26 ½ - Audience divisée

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( lisez les seulement après avoir lu le chapitre )



Je m'étranglai lorsque les regards accusateurs se braquèrent de nouveau sur Atlan. Il demeurait, imperturbable, la main posée sur le manche du couteau. Il ressemblait à un guerrier face à des fauves. Les soupçons qui avaient été écartés auparavant lui revenaient en pleine face avec une simple phrase. Emi... elle avait exactement la réaction attendue pour quelqu'un qui cherchait à se disculper. Nous échangeâmes un regard entendu avec Capucine. La culpabilité de la rousse s'agrandissait un peu plus chaque seconde. Mais comment le prouver ? Elle paraissait réellement brisée par la mort de sa meilleure amie. Alors... faisions-nous fausse route ? Ne cherchait-elle pas à accuser Atlan par défaut, cherchant désespérément le meurtrier de Leeloo ? Simple désespoir, ou sordide jeu d'acteur ? Les deux possibilités, plausibles, se mélangeaient dans mon esprit, m'empêchant de réfléchir correctement. Elle me renvoyait ma propre image lors du premier procès. Accablé par la perte de Kitty, et pourtant accusé de toutes parts. Je ne pouvais pas la pointer du doigt aussi rapidement, il me fallait autre chose. Nous n'avions aucune certitude. Mais je devais innocenter Atlan, et n'abandonnerai pas tant qu'il ne serait pas lavé de tous soupçons.  

Le sourire de la rouquine se mua en une expression mêlant dégoût et accablement. Elle se jeta dans les bras de Rufus et commença à sangloter. Yukie et Ben baissèrent la tête. Il me fallait des preuves, mais je n'en avais plus aucune... Le brun crispa sa mâchoire, et je crus entrevoir des gouttes de sueur perler sur ses tempes. Il avait peur, et ne possédait aucune arme dans le combat pour prouver son innocence.


- Atlan a ouvert la porte de l'infirmerie quand nous étions dans la bibliothèque, fit Emi entre deux hoquets. C'est lui qui a enfermé Jack et écrit les lettres ! Ça ne peut qu'être lui !

Rufus caressait avec douceur le dos de sa petite amie, et lança à Atlan un regard désolé, comme pour s'excuser. Il ne soupçonnerait jamais Emi ; le seul potentiel coupable qui lui restait demeurait Atlan. Même constat pour Yukie, qui ne semblait pas résolue à suspecter son amie. Je déglutis. Je cherchai du soutien auprès de Ben, mais celui-ci semblait en proie à un dilemme intérieur.  
Jack se leva, couvant la rouquine d'un œil mauvais. 

- Vous ne voyez pas qu'elle cherche à vous manipuler ? fit-il d'un ton léger. Atlan est le suspect parfait, n'importe quel meurtrier aurait tenté d'orienter les soupçons vers lui. 

- Tu... Tu m'accuses d'avoir tué ma meilleure amie ? dit Emi d'une voix tremblante. Quel genre de malade es-tu ? 

Si jusque là elle pleurait, la rouquine avait prononcé sa dernière phrase avec un sérieux glaçant. Le blond haussa les épaules sans quitter son sourire narquois, mais resta silencieux quelques secondes ; il cherchait à faire réfléchir l'audience. En prince de la comédie, et étant le premier à nous avoir trompés lors du procès de Flora, il devait pouvoir reconnaître une telle menteuse. Je fus soulagé de comprendre qu'il était de notre côté. Avec lui et Capucine, nous allions pouvoir défendre Atlan.  
La rousse reniflait toujours dans l'ombre de Rufus. Je crus distinguer le coin de ses lèvres se tordre en un rictus assassin. Ses yeux étincelèrent, et ce n'était pas à cause des larmes. J'en étais certain, désormais. Emi avait tué Jean et Leeloo. Mais comment innocenter Atlan, que pourtant tout accusait ? 


Je balayai l'assemblée du regard. A mes côtés, le brun restait silencieux, mais avait resserré son emprise sur le couteau, prêt à le dégager au moindre faux mouvement. L'étau se resserrait sur Atlan. Son attitude détachée des derniers jours et sa disparition dans le donjon l'avaient élevé au rang de suspect tout désigné. Et le coupable, supposément Emi, l'avait bien réalisé. Je me sentais piégé dans une impasse gigantesque. Un piège à taille humaine tendue par une simple jeune fille. Si nous ne trouvions pas, nous allions tous mourir ; pas seulement Atlan. 

- Rappelle-moi, Emi, dit soudain Capucine. Tu es bien montée avec Rufus et moi, lorsque nous avons entendu Ben taper à la porte de Caleb, non ? 

- Bien sûr que oui, persifla la rousse. Pourquoi une question aussi évidente ? 

Les lèvres de la brune se redressèrent en un léger sourire. 

- Tu as dû te lever très rapidement, alors, puisque quand nous sommes montés, tu étais déjà dans les escaliers du premier étage. ( la mâchoire d'Emi se crispa de manière presque imperceptible ) Je me disais simplement que cela pouvait faire partie de ton plan depuis le début.  

Les larmes coulaient en deux filets sur les joues de la rouquine, mais ses yeux luisaient de colère. Jack sourit un peu plus. Bianca posa sur la jeune fille un regard mauvais. Je voyais enfin le bout de ce procès ; avec Capucine, nous allions pouvoir innocenter Atlan ! 


Le brun ne baissait pas sa garde pour autant. Il s'était rassis, mais assassinait la rouquine du regard. Cette dernière se blottissait dans les bras de Rufus qui lui chuchotait des « mais non, ma chérie, tu es innocente ». Il était maintenant impossible de lui faire entendre raison ; il avait confiance en sa petite amie. Et en cela... je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir. J'avais moi-même ces derniers jours, et encore à présent, voué une confiance aveugle envers Atlan. Il pouvait très bien être le coupable, mais je ne voulais pas y croire. Et je préférais mourir avec ma confiance plutôt que de vivre en l'ayant trahi. Je lui avais juré de lui faire confiance. Je... Je ne pouvais pas croire qu'Atlan puisse tuer deux personnes. Toutes nos soirées passées sur le banc me manquaient. J'aurais tout fait pour y retourner, fermer les yeux, sentir sa sempiternelle odeur de tabac ; et tout oublier. Le procès, les meurtres, tout. 


Capucine s'éclaircit la voix, prête à résumer toute l'affaire.

- Reprenons tout depuis le début, dit-elle. Il y a deux jours, Emiliana, tu as pensé à tuer Leeloo. 

- Jamais je n'aurais imaginé une chose pareille, c'est faux, totalement faux ! hurla la rousse.

Rufus la retint pour qu'elle ne se jette pas sur la brune. Je baissai les yeux. Encore une fois, était-ce une réaction de pure culpabilité, ou simplement le désespoir d'avoir perdu un être cher ? Je me demandai si nous ne faisions pas fausse route ; si nous n'étions pas en train d'accabler un peu plus une innocente ayant perdu sa meilleure amie.  

- Tu as alors échafaudé tout un plan, continua Capucine sans nous prêter attention. D'abord, tu as enfermé Jack dans sa chambre, pour être certaine qu'il ne te mettrait pas de bâtons dans les roues. En lui volant son couteau, tu s'assurais qu'il était inoffensif. ( Jack esquissa un sourire carnassier ) Un soir, hier en l'occurrence, Emi a écrit deux messages. Le premier à Leeloo, lui demandant de la rejoindre pendant la nuit, et le second à Ben, se faisant passer pour moi.  

Emi serrait les poings, répétant des « menteuse » sans discontinuer. 

- Leeloo est allée au rendez-vous. Tu l'attendais et as dû te faire passer pour sa grande amie avant de lui faire ingérer du poison... dans un thé, un gâteau, n'importe quoi, elle l'aurait prit sans aucun soupçon. Tu voulais sûrement faire penser à un suicide en fermant de l'intérieur et en t'échappant par la fenêtre. A ce moment, Jean, qui devait se cacher depuis deux jours, est arrivé. Au mauvais endroit, au mauvais moment. Tu l'as assommé et as eu l'idée du mécanisme du pendu. Après avoir pris des cordes dans la piscine, tu as planté le couteau de Jean dans la jambe de Leeloo. Les gouttes de sang ne peuvent venir que de toi, tu as utilisé son propre sang ; ça faisait partie de ton piège, pour que Ben panique. ( elle marqua une pause ) Après avoir installé Jean dans l'infirmerie, tu as attaché la corde autour de son cou. Tu es redescendue l'attacher l'extrémité au cou de Leeloo, et as transformé la pièce en chambre close avec la chaise. ( elle se tourna vers l'assemblée ) Emi a très bien pu sortir par la fenêtre. Certes, elle se trouvait au deuxième étage, mais elle a pu utiliser une autre corde et descendre avec.  

La voix de Capucine sonnait de plus en plus confiante à mesure qu'elle parlait. Emi devint livide.

- Ce matin, tu étais déjà debout lorsque Ben est arrivé à la bibliothèque. Quand il est reparti, complètement paniqué, tu as simplement ouvert la porte de l'infirmerie. Puis, avant que Caleb et lui ne reviennent, tu t'es cachée au premier. Il te suffisait ensuite de te mêler au reste du groupe, laissant Jean tomber lorsque nous serions tous ensemble.


La lèvre inférieure de la rousse frémit. Elle crispa ses doigts autour du t-shirt de Rufus. Elle semblait réfléchir, ou du moins, chercher une quelconque défense. Mais la théorie de Capucine ne pouvait qu'être exacte. Toutes les preuves convergeaient vers Emi.

- Conneries ! hurla la rouquine à travers ses larmes. 

Elle se reprit, la voix aiguë, le timbre chancelant. Ses mèches rousses retombaient en rideau devant son visage et se collaient sur ses joues humides. Elle ressemblait à la parfaite innocente ; la parfaite fille blessée et désespérée.  

- Ce ne sont que des suppositions... Atlan aurait très bien pu faire tout ça. Il n'a aucun alibi, AUCUN !

Le brun blêmit. Elle avait hurlé le dernier mot d'un ton hystérique, les yeux exorbités. Elle tremblait. Rufus la serra un peu plus dans ses bras. Yukie baissa la tête, l'air accablé. 

- C'est vrai qu'Atlan est le plus suspect d'entre nous... Il n'a aucun alibi concernant les deux derniers jours... Et je ne peux pas imaginer Emi vouloir tuer Leeloo. Elles étaient inséparables !

Emi acquiesça vivement, épaulée par Rufus, et, plus étonnant, Charlie. Du moins, iel bougea ses marionnettes de haut en bas. Ils étaient quatre. Quatre à penser Atlan coupable. Je cherchai du soutien auprès de Bianca, qui me fit signe qu'elle était de notre côté, et Ben, qui semblait désormais totalement convaincu par la culpabilité de la rousse. 


Hologramme, qui jusque là se délectait de notre débat, abattit ses paumes pixellisées sur la table. Elles s'y écrasèrent sans le moindre bruit, mais le mouvement répandit une onde de choc imperceptible, qui pourtant nous figea dans nos discussions. Son large sourire était terrifiant. 

- Il est l'heure de passer au vote, déclara-t-il d'un ton mielleux.

Je ne pus réprimer un frisson. Le vote. Nous ne nous étions pas mis d'accord sur le coupable. C'était la parole d'Emiliana contre celle d'Atlan. Un assassin contre un innocent. L'un des deux était forcément le coupable ; ils étaient les seuls à avoir pu réaliser un tel plan. Je voulais croire en Atlan ; je lui accordais toute ma confiance. Nous étions six contre quatre. Emi serait désignée comme coupable à la majorité. Oui ; nous ne pouvions pas perdre ce procès. Pas après la démonstration de Capucine. C'était impossible.  

Les noms défilèrent de la bouche d'Hologramme. Même les défunts y passaient ; une manière grotesque et sordide de nous rappeler leur disparition. Comme à chaque fois, une brève angoisse me saisit lorsque mon prénom fut appelé. J'avais peur que des mains se lèvent, que mes camarades me désignent pour aucune raison. C'était bête, mais je ne pouvais empêcher mon esprit de se figurer les pires scénarios.  
Hologramme prit tout son temps. Tout le monde fut appelé avant les deux principaux suspects. Je tordais mes mains et ne parvenais pas à lâcher le brun des yeux. Lui fixait un point dans le vide, muet, en proie à l'angoisse. Et Hologramme prononça son nom. « Atlan ». Mes mains devinrent instantanément moites, et mon corps fut secoué de frissons irrépressibles. Je stressais comme je n'avais jamais stressé auparavant. La vie d'Atlan, et les nôtres, se jouaient à présent. 


Emi leva la main. Son visage était horrible, scindé en deux émotions distinctes. Ses yeux suppliants et trempés de larmes, et son immense sourire carnassier. Elle semblait deux personnes à la fois. Rufus, Charlie et Yukie la suivirent. L'asiatique me jeta un regard désolé, puis fixa le sol.  
Je soufflai. Nous étions toujours six. La majorité irait sur Emi, et...
Une inspiration mêlant douleur et surprise sembla résonner dans nos crânes, et une cinquième main, aux ongles vernis de rouge, se dressa en tremblant. Mon cœur s'arrêta de battre. Quoi ? Qu'est ce qui était en train d'arriver ? Pourquoi... ?

- Bianca... qu'est ce que... tu fais ?

La blonde ne me répondit rien, le visage figé en une expression amorphe. Elle était livide et ses yeux glissèrent avec horreur vers sa jambe. Je me levai d'un bond et ne put que constater avec effroi ce qui se tramait. Emi, de sa main libre, avait dégainé une fourchette qu'elle venait d'enfoncer sous l'articulation du genou de sa voisine. En l'occurrence, Bianca. La main posée sur le manche, elle menaçait à tout instant de faire levier, arrachant l'os et rendant la douleur insupportable. Son regard fou se posa sur Atlan, et un rire étouffé jaillit d'entre ses lèvres. Rufus blêmit, mais parut surtout horrifié de l'attitude de sa petite amie.  
Charlie, qui avait levé l'une de ses marionnettes, hésita. Mais Hologramme l'interrompit d'un geste.  

- C'est trop tard pour changer d'avis ! chantonna-t-il.


Il appela le nom d'Emiliana. Nous levâmes la main à l'unisson. Atlan, Jack, Ben, Capucine et moi. Une, deux, trois, quatre... cinq. Contre... cinq. Je sentis le monde tourner, s'effondrer autour de moi. Egalité. Ce mot résonna dans mon esprit comme une chanson mortuaire. Egalité. Nous avions perdu ? Non... Ce n'était pas possible. Atlan blêmit. Ben plaqua la main sur sa bouche, sous le choc. Capucine se leva brusquement. Le bruit produit par sa chaise fit l'effet d'une détonation dans le silence.  

- Il... Il faut qu'on vote à nouveau ! On... on doit voter encore ! Hologramme ! ( elle joignit ses mains tremblantes ) Je t'en supplie !

La brune semblait réellement paniquée. L'hologramme s'esclaffa. Même Jack déglutit avant de pâlir. 

- Impossible, le vote est irréversible. Mais comme le coupable est l'un des deux, je vais considérer que vous avez bien répondu.

Je tremblais. Mon corps ne me répondait plus. Je voyais défiler devant mes yeux les exécutions de Flora et Thomas ; m'imaginant Atlan à leur place. C'était atroce. Je voulais mourir. Mon cœur battait anarchiquement, me déchirant la poitrine. Chacune de mes inspirations se faisait plus irrégulière que la précédente. J'avais encore du mal à réaliser ce qui allait arriver. Ce ne pouvait être qu'un cauchemar. Je devais me réveiller. Je commençai à me pincer le bras jusqu'au sang, mais rien. Mes camarades étaient toujours autour de moi, et le verdict, inchangé. 


Atlan demeurait immobile. Ses mains frémissaient et il fixait le vide.

- Emi... Bordel, Emi, pourquoi ? hurla Ben. 

Le hurlement de Bianca fit trembler le tribunal lorsque la meurtrière arracha la fourchette de la plaie. Elle brandit le couvert ensanglanté comme une arme ; elle pleurait en même temps. L'espace d'un instant je revis Jean, et sa paranoïa. Si lui ne l'avait pas cachée, je n'avais jamais envisagé l'hypothèse que certains puissent jouer la comédie. Emi recula jusqu'à ce que son dos heurte le mur. Elle n'avait pas cessé de rire, les yeux exorbités par une folie bien réelle. Elle laissa sa tête s'affaisser, entre ses épaules secouées par intermittence. Si mes jambes avaient écouté mon cœur, je l'aurais étranglée à mains nues. La rage se mêlait à la peur, créant une cacophonie dans mon esprit. Je crevais de l'intérieur.  

- Elle me dégoûtait... souffla-t-elle. 

- Pardon ? s'enquit Rufus. 

La rouquine se redressa. Elle ressemblait à une possédée avec ses cheveux collés, ses larmes, son sourire. La Emi que nous connaissions, celle qui adorait faire la fête et avait toujours un mot pour rire, avait définitivement disparu.  

- Elle me dégoûtait ! hurla la rousse, hystérique. Cette pute avait des sentiments pour moi ! Des sentiments... Dégueulasse, dégueulasse, dégueulasse... Elle devait mourir... et j'aurais pu sortir grâce à ça... ( son sourire s'agrandit, à mesure que des larmes roulaient sur ses joues ) Mais tout n'est pas foutu, oh non. Je meurs, mais j'emporte cette ordure avec moi. 

Elle désigna Atlan, puis elle glissa en position fœtale et continua à marmonner des infamies. Son corps se balançait d'avant en arrière au rythme de ses éclats de rire. Elle n'avait plus rien d'humain. La folie finissait lentement de consumer l'esprit de celle qui, incapable d'accepter les sentiments de sa meilleure amie, l'avait tuée sans états d'âme. Rufus se laissa tomber sur sa chaise et saisit sa tête à deux mains, impuissant. Yukie me lança un regard désespéré.  

Mais il était trop tard. 

Les votes étaient irréversibles

Et les excuses ne sauveraient pas Atlan.


Le brun se leva d'un bloc, comme déconnecté de la réalité. Il était livide. Il tourna vers moi ses yeux, ses magnifiques yeux bleus brillants d'une lueur suppliante. 

- Non, non, non, non, NON ! hurlai-je.

Je me jetai sur Atlan, dans l'espoir naïf de, je ne sais pas, le rattraper, le sauver. D'attraper sa main, et de partir en courant. Je voulais m'asseoir sur notre banc. Je voulais rester avec lui pour l'éternité. 

Mais on ne change pas les règles du jeu. 

Et mes bras se refermèrent dans le vide, à l'instant précis où deux trappes trouaient le sol ; emportant la meurtrière et l'innocent vers une mort certaine.  


Nous avions perdu. Définitivement perdu.


[Reste : 10]    


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