.oO- Coup de Théâtre (5) -Oo.
L'ambiance de classe changea du tout au tout. Chacun se demandait qui allait jouer quel rôle dans notre histoire, qui d'ailleurs semblait plaire à tout le monde. Même Chloé et Sabrina n'ont rien trouvé à redire dans notre prestation. Seulement, le sourire machiavélique scotché à son visage ne me plaît guère : Notre petite Bourgeoise avait une idée derrière la tête qui paraissait la ravir au plus haut point.
Rose me sortit de ma tétanie paranoïaque d'une petite pression sur le bras :
« Juju ? Tu viens ou tu préfères rêver ?
-Oh, euh oui, bien sûr. Juste, ça a sonné ?
-Euh, oui, Juju. T'es vraiment dans ton monde parfois, tu sais...
-Je sais, je sais...fais-je en rangeant mes feuilles dans ma pochette. N'empêche, c'était mortel notre présentation !
-A fond !, ajoute Rose en tirant sur la fermeture éclair de son sac à dos pastel. J'avais le cœur qui tambourinait dans ma poitrine, j'ai cru un moment qu'il allait exploser !
-Tu parles ! J'avais la même chose, et j'avais mal au ventre aussi ! Horrible...
-Au moins c'est fini ! On a réussi à présenter notre scenario, je suis trop fière de nous !
-C'est clair... Au fait, tu vas toujours chez ton oncle cette semaine ?, lui demandé-je en enfilant mon manteau noir sur les épaules.
-Ouais... Il est cool, mais je préfèrerais rentrer avec toi Juju...
-Allez... Je suis sûre qu'au fond tu rayonnes de joie de ne pas supporter ma tête de dépressive tout le trajet, lui lancé-je en envoyant un clin d'œil à mon amie de toujours.
-T'aimerais bien, hein ?, réplique-t-elle en riant. Allez, zou ! Tout le monde dehors !
-OK, OK, ça va, j'ai compris ! »
Nous sortons toutes les deux dans le froid ambiant, lorsque je me rappelle de la présence de l'écharpe dans mon sac. Nathanaël. Je salue donc Rose, qui coure ainsi prendre son bus, tandis que j'essaye de rattraper Nathanaël. Mais aucune trace de lui, ni dans la cour, ni dans la rue. Bah, tant pis, me dis-je en haussant les épaules, je la lui rendrai demain. Justement, je la sors de ma sacoche pour me l'enrouler autour du cou, afin d'affronter la bise glaciale de Paris.
Une fois à la maison, j'attache mes cheveux et m'attelle à mes devoirs de langue et de sciences sans trop d'envie. J'appelle Rose et nous les faisons toute les deux, elle m'aidant en sciences naturelles et moi en anglais. Une bonne heure plus tard, j'étais étendue de tout mon long sur mon lit à parler avec mon amie de la pièce qui chamboulait les esprits :
« Tu crois que la prof va choisir qui à ton avis ?
-Pour la princesse tu veux dire ?
-Ouais si tu veux commencer par ce rôle. Alors ? Tu penches pour qui ?
-Si ça ne tenais qu'à moi, je te désignerai direct, Rosie. Mais j'ai un affreux pressentiment avec Chloé. La prof va forcément choisir la fille du maire pour éviter qu'elle fasse un caprice.
-Pas faux, pas faux... Mais je ne suis pas sûre que Mlle Bustier donne forcément ce rôle à cette peste. Je verrais bien Marinette aussi. Avec Adrien dans le rôle du prince ça serai super mignon
-Au bras d'Adrien ? C'est vrai que maintenant que tu le dis... Ça peut être mimi... Elle pourrait enfin lui dire qu'elle aime Adrien.
-Toi aussi tu l'as remarqué ?
-De quoi ? Que Marinette craquait pour Adrien ?, lui réponds-je en souriant. Je crois qu'il est le seul à ne pas le savoir dans le collège.
-C'est vrai... Seulement, j'ai peur que si elle fait ça, elle risque de se prendre un râteau, annonce Rose en soupirant.
-Pourquoi ? A cause de Chloé ?
-Quoi ? Mais non enfin !, s'exclame-t-elle. T'imagines un peu ces deux-là ensemble ? Berk ! Non... Mais à ce qu'il paraît, il en pince pour Ladybug.
-La super héroïne ? Sérieusement ? Mais il ne sait même pas qui elle est vraiment !
-Je sais, je sais... Mais, heureusement pour elle, Marinette a un atout majeur dans sa poche pour faire craquer notre mannequin...
-Quoi donc ?
-Alya, bien sûr !, s'exclame-t-elle à l'autre bout du téléphone. A force de les faire se côtoyer, elle va finir par les mettre ensemble ! J'en suis sûre !
-Perso, je n'y crois pas trop, avoué-je d'un ton suspicieux. On ne peut pas forcer Adrien à aimer Marinette. Alya n'est pas Majestia ou Ladybug non plus !
-Tu as déjà vu Alya échouer, toi ?, lance Rose d'un air moqueur.
-Maintenant que tu le dis, je préfèrerai ne pas être sur son chemin, réponds-je en riant. C'est vrai qu'ils semblent fait l'un pour l'autre ces deux-là...
-Et toi ?
-Comment ça, « et moi » ?
-Il n'y a pas quelqu'un pour qui tu as un faible ?
-Rose ! C'est quoi cette question au juste ?, la réprimandé-je avec empressement, les joues de nouveau rouges.
Cette fois ci, je sais pourquoi je rougis. C'est parce que j'ai un peu honte de parler de ça avec Rose. C'est elle la romantique qui tombe amoureuse comme elle tombe malade, pas moi !
« Ben je ne sais pas, si ça se trouve, tu en pinces pour Nathanaël...
-Pardon ?, dis-je en me redressant d'un coup. Et d'où tu sors cette affirmation ?
-Vous semblez bien vous entendre, tous les deux..., sous-entend-elle en tentant de me tirer les vers du nez.
-Ouais, on est pote. C'est normal qu'on s'entende bien.
-Mais si tu l'aimerais tu me le dirais hein ?, insiste Rose. On est amie, toute les deux !
-Oui Rose, seulement là tu imagines des couples partout ! Redescend sur Terre, ma p'tite !
-Rhoo, t'exagères quand même..., râle-t-elle. T'es pas marrante.
-Si tu continues, je raccroche. On en parle, de ton Prince Ali ?
-Touchée, se rend-t-elle en riant. Mais tu ne m'enlèveras pas de l'idée que c'est toi qui dois jouer la princesse.
-Tu veux rire ? Moi, jouer une princesse ? Même pas la peine d'espérer ! Je serai quoi ? La Princesse Tristesse ? La Princesse Bafouille ? Ou pire : La Princesse de Vampires !, fis-je en prenant une voix faussement dramatique.
-Non. Tu serais la princesse Juleka, une belle et grande fille dans une belle robe mauve, qui dansera sur les planches au bras de son beau chevalier à la chevelure de feu.
-Tu veux parler de M. Raincomprix, bien sûr ?, ironisé-je tout en pouffant de rire.
-Évidemment !, me répond-elle, morte de rire à l'autre bout du téléphone. T'imagine un peu la scène ?
-Ça serait trop drôle ! »
C'est difficile de résister à l'envie de rigoler avec une conversation pareille. Nous partons vite dans nos délires et nous digressons de temps à autres. Mais notre conversation originelle refait subitement surface.
« En attendant, Marinette a bien travaillé sur les robes. J'espère qu'on va pouvoir fabriquer tous les costumes à temps.
-Et aussi trouver un financement, ajouté-je tout en contemplant le plafond de ma chambre. L'argent ne pousse pas encore dans les arbres.
-Et ta mère ? Tu crois qu'elle pourrait nous aider ?
-Je ne sais pas trop... Elle est pas mal occupée avec son spectacle... La dernière fois que je lui ai parlée, elle préparait les costumes pour « Le Lac des Cygnes ». J'ai peur qu'elle ne soit trop occupée pour notre spectacle à deux balles...
-Le Lac des Cygnes ? Wouah, la classe !
-Elle m'a dit que ses danseuses était si déconcentrées par leurs tenues qu'elles arrivaient à peine à se décrocher du grand miroir de la salle de répétition !
-En même temps, ta mère est si douée... Dommage qu'elle habite aussi loin maintenant...
-N'empêche, on a beau dire, si mes parents n'avaient pas divorcés et que je ne vivais pas avec mon père, on ne se serait jamais rencontrées, toutes les deux !
-C'est vrai, dit comme ça... Tu imagines un peu ?
-Qui m'aiderait avec ma SVT alors ?, fis-je d'un ton faussement triste, étouffant à grande peine un éclat de rire.
-Et qui me ferait mes exos d'anglais, renchérit-elle de la même manière en riant, ou la meilleure imitation de Spiderman au monde ?
-« Mais j'aime le pain ! », répliqué-je automatiquement, tout en l'entendant rire de bon cœur à ce délire qui datait de l'année dernière.
Une nouvelle crise de rire passe, puis on reparle de nouveau des costumes de Marinette :
« Pour ma mère, je vais attendre un peu avant de lui en parler, proposé-je, maintenant allongée sur le ventre. On verra bien comment Mlle Bustier organisera les choses. Pour l'instant, on va enfin savoir qui fait quoi...
-J'ai tellement hâte !
-Pareil. Je prie juste pour que ce ne soit pas Chloé qui fasse la princesse.
-Elle fait plus tyran que princesse. Elle m'a toujours fait penser à la Reine de Cœur dans Alice au Pays des Merveilles, me confie Rose d'un ton remplis de sous-entendus. Mais habillée en jaune.
-« Qu'on lui coupe la tête ! », m'exclamé-je d'une voix théâtrale et aigrelette, déclenchant une nouvelle vague de rire.
Nous continuons un peu de discuter, jusqu'à ce que j'entende mon père rentrer dans notre appartement. Je raccroche après avoir salué Rose, avant de sortir de ma chambre pour échanger un peu avec Papa. Après un repas calme voire même silencieux, je débarrasse mon assiette, et enchaîne avec ma douche. L'eau chaude me coule dans le dos, et mes cheveux noirs raides comme des baguettes pendent de chaque côté de ma tête et devant mes yeux.
Je repense à ce que m'a assuré ma meilleure amie tout à l'heure. D'après elle, je pourrais endosser le fameux rôle principal de la jeune fille. Je ne sais pas vraiment quoi en penser. Il est vrai que j'adore rejouer les scènes de mes films préférés, ainsi que de citer quelques répliques cultes avec elle ou lorsque je suis toute seule, mais monter devant un public m'est tout simplement impossible. Oui, j'aime bien faire la débile avec Rose lorsque nous sommes rien que toutes les deux, mais rien que le fait de parler devant la classe m'effraye au plus haut point. Non. Jamais je ne pourrais faire ça. Je veux bien aider, faire des costumes, peindre des décors, maquiller les acteurs, faire la coursière à droite-à-gauche, mais jamais je ne serai dans la lumière. Chloé a eu raison sur ce point-là : je ne suis pas faite pour ça.
Pourtant, tout en respirant à plein poumon la bonne odeur d'abricot et de romarin de mon gel douche, je me surprends à rêver. A rêver d'une autre moi, qui elle réaliserait tout ce que je suis incapable de faire : Parler librement aux autres, lancer des défis à tout bout de champs, aborder les garçons sans aucun soucis, ne plus avoir peur lors d'un exposé en classe, monter sur scène... Chanter, danser, jouer, rire, parler, sauter, courir sans craindre les critiques et les racontars. Etre moi, pour changer, et me ficher de l'avis des autres sur ma vie. Une belle idylle, une simple chimère qui pourtant me rassure et me fait songer à une autre vie, à une dimension parallèle où les gens tels que Chloé ne seraient pas là pour me détruire mon égo déjà bien fissuré.
Une fois dans ma chambre et changée pour la nuit, je branche mes écouteurs pour mettre un de mes albums de rock favori, avant d'essayer de m'endormir. Demain, je serai libérée. Marinette, Rose ou Chloé seront choisies pour le premier rôle, et je jouerais les figurantes dans les grandes scènes dans le fond. J'aiderai en coulisse et tout se passera bien... Oui... Exactement comme d'habitude.
Le lendemain, je me lève sans grande envie. Allez, c'est bientôt fini. Respire et tout va bien se passer. J'enfonce mon bonnet violet sur la tête, enfile mon manteau et enroule le cache-nez de Nathanaël autour de mon cou. Je sors de l'appartement, le verrouille, et descends les marches du bâtiment pour me rendre à l'école. Tout va bien se passer, me répété-je en boucle, il n'y a aucune raison d'être nerveuse.
La tension était à son comble dans la cours. Chacun y allait de son pronostic, et quelques paris ont été lancés sur le rôle de la princesse. Kim et Max gérait ces dits paris tels les traders de La Défense en criant dans la cour, tout comme des orateurs moyenâgeux. Le duo comique était plutôt populaire, mais c'est vrai que presque tout le collège était intéressé par cette affaire. Certains s'en fichaient, par contre, comme Élias et son groupe de mecs aux cheveux aussi gominés que la poupée Ken de Rose. D'autre par contre suivaient l'affaire avec attention, comme Marguerite, la grande sœur de Rose, et ses amies, à tourner autour des deux garçons comme des rapaces à la recherche des dernier ragots ou soupçons sur l'identité présumée des futurs acteurs.
Rose et moi, un peu à l'écart de cette agitation, restions dans notre coin sur notre banc habituel. Nous avions beaucoup rigolé lorsque Chloé, sortant de sa limousine blanche comme une star de cinéma pour rentrer d'une démarche chaloupée totalement ridicule. Son amie Sabrina tenait le sac haute couture blanc d'Espagne de Chloé, en plus du sien remplit à craquer de tous les livres de cours de la « princesse ». Je crois que Chloé doit au moins la payer pour ça, sois en liquide soit en nature en la couvrant de cadeaux. Personne de sensée n'accepterait de lui servir de groom sans contrepartie.
« Moi, même si elle me paye, jamais je ne serais son amie, me glisse Rose dans l'oreille, comme devinant mes pensées. Je ne tiendrais pas une seule journée seule avec elle à exaucer les moindre de ses caprices.
-Ça dépend combien elle me paye aussi, lui réponds-je en souriant. Je ne dirais pas non à un peu plus d'argent moi, si ça peut me permettre de manger avec toi.
-Toujours aussi pragmatique, toi, me lance Rose en me donnant un coup d'épaule amical.
-Mais nous sommes d'accord, précisé-je tout de même : ça sera une des pires journées de ma vie. »
La cloche sonne, interrompant là notre discussion de commères, et nous nous rangeons devant la salle comme nos autres camarades, tous excités comme des puces. Mlle Bustier arrive dans cette agitation de la salle des professeurs, et nous fait rentrer dans un brouhaha incroyable. Il a fallu qu'elle élève plusieurs fois la voix pour se faire entendre :
« Les enfants ! Calmez-vous voyons ! Si il n'y as pas le silence d'ici une minute, je ne vous dirais pas le casting retenu ! Si vous voulez bien vous taire, Monsieur Lahiffe, je pourrais enfin donner mes instructions
-Mais Madame ! s'exclame Nino d'un ton indigné. Ce n'est pas juste ! Je ne suis pas le seul à discuter !
-En attendant, c'est vous que je vois discuter à avec Miss Césaire, lui réplique sèchement la professeure d'un air agacé. Ça vaut pour vous aussi, Monsieur Lê Chiên, ajoute-t-elle à l'intention de Kim qui discutait allègrement avec Max et Alix.
Il se tait brusquement. Si notre professeure nous vouvoyait et nous appelait par nos nom de faille, c'était en général assez mauvais signe. Elle était agacée par notre comportement, mais il ne fallait pas s'en étonner non plus. On allait enfin savoir qui allait jouer les rôles, c'est normal qu'on ne tient plus en place. Mais ça avait le mérite d'être efficace : plus aucun bruit ne se fait entendre dans la salle.
« Bien. Alors, à propos de la pièce. Rose et son équipe a réussi à trouver une très bonne histoire. Et j'ai longuement hésité à sélectionner les rôles. Vous avez su créer tout un univers autour du conte, s'en était époustouflant, complimente Mlle Bustier. Chacun de vous aura donc un rôle dans cette histoire. »
Une vague de chuchotement frénétique se répand dans la classe. Tout le monde jouera un personnage utile dans l'histoire. Je ne sais pas si c'est bon signe ou non, pour moi, mais Mlle Bustier enchaîne son discours, pendant que les chuchotis cessèrent progressivement.
« Alors, je ne vais pas vous faire attendre plus longtemps. Les deux rôles les plus importants de l'histoire, à savoir la jeune fille et son prince, seront joués par...
La tension de la classe avait atteint son paroxysme. Tous les élèves retenaient leurs souffles, certains avec appréhension, d'autre avec angoisse, certain avec un calme olympien.
Chloé fermais les yeux d'un air confiant, un petit sourire assuré au bout des lèvres. Adrien est appuyé contre son bras à côté de Nino, buvant toutes les paroles de notre professeure. Marinette croise les doigts et tient discrètement la main d'Alya sous son bureau. Rose me jette un regard en biais, mi excité, mi réconfortant. L'estomac noué, les bras tremblants, j'attends la réponse de Mlle Bustier, angoissée au possible...
« ... Juleka et Nathanaël ! »
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