa sensibilité, de blesser son cœur une nouvelle fois. Il enchaînait les bouteilles de toutes sortes, les migraines et les vagues de nausée.
C'est avec grande difficulté qu'il alla au tabac pour travailler ce matin. Il était plus qu'épuisé, tous ses membres lui faisaient mal, sans parler de sa tête, et il peinait à garder les yeux ouverts. Il remarqua à peine le passant qui avait l'air d'attendre impatiemment l'ouverture de l'établissement. Maxime l'ignora et ouvrit le tabac, s'installa derrière le comptoir et leva les yeux vers le client qui avait l'air de ronchonner, et il reconnu enfin Sidjil. Il sentit son cœur faire un bond avant de s'effondrer au fond de son estomac.
-Max, je dois te parler.
-Pas ici, pas maintenant.
Le modèle restait de marbre, mais Maxime sentait bien qu'il était plus qu'énervé.
-J'ai pas ton temps Maxime. Il faut qu'on parle, point.
-Et je te dis que j'ai pas envie. C'est vraiment pas le moment. Maintenant laisse moi, ya des clients qui attendent, dit-il en posant violemment un paquet de Malboro sur le comptoir.
Si seulement les regards pouvaient tuer, Maxime serait libéré de son combat contre ses sentiments. Jamais Sidjil ne l'avait regardé d'une telle manière, et même s'il considérait qu'il méritait toute cette haine, il avait mal. Il aurait pu pleurer dès le moment où Sidjil passa la porte, si le client suivant ne lui avait pas demandé des cigarettes.
Son retour au travail signifiait aussi son retour aux cours de modèle vivant. Bien qu'il était effrayé d'y croiser potentiellement Sidjil, il se devait d'y aller, pour tenter de maintenir une des seules choses qu'il aimait dans la vie. C'est avec des petits pas qu'il se dirigeait vers la salle, cherchant des contre-arguments à donner au modèle comme excuse de son rejet. De toute façon, Sidjil méritait bien mieux que lui, il le savait.
Lorsqu'il arrivait devant la salle de cours, il ne fut pas surpris mais embêté d'y retrouver Sidjil qui fumait en l'observant, l'air de l'attendre de pied ferme pour avoir une discussion. Il n'était pas prêt, n'était même pas sûr de ce qu'il voulait lui-même. Sa seule arme était d'agir de manière agressive, afin de le repousser le plus possible. Il fuyait son regard. C'était la dernière chose dont il avait besoin, un regard lui rappelant tout ce qu'ils avaient échangé. Le modèle croisa les bras, confrontant Maxime à sa présence.
-Faut qu'on parle.
Un frisson d'horreur parcouru le corps de Maxime. Le ton qu'il avait employé n'était pas aussi mielleux que d'habitude. Il s'efforça de répondre avec un son tout aussi sec.
-Pas maintenant, Sid.
-Quand alors ? Je peux pas passer à autre chose du jour au lendemain moi.
C'était dur. Très dur de l'entendre parler comme ça. Mais il l'avait cherché.
-J'ai pas très envie d'en parler.
-Il va bien falloir Maxime.
-Et si je te dis que non ? Tu vas faire quoi, m'en foutre une ?
Encore une fois, Sidjil recula d'un pas face aux paroles de Maxime, l'air blessé.
-Max... Tu comprends pas.
-Oui, je comprends rien, t'as raison.
-Mais, ce qu'il s'est passé au mariage-
-C'était parce qu'on devait faire croire à ma famille qu'on était en couple. C'est tout.
-T'abuses vraiment.
-Moi j'abuse ? On a juste trop bien fait semblant.
-Oui, justement Maxime. Et t'avais pas l'air de faire semblant quand j'te-
-Ta gueule !
Quelque chose changea dans le regard de Sidjil. Peut être que Maxime était allé trop loin. En s'écoutant parler, il réalisait qu'il cherchait à se convaincre lui-même plus qu'autre chose. Mais c'était trop tard pour se rendre compte des choses telles qu'elles étaient. Il devait aller au bout de sa connerie.
-On est pas ensemble Sidjil.
-Oui, ça j'avais cru comprendre. Mais je pense toujours que tu crois pas un mot de ce que tu me dis.
Maxime ne répondit pas. Il était trop occupé à gérer son mal de tête qui lui prenait toute son énergie. Et ses yeux commençaient à se brouiller. Il les ferma un instant pour ne pas alerter Sidjil. Le modèle se déplaça vers la porte de la salle de cours et son sourire crispé glaçait le sang de Maxime. Il hésita, pensant soudainement qu'il avait tort, qu'il lui donnerait une chance, qu'il était prêt à l'aimer comme il l'aimait peut être déjà. Mais non. Il était tétanisé et n'en faisait qu'à sa tête, qui d'ailleurs était pleine de douleurs.
Le cours de dessin ne se passait pas comme d'habitude. Maxime ne se sentait vraiment pas bien et l'envie de vomir lui prenait toute sa conscience. Il dessinait sans trop s'intéresser aux modèles, attendant patiemment le tour de Sidjil. Peut être qu'ils allaient échanger un regard complice et que tout s'arrangerait. Son modèle préféré arriva sur l'estrade, se débarrassant lentement de son peignoir, et toute l'attention de l'artiste était portée sur lui. Le peignoir tomba dramatiquement au sol, et Maxime cru perdre son souffle: Sidjil était entièrement nu, et Maxime, bouche bée, ne pouvait regarder ailleurs.
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