59 - Contre la montre

Benoît poussa un hurlement, la tête enfouie entre les mains. Bianca demeurait toujours figée, à mi-chemin entre l'horreur et l'incompréhension. Tout était allé si vite... En l'espace de quelques minutes, mon plan tournait au bain de sang. Rien ne s'était passé comme prévu. Yukie avait été tuée, mais dans de mauvaises circonstances. Je soufflai, tentant de remettre de l'ordre dans mes pensées. Le bruit que prodiguait le basketteur additionné à l'odeur d'hémoglobine n'aidait pas.

La blonde fut la première à réagir. Elle s'accroupit devant le métis, et, après un long soupir, posa ses mains sur ses épaules à contrecœur. Benoît redressa la tête, le regard empreint de terreur face à sa propre violence. Il semblait se découvrir le cadavre de sa victime pour la première fois, alors qu'il l'avait lui-même lynchée.

- Je... je suis vraiment... vraiment désolé... désolé... je voulais juste... l'assommer... je vous jure que je voulais pas... je comprends pas...

Sa voix montait dans les aigus et son regard s'abandonna en direction du cadavre. Un sanglot mourut au fond de sa gorge. Il recula un peu plus malgré l'emprise de Bianca. La blonde cherchait ses mots ; elle n'était pas douée pour les discours motivateurs. De plus, elle semblait toujours sur ses gardes à présent. Voir le métis à l'œuvre, comprendre que Benoît pouvait être parfaitement incontrôlable... Ouais, elle a peur pour sa vie, et je peux pas lui en vouloir.

- Arrête de faire le grand con, dit-elle d'une voix tremblante. Ce qui est fait est fait, t'as buté la planche à pain, et tu pourras pas revenir en arrière. Alors merde, c'est pas le moment de péter les plombs !


Benoît ouvrit la bouche pour lui répondre, mais il n'arriva qu'à sortir une inspiration sifflante. Ses mains convulsèrent. Il cherchait à avaler de l'air, mais ne parvenait pas à respirer. Il fixait un point dans le vide. Bordel... c'est bien le moment de nous faire une crise d'angoisse. La blonde glissa une mèche derrière son oreille, leva sa paume, et asséna une violente claque au basketteur. Aussitôt ce geste accompli, elle recula vivement ; sans doute de peur que le métis ait un second coup de sang. Ce dernier ne broncha presque pas, mais son souffle se stabilisa et il releva la tête vers la jeune fille. Ses yeux écarquillés n'avaient plus rien d'un meurtrier. Il ressemblait à un témoin du crime, choqué par la violence de l'assassin. Sa propre violence, donc.

- Pardon... En fait, j'ai peur... J'ai tellement peur. Je pensais pas que ça me ferait cet effet. Je croyais que j'étais prêt à accepter d'être exécuté, mais je crève de peur. Vous... Vous croyez que si je prends du poison à l'infirmerie, je souffrirais pas trop ?

Il tenta de se lever. Bianca se figea. J'eus un rictus nerveux. Ah, le fameux poison de l'infirmerie. Ça me rappelait ironiquement la mort de Mary ; là où la blonde avait tenté d'empoisonner sa cible. Pour autant, Bianca ne se laissa pas démonter. Elle se massa les tempes. La réaction du basketteur était risible ; il faisait un bien piètre assassin. Du genre à s'excuser à sa victime tout en la poignardant. La blonde rattrapa ses épaules, le forçant à rester assis.

- Ecoute, on sait pas comment ça va se passer. Hologramme a pas encore ramené son cul pixellisé, et même s'il le faisait, on aurait une heure devant nous. On peut pas abandonner maintenant, on doit sortir. (sa voix se fit plus douce, à ma grande surprise) On va sortir.

La blonde se tourna vers moi en quête de soutien. Je levai les yeux au ciel sans un mot. Non, elle n'allait pas me traîner dans des envolées utopistes. Je sais que ça partait d'un bon sentiment, mais nous ne pouvions plus nous nourrir d'illusions, surtout Benoît. D'ailleurs, je trouvais ça encore plus cruel de lui faire miroiter l'espoir de rester en vie. Il valait mieux le préparer à la pire éventualité dès maintenant. Mais je n'avais pas envie de me mêler de ça. Si Bianca voulait le motiver, qu'elle en prenne l'entière responsabilité.

Personne ne pouvait savoir ce qu'il allait advenir du basketteur maintenant qu'il s'était sali les mains. L'hologramme était assez imprévisible pour l'exécuter sur-le-champ. Après tout, il jouait avec ses propres règles. Même si la salle de conférence n'existait plus. Même si Yukie gisait, sans vie. J'allais devoir changer mes plans, et vite. La vie de Benoît ne tenait qu'au bon vouloir du maître du jeu. Techniquement, maintenant que Yukie était morte, le métis devait vivre, mais... Mais nous ne pouvions être sûrs de rien.


Benoît se redressa, bientôt suivi par la blonde. Je me levai à mon tour, et vacillai. Le manque de sommeil combiné aux blessures m'affaiblissait plus que je ne l'aurais souhaité. Je repliai le canif et le rangeai dans ma poche. Il pouvait toujours servir.

- Ta main, ça va ?

La blonde désignait ma blessure sanguinolente. J'haussai les épaules.

- Pas le temps pour ça.

Elle soupira, et, sans me demander mon avis, déchira un morceau de son t-shirt. Dans d'autres circonstances j'aurais pu trouver ce geste déplacé, mais franchement, dans la situation actuelle, je n'en avais plus rien à foutre. Elle entoura ma main avec le tissu et fit un nœud sommaire. Pas certain que ça changeait grand-chose, mais je la remerciai d'un signe de tête. Mes jambes frémirent. Je priai pour qu'elles tiennent jusqu'au bout ; pas question d'être un boulet. Pas maintenant.

- Bon, dis-je, on va suivre mon plan. Partant du pire cas de figure, il nous reste une heure avant qu'Hologramme n'exécute Benoît (le métis se figea mais resta silencieux). Alors pas de temps à perdre. Notre objectif, c'est d'abord d'ouvrir la porte cadenassée. (je marquai une pause) Benoît, vas voir s'il n'y a pas moyen d'exploser le cadenas avec des tenailles ou je ne sais quoi. Bianca, avec moi, on va fouiller la chambre de Yukie.


Je n'eus pas à me répéter. Les deux acquiescèrent et nous fonçâmes à nos postes. J'entrai en trombe dans la chambre de l'asiatique, la blonde sur mes talons. Dans la pièce, le même mobilier que dans ma propre chambre. Tout était bien rangé, pas le moindre vêtement ne traînait au sol. Sans réfléchir, je me jetai sur le bureau et ouvrit le premier tiroir. Bianca se chargea du deuxième. Ils étaient chargés de feuilles, A4 pour la plupart, mais elles semblaient toutes inutilisées.

- Pourquoi t'as envoyé Ben à l'étage ? fit-elle tout en soulevant des feuilles blanches.

Impossible de savoir si c'était une réelle interrogation ou simplement un moyen de faire la conversation. Mais son timbre était sans appel : elle stressait. Moi aussi, pour le coup. Mes entrailles jouaient à chat et mes mains tremblaient. Je n'osais pas imaginer l'état du métis en ce moment même. Sur ses mains coulait le sang de sa victime, assassinée sous nos yeux. Si Hologramme se pointait, il n'en réchapperait pas. Bianca pouvait bien s'essayer aux beaux discours ; son unique but était sa propre survie. Elle n'hésiterait pas à condamner le basketteur. Quant à moi... d'un côté, je lui devais la vie, encore, mais malheureusement, tant que mes objectifs ne seraient pas réalisés, je ne pouvais pas me permettre de mourir.

- Réfléchis : il a tué Yukie. Même s'il nous cache des choses, il ne dérogera pas aux règles. Si Yukie est la traîtresse, normalement, il sera sauvé. Dans le cas contraire, il sera exécuté pour avoir tué une innocente. Dans tous les cas, Benoît n'est pas une menace.

Bianca se figea une seconde et me darda un regard polaire. Je ricanai.

- Ouais, tu vois le tableau. J'ai pas confiance en toi. D'où le canif. Et ta proximité.

- T'es un monstre, Jack. Bordel, par ta faute, Ben a littéralement explosé le crâne de Yukie !

- Et alors ? m'emportai-je. Des horreurs, y'en a eu des tonnes, depuis le début ! Tu crois que Charlie a pas souffert ? Thomas ? Jean ? Yukie est la responsable de tous ces morts ! Sa souffrance n'est rien comparée à celle qu'elle leur a infligée. (je soupirai) Allez, cherche autre part. On n'a pas toute la nuit.


Bianca passa ses mains sur son visage. Elle souffla, excédée, et s'accroupit pour fouiller sous le lit. Je terminai de vider les tiroirs, en vain. Ce fut à mon tour de perdre patience. J'avais beau me convaincre qu'il était ridicule de trouver le moindre indice dans cette pièce, une part de moi voulait penser que les réponses allaient me tomber sous la main.

- Qu'est ce que t'espères trouver, en fait ? me questionna la jeune fille d'un ton agressif.

- J'en sais rien, des preuves qui pourraient nous aider à comprendre comment on s'est retrouvés enfermés ici avec deux criminels !

Bianca posa sur moi un regard rond. Je soufflai. Je pouvais au moins lui expliquer ça. Confiance ou pas, je pourrais jauger sa réaction.

- Tu sais, les premières motivations ? J'avais ouvert ma lettre, et Kitty aussi. (la blonde voulut parler, mais je l'interrompis d'un geste) Dans la mienne, il y avait des articles et morceaux de dossiers qui inculpaient Flora. (j'eus un rire nerveux) Ah, sur le coup, j'ai directement pensé que les malades qui nous avaient enfermés ici avaient ajouté au groupe un tueur, un vrai, histoire qu'il nous assassine un par un. Je croyais que c'était ça, la grande énigme de la zone. Qu'il suffisait de tuer le véritable meurtrier pour gagner. (mon rire laissa place à un soupir las) Ce que je pouvais être con, quand même. Mais sur le coup, tu sais, j'y ai vraiment cru. Le premier meurtre, c'était censé être le mien. J'ai laissé penser que je pouvais être une cible idéale, et lorsque Flora est descendue pour me tuer, je comptais la prendre à son propre jeu. Mais... Mais il y a eu Kitty. Et pendant le procès, alors que vous étiez tous trop choqués par mon véritable visage, j'ai compris que si j'avais tué Flora, j'aurais été... exécuté.

La blonde garda le silence quelques secondes après mon monologue. J'étais presque essoufflé de dire tout ça pour la deuxième fois. La première, je ne m'en souvenais que trop bien. Avant le meurtre de Rufus, j'avais craqué. J'avais tout balancé à Charlie, lui avais confié mes doutes, mes interrogations sur la suite. Charlie ne me jugeait pas. Charlie ne me regardait pas comme un fou furieux, pas comme les autres. Je massai ma blessure à la main pour penser à autre chose. Je t'en veux toujours pour ne plus être là, tu sais.

- Mais je... je comprends pas, souffla Bianca. J'ai jamais compris ce que Kitty foutait dans ces putains de chiottes.

- Oh, ça. Tiens, regarde.

Je tirai le mot de Capucine de ma poche et le tendis à mon interlocutrice. Ses yeux passèrent rapidement en revue son contenu et elle blêmit. Je ne pus m'empêcher d'esquisser un rictus moqueur. Bianca stressait vraiment pour un rien. En l'occurrence, là, elle se rendait compte qu'elle s'était associée à un criminel. Caleb.

- J'ai eu du mal à le croire, moi aussi, mais force est de constater que notre gamin naïf national n'était pas totalement clean. (j'eus un rire gamin) Capucine est allée, poussée par je ne sais quelle pulsions, fouiller dans la chambre de Kitty. Sacrée menteuse, tout de même. Elle a balancé son enveloppe vide dans le feu. Je comprends sa réaction. D'une part, son côté on va tous devenir amis la poussait à protéger Caleb. Mais est-ce qu'on peut vraiment lui en vouloir de paniquer ? Regarde, c'est sans doute ce qui a poussé Cicine à s'essayer au lancer de couteaux sur cible humaine. Elle a dû arriver à la même conclusion que moi au début.

- Quoi ? fit la blonde. Tu m'as perdue, là.

- C'est qu'une hypothèse, mais... je pense que Kitty a toujours voulu protéger Caleb. Seulement... à en croire les atrocités qu'il a commis, c'était naturel pour elle d'avoir peur. Son couteau... je pense que c'était à la fois pour se défendre, et le défendre. Pour parer à toutes les éventualités, quoi. (je marquai une pause) Mais la panique a dû prendre le pas sur les bonnes intentions. Pour un meurtrier, Caleb cachait bien son jeu. Elle devait être dans une constante paranoïa ; jusqu'à en soupçonner tout le monde.

Bianca se recoiffa de la main. Elle fixait ses pieds, partagée entre la lassitude et le dégoût.

- C'est sûr que ça explique ses actions. (elle partit d'un rire nerveux) Ah, c'est pas de bol, quand même. Bon, aller, on s'y remet.



J'allais m'attaquer à la penderie, lorsqu'un cri de la blonde me fit sursauter. Je me retournai. Bianca désignait de la main une zone bien particulière : le lit. Au niveau de l'oreiller, les draps crème demeuraient tachés de sang. Une grande tâche rouge sombre, presque brune. La jeune fille ne l'avait remarqué qu'en tirant la couverture.

Je m'approchai de la scène. Bianca expira et continua d'inspecter la pièce. Je plissai les yeux, et remarquai une entaille dans le matelas. Assez fine, mais pourtant nette. Je dégainai le canif, et le plantai dans le lit. C'est bien ce que je me disais. Quelqu'un a foutu un coup de couteau dans ce matelas. Mais qui ? Et surtout... pourquoi ? Aucun meurtre n'avait été déclaré dans une chambre ; chaque affait avait été éclaircie en long, en large et en travers. Aucune erreur possible, nous avions trouvé le coupable à chaque coup.


- Jack ! Viens voir !

La voix de la jeune fille jaillit de la salle de bains. Je rangeai mon arme à sa place, et abandonnai la tâche de sang. Bianca m'attendait, face au miroir. Je localisai tout de suite ce qu'elle cherchait à me montrer. Une suite de chiffres, visiblement écrits avec le même sang que celui qui tâchait les draps. Je la répétai plusieurs fois mentalement pour la mémoriser. On aurait dit une combinaison... comme celle du cadenas, à l'étage. Mais... ça sonnait faux. Des chiffres sur un miroir, à la vue de n'importe qui entrerait dans la pièce. Qui sait depuis quand ils se trouvaient là ? Yukie les avait écrits elle-même ? Mais dans quel but ? C'était trop facile, bien trop facile... Ces indices cachaient forcément quelque chose. Je commençais à douter de mon plan. Assassiner l'asiatique était-ce la chose à faire ? L'angoisse gonfla à nouveau dans mon ventre. Je m'agrippai au lavabo pour taire un léger vertige. Cette situation sonnait faux. J'étais persuadé de la traitrise de Yukie, et sa réaction m'avait bien prouvé qu'elle avait des choses à cacher, mais...

- Un problème, gamin ?

Je secouai la tête. Hors de question de partager mes doutes avec la blonde, tant que je n'avais pas mis cette affaire en lumière.

- Pas le moindre. Bon, à mon avis, on ne trouvera rien de plus ici. Plus qu'à la tester sur le cadenas.


*


Benoît, armé d'un coupe-boulon, s'acharnait en vain sur le métal du cadenas. Lorsqu'il nous vit arriver, il eut un sursaut et manqua de lâcher l'outil. Le sang maculait toujours son t-shirt, ses mains et son visage. Il avait tout d'un parfait psychopathe, à ceci près que son expression hurlait sa détresse. Il me faisait presque de la peine, en ces circonstances.

- Oh... euh, c'est vous. Désolé, j'avais peur que ce soit Hologramme... (il soupira) J'ai essayé d'ouvrir la porte, mais pas moyen. Le cadenas veut pas céder.

- Ok, bon, on a peut-être trouvé quelque chose, fit-je en essayant de masquer mon stress.

Malgré mes efforts, Benoît sembla remarquer mon angoisse. Il se força à sourire, même si sa lèvre inférieure tremblotante ne trompait personne. Après une longue inspiration, le métis posa une main amicale sur mon épaule. Je grognai.

- Si tu crèves, c'est entièrement à cause de toi. Je t'avais dit que j'allais tuer Yukie. A force de jouer les bons samaritains...

Le basketteur éclata de rire. Il savait que je mentais. S'il n'était pas intervenu, l'asiatique m'aurait étranglé. Je n'arrivais simplement pas à accepter qu'il m'avait déjà sauvé deux fois. Que je lui étais redevable. Que s'il craignait pour sa vie, c'était entièrement de ma faute. Mais que je le condamnerais sans remords s'il le fallait. Je me sentais mal d'être aussi peu sensible à son altruisme. Peut-être que je commençais à devenir comme Atlan. Non... rien que d'y penser, ça me collait la nausée. Je ne ressemblais en rien à ce malade.

- T'inquiète pas pour moi, dit Benoît comme s'il avait lu dans mes pensées. Comme on dit, jamais deux sans trois, hein ? Je dois te sauver encore une fois avant de crever !

Il me décocha un clin d'œil, mais sa voix tremblait. Bianca lâcha un soupir excédé et désigna le cadenas.

- Bon, ça vous dit de vous grouiller à ouvrir cette merde ?

J'esquissai un sourire nerveux. Tandis que Bianca et Benoît restaient en retrait, je passai dans le minuscule couloir qui séparait la première porte de la deuxième cadenassée. Lorsque je saisis le cadenas, je pris conscience de mes mains moites et de ma respiration saccadée. Une boule s'était formée au fond de mon estomac. Même si nous parvenions à ouvrir cette porte, qui sait ce qui nous attendait derrière ?

C'était peut-être atroce de ma part, mais, en fait, je n'avais jamais espéré trouver une sortie. Bianca et Benoît pensaient encore que j'allais les aider à s'échapper, alors que leur sort m'importait peu. Si nous trouvions une sortie par hasard, alors oui, ils pourraient vivre. Mais mon réel objectif subsistait : même si Yukie était désormais hors d'état de nuire, le mystère qui l'entourait persistait toujours. Derrière cette porte, je voulais trouver des réponses sur nos mémoires perdues, sur notre présence dans la zone, cette tuerie, Hologramme, tout ça. Et là, seulement là, je saurais quoi faire pour détruire les responsables. Yukie n'avait pas pu monter la zone d'elle-même ; il y avait forcément une plus grosse équipe derrière tout ça.

- Grouille-toi, le mioche ! me lança Bianca.

Je ne pris même pas la peine de lui répondre. Les chiffres s'affichaient dans mon esprit tandis que je tournais les roues du grand cadenas. Ma main blessée n'aidait pas, et le métal se montrait résistant.


Sans vraiment savoir pourquoi, l'angoisse revint à la charge, plus puissante que jamais. Plus personne ne parlait, seules nos respirations rauques et tremblantes comblaient le silence ambiant. L'impression qu'une menace allait s'abattre sur moi se refit sentir. Je ne m'étais jamais senti aussi vulnérable qu'à ce moment. J'étais face au cadenas ; si les deux autres cherchaient à m'assassiner, ils y arriveraient sans aucun mal. Je me retournai vivement. Une goutte de sueur roulait sur ma tempe. Non, ils ne semblaient pas menaçants. Bianca se trouvait adossée à la porte ; celle qui s'ouvrait sur le couloir. Quant à Benoît, debout au milieu de l'étage, il semblait fixer un point invisible, ressassant encore son crime.

Je repris ma tâche, toujours en proie à la paranoïa. Je déglutis. Plus que deux chiffres. Un... voilà. Et maintenant, le moment de vérité... Je soufflai. Arrête de stresser, nom de Dieu. La présence du canif dans ma poche me rassurait. Je devais me préparer à toutes les éventualités. A moitié confiant, je tirai sur le cadenas. Il n'opposa aucune résistance et s'ouvrit dans ma paume. Mes lèvres se tendirent en un rictus crispé.

Mais alors que je relevai la tête pour prévenir les autres, une détonation déchira l'air.


[Reste : 3]

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