Chapitre Onze

Penchée sur mon balcon, j'observe attentivement les invités déambulant dans l'allée centrale pour entrer dans le manoir. Comme chaque année, nos parents ont dépensé une petite fortune pour l'occasion. Chaque recoin de notre propriété est décoré avec soin pour donner une apparence de bal masqué qui n'est pas pour me déplaire. J'apprécie voir toutes ces personnes cachées derrière un masque dans de somptueuses robes de soirées. Aujourd'hui c'est notre anniversaire et malgré toutes mes pensées profondes, je sens mon humeur plus légère.

Je retourne dans ma chambre pour enfiler mes chaussures et mettre mon masque. Je serais éternellement reconnaissante à ma famille pour se donner tant de mal pour notre bonheur, ce qui me fait ressentir une pointe de culpabilité. Un soupir s'échappe de mes lèvres tandis que je dépose une fine couche de maquillage sur mes lèvres. Il est inutile de me prendre la tête, c'est une soirée spéciale alors je ne dois pas laisser mes craintes me dominer.

Je m'approche de mon miroir pour contempler mon reflet, satisfaite de mon changement de dernière minute. Le rouge est définitivement ma couleur, cela me transforme en une femme fatale et pleine de confiance. Les petites paillettes décorant le tulle est d'une beauté indescriptible et en harmonie avec le thème de ce bal. Les manches tombent sur mes bras apportant une touche d'élégance. Cela faisait longtemps que je ne me sentais pas aussi confiante.

― Est-ce que tu es présentable ?

J'entends la voix de mon frère derrière la porte. Je glisse mes pieds dans ma paire de chaussures dont le talon est suffisamment bas pour éviter une chute dans les escaliers. Un sourire aux lèvres, j'ouvre la porte puis l'invite à entrer. Alaric porte un beau costume vert foncé, un loup recouvre une partie de son visage. Cette couleur lui va à merveille.

― Est-ce que tu peux m'aider à nouer le ruban de mon masque s'il te plait ?

― Bien sûr.

Alaric attache délicatement le ruban du masque en veillant à ne pas détruire mes boucles. Les coiffeuses se sont données du mal et je ne souhaite pas les rappeler en catastrophe. Il s'écarte en hochant la tête.

― Tu devrais porter du rouge plus souvent, c'est ta couleur.

― C'est justement ce que je me disais.

Il me tend son bras pour m'escorter jusque la chambre de ma sœur. Je passe une main sur ma robe tandis qu'il toque pour signaler notre présence. Ma jumelle ne tarde pas à faire irruption dans une magnifique robe bleue aux reflets argentés. Elle est d'une beauté indescriptible, nous nous ressemblons peut-être mais ce soir nous ne pourrions pas être plus éloignées.

― Tu as choisi la rouge ! s'exclame-t-elle d'une voix joyeuse.

― Je me suis laissée convaincre.

Elle me saute dans les bras.

― C'est la meilleure décision, tu es magnifique !

― Je te retourne le compliment.

La musique provenant de la salle de réception est envoûtante et provoque des frissons agréables. Alaric noue délicatement le ruban du masque recouvrant une partie du visage de ma sœur. Ses prunelles chocolat semblent pétiller d'excitation, ce qui me fait sourire. Elle passe une main sur sa robe puis s'approche de notre frère.

― Suis-je la seule à éprouver une certaine appréhension ? demande-t-elle.

― Absolument pas, avoué-je.

Les premières notes de la musique annonçant notre entrée retentissent. Je m'agrippe au bras de mon frère comme lors des répétitions. J'échange un regard nerveux avec ma sœur, mais celle-ci me rassure d'un sourire chaleureux et compatissant. Nous nous approchons des escaliers pour descendre. Je prends une grande inspiration tout en m'avançant en rythme avec mon frère et ma sœur. Les regards se tournent dans notre direction, mais je ne me préoccupe que des personnes auprès de moi.

Des applaudissements retentissent tandis que je serre davantage le bras d'Alaric. Il nous guide jusque la salle de bal. Celle-ci est décorée avec soin, toutes les bougies flottent tandis qu'un faux ciel étoilé illumine le plafond. La tête haute, nous marchons en direction du centre de la piste.

― Joyeux anniversaire, mes sœurs adorées.

Alaric fait la révérence avant de s'écarter pour rejoindre les invités. Je sens les regards tournés dans notre direction, ce qui renforce mon angoisse la plus profonde. Ayla m'attrape les mains puis se penche vers moi.

― Ne détourne pas ton attention de moi.

― Je te fais confiance.

L'orchestre achève le premier morceau tandis que le second est sur le point de commencer. Je sens une boule d'angoisse se former dans ma poitrine, mais je m'efforce de paraître heureuse et détendue. C'est notre anniversaire, je me dois de rendre cette journée la plus merveilleuse possible pour ma soeur et moi. Mes mains tremblent lorsque les premières notes retentissent, j'ai beau ne les avoir entendues qu'une seule fois, cette mélodie refuse de quitter mon esprit.

Je prends une grande inspiration afin de me concentrer sur mes pas. Ma sœur est surprise par le changement soudain du morceau, mais masque sa surprise derrière un sourire. Nous nous contentons de faire notre danse en prenant soin de capter l'attention de chaque invité. Je croise le regard de notre grand-mère, son expression est plus sombre que d'habitude. Est-ce la preuve dont j'ai cruellement besoin ?

― Cette mélodie est tellement belle... chuchote Ayla.

― Une composition unique.

Nous nous retournons puis reculons de quelques pas avant de s'incliner l'une envers l'autre à la fin du morceau. Des applaudissements retentissent, mais je n'entends que mon cœur battre la chamade dans ma poitrine. Je me sens à la fois euphorique et craintive de cette décision. En quelques minutes seulement, des invités viennent nous souhaiter un bon anniversaire en glissant des compliments. Je me montre plus sociable que d'habitude afin de ne pas donner une mauvaise image de moi avant de me rendre vers le buffet pour boire un verre. Je soulève ma robe pour ne pas trébucher en saluant des personnes sur mon passage.

― Ce changement de dernière minute est très surprenant.

Je retourne pour faire face à ma grand-mère. Elle s'est donnée du mal pour porter la robe fabriquée par une grande couturière coûtant une véritable fortune. Je ne parle même pas de son loup sur lequel des perles sont incrustées. Je me sens toujours impressionnée par les efforts qu'elle déploie pendant ce genre de soirées.

— Je trouvais que cela serait un choix judicieux de mettre en avant de vieilles compositions familiales. Celle-ci était parfaite pour notre bal d'anniversaire, une touche de mélancolie avec un mélange de joie.

— Où as-tu trouvé cette composition ?

Je hausse les épaules.

— Dans la bibliothèque pendant mes révisions. Je n'ai pas pu me retenir de l'envoyer à l'orchestre pour notre anniversaire.

— C'est un choix particulièrement risqué, tu en as conscience ?

Grand-mère se penche vers moi en me souriant pour prendre un petit four dans mon dos. Elle m'observe de ses grands yeux bleus avec un petit sourire.

— La prochaine fois montre-moi cette partition pour que nous puissions en discuter. Cette mélodie était peut-être un poil trop vieillotte pour l'événement.

— Je la trouve au contraire parfaite.

Elle ne dit rien pendant quelques secondes en observant les traits de mon visage. Je reste de marbre et ne lui montre pas mes véritables craintes.

— Comment s'appelle cette composition ? Je suis certaine de ne pas la connaître.

— La ballade d'Astra.

Durant une seconde, l'expression de son visage change avant qu'elle ne reprenne son sourire faussement joyeux.

— Absolument délicieux comme mélodie ! Je dois me rendre auprès des autres invités, passe une soirée et encore joyeux anniversaire.

Elle ne s'attarde pas davantage auprès de moi puis marche vers une invitée, l'air charmant. Cette conversation me prouve que quelque chose cloche dans l'attitude de grand-mère. Ces éléments ne suffisent cependant pas à prouver quoi que ce soit. Ce n'est que le départ vers une vérité qui pourrait être beaucoup plus sombre. Peu importe le temps qu'il me faudra, j'arriverais à révéler cette comédie absurde.

18.05.2024

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