49 - Le dernier message
La lumière artificielle se reflétait dans le viseur de la caméra, m'éblouissant presque. Depuis plus d'une heure, je ne parvenais pas à me lever. Cette fois-ci, mon corps était en forme ; le mental ne suivait plus. Assis sur le rebord du lit, face à l'objet. Depuis que Capucine avait claqué la porte, le silence prenait tout l'espace vaquant et régnait en maître dans la pièce. Même mes respirations se faisaient discrètes pour ne pas troubler le calme ambiant. Ma tête était une coquille vide. Des pensées vagabondes y flottaient sans but précis, sans toutefois former des idées cohérentes.
La curiosité me tenaillait, mais la simple idée de revoir le visage d'Atlan éveillait en moi une angoisse innommable. La vérité m'effrayait plus que tout, à présent. Il s'était suicidé, Hologramme avait confirmé le verdict du procès. Mais les circonstances de sa mort restaient troubles, et la zone d'ombre qui entourait ses motivations semblait me submerger. C'était insensé. Atlan avait beau être mystérieux et solitaire, il n'aurait jamais pensé à échafauder un plan si machiavélique. Mon imagination semblait trop limitée pour ne serait-ce que conjecturer sur ses intentions. Dans quel but avait-il voulu nous entraîner avec lui ? Il avait forcément une bonne raison ; je ne pouvais pas me résoudre à mettre tout cela sur un coup de folie. Et puis, selon les dires de Capucine, il lui avait remis la caméra après son combat contre Emiliana... Pensait-il déjà à la mort à ce moment ? Impossible. Au quel cas... toute notre relation aurait été basée sur des mensonges. Je frissonnai. Je n'étais pas prêt à cette éventualité.
Je soufflai en m'allongeant, les mains plaquées sur le visage. Un nouveau pan de la personnalité d'Atlan s'ouvrait sous mes yeux, pour mon plus grand désarroi. Depuis notre dispute et sa révélation, Isaac paraissait être une autre personne, remplaçant l'Atlan que nous connaissions tous. Un inconnu que je découvrais entre les gerbes de sang, dont les motivations floues fleurissaient entre les ruisseaux pourpres des blessures qu'il s'était lui-même infligées. Je revoyais son cadavre ; la manière dont tout était agencé pour laisser penser à un meurtre.
L'avais-je simplement connu un jour ? Isaac continuait à cacher des choses, même après sa mort. Un menteur. Voilà ce que j'avais aimé. Atlan... celui qui m'avait toujours redonné confiance ; à qui j'avais accordé toute la mienne. Je ne sais pas ce qui me faisait le plus mal : sa perte, ou la découverte de nombreux secrets sous-jacents. Je réalisais que tout ce qu'il avait pu me dire depuis le premier jour n'était peut-être qu'un tissu de mensonges. Un grand froid s'empara de tout mon corps ; à l'image de mes espoirs, désormais figés dans un bloc de glace invisible.
Mon regard finit par se perdre en direction de la porte. Elle demeurait désespérément fermée, et ce malgré mes nombreuses tentatives de l'ouvrir. Capucine ne mentait pas : elle avait soigneusement bloqué la poignée derrière elle en repartant. J'étais enfermé, seul avec cette caméra que je n'avais pas la force d'allumer. L'objectif me dardait un regard moqueur, jugeait mon incapacité à affronter la vérité. Je me sentais comme une bête en cage. Un monstre qui effrayait mes camarades. J'avais bien vu dans le regard de Capucine une certaine appréhension pendant notre discussion. Au moindre geste que j'avais effectué, elle s'était crispée. Peut-être même qu'elle était venue munie d'une arme, au cas où.
L'image que j'avais de moi-même demeurait un lointain souvenir. Si je m'étais regardé dans un miroir, je ne me serais sans doute pas reconnu. Une paire de cernes devant un monstre. Désormais, je me découvrais autant que je redécouvrais Atlan. Ma propre personnalité m'échappait. Je ne cherchais plus à réfléchir à mes actions. J'agissais par pur instinct, presque comme un animal. Mes émotions prenaient le dessus et me contrôlaient. Je n'avais aucun pouvoir face à mon subconscient. Alors, voilà ce que j'étais. Un monstre. Une personne à fuir. A leur place, j'aurais fait la même chose. Mais comment me fuir moi-même ? J'avais terrifié tout le monde par mon attitude, y compris moi-même. Mes réactions me dépassaient. Imprévisibles. Incontrôlables.
Lorsque je trouvais enfin le courage de saisir la caméra, elle demeura de longues minutes entre mes mains sans que je puisse l'allumer. J'étais tétanisé ; bien trop anxieux de ce qu'elle pouvait renfermer. J'expirai, mais me résignai vite : mes doigts n'arrêteraient pas de trembler. J'enclenchai le bouton « on ». Un menu apparut sur le petit écran de l'objet. Il y avait plusieurs vidéos, dont les miniatures représentaient toutes Atlan. Ma respiration se coupa au moment où je me rendis compte que le premier enregistrement datait d'il y a plusieurs semaines. Plus je m'approchais du moment où je lancerais la vidéo, plus je sentais mes entrailles faire des loopings. Le naïf message d'adieu que j'espérais trouver se transformait en une véritable énigme.
Je mis en route le premier enregistrement ; le moins récent. Atlan apparut aussitôt à l'écran. Il était dans sa chambre. Il tenait la caméra à bout de bras, orientée vers son visage, et ses yeux papillonnèrent un instant avant de se braquer vers l'objectif. Ses deux yeux. Cela faisait tellement longtemps que je n'avais pas vu son iris gauche coloré de sa sempiternelle teinte glacée... Atlan prit une inspiration, et commença à parler. Il ne semblait pas plus inquiet que cela, mais jetait néanmoins de brefs regards en arrière.
« Deuxième jour dans ce qu'ils appellent le manoir. Comme les quinze autres personnes, je suis amnésique. La seule chose dont je me souviens est mon prénom : Isaac. (il lâcha un soupir qui fit grésiller le microphone) J'ai préféré ne pas le révéler aux autres. Ils se font tous confiance, mais l'hologramme a été clair. Pour sortir, on va devoir s'entretuer. J'ai éliminé l'hypothèse du canular. Cet endroit ne possède aucune sortie. Ce qui m'intrigue, c'est comment toute cette nourriture et ces ressources se sont retrouvées là. Où est-ce qu'on est... ? (il eut un petit rire) Ah, j'imagine que j'aurais le temps d'y répondre, vu qu'il n'y a ici aucun ordinateur ou autre moyen de communication. En attendant, il est hors de question que je me fie à qui que ce soit. »
Une voix retentit en arrière-fond. Au départ, je ne parvins pas à saisir ce que la personne disait, mais le son se fit plus distinct et je reconnus dans un frisson le timbre de Kitty. Elle proposait à Atlan de venir dîner avec tout le monde. Il soupira, puis l'image trembla et la vidéo s'arrêta. Mes mains étaient devenues moites à mesure que l'enregistrement avançait. Il nous avait bel et bien menti depuis le début, en disant ne se souvenir de rien.
Ignorant mon malaise grandissant, je lançai la seconde vidéo. Cette fois-ci, Atlan tenait l'enveloppe d'Hologramme. La première motivation. A nouveau, il orienta la caméra vers lui et se rengorgea avant de commencer à parler.
« Le maître du jeu est passé à l'offensive, on dirait. (il agita l'enveloppe devant la caméra) Qui aurait cru que Kitty serait... (il esquissa un sourire) Ah, ce jeu prend vraiment une tournure inattendue. Impossible de vérifier l'information, mais dans tous les cas, la ou les personnes qui contrôlent Hologramme sont soit bien renseignés, soit très doués en trucages. Ça m'intrigue, quand même. Je trouve que Kitty a une personnalité trop lisse. J'attends de voir sa réaction. »
La première moitié de l'enregistrement me laissa bouche bée. Bien loin de sa sempiternelle froideur, Atlan parlait à la caméra comme il se serait adressé à une connaissance. C'était comme un journal qu'il tenait pour lui-même. Il semblait presque s'enthousiasmer d'avoir des informations, tout en conservant cependant une neutralité presque terrifiante. Je me souvenais de la panique de Kitty peu après qu'elle ait ouvert son enveloppe. Atlan s'était montré froid et désintéressé, alors que dans cet enregistrement, il paraissait si... curieux. La seconde partie acheva de broyer mes espoirs.
« J'ai aussi pu discuter avec Caleb. Un gamin. Il est naïf, ça le perdra. Il semble déjà marcher dans les pas de Kitty... Ouvrir son enveloppe va lui faire un choc. C'est ce qu'ils cherchent à provoquer, sans doute. Mais dans quel but ? (il marqua une pause, semblant réfléchir) Leurs intentions sont toujours obscures, mais nous n'avons pas été mis là par hasard. Ceux qui sont derrière tout ça cherchent forcément à mesurer nos réactions... sinon ça n'aurait aucun sens. »
Ses paroles me glaçaient. Il n'était pas le même. Une toute nouvelle personne apparaissait au travers des enregistrements. Atlan semblait presque plus intéressé que Jack par le mystère qui entourait la zone. Son attitude me terrifiait. Il n'avait rien à voir avec celui que nous avions connu. Il avait parlé de moi sans ciller, comme si je ne constituais qu'un pion qu'il pouvait déplacer à sa guise.
Mes doigts demeuraient crispés sur la caméra. Plus j'en apprenais, et moins je voulais en savoir. Avant même de lancer la troisième vidéo, je savais de quoi il en retournait. Le meurtre de Kitty. Et, en effet, Atlan semblait s'être filmé peu après le procès. Toujours dans sa chambre, une cigarette au coin des lèvres. Il souffla un nuage de fumé et commença à parler, avec toujours cette même neutralité effrayante.
« Kitty est morte, finalement. J'aurais aimé en apprendre un peu plus sur elle avant que Flora ne la tue, j'étais persuadé qu'elle pourrait me fournir des réponses sur notre passé. (il soupira) Le gamin, Caleb... Il est complètement anéanti. Il est bizarre. Sa copine était une tueuse, et il est toujours triste pour elle. J'ai du mal à le comprendre, mais ce n'est pas grave. Maintenant que le premier meurtre a eu lieu, on n'a plus aucune chance d'empêcher les suivants. (il haussa les épaules) L'hologramme va sans doute nous fournir de nouvelles motivations, j'espère qu'elles seront aussi intéressantes que la première. »
J'avais froid. Pas un froid naturel, non ; une sensation de glace qui vous fige de l'intérieur, et dont vous ne pouvez vous débarrasser. Je fis défiler les vidéos suivantes. De courts passages où Atlan décrivait la vie dans la zone. Peut importait le ton qu'il employait, je le réalisais désormais : ses yeux ne brillaient pas d'un éclat glacial ; ils luisaient d'indifférence. Atlan racontait chaque événement avec détachement, comme s'il n'était qu'un spectateur. Il me mentionnait parfois, au même titre que les autres. Je n'avais rien de spécial, rien qui me démarquait.
Je continuai à faire défiler les vidéos, réprimant une nausée croissante. Atlan jouait la comédie depuis le premier jour. Dès les présentations, il avait menti. Notre relation ne reposait que sur ma propre naïveté. Tout ce qu'il m'avait dit juste avant sa mort... il le pensait réellement. Je me sentais vide. Mes émotions étaient indescriptibles. Plus que de l'abandon, c'était... de la cruauté à l'état pur. Il m'avait manipulé depuis le premier jour, et ce jusqu'à son suicide, où il comptait sur mes sentiments envers lui pour que j'accuse Jack envers et contre tout.
Alors c'était ça, son plan ? Se servir de moi pour convaincre les autres que Jack était le coupable ? Je me dégoûtais. Comment avais-je pu le croire ? Lui faire confiance tout ce temps ? Je soufflai, pris de vertiges.
Je m'arrêtais face au dernier enregistrement que possédait la caméra. Il y avait un grand laps de temps écoulé entre l'avant-dernier et celui-ci. Cela coïncidait avec la découverte du donjon. Lorsque je lançai la vidéo, mon cœur se serra. Atlan se trouvait sur un lit de l'infirmerie. Le teint cireux, les joues creusées, et un bandage sur l'œil gauche. Exactement dans le même état qu'après son combat contre Emiliana. Il ne semblait plus enthousiasmé et curieux, seulement épuisé. Même sa voix, bien que toujours neutre, tremblait. Il faisait des pauses fréquentes entre les mots pour reprendre son souffle, et son unique œil fixait un point dans le vide. L'image vacillait ; le simple fait de porter l'appareil à bout de bras semblait le fatiguer.
« Caleb. Si tu regarde cette vidéo, c'est que je suis mort. C'est à toi que j'ai décidé de confier ce message. Ne vas pas dans le donjon. Personne ne doit y aller. Si je me fais tuer dans des circonstances troubles, tu trouveras des réponses dans la lettre que je te laisserais. Je vais remettre l'appareil à Capucine, et même si elle m'écoute, tu sauras où j'ai planqué mon dernier message. A bientôt en enfer. »
Je déglutis. Un dernier message ? Je n'eus pas à réfléchir pour me figurer son emplacement. Si moi seul était en mesure de le trouver, alors il devait être proche du banc où nous nous retrouvions avant son duel. Mais comment y accéder ? Dans un état second, je me faufilai jusqu'à la porte de ma chambre. Un rire nerveux me saisit. Elle n'allait pas s'ouvrir comme par magie.
La poignée s'abaissa sous mes mains moites. Je mis une seconde à réaliser que la porte n'était plus bloquée. Elle s'ouvrit sous mes yeux écarquillés. Une chaise gisait dans le couloir. Quelqu'un l'avait déplacée de l'extérieur. Mais l'heure n'était pas à la réflexion. Je devais récupérer le message d'Atlan, qui m'en apprendrait peut-être plus sur ses motivations.
Lampe de poche en main, je m'apprêtais à sortir lorsqu'un détail attira mon attention. La porte de la chambre qu'occupait Kitty demeurait grande ouverte. La curiosité me rongeait les entrailles. D'un côté, le dernier message d'Atlan semblait m'appeler depuis le jardin. De l'autre, cette porte laissée béante invitait à entrer.
Mes jambes me portèrent dans la chambre. J'allumai l'ampoule. La lumière blafarde refléta un véritable champ de bataille. Des vêtements gisaient, abandonnés aux quatre coins de la pièce. La poussière moutonnait par paquets. Des toiles d'araignée régnaient en nouvelles maîtresses des lieux. Le temps semblait s'être arrêté dans cette chambre si vite délaissée. Je baladai mon regard dans chaque recoin, sans parvenir à trouver ce qui clochait. L'atmosphère eut tôt fait de m'opprimer. Le capharnaüm ambiant n'arrangeait rien. Mon esprit était cependant trop préoccupé par Atlan pour que je me fasse la remarque : Kitty ne m'avait toujours parut soigneuse et organisée.
Toujours dans le même état détaché, je laissai les ténèbres m'engloutir. Le faisceau de la lampe n'éclairait pas à plus de deux mètres, mais je connaissais le chemin par cœur. Tout ce qui m'entourait semblait se brouiller. Il n'y avait plus que le banc, mes pas et mes inspirations lourdes pour combler le silence. Le banc. Ses contours se dessinèrent dans la lumière comme mon salut. Sans réelle confirmation, je me jetai à genoux et entrepris une fouille millimétrée.
Mes épaules se soulevaient au rythme de ma respiration. Une boule se forma dans ma gorge. Je ne savais même pas si je cherchais pour connaître la vérité, ou simplement parce que j'espérais toujours qu'Atlan m'avait aimé. Des larmes s'étaient mises à couler et mes gestes se faisaient précipités. Je passai mes paumes sous le bois, lorsque mes doigts rencontrèrent une aspérité. Un morceau de papier plié, scotché sous le banc. Je le tirai vers moi avec un hoquet de surprise et m'assis sur le banc. Plus rien ne comptait que cette lettre ; ce dernier souvenir d'Atlan. La même écriture peu soignée. Ça ne pouvait qu'être lui. Certains passages demeuraient soulignés, d'autres raturés. Il avait écrit ce message en suivant le fil de sa pensée, en quelques minutes, sans se relire.
« Si mon plan a échoué, alors tu dois être en train de lire cette lettre. »
La première phrase me paralysa. Mes espoirs neutralisés par ces quelques mots qui confirmaient tout ce qu'avait pu dire Jack. Atlan avait voulu nous emporter dans la mort.
« Il y a des dizaines de choses que je devrais t'expliquer, vous expliquer, mais le temps me manque. De toute manière, ça ne servirait à rien. Retiens juste une chose : la zone ne possède aucune échappatoire. Quoi que vous tentiez, vous ne parviendrez jamais à sortir. Vous auriez dû mourir avec moi. Je ne pouvais pas vous avertir, il fallait que tout le monde accuse Jack pour que mon plan réussisse. Certains cherchent sans doute encore une sortie. Il n'y en a pas. Si ça vous chante, vous pouvez rester ici pour l'éternité. Mais crois-moi, la cohabitation sera longue. La mort me semble être le meilleur et le seul moyen de quitter la zone. Même en commettant un meurtre, la victoire que l'on vous promet n'en est pas une. Il ne peut y avoir aucun gagnant.
Ne pensez pas à tuer le traître. Le traître a une longueur d'avance sur chacun d'entre nous. Le traître ne peut être tué. Le traître a gagné. Nous avons perdu. Je t'ai menti. Je ne suis pas le traître que vous recherchez. Mais, je le répète, tuer le traître est inutile.
Isaac. »
Un rire nerveux me saisit, se transformant peu à peu en un rire dément. Je ne comprenais plus rien. J'attendais des réponses, Atlan laissait un message des plus énigmatiques. Ses mensonges s'accumulaient et m'étouffaient. Les larmes dégoulinaient sur mon menton, mouillèrent le papier que je serrais dans ma main.
Un objet traverse le faisceau de ma lampe à toute vitesse. Je sursaute et braque la lumière à l'endroit où il s'est écrasé. Un couteau. Un couteau gît sur le sol, à quelques centimètres du banc. Mon sang se glace. Il venait de derrière. Mon instinct me hurle de fuir.
Une douleur aiguë me traverse la nuque l'instant d'après. Je me fige dans mon mouvement. Mes jambes cessent de me porter un court instant. Le sol me gifle le visage alors que ma respiration s'accélère. Je panique. Tout va trop vite. Les pensées affluent déjà en masse. Je ne comprends pas ce qui est en train d'arriver. Ma lampe a roulé par terre. La douleur se diffuse dans tout mon corps. Ma vision se brouille. Une seule pensée me traverse : je dois récupérer le couteau. Un filet chaud coule le long de mon cou. Je tends la main pour saisir l'arme avec le peu de forces qu'il me reste. Mon champ de vision se réduit de seconde en seconde, recouvert de brouillard.
Quelqu'un ramasse le couteau juste avant que mes doigts ne se referment dessus. Je lève les yeux. La vision qui s'offre à moi me tétanise. Malgré son visage dans l'ombre et ma vision floue, je reconnais mon agresseur, un grand sourire plaqué sur le visage. J'ouvre la bouche mais aucun son n'en sort. Le sang qui l'emplit a un goût métallique. Une première convulsion me saisit. L'hémoglobine se répand sur le sol. Le constelle de gouttes écarlates. J'ai peur. La personne s'éloigne. J'étouffe. Mon propre sang m'empêche de respirer. La douleur est atroce. La lame me déchire la nuque. Mes appels au secours souillent un peu plus le sol de cette substance rouge qui m'appartient. Mes cris restent muets. Je vogue en pleine incompréhension. Mes membres ne répondent plus. Mon esprit a plongé dans des limbes cotonneux. Il n'y a plus que la douleur qui me rattache au monde réel. Une immense peur me déchire les entrailles, mais je ne sais même plus pourquoi je suis effrayé.
Une nouvelle silhouette apparaît. Ma vision s'assombrit. Mes poumons brûlent. Les convulsions se font plus faibles. Je ne ressens plus rien que de la peur. Je baigne dans mon propre sang. Et enfin, la voix me parvient comme un écho lointain.
- Pardon pour ça.
Est-ce que c'est ça que l'on ressent lorsqu'on meurt ? Une angoisse dévorante. Presque plus douloureuse que la lame. Mon corps se plie. Mes yeux se révulsent. Je n'y vois plus rien. Je n'entends plus rien. Je ne ressens plus rien.
[Reste : 5]
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