Chapitre 2

« Étide. Est ce que tu nous écoutes ?

-Bien sûr Ineur. Je suis aveugle, pas sourde.

-Alors pourquoi tu n'as pas répondu à ma question ?

-Tu n'as pas besoin de ma réponse pour comprendre que cette question est stupide. »

L'horloge affichait qu'il était déjà 16 heures en horaire Munienne. Trois adultes étaient assis, autour d'une table ronde, avec au milieu, une couronne tachée de sang. Celui qui se faisait appelé Ineur, attrapa délicatement l'objet et le passa à un homme grand et imposant qui se tenait juste à côté de lui:

« Observe bien Trotre. Voici le magnifique cadeau que Préfance m'a laissé.

-D'un or pur et d'une beauté inimaginable. Elle vous ira parfaitement, avez vous choisi votre second ?

-Oui. Étide sera ma seconde. »

Les yeux de Trotre s'écarquillèrent alors qu'il tourna lentement la tête vers l'élue qui ne cherchait même pas à croiser son regard. Son poing se serra et il fronça ses sourcils en se rapprochant d'Ineur qui venait de reposer la couronne. La nouvelle ne semblait pas lui avoir plu, il retint un grognement ou même de sortir son poignard et susurra simplement au futur roi, sur un ton haineux:

« Pourquoi elle ? C'est une handicapée, irrespectueuse en plus. Alors que moi, je vous ai servi et conseillé pendant des années. Pourquoi l'avez vous choisi ?

-Tu es un excellent conseiller Trotre. Mais pour mettre le royaume en confiance, je dois leur montrer que je suis ouvert et bon. Ce n'est pas avec ton physique et ta réputation de brute que je passerais pour un roi sage et écouté. À l'inverse, ils suivront un roi qui met les handicapés sur un pied d'égalité. D'autant que le royaume aime Étide. Elle est intelligente et juste pour eux...alors ils penseront la même chose pour moi. »

Cette déclaration ne semblait pas convaincre l'homme qui n'avait pas fait disparaître sa grimace. Il frappa la table du poing et pointa du doigt la femme qui commençait à se lever pour quitter la salle:

« On en a pas fini Étide ! Tu n'as pas répondu à notre question !

-Hum. Posez la, alors.

-Comment veux tu que ton oncle, le Roi Préfance soit exécuté ?

-...Comme vous voulez. »

Cette fois, Étide quitta définitivement la pièce. Trotre et Ineur la regardèrent partir et l'expression amicale de ce dernier changea en devenant beaucoup plus méfiante. Il lançait un regard noir vers l'endroit où Étide était partie et serra les dents en repensant aux paroles de sa seconde. Ce n'est pas une réponse, idiote.

Étide était restée un moment devant la porte, l'air d'écouter un peu pour savoir si les deux hommes continuaient leur conversation. Comprenant qu'il ne se passait rien, elle s'en alla et traversa le long couloir. Elle évitait les servantes et les soldats qui se baladaient près d'elle et essayait d'atteindre la sortie du château. Elle avait besoin de prendre un gros bol d'air avant l'exécution de ce soir. Et surtout, elle voulait aller voir comment son cousin, Ropie, appréhendait la mort prochaine de son père.
Alors qu'elle tapait dans un caillou, elle se dirigea vers les écuries et attrapa doucement les rênes d'un cheval à la belle robe noire. Le cheval commençait à paniquer et à bouger dans tout les sens. Étide se dépêchait d'essayer de le calmer: 

« Chuuuut...calme toi Luisa. Tu n'as rien à craindre, on va juste aller voir Ropie. »

La jument se calma peu à peu et Étide continua de la caresser en lui marmonnant des mots à son oreille. Si il y avait bien une chose qu'Étide adorait, c'était les animaux. Elle se sentait en paix avec eux, plus qu'avec les humains. Elle n'a jamais compris d'où lui venait sa passion pour les animaux, de toute façon, elle n'avait aucun souvenir de son enfance avant ses 14 ans.
Une fois s'être assurée que l'animal était enfin entièrement détendu, Étide se hissa et monta sur le dos de Luisa. Elle regarda le soleil qui était resté haut dans le ciel, puis, fit signe à Luisa d'avancer.
De l'autre côté du château, à quelques rues d'ici, la fratrie Voutoilier était retenue prisonnière dans le sous sol d'une des maisons. Finut n'avait cesser de se cogner volontairement contre la porte, espérant créer une ouverture. Malheureusement, rien ne marchait et Guente et Espain le regardaient faire, l'air dépitées. Au bout d'un moment, fatiguée de voir ce triste spectacle, Guente lança:

« A...a...arrête F...Finut. Ça...ça...sert à r...r...r...rien.

-C'est toi qui sert à rien, idiote ! »

Guente baissa la tête face à la réplique de son frère. Elle avait l'habitude qu'il l'insulte, il avait toujours été comme ça de toute façon, c'était dans sa nature. Mais avant, c'était juste des taquineries, ça s'était encore plus aggravé quelques semaines avant leur départ en bateau pour Mune. La femme essayait de comprendre qu'est ce qui avait bien pu se passer avec son frère pour qu'il soit comme ça, ça ne lui ressemblait pas.
De toute façon, le plus important, c'était de sortir d'ici. Guente jeta un coup d'œil à un trou en hauteur où passait l'air mais qui était malheureusement trop étroit pour qu'ils puissent s'y enfuir. Elle regarda ensuite la jeune Espain, qui était recroquevillée dans un coin, effrayée.
J'ai de la peine pour elle...elle est encore petite et innocente, ils n'auraient pas du l'enlever elle aussi.
D'un coup, une idée germa dans la tête de Guente. Petite...c'était ça ! Elle tapota rapidement l'épaule de Finut, qui se retourna vers elle, l'air irrité:

« Quoi encore ?

-Espain !

-Quoi Espain ? Elle est malade ?

-N...Non ! Elle...elle va nous faire sortir d'ici !

-De quoi tu parles, c'est une gosse ?!

-J...Justement ! »

Guente se dirigea vers sa petite sœur et s'agenouilla devant elle. Elle lui prit doucement la main, pour la mettre en confiance et lui chuchota:

« Espain, tu...tu es petite. Tu..tu...tu...tu peux passer pa...par le trou et t'enfuir d...d'ici pour aller chercher de l'a...l'ai...l'aide.

-...

-A...Acceptes tu de...de...de nous aider ? »

Après un long moment d'hésitation, la petite fille hocha doucement la tête. Elle recoiffa un peu ses cheveux roux et se leva faiblement en regardant Finut de ses yeux marrons clairs. Le frère était resté près de la porte et regardait ses sœurs, l'air épuisé à force d'avoir foncé dessus. Il finit par lâcher un léger soupir de résignation:

« Merci Espain. »

La petite rouquine arbora un léger sourire comme pour lui dire « de rien ». Puis, Finut se retourna et se colla contre la porte. Il prit une grande inspiration en regardant ses sœurs, droit dans les yeux:

« Je vais faire diversion le temps que tu aides Espain à sortir.

-Comment vas tu faire ?

-Tout à l'heure, le Amile avait l'air de galérer à écrire cette lettre de rançon en Munien. Je peux lui proposer mon aide.

-Et comment va t'il accepter ? Tu es son prisonnier !

-Fait moi confiance. AMILE ! »

Des bruits de pas se faisaient rapidement entendre. Guente restait au fond du cachot avec Espain tandis que Finut attendait le Munien, droit devant la porte. Amile ouvrit finalement cette dernière d'une poignée de main ferme. Ses yeux étaient sombres, des rides s'étaient creusées sur son front et son sourire était abaissé. Il avait clairement l'air furieux:

« Quoi encore, idiot ?! J'essaye de me concentrer !

-Sur la lettre que tu essayes d'écrire ? T'as pas l'air d'y arriver, tu ne sais même pas faire un e correctement !

-En quoi ça te concerne ?!

-Bah, c'est juste que je trouve ça hilarant que de soi disant kidnappeurs comme vous ne sachent même pas écrire une lettre de rançon. Attendez, ne me dites pas que vous êtes illettrés ?! Autant en France, ça ne m'étonne pas...mais dans un pays aussi avancé que Mune, vous faites honte à votre gouvernement ! »

Les yeux d'Amile avaient cette fois viré au rouge. Il ne supportait pas ce coq fier et prétentieux, qui critiquait tout le monde sans réfléchir. Il voulait lui donner une bonne leçon. D'un coup, il eut une idée et sa grimace se transforma en un sourire narquois. Il attrapa vivement le col de Finut et lui murmura:

« Alors tu veux jouer ? Et bah on va jouer. On va voir si t'arrives à écrire cette lettre, monsieur le poète !

-Ça donnera toujours un résultat plus présentable que toi ! »

Amile le tira violemment hors du cachot et se dirigea avec lui vers son bureau. Avant de disparaître avec son ravisseur, Finut fit un clin d'œil à Guente pour lui donner le signal. Elle pouvait commencer à faire échapper Espain. Une fois s'être assuré que son frère, et donc aussi Amile, étaient loin, elle se retourna vers la petite fille. Ses mains sur ses épaules, elle lui ordonna:

« Ok Espain, tu v...vas...m'éc...m'écou...m'écouter atten...ti...ve...ment. »

Espain observait sa demi sœur, l'air un peu perdue mais en même temps, concentrée sur la situation. Elle savait qu'elle était le dernier espoir de sa fratrie. C'était d'ailleurs là que venait son nom, Espain, l'espoir et lointain. L'Espoir qui vient de loin. Pour elle, c'était un peu sa destinée de sauver la famille Voutoilier ainsi que son honneur. Et ça commençait par les aider à s'échapper d'ici.
Guente se rapprocha du trou et fit signe à sa petite soeur de venir près d'elle. Rapidement, elle joignait ses mains et pliait ses jambes avant de faire un clin d'œil à Espain:

« M...Mo...Monte d...dessus. »

La fillette s'exécuta et se hissa sur sa soeur, en posant ses pieds sur ses mains. Elle hésita un moment, ayant peur de lui faire mal, mais Guente lui faisait signe de continuer à monter. Espain finit par se forcer à grimper et réussit à atteindre le haut du trou. Une fois ses mains agrippées au rebord, Guente la poussa pour qu'elle s'y faufile. La rouquine hésitait à sortir sa tête, car le trou donnait directement sur l'extérieur et elle avait peur de tomber sur un autre ravisseur. Mais en sentant l'impatience de Guente, elle finit par ramper dans le trou et dégagea tout son corps. Elle se releva et regarda un peu à travers l'échappatoire, pour voir si elle voyait sa grande sœur. Guente lui souriait de l'autre côté:

« B...Bien joué ! Ma...mai..mainte...nant. Va...va cher...cher...quel..quelqu'un. »

Espain sourit à son tour, contente de voir que quelqu'un était pour une fois fier d'elle. Née bonne dernière de la fratrie, elle n'a jamais connu sa mère qui était une simple courtisane avec qui le père de Guente et Finut avait trompé la mère de Guente. Et étant une erreur d'un soir, ni son père, ni sa belle mère lui avait donné de l'attention. Quand à Guente et Finut, ils avaient toujours été trop occupés à rester ensemble ou à se disputer pour vraiment la regarder.
Lorsque leur père est mort, Espain était tellement invisible à leur yeux qu'ils en avaient presque oublié qu'ils avaient une petite soeur au moment du déménagement.
Espain savait qu'elle n'était pas très utile, alors elle se contentait de ne rien dire, de jouer son rôle de décor. De toute façon, elle ne pouvait pas faire plus.
Mais cette fois, c'était son heure de gloire. Elle se mit immédiatement à courir de toute ses forces à travers les petites ruelles de Mune, à la recherche de quelqu'un qui pourrait les aider. Il était environ 16h30, quelque chose comme ça. Le soleil, en plein été, tapait très fort sur la petite fille qui ne s'était pas hydraté depuis longtemps. Rapidement, elle commençait à manquer de souffle mais essayait de ne pas s'arrêter. Il fallait déjà qu'elle quitte les bas fonds de Mune, le territoire d'Amile et qu'elle aille chercher de l'aide chez les plus hauts placés. Ils avaient forcément une sorte de petite armée de chevaliers ou de justiciers quelconques qui allaient pouvoir les aider.
Elle finit par s'arrêter au bout d'un moment. Elle commençait à être un peu perdu. Elle tournait sur elle même, essayant de repérer où elle allait. Les panneaux étaient écrits en Munien et elle ne parvenait donc pas à les comprendre. Alors, elle se basa sur le décor. Et elle avait bien remarqué qu'il y avait une rue où les maisons commençaient de moins en moins à être abîmées. C'était sûrement la sortie de ces terrains dangereux. Elle soupira de soulagement avant d'entendre des voix familières derrière elle.

« Regardez moi ça, un petit sac d'argent vient de s'égarer. T'es pas sensé être chez Amile, sale mioche ?! »

Espain ne comprenait pas ce que ce groupe de trois garçons disaient. Mais elle savait qu'ils faisaient partit des ravisseurs qui avaient fait équipe avec Amile. Elle gloussa et resta frigorifiée un moment sur place. Que devait elle faire ? Courir ? Mais si ils lui tiraient dessus avec un arc ? Elle ne savait pas si ils étaient armés. Mais d'un autre côté, si elle restait là, ils risquaient de la ramener, voir de la tuer pour qu'elle ne s'enfuit plus.
Dans tout les cas, c'est dangereux. Alors autant essayer d'être utile.
Espain décida finalement de se remettre à courir vers la sortie. Elle entendait un des garçons crier aux deux autres des paroles incompréhensibles, puis, des bruits de pas s'enchaînaient derrière elle. Comme elle l'avait deviné, ils la poursuivaient.
Pour l'instant, heureusement, ils ne la rattrapaient pas. Mais la fillette rousse manquait de plus en plus d'énergie et ses petites jambes ne faisaient pas le poids face aux jambes athlétiques de ces Muniens. Finut lui avait dit avant de partir que Mune était un pays extrêmement avancé, avec de grands intellectuels. Mais elle ne pensait pas qu'ils étaient également sportifs.

« On va te rattraper, petite idiote ! Et on va te décapiter ! »

Non, non ! Je veux pas qu'ils s'approchent de moi ! Que quelqu'un m'aide, s'il vous plaît !
Les larmes commençaient à couler alors qu'elle ralentissait considérablement et qu'ils se rapprochaient. Bientôt, elle n'allait plus avoir suffisamment de respiration pour continuer. Son cœur lui faisait mal et elle avait des points de côté partout, elle n'avait jamais couru aussi vite et aussi longtemps. Elle se retourna et voyait les deux hommes qui n'étaient plus très loin, à seulement quelques mètres. Elle comprit rapidement qu'il en manquait un et en relevant la tête, elle l'aperçut en train de sauter de toit en toit. Ceci ne faisait que augmenter son inquiétude.
Quoi ?? Ils courent aussi sur les toits ?! C'est pas possible, ils sont trop forts ! Je suis fichue...
Épuisée et effrayée, la petite finit enfin par s'arrêter et se laissa tomber au sol. Elle resta assise par terre, en regardant le sol et en ne cessant de sangloter:

« Je me rends...laissez moi tranquille.

-Que se passe t'il ici ?! »

En entendant une voix étrangère, Espain releva la tête et une étrange sensation de soulagement parcourait tout son corps. Se tenait devant elle, une femme d'environ la quarantaine, avec des habits soignés, des cheveux courts et conduisant un magnifique cheval noir. Ses yeux marrons, rempli d'incompréhension et de colère, transperçait l'esprit de la rouquine qui finit par lâcher un immense soupir.

« Ma...Madame ! Aidez moi, on a été enlevés et je...

-Je ne comprend rien à ce que tu dis gamine. Parle en Munien. »

Le visage d'Espain se décomposa quand elle comprit que cette étrangère ne parlait pas non plus français. Quelle idiote elle était ! Elle aurait du prêter plus d'attention à Finut quand il enseignait à Guente les bases du langage Munien avant leur départ pour ce pays. Elle espérait qu'ils parleraient quand même un peu français...mais aucun mot ne lui semblait familier.

« Qu'est ce que tu fichais sur la route ? Tu as failli te prendre ma jument !

-Je...je... »

La petite se retourna et fut surprise de voir que les trois hommes qui la poursuivaient avaient disparus. Comment avaient ils pu s'enfuir aussi vite ? Est ce que c'était de la magie ?

« Ils étaient là...

-Hein ?

-Les méchants ! Ils étaient là !

-Qu'est ce que tu me racontes ? Tu parles Français, c'est ça ? »

En voyant que la petite ne représentait aucun danger, la cavalière descendit de sa jument et se dirigea vers Espain. Elle lui attrapa doucement le bras pour la calmer un peu:

« Je ne comprend à ce que tu dis. Mais mon cousin, Ropie, parle plusieurs langues. Il pourra t'aider.

-Hein ?

-Laisse tomber. »

L'étrangère fit signe à la rouquine de monter sur son cheval. D'abord hésitante, Espain finit par s'approcher de l'animal et la cavalière souleva la fillette pour qu'elle soit enfin assise et bien installée sur la jument. Depuis en bas, elle s'indiqua du bout du doigt, en regardant l'enfant dans les yeux et lui murmura un mot, en le répétant:

« Étide. Étide Territe.

-E...ÉTIDE ?! Vous vous appelez Étide ?!

-Je ne comprend pas mais je penses que tu as compris. »

Ensuite, Étide indiqua à Espain de se présenter. L'angoisse de l'enfant avait entièrement disparu, en comprenant qu'il s'agissait de la personne que Finut cherchait. Elle sourit à Étide et lança haut et fort:

« Espain ! Espain Voutoilier !

-Attends...VOUTOILIER ?! »

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Tags: #histoire