37 - Folie à tous les étages


Je préfère avertir, mais l'exécution dans ce chapitre pourrait déranger les âmes les plus sensibles.    


La blonde posa un regard rond sur la marionnette qui demeurait, inerte, entre ses doigts. Elle poussa un hurlement et balança la main de Charlie comme si le membre l'avait brûlée. Sa respiration sifflante sembla résonner dans la pièce tandis que nous restions tous muets. Même Atlan, qui avait exigé le retrait des marionnettes, se contenta d'hausser un sourcil inquisiteur. Yukie enfouit son visage entre ses mains. Capucine blêmit. Ben eut un haut-le-cœur.
Je vis les épaules de Jack se secouer par convulsions. Il décolla la main de sa bouche et entama le rire le plus nerveux que j'aie jamais entendu. Le blond colla son front sur ses paumes et émit un cri guttural. Il ressemblait vraiment à un fou.


Charlie n'avait pas bougé d'un pouce. Iel semblait aussi inexpressif qu'à son habitude, malgré l'absence de main. Je pris une grande inspiration pour ne pas tourner de l'œil. La vision était atroce. L'os saillait, coupé au niveau du poignet. Le sang tirait sur le noirâtre. La chair qui entourait la plaie semblait avoir été malmenée ; la coupure n'était pas nette. Mais aucune gerbe d'hémoglobine ne coula, pas la moindre goutte rouge ne se déversa sur le sol. Aucun doute, la plaie était ancienne. Et je n'étais pas le seul à l'avoir remarqué. Bianca plissa les yeux en signe de concentration ; elle avait reprit ses esprits malgré sa pâleur persistante.
Atlan fut le premier à prendre la parole.

- Tu as sans doute une explicat...

- J'ai voulu tuer Kitty !

Nos regards convergèrent à l'unisson vers Jack. Le blond, entre deux hoquets nerveux, venait de hurler. La simple mention de ce prénom suffit à me pétrifier. Des boucles rebelles tombaient entre les yeux de Jack, ces yeux moqueurs désormais exorbités et luisants de désespoir. Il semblait prêt à pleurer, rire, nous tuer ; tout à la fois. Avant même que mes camarades n'aient pu réagir, Jack poursuivit son discours d'une voix suraiguë.

- La pire personne qui puisse exister, c'est moi. Je vous ai menti, à tous, dès le début ! J'ai été horrible avec Mary avant sa mort...

L'asiatique leva lentement la tête, en proie à des émotions contradictoires.

- Je savais que quelqu'un allait commettre un meurtre quand Emi m'a enfermé. Je me suis amusé de la détresse de Flora jusqu'à la fin. Je suis allé fouiller le cadavre de Jean pour trouver le taser. Bianca, j'aurais pu te tuer ! Caleb...

Lorsque Jack se tourna vers moi, je perçus un désespoir inouï. Dans sa voix, dans ses yeux, dans ses gestes. C'était affreux. J'aurais voulu accéder à sa demande ; et le considérer comme le coupable. Mais... sous n'importe quel angle, ça ne pouvait pas bien se terminer. Nos vies étaient en jeu avec ce verdict. Et puis... je ne voulais pas voir en Jack un meurtrier. Il mentait, je le voyais bien. Ça me faisait mal de le voir comme ça. J'aurais presque préféré qu'il garde son comportement détaché, qu'il se moque totalement de la situation comme à son habitude. Il paraissait si faible... j'avais l'impression de me voir.

- Je t'ai fait du chantage. Je t'ai menacé, et pas qu'une fois. J'ai trahi ta confiance, dès le début, alors... S'il te plaît... Je suis celui qui a tué Rufus. Je suis le coupable !


Tout alla très vite. Devant mon absence de réponse, le blond se jeta sur moi et me saisit par le col. Il ne pleurait pas ; sa détresse semblait s'étendre bien au-delà du domaine des larmes. Atlan se leva. Sa chaise tomba un sol dans un fracas assourdissant. Il frappa la table de ses paumes.

- Lâche-le. Tout de suite. (Jack se figea) Redescend sur terre, tu disjonctes.

Le blond desserra sa prise et je pus me dégager. Le visage affublé d'une expression neutre mais lasse, il se traîna jusqu'à sa chaise et s'y affala. Le dernier regard qu'il nous lança fut juste vide. Puis Jack se plongea dans un mutisme quasi-tangible. Il s'était calmé aussi vite que la folie l'avait animé.
Charlie resta quelques secondes encore debout, immobile. Iel semblait totalement hors de la réalité. Jack avait détourné notre attention quelques secondes, mais désormais le ventriloque se trouvait acculé. Le blond avait cessé toute tentative de prendre sa défense ; et Atlan semblait se figurer l'assassinat. J'avais l'impression que nous étions là depuis des heures. Je me sentais épuisé.

- La main dans le mixer, c'était la tienne.

La phrase du brun n'était pas interrogative. Une affirmation, prononcée d'une voix neutre. Il fixa le ventriloque. Son mutisme fit office de réponse ; iel n'avait aucune défense, son moignon parlait pour lui.

- La règle d'Hologramme stipulait que deux coupables pouvaient sortir. Charlie... Ta « complice », c'est Charlotte.

A cet instant, j'avais du mal à savoir si Atlan déraillait ou s'il était en train de résoudre l'entièreté de l'enquête. Mais le regard entendu de Capucine me fit pencher vers la deuxième option. Elle semblait, elle aussi, avoir réalisé quelque chose.

- Quoi ? Sa main ? Je veux bien qu'elle lui serve à autre chose que faire mumuse avec une marionnette, mais vous êtes complètement tarés ! siffla Bianca.

- Pourtant, ça explique bien des choses, répondit la brune, glaciale. Alors si tu n'arrives pas à comprendre, tais-toi et écoute.

La blonde lui darda un regard électrique mais ne répliqua pas. Capucine se tut quelques secondes, au cas où Atlan voudrait prendre la parole, mais il lui fit signe de continuer. Il redressa sa chaise et s'y assit pour écouter la brune.


- On a toujours pensé qu'il y avait la main de Rufus dans le mixer ; c'était un piège du véritable tueur. Hier soir, Charlie et la victime se sont rencontrés dans le réfectoire. Peut-être un hasard, peut-être pas. Toujours est-il que le tueur a fait en sorte qu'il s'évanouisse. Une seule solution pour ça : lui montrer du sang. Je ne sais pas si Charlie s'est tranché la main avant ou après le démembrer, mais le tueur s'est forcément coupé et a provoqué la perde de conscience de Rufus. (elle marqua une pause ; nous l'écoutions tous attentivement) Charlie l'a égorgé avec la scie que nous avons retrouvée dans le lave-vaisselle. Personne n'était dans les environs à ce moment-là, le coupable en a profité.

Charlie baissa la tête. Iel tremblait. Capucine se tourna vers le ventriloque pour continuer ; elle s'adressait directement au tueur.

- Tu avais besoin de la main de Rufus pour remplacer la tienne, n'est-ce pas ? Tu es persuadé que tes marionnettes sont vivantes. (elle soupira) On aurait dû voir dès le début que tu étais un danger public. (Capucine se retourna vers nous) Le coupable a démembré sa victime pour camoufler le fait qu'il manquait une main. Charlie a eu l'idée du jeu de piste, après, évidemment, avoir assommé Jack et Caleb qui allaient devenir des témoins gênants. Charlie a sans douté manqué de temps, ce qui explique qu'il ait laissé la scie dans la cuisine. L'histoire du carreau cassé, et de la répartition pour les recherches, ça faisait partie de son plan pour faire accuser Yukie. D'autant que le milkshake a servi à dissimuler la première pièce à conviction ; la main.


Le ventriloque recula d'un pas, puis deux. Sa bouche s'ouvrit et se referma sans qu'aucun son n'en sorte. Son dos heurta le mur et iel frémit. Le regard de Jack était perdu dans le vide. La tête du blondinet demeurait inclinée sur le côté, presque amorphe. Il déclara d'une voix pâteuse :

- Finissons-en. Hologramme, tu peux lancer le vote.

L'hologramme ne se le fit pas répéter. Avec son visage pixellisé affublé d'un immense sourire sardonique, le maître du jeu commença, comme à son habitude, à appeler nos noms. Et nous votâmes. Nous étions formatés pour effectuer ce geste ; les mains levées condamnant le coupable. Durant le premier procès, voire le deuxième, tout le monde paraissait réticent à sceller le sort d'un camarade. Désormais c'était une routine. Au nom de Charlie, nous levâmes la main à l'unisson. Même Jack. Même le coupable lui-même, définitivement résigné.
Charlie avait toujours constitué une énigme. Ses yeux sous ses grandes mèches noires, son air toujours aussi neutre... j'avais plus dialogué avec ses mains qu'avec la personne elle-même. Et maintenant, iel allait mourir. Jack l'avait défendu avec tellement d'ardeur... D'habitude, le blond s'amusait de la détresse des coupables ; faisait des blagues sur les cadavres. Le voir dans cet état... c'était aussi triste que déconcertant. Le silence retomba. Nous savions que l'exécution approchait. Pour la quatrième fois, un camarade allait mourir sous nos yeux. Charlie s'avança. Iel fit le tour de la table. Contourna Bianca. Passa derrière moi avec un flegme impressionnant ; iel s'apprêtait à subir une torture, à l'instar de Flora et Thomas avant lui, pourtant, le ventriloque ne semblait pas plus inquiet que cela.


Charlie s'arrêta à côté de Jack. Le blond demeura un instant la tête entre ses mains, le regard vie. Mais chaque seconde rapprochait un peu plus l'exécution ; elle pouvait démarrer à tout moment. Sa respiration s'accéléra. Bien que son expression reste neutre, Jack crevait de peur. Il était même plus effrayé que le condamné lui-même. Jack redressa la tête. Son visage rond ressemblait en tout points à celui d'un gamin peureux. Sans même distinguer les yeux de Charlie, je savais qu'ils se fixaient. Ils se parlaient sans mots.
Personne n'osait parler ; personne n'osait interrompre ça. Même Bianca fit profil bas ; se contentant de détourner le regard.
A l'instant précis où le sourire d'Hologramme se renforça, Charlie tendit sa marionnette restante à Jack. Le blond marqua une hésitation, mais la saisit avec toutes les précautions du monde. Il tira doucement Charlotte vers lui. Le ventriloque esquissa un sourire.

- Tu avais tort, souffla Charlie.

Sur ces mots, comme un cruel hasard, la trappe s'ouvrit sous ses pieds, l'entraînant vers ses derniers instants. Le blond soupira.


L'écran dans la salle de conférence grésilla une seconde avant de s'allumer. Je retins mon souffle. Le ventriloque était allongé sur une table. Des anneaux métalliques le maintenaient aux bras, aux jambes, au cou. Charlie tenta de remuer. Sa seule main, désormais dépourvue de marionnette, se crispa. Quelques secondes s'écoulèrent. Je pouvais distinguer sa poitrine se soulever de manière irrégulière. Iel tenta de tourner la tête ; de voir ce qui allait lui arriver. Mais le demi-cercle métallique semblait soudé à la table, ne lui permettant aucun mouvement. L'angoisse naquit au fond de mon ventre. Ça allait être sanglant, aucun doute là-dessus. En démembrant le cadavre, Charlie avait ouvert la porte à une exécution des plus douloureuses. Rien ne se passa. Nos respirations saccadées envahissaient le silence, pesaient dans l'atmosphère déjà quasi-irrespirable.
Je sentis Atlan se lever et se placer à mes côtés. Mais malgré sa présence n'en restait pas moins l'appréhension d'une mort aussi sanglante que douloureuse.


Un crissement se fit entendre. Le son aigu persista quelques secondes. Charlie paniqua. Iel tirait sur ses liens, en vain. Son visage se tourna à droite, à gauche.
La première scie apparut. Une scie circulaire, aussi rouillée que tranchante. Nous la vîmes passer par une rainure de la table. Un nouveau crissement. Charlie hurla. La lame avait tranché sa main restante d'une facilité déconcertante. Le membre inerte tomba au sol, suivi d'une gerbe de sang. Je me mordis l'intérieur de la joue pour ne pas tourner de l'œil.
Encore un son ignoble, qui présageait l'arrivée d'une nouvelle scie. Charlie essayait toujours de se débattre. Si son ancienne blessure était sèche, la perte de son autre main laissait la chair à vif. La deuxième lame apparut, circulaire. Le ventriloque poussa un cri bestial lorsque cette dernière l'atteignit au niveau des chevilles. Un immonde bruit spongieux accompagna la perte de ses pieds.


Et puis tout s'accéléra. Une troisième scie s'attaqua aux mollets. La lame buta sur l'os. Nous entendîmes un craquement sordide alors que la première jambe partait en lambeaux. Le sang giclait à n'en plus finir. Le second tibia mit plus de temps à se détacher. Chaque seconde était d'autant plus insupportable avec les hurlements de Charlie. Jusqu'à la fin, la vie ne lui offrirait pas la plénitude de l'inconscience. Une mare sombre s'était formée sous ses genoux. Les derniers anneaux, au niveau des cuisses, entravaient toujours ses mouvements. Je frissonnai. Les lames frappaient toutes à des endroits judicieux. Aucune ne vint abîmer l'artère fémorale. L'exécution était faite pour que la souffrance soit maximale.
Le coupable poussa un cri ; encore pire que les précédents. Les tympans vrillés, je plaquai les mains contre mes oreilles. Mais je ne parvins pas à détacher mes yeux de l'écran, cherchant à toute allure la source de ce hurlement. Une lame commençait à lui trancher le bras. A mi-chemin entre le coude et l'épaule, les dents de la scie semblaient arrêtées. La lame rouillée butait sur l'os. La voix de Charlie se brisa. Après toutes ces semaines de mutisme, le ventriloque s'arrachait les cordes vocales sous la douleur.

Un nouveau craquement, plus affreux encore que le précédent. Et un nouveau hurlement. Mes mains plaquées ne purent préserver mes tympans de ce bruit aussi puissant que suppliant. L'épaule de Charlie toute entière fut entraînée avec la scie. Elle se retourna, complètement disloquée, tandis que la moitié inférieure du bras pendait ; un filet de sang ruisselant de la blessure causée par la lame.


- Arrêtez, arrêtez ça, souffla Ben, la tête enfouie entre ses mains.

Je reportai mon attention sur Charlie. Une seule pensée me traversa : qu'on l'achève. Son corps ne ressemblait plus qu'à un amas de chair sanguinolente ; la moitié des jambes manquantes, les mains disparues, un bras retourné. Seule la mort pourrait le soulager. Mais là encore, elle se fit attendre. Un nouveau chuintement et le corps du ventriloque, du moins ce qu'il en restait, se mit à vibrer. Iel se cambra, rejetant la tête en arrière. Durant une seconde j'aperçus ses yeux, luisants et exorbités. Un filet de sang dégoulina de sa bouche. Ses globes oculaires se révulsèrent. Charlie s'apprêta à crier mais la dernière scie, une immense lame circulaire ressortant de son torse, l'en empêcha.

Ce fut la dernière image que nous eûmes du ventriloque. Une expression de douleur extrême figée sur le visage et du sang, trop de sang.
Des pas précipités coururent presque à l'extérieur et la porte claqua. J'en déduisis qu'il s'agissait de Jack.

Atlan me rattrapa et je me rendis compte que je titubais. C'était atroce. Quel être humain pouvait mériter telle torture ? Personne, personne ici ne... Oh, si.
A bien y réfléchir, j'en voyais un. Plutôt une. Ironiquement, Emiliana s'était vu octroyé l'exécution la moins douloureuse. Un simple coup dans le cœur. Alors qu'elle avait tué deux personnes. Empoisonné sa meilleure amie. Crevé les yeux d'un innocent. Tenté de le tuer. Emiliana... Emiliana... Je sentis mon pouls s'accélérer ; je bouillonnais d'injustice et...

- Caleb ?

Atlan me fixait, un air mi-choqué mi-interrogateur peint sur le visage. Je secouai la tête. Qu'est-ce que j'étais en train de penser ?


*


Nous sortîmes du tribunal sans un mot. Ben, Capucine, Yukie, Bianca, Atlan et moi. Les images de l'exécution défilaient encore mentalement sans que je n'y puisse rien. Tout y était. Les hurlements, le bruit des os mordus par les dents de la scie, le sang... C'était de loin la plus douloureuse, autant pour le condamné que pour nous. Charlie... ne méritait pas ça. Je soupirai, évitant de me remettre à penser à des choses malsaines. Le brun me dardait toujours un œil froid et je ne voulais pas qu'il s'inquiète.

Lorsque nous entrâmes dans le manoir, mon regard se posa directement sur Jack. Le blond, assis sur les marches menant au premier étage, semblait vidé de toute énergie. Sa tête reposait contre le mur, la plupart de ses bouclettes tombant devant son visage ; impossible de discerner son expression. Ben s'arrêta, bientôt imité par les autres. Il faisait peine à voir. Je ne savais que dire ni que faire. J'avais déjà du mal à contrôler le flux de mes pensées, alors aider le blond à faire son deuil... j'en étais incapable. A la surprise générale, Atlan s'avança.

- Ça va ?

Les mots paraissaient anodins, pourtant, venant du brun, c'était inédit. Le ton ne collait pas trop avec l'intention ; il se forçait plus qu'autre chose, ça s'entendait. Mais je ne pouvais que saluer le geste.


Devant l'absence de réponse, nous commençâmes à faire volte-face. Il préférait sûrement être seul. Soudain, lentement, Jack releva la tête. Un frisson glacé me mordit la colonne vertébrale. Le visage du blond était coupé par un large sourire carnassier. Ses yeux, assassins, se posèrent sur le brun qui haussa un sourcil inquisiteur.

- A ton avis, Atlanou ? siffla le blond. C'était juste jouissif. Le sang, les cris...

- Jack, arrête, dit le brun d'un ton calme.

Le blondinet se leva. Il toisa Atlan quelques secondes en descendant les quelques marches qui nous séparaient. Le blond éclata d'un rire sardonique. Le brun poussa un soupir presque imperceptible. Jack s'approcha, plus menaçant que jamais. Son visage demeurait éclairé d'une lueur gamine, mais il porta la main à sa ceinture. Ses doigts se refermèrent sur un objet. Le taser. Il avait récupéré le taser.

- De loin la plus belle exécution qu'on n'ait jamais eue ! hoqueta-t-il. Mais c'était trop rapide. J'en aurais bien profité des heures ! Ah, quelle bonne idée d'avoir utilisé des scies rouillées ! Vous avez entendu le délicieux craquement de son épaule ? Jouissif, je vous dis !

Je me sentis blêmir. Jack s'esclaffa à nouveau jusqu'à ce que des larmes viennent perler aux coins de ses yeux. Le blond agita le taser avec l'innocence d'un gamin. Ses gestes étaient gauches comparés à la manière dont il m'avait menacé avec, avant le meurtre. Quelqu'un se crispa derrière moi.


- Alors, qui va commettre le prochain meurtre ? Qui ? J'ai trop hâte ! rit-il avec tout le sadisme dont il était possible de faire preuve. Bianca, peut-être ?

Il s'approcha de la blonde avec le taser. Cette dernière se crispa, ayant déjà fait l'expérience du contact avec cette arme.

- Tu pourrais demander à ton toutou de compagnie de tuer quelqu'un à ta place... (il prit un air faussement surpris) Oups, c'est vrai, il est déjà mort !

Bianca eut un sursaut et recula, blême. Le blond nous offrit son air le plus carnassier.

- Ou alors Yukie ? T'as plus aucun ami, même Caleb a fini par te rejeter ! Tu dois te sentir seule, hein ? Tu as envie de prendre ta revanche sur tous ceux qui t'ont fait souffrir, hein ?

- Ta gueule !

Jack stoppa net son rire pour, lentement, converger vers Ben. Le métis le toisait de toute sa hauteur. Ses traits n'exprimaient qu'une colère innommable. Il avança, pour se placer devant Capucine et moi. La brune déglutit. Pour la première fois, Ben tenait tête au blond sans trembler. Ben serra les poings. Ses yeux lançaient des éclairs, dirigés vers le sourire moqueur qu'arborait Jack. A cet instant, il avait l'air plus menaçant que le blond lui-même.
Sa réaction ne fit que renforcer l'hilarité de Jack.

- Oh, voilà qui est intéressant. Tu protèges Cicine, Benoît ? Et si quelqu'un venait à s'en prendre à elle, tu le tuerais ? Même si c'était... (ses yeux roulèrent avant de se poser sur sa victime ; moi) Caleb ? Tu tuerais Caleb pour Cic...


La phrase du blondinet fut coupée net, en même temps que sa respiration. Ben venait de se jeter sur lui. Il le reversa sans aucun mal, les mains plaquées sur ses épaules. Ils tombèrent dans un grand fracas. Le dos de Jack heurta le sol à pleine puissance. Il se cambra, la bouche grande ouverte en quête d'air.

- Je sais que t'es pas bien fini, mais maintenant, ta gueule ! cracha le métis.

Jack mit une seconde à reprendre sa respiration. Il inspira un grand coup avant de reprendre son sempiternel sourire démoniaque. Ses yeux bleus étincelèrent.

- Tu penses vraiment que le fou, c'est moi ? Non mais regardez-vous ! Dans un jeu pareil, le plus taré est celui qui se voile la face, et pense pouvoir retarder l'inévitable.

- Ta gueule, mais ta gueule !

Le métis tressaillit. Le ton de Jack était acéré.

- Oh, Benoît, tu dois être un ange, non ? Aller, entre nous, tu peux bien nous le dire ! T'as déjà envisagé le meurtre, pas vrai ? Il faut dire que le motif était parfait pour toi.

- T-ta g-gueule... souffla Ben.

Fier de son effet, le blond repartit d'un éclat de rire mauvais. Il passa sa langue sur ses lèvres ; il se délectait du désespoir d'autrui, et Ben en était une source de choix. Par instinct, le métis brandit sa grande main au-dessus de sa tête. Il ferma son poing comme un avertissement. Jack prit un air apeuré, caricatural. Il jouait avec le feu. Et en l'occurrence, le feu était les nerfs de Ben.

- J'ai vexé le Grand Méchant Ben ? C'est bête, ça ! Et maintenant, tu vas faire quoi ? Me frap...


Le poing du métis s'abattit à toute vitesse sur la mâchoire de Jack. Ce dernier toussa, cracha un jet d'hémoglobine et releva le menton, les lèvres tendues en un rictus sanglant. Il se remit à rire comme un démon. Ben n'était plus qu'animé par toute la rage emmagasinée envers le blond. Les yeux exorbités, le souffle court, il leva de nouveau son bras. Le poing gifla l'air et vint frapper encore une fois. Nous entendîmes distinctement un os craquer. Le rire de Jack se mua en un hurlement. Mais Ben frappa de nouveau. Tout se passait si vite, avec une telle puissance, que lorsque je réalisai que leurs vies étaient en jeu, je paniquai. Je me tournai vers Capucine. La brune avait pâli et observait avec appréhension la scène. Elle sursauta quand elle intercepta mon regard et se tordit les mains.

- Je... Je ne peux rien faire... Il va le tuer, fit-elle d'une voix blanche.

Ben était sans aucun doute le plus fort d'entre nous. Seul Rufus aurait pu concurrencer sa puissance ; or, Rufus devait encore reposer en pièces détachées dans le réfectoire. Je lus la peur dans les yeux de ma camarade. Bianca et Yukie se tenaient en retrait. Elles ne pouvaient rien face au basketteur.
Mon dernier espoir reposait sur Atlan. J'attrapai le bras du brun qui regardait calmement nos camarades se battre. Ben frappait encore. Le corps de Jack soubresautait à chaque impact, sans qu'aucun son ne franchisse la barrière de ses lèvres. Je ne pouvais pas voir le visage du blond, mais rien qu'en imaginer l'état me donnait la nausée. Le poing de Ben, lorsqu'il remontait, était couvert de sang.

- Atlan, s'il te plaît, le suppliai-je. Jack va mourir et... Ben sera responsable... Ils vont mourir ! Tu dois l'arrêter !

Le brun me darda un regard glacial.

- Non. Je ne m'en mêle pas. C'est son problème. S'il n'est pas assez stable mentalement pour se contrôler, il recommencera.


Une décharge d'adrénaline me traversa. L'attitude détachée d'Atlan, la perte de moyens de Capucine, la mise en retrait des autres filles... Personne n'allait agir. Et les coups continuaient à pleuvoir. Qui sait si Jack n'était pas déjà mort.
Je ne réfléchissais pas. J'avais déposé mon cerveau dans cette action. Jack allait mourir, et Ben aussi ; tout le monde avait assisté à la scène. Je ne pouvais pas le laisser battre à mort le blond. Je savais que le métis n'aurait jamais réagi comme ça dans d'autres circonstances. Mais la fatigue, le désespoir et les provocations répétées de Jack avaient eu raison de sa conscience.
Je me jetai sur Ben et lui agrippai le bras. Je serrai de toutes mes forces ; même si c'était ridicule, j'espérais que le geste le fasse redescendre sur Terre. Je fus balloté une seconde, emporté la propre puissance du métis. Il retourna vers moi un visage déformé par la colère. Je ne le reconnaissais plus.

- Lâche-moi ! hurla-t-il avec une voix bestiale. Je vais le tuer !

- N-non !

Il poussa un nouveau cri rauque. Fit valdinguer son bras en avant. Il le recula à toute vitesse. Son coude m'atteignit en pleine tête. Avec toute la puissance dont le basketteur disposait. Une douleur irradia dans mon front et se propagea rapidement. Mes mains refusèrent d'obéir. Je lâchai prise.
Je tombai sur le dos. Les silhouettes de mes camarades se floutèrent, puis s'assombrirent. Puis plus rien.


[Reste : 7]

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