24 - Chambre close

Dans ce chapitre, les éléments utiles à l'enquête seront mis en gras. 



Je fus réveillé en sursaut. Quelqu'un tambourinait à ma porte sans discontinuer. Qu'est ce que... ? J'enfilai le premier jean à ma portée et bondit presque pour ouvrir. Les coups ne s'arrêtaient pas. Mes mains étaient moites sur la poignée. Mon mauvais pressentiment revint sous forme de crampe d'estomac. Je me refusais d'imaginer le pire, mais...
Un Ben complètement paniqué me fit face. Son visage, blême, était maculé de sueur. Et ses respirations saccadées m'informèrent qu'il venait de courir. Ses pupilles rétrécies témoignaient d'un stress maximal. Je l'avais rarement vu dans un tel état. Il semblait craindre quelque chose. 

- Y'a du sang dans les escaliers, déclara-t-il d'une voix blanche. Ça va jusqu'au deuxième, sous la porte de la bibliothèque. Mais... mais elle refuse de s'ouvrir...

Mon cerveau, encore embrumé par ce réveil forcé, avait du mal à faire le point. Mais Ben ne me laissa pas le temps de la réflexion ; il agrippa mon bras et me tira dans le couloir.


Ben disait vrai. Les escaliers, faits dans un carrelage clair, étaient maculés de gouttes écarlates. Elles commençaient à la base des marches. Cependant, rien n'indiquait que quelqu'un avait reçu un coup de couteau dans les environs. Ces tâches semblaient juste... sorties de nulle part. Je m'y penchai, tremblant, et en effet, il s'agissait de sang. De grosses gouttes sombres écrasées à intervalles réguliers. Elles étaient sèches. Comme si quelqu'un, blessé, était monté dans les étages quelques heures auparavant. Mais qui ? Et pourquoi ? Il s'était définitivement passé quelque chose ici.
Je retins mon souffle. C'était mauvais ; très mauvais. Un bourdonnement sourd me fit tituber. Voir du sang, dès le réveil... 

- Dépêche-toi ! me cria Ben. Quelqu'un est peut-être en danger !

Je le suivis, sans pour autant empêcher mon cerveau de former mille et un scénarios sordides. Je voulais, comme le métis, penser que le propriétaire de ce sang était encore en vie ; seulement blessé. Mais les chances étaient infimes, et le sang sec en était une preuve. Mais je peinais toujours à comprendre... pourquoi la personne était-elle montée ? Si quelqu'un la pourchassait, il lui aurait suffit d'entrer dans sa chambre et de se barricader. A moins... que ce ne soit l'inverse ?


Les gouttes de sang montaient jusqu'au deuxième étage. Toujours sec. Mais j'eus beau regarder de tout côtés, il n'y avait aucun corps. Aucune autre trace que ce chemin sanglant. Ben me désigna la porte de la bibliothèque. En effet, la traînée de gouttes passait dessous. Celui ou celle qui avait été blessé se trouvait donc forcément à l'intérieur. Je tentai d'ouvrir la porte, mais la poignée refusait de s'abaisser. Comme si... on la bloquait de l'intérieur.

- Tu vois ? s'enquit le métis. Quelqu'un s'est enfermé ! J'ai eu beau frapper, appeler, mais aucune réponse ; rien. 

Il se tordait furieusement les mains et je comprenais son inquiétude. Rien ne garantissait que ce n'était pas Capucine, à l'intérieur. Ni même Atlan. Le stress s'accentua dans mon corps, et avec lui, ma sempiternelle boule au ventre. Je ne souhaitais la mort de personne, mais s'il devait se passer quelque chose... faites que ce ne soit pas lui.
Ben chargea une première fois. La porte trembla à peine, toujours impossible à ouvrir. Une seconde fois. Même constat. Ma respiration s'accéléra. Je sentais mon cœur battre à tout rompre. A mesure que les secondes s'égrenaient, mon angoisse croissait.


Des pas retentirent dans l'escalier, accompagnés de vives discussions. Rufus, Emi et... Capucine. Je pus clairement entendre Ben lâcher un soupir soulagé. Nous leur expliquâmes que la porte était fermée ; que quelque chose à l'intérieur de la pièce bloquait la poignée. Rufus prit les choses en main ; littéralement. Il banda ses muscles, et, avec un cri guerrier, traversa le bois de son poing.

- Bravo, mon amour ! s'exclama la rouquine. 

Le colosse lui rendit un sourire forcé, mais il semblait faire un effort surhumain pour ne pas s'évanouir. Il tremblait, et des gouttes de sueur maculaient ses tempes. La vue du sang le terrifiait toujours autant. 

- Attention, mon cœur, ça pourrait être dangereux. 

Sur ces mots, Rufus enroula ses bras autour de sa petite amie et la tira doucement en arrière. A en juger son visage, il cherchait plus à se rassurer plutôt que de protéger Emi.
Capucine, le regard glacial, passa la main dans le trou formé par Rufus. 

- C'est une chaise. 

Nous entendîmes un grincement au moment où elle la repoussa vers l'intérieur, libérant ainsi la poignée. Elle ouvrit la porte sans attendre.


La vision qui s'imposa à nous me broya le cœur. Ben plaqua ses mains sur sa bouche. J'entendis Emi pousser un cri de surprise. Le corps de Leeloo, assise contre la fenêtre, semblait dépossédé de toute vie. La jeune fille était bel et bien morte.

- Oh... mon... Dieu... souffla la rousse en reculant. 

- C'est une blague... hein ? dit Ben, sous le choc. 

Rufus s'évanouit dans un grand fracas. Si les quelques gouttes dans les escaliers l'avaient affecté, la flaque de sang entourant la jeune fille était le coup de grâce.
Leeloo avait les yeux ouverts, écarquillés. Un filet de sang dégoulinant sur son menton et les mains rassemblées en croix contre sa poitrine. Elle semblait surprise, effrayée, suppliante. Mais surtout, ses traits étaient marqués par une douleur sans nom. Elle avait agonisé avant sa mort, et cela rendait la scène d'autant plus atroce à regarder. Comme si tout cela ne suffisait pas, un couteau était planté dans sa jambe, sans doute au niveau de l'artère fémorale, ce qui expliquait ce flot écarlate. 

Et le clou du spectacle des horreurs, c'était sans conteste la corde de bouées, celle que l'on trouvait dans la piscine, enroulée autour de sa gorge. C'était presque grotesque, de voir un tel objet multicolore sur une scène de crime. Qui que soit l'assassin, je ne comprenais absolument rien à sa manière de procéder. La bouée, le sang, et... le couteau. 

Le couteau. 

Je dus m'appuyer sur un mur pour ne pas m'évanouir.
Seules deux personnes possédaient un couteau.
Jean, et Atlan.
L'un des deux avait forcément quelque chose à voir dans cette affaire. Je n'avais donné à personne le code du cadenas, et, à moins de le briser, personne n'aurait pu accéder au débarras. Jack n'avait plus le sien, et était enfermé.


Ben s'était assis à l'extérieur de la pièce. Livide. Avait rassemblé ses jambes sur son torse et se retenait de pleurer. Leeloo... Nous étions restés discuter sur le banc, la veille. Elle m'avait semblé déprimée, mais Ben était parvenu à lui arracher un sourire. Il s'inquiétait du moral de la jeune fille, et j'étais maintenant persuadé que l'idée du « banc des cœurs brisés » venait de lui. Je ne pouvais qu'imaginer comme il se sentait à présent. Pourquoi... pourquoi fallait-il que tous ceux à qui je tenais meurent un par un ? Je couvris mon visage de mes mains et pris une grande inspiration. Je regrettai ce geste dans la seconde ; une immonde odeur métallique flottait dans la pièce.
A l'instar de Ben, Emi était assise à côté d'un Rufus toujours sans connaissance. Elle lui tenait la main et avait planté son regard dans le vide. Elle semblait plus dévastée par ce meurtre que les autres, et pour cause. Leeloo et elles étaient proches depuis le début. Il ne lui restait plus que Rufus, désormais.


Capucine claqua des doigts devant moi, me faisant brusquement revenir à la réalité.

- Tu comptes investiguer, ou chialer des torrents de larmes en attendant le procès ? 

Son ton était plus glacial que jamais, mais malheureusement, elle avait raison. Il fallait rassembler le maximum de preuves avant qu'Hologramme ne sonne l'heure du tribunal si nous voulions démasquer le meurtrier. J'avais toujours du mal à croire qu'il s'agissait d'un de mes camarades... Hologramme d'ailleurs, ne tarda pas à faire son apparition. Il admira quelques secondes la scène malgré ses orbites vides, tout sourire. 

- Oh, la la ! s'exclama-t-il. Franchement, vous m'impressionnez ! Tuer vos copains avant même que je ne vous motive à le faire... Certains se seraient-ils prit au jeu ? Rendez-vous dans une heure pour le procès ! Je sens qu'on va bien se marrer !

Je me sentis blêmir. Aucune motivation n'était en jeu cette fois-ci. Le coupable avait donc commis son crime dans le seul but de sortir ? C'était tellement... égoïste. Capucine mettait tout en place pour que nous nous en sortions, pour que nous renoncions à la tuerie. Et pourtant...

- La ferme, cracha la brune. Donne-nous le rapport.

L'hologramme ne releva pas l'agressivité de la jeune fille et nous remis la feuille plastifiée. Il semblait, comme à son habitude, hilare.


« Victime : Leeloo
Lieu du crime : la bibliothèque au deuxième étage
Heure du décès : environ minuit et demi
Cause du décès : suffocation
Informations complémentaires : un couteau a été planté dans la jambe de la victime ; on suppose qu'il a touché l'artère fémorale. »


Nous échangeâmes un regard interrogateur. Quelque chose ne collait pas dans ce rapport... 

- La cause de la mort, dit Capucine. « Suffocation », hein ? Mais on ne sait pas ce qui a causé cette suffocation. 

- C'est vrai... il pourrait s'agir d'étranglement ou d'empoisonnement, terminai-je. 

Les deux hypothèses demeuraient plausibles, à en juger l'état du corps. Les bouées auraient pu servir à étrangler, mais le sang qui coulait depuis sa bouche laisser sous-entendre un empoisonnement. Et ce couteau... à quoi servait-il, au juste ? Avait-elle reçu cette blessure avant d'être définitivement tuée ? La scène de crime elle-même était incompréhensible. La porte fermée par une chaise, de l'intérieur... à quoi cela rimait-il ? Trop d'éléments sans explications demeuraient ; je n'arrivais pas à les relier entre eux. Capucine semblait elle-même plongée dans une réflexion intense.
Hologramme devait prévenir les autres, puisque nous avions découvert le cadavre. Ils ne tardèrent pas à arriver. Dans l'ordre, entrèrent dans la bibliothèque Yukie, Bianca, Charlie, et... Jack. Le blondinet arborait un immense sourire carnassier, qui s'élargit en avisant le corps. 

- Jack ? T-tu n'es p-pas censé être... enfermé ? 

Il éclata d'un rire mauvais et ouvrit la bouche pour me répondre.


A cet instant précis, un son résonna, nous glaçant le sang. Un craquement sordide, très bref, puis plus rien. Chacun avait redressé la tête, sur le qui-vive. Mon cœur se remit à cogner dans ma poitrine. Capucine fronça les sourcils, s'approcha du corps de Leeloo. Elle fixa les bouées autour de son cou. Elle blêmit, et souffla d'une voix blanche :

- Cette corde n'était pas aussi serrée à notre arrivée, j'en suis certaine.


[Reste : 10]

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